Le Roman d’un enfant/74
LXXIV
M’éveillant le lendemain matin, avec le souvenir en soubresaut de quelque chose d’heureux, avec de la joie tout au fond de moi-même, je vis d’abord un objet à silhouette extraordinaire, qui était dans ma chambre sur une table : une pirogue de là-bas évidemment, très svelte et très étrange, avec son balancier et ses voiles ! Puis mes yeux rencontrèrent d’autres objets inconnus : des colliers en coquilles enfilés de cheveux humains, des coiffures de plumes, des ornements d’une sauvagerie primitive et sombre, accrochés un peu partout, comme si la lointaine Polynésie fût venue à moi pendant mon sommeil… Donc, il avait commencé de faire ouvrir ses caisses, mon frère, et il avait dû entrer sans bruit pendant que je dormais encore, pour s’amuser à grouper autour de moi ces cadeaux destinés à mon musée.
Je me levai bien vite pour aller le retrouver : je l’avais à peine vu la veille au soir !…