Le Roman de Renart/Aventure 35

Traduction par Paulin Paris.
Texte établi par Paulin ParisJ. Techener (p. 205-207).

TRENTE-CINQUIÈME AVENTURE.

Du parlement d’Ysengrin avec tous ses parens et amis, et de l’arrivée des deux barons et de leurs alliés, en présence de saint Rooniaus.



Ysengrin approuva grandement la pensée de Rooniaus. Tout joyeux de la visite, il prend congé de son allié, retourne dans la forêt et se met en quête de ses amis. Il ne leur envoie pas de message, mais se rend lui-même chez eux, en bois, en plaines, en montagnes. Bientôt arrivèrent à son hôtel Brichemer le sénéchal, la tête haute, la démarche assurée ; damp Brun l’ours, Baucent le sanglier, Musart le chamois, le Léopart, le Tigre, la Panthère, l’enchanteur Cointereau nouvellement arrivé d’Espagne, lequel sans trop se soucier de l’un ou l’autre des plaideurs, venoit pourtant se ranger par curiosité du côté d’Ysengrin. « Seigneurs » leur dit celui-ci, « je vous ai tous réunis dans l’espoir de trouver bon secours en vous. » Tous alors, étrangers ou familiers, parens ou amis, s’engagent à ne pas se séparer, avant d’avoir obtenu pour lui satisfaction complète. Tels étoient donc les appuis d’Ysengrin. Renart, de son côté, pouvoit compter sur autant de défenseurs de sa querelle. Son porte-oriflamme étoit Fouinet le putois ; Tybert le chat suivoit de près ; il n’aimoit pas Renart, mais il étoit enchaîné par les devoirs de la parenté ; Grimbert, porteur de la semonce, ne pouvoit non plus refuser son appui, en sa qualité de cousin-germain. Rousselet l’écureuil arriva trottant, puis Gente la marmotte, Courte la taupe, damp Pelé le rat, damp Couart le lièvre, la Loutre, la Marte, Bièvre le castor, le Hérisson, la Belette ; le Fourmi, fièrement et l’un des premiers, vint garantir l’appui de ses bras à Renart ; pour damp Galopin le lapin, il s’excusa de venir dans une assemblée qui lui donnoit trop d’inquiétudes, et l’on prit en considération ses motifs d’abstention.

Renart se hâta de conduire cette noble compagnie aux abords du village où le plaid devoit être tenu. Ysengrin et tous ses amis les avoit précédés. Il y eut à l’abord quelques difficultés ; mais on convint enfin qu’Ysengrin occuperait la vallée et Renart la montagne. Entre les deux camps, sur le fossé, damp Rooniaus, le cou replié et la langue tirée, ne remuoit ni pieds ni tête. À quelque distance et cachés par un verger se tenoient tous les amis que l’on sait ; ils pouvoient être une centaine, que lices que mâtins, tous animés des mêmes sentimens contre l’ennemi d’Ysengrin.