Le Roman d’un enfant/63
LXIII
J’ai déjà dit que j’avais toujours été beaucoup plus enfant que mon âge. Si on pouvait mettre en présence le personnage que j’étais alors et quelques-uns de ces petits Parisiens de douze ou treize ans élevés par les méthodes les plus perfectionnées et les plus modernes, qui déjà déclament, pérorent, ont des idées en politique, me glacent par leurs conversations, comme ce serait drôle et avec quel dédain ils me traiteraient !
Je m’étonne moi-même de la dose d’enfantillage que je conservais pour certaines choses, car, en fait d’art et de rêve, malgré le manque de procédé, le manque d’acquis, j’allais bien plus loin et plus haut qu’à présent, c’est incontestable ; et, si ce grimoire enroulé sur un roseau, dont je parlais tout à l’heure, existait encore, il vaudrait vingt fois ces notes pâles, sur lesquelles il me semble déjà qu’on a secoué de la cendre.