A. Méricant (p. 25-110).

L’EMPRISE DES FEMMES

Ce qu’ont été les femmes dans la jeunesse et dans la vie de Napoléon. — Son sentiment de mépris pour l’amour. — Dans quelle mesure y participent les femmes. — Son fils ne se trouve dans aucune de ces conditions. — Le rôle que jouent les femmes dans sa vie de 1811 à 1815. — Point de mère : l’Impératrice. — Ses rapports avec l’enfant. — La pitié féminine va vers lui à l’heure des catastrophes. — L’Autriche le sépare des femmes françaises. — On en fera un capucin. — Il est livré à des gouverneurs. — Sources des renseignements sur sa psychologie. — Prokesch, Marmont, Montbel, Barthélemy. — Le degré de créance que mérite chacun d’eux. — Ce qu’on sait de l’adolescence du captif. — Vis-à-vis de l’amour, est-ce un anormal ? — Ses confidences sur ce chapitre. — Attraction qu’il exerce sur les femmes. — Les raisons. — Est-il beau ? — C’est un romantique. — Notice complémentaire.

I

L’influence de l’éducation première dans la manifestation de l’amour chez l’adolescent, n’est point contestable. Sans en multiplier les exemples, sans en appeler à des témoignages pittoresques, on peut s’en tenir à la leçon que fournit Napoléon. Sans doute, chez lui, le tempérament prend souvent le dessus sur l’éducation, la race se manifeste quelquefois avec un sursaut de violence, mais la part des circonstances spéciales faite, condamnation passée sur certaines exceptions, l’amour chez Napoléon demeure corse. Corse dans le mépris qu’il a pour les voluptés languissantes ; corse dans l’avarice qu’il met à accorder du temps à son plaisir ; corse, enfin, dans la considération purement hygiénique qu’il a pour ce même plaisir. Point de passion là-dedans. S’il n’exclut pas Mme Walewska de son souvenir, c’est qu’elle a, pour se rappeler à lui, l’enfant né au lendemain de Wagram, et qu’aussi sa conquête s’est entourée de circonstances qui la peuvent rendre chère à la mémoire sensible[1]. Mais pour toutes, et toujours, Napoléon est bref. L’Empire a droit à des plus hauts et plus tendres soins.

Sa jeunesse a été celle de tous les enfants de Corse : rude, forte, sans concessions à la sentimentalité, indisciplinée, rebelle et libre. Dans l’Ile l’homme est le chef de la famille à la manière antique. Il commande, ordonne la vie de la maison, ne rend point compte à l’épouse, promulgue dans l’étendue de son domaine et réduit la femme au rôle ménager[2]. Les conditions de vie se prononcent donc elles-mêmes contre les tendresses inutiles. L’amour est borné à la passivité chez la femme, passivité qui n’exclut ni l’ardeur ni la passion. Pour son plaisir, l’homme choisit son heure, et sa volonté seule en décide. Sur le cœur de Napoléon, l’amour n’a point d’autre prise. Sans doute, au début de son mariage avec Joséphine, il n’est pas d’amant qui l’égale en fougue bondissante et dévorante, mais c’est qu’alors il en était à sa première passion, et quelle passion ! Son heure d’ivresse et d’ardeur passée, il commande à son cœur comme à ses sens, et ses heures d’amour se chiffrent au nombre de ses passades. Ses maîtresses il les prend pour une heure. S’il n’était que général, la liaison durerait un an. Il est empereur, et elle ne dure qu’un mois, et encore ! Point de « scènes » relevant de la comédie ou du drame de l’amour ; il répugne à ces spectacles de la pudeur vaine qui se défend pour ne céder qu’à des supplications. Comédie ! comédie ! Son temps est précieux. Il est corse. Rien de pareil pour son fils.

Naissance, milieu, éducation, tout diffère pour le Roi de Rome de ce qui fut l’atmosphère de jeunesse de Napoléon. Il naît, comme dominé déjà, dirait-on, par la volonté corse. Qu’est-ce d’autre que cet article VII du sénatus-consulte du 17 février 1810, promulgué plus d’un an avant la naissance de l’enfant : « Le prince impérial porte le titre et reçoit les honneurs de Roi de Rome » ? La volonté paternelle a, en quelque sorte décrété cette naissance. Pour elle on ressuscitera le cérémonial de l’ancienne France, on compulsera l’étiquette des monarchies périmées, et ce qui sera proposé à l’acclamation populaire, aux chants des poètes, à la joie agenouillée des royautés feudataires de l’Empire, aux batteries d’allégresse tirées dans les solennelles tenues des loges maçonniques, ce ne sera point le petit-fils d’un hobereau corse, mais bien l’Enfant de France, le fils d’un empereur français, tenant tout du peuple français, et soumis, avec sa cour, au mode de la vie française.

Dès son premier jour, l’enfant sera enfermé dans les règles de l’Étiquette de sa Maison, car il a une Maison aux appointements de 157.860 frs[3]. Il recevra soins et honneurs de dignitaires ayant prêté serment, et peu importe que ces dignitaires soient des femmes : elles ont été, hors la famille, choisies pour une fonction, une charge. Elles l’exécutent, la gouvernante pour 40.000 frs par an ; les sous-gouvernantes pour 12.000 frs, et ainsi de suite, jusqu’aux berceuses à 2.400 frs[4]. C’est un personnel, ce n’est point une famille. La gouvernante a beau être un modèle de sage fermeté, de noble vertu, être Montesquiou, ce qui n’est rien, mais honorée de la confiance de l’Empereur, ce qui est tout, être pleine d’affection, de soins et d’attentions[5], est-ce là la mère ? La mère ! c’est par elle que l’enfant se pénètre dès ses premiers jours de la tendresse qui ouatera ses peines puériles, c’est elle qui forme le fonds de sa sensibilité, l’imprègne de ce qui le doit rendre perméable à la sensation directe et intime ; c’est elle qui, dans cette chair arrachée de sa chair, rétablit le courant de l’émotion et le relie par elle à la race dont il est né. La mère sous-traite, dérobée à cette fonction naturelle, qui la remplacera ? Ce n’est assurément point la vertu et l’austérité de Mme de Montesquiou qui occupe là dignement, noblement, sa charge, charge extérieure et matérielle, sans rien de plus. À l’enfant qui grandit elle enseignera ce qui fait l’homme, l’honneur, la droiture, la probité, elle lui inculquera les idées inhérentes à sa fonction sociale, à son rôle princier, mais le reste ? Ce reste appartient à la mère, et où la mère ?

S’occuper de l’enfant, assurément, ce n’est point là son rôle. L’Empereur a épousé un « Ventre ». Dès l’instant où la fonction est accomplie, l’espoir réalisé, l’Impératrice redevient la souveraine. Elle reprend la seconde partie de son rôle : celui de présider à la dignité du palais impérial où elle règne, dont elle fait les honneurs quand le chef est parti à la guerre ou demeure penché sur les papiers épars sous la lampe des nocturnes travaux. Dans sa vie quotidienne, réglée heure par heure, l’enfant a son instant. Il vient, on le caresse, on l’emporte. Cela hier, cela aujourd’hui, cela demain. Règle uniforme qui n’a ses exceptions qu’aux voyages à travers l’Europe ou dans les palais impériaux.

Visite méthodique, d’étiquette, qui rejoint la mère et le fils pendant une heure à peine, ne permet point le rapprochement naturel, et de semaine en semaine, creuse entre eux le fossé qui ne se comblera plus. Dès 1811, Marie-Louise est habituée à vivre, de jour en jour, vingt-quatre heures loin de son fils ; en 1814, ce seront des semaines ; dès 1815 des mois. Nul déchirement dans cette séparation : l’enfant est résigné, semble-t-il ; pour la mère, mieux encore, elle est habituée. Dès lors tout est simple désormais. Leurs vies se continuent sans secousses. Qu’ont-elles eu de commun dans l’intimité de la tendresse ?

Cette tendresse absente, il a donc fallu à l’enfant, la chercher en des cœurs étrangers. Autour de lui sa gouvernante, des femmes, ses berceuses, ont créé l’atmosphère amie du foyer dont sa grandeur l’écarte. Mais, de la nuance de cette affection qu’a-t-il pu discerner ? Peu, rien en somme. En 1814, il a trois ans, et si l’adulation des courtisans lui accorde une intelligence qui touche au prodige, il en faut, à la vérité, rabattre. À trois ans il est ce que sont les enfants normaux à son âge, plein de santé, vif, alerte, joueur. Alors seulement les premières sensations le touchent, mais le touchent-elles au point de lui faire percevoir que l’affection de ces jours du malheur et du désastre s’enveloppe, pour lui, d’une pitié toute féminine ? Et cela même, combien peu de jours en a-t-il à goûter la délicate amertume que l’âge lui refuse ! Il suffit de rappeler ici des faits connus, de dire comment Mme de Montesquiou, fidèle à ses serments et à sa charge, accompagna l’enfant, confié à la vigilance de son honneur, à Vienne. Résolue à garder le petit roi désormais sans trône, en otage, l’Autriche le sépara violemment de sa gouvernante et de son entourage français, sous le prétexte du complot d’un enlèvement. Le danger n’était point là, dans le fait. Il était dans la fidélité et le sentiment national de la gouvernante. Sans le lui dire, on le lui fit bien voir. « Cette pauvre dame a été traitée avec bien de la rigueur, écrivait le baron de Méneval à Caulaincourt ; elle est reléguée dans un petit appartement de deux pièces dans une maison particulière de Vienne[6]. » Quand le danger fut passé et que Napoléon fut déporté vers les tropiques, on relâcha la gouvernante. La serre de la noire aigle bicéphale s’était refermée sur l’orphelin.

De la Française exilée, le petit roi tomba aux mains d’une Autrichienne : la veuve du général Mitrowsky, la future Mme Scarampi qui, dans l’intimité de Marie-Louise, à Parme, joua le rôle que l’on sait. De toute sa Maison de Paris, trois femmes obscures et humbles lui étaient demeurées : Mme Marchand, Mme Soufflot et sa fille. En octobre 1815, les deux dernières partirent, remerciées, renvoyées. Près du « petit Bonaparte », comme l’appelaient les gens de Vienne[7], resta seule Mme Marchand, la mère du valet de chambre de l’Empereur à Sainte-Hélène. Cette main de servante fut la dernière main française qui servit l’enfant. Elle lui coupa une boucle de cheveux et, par une ruse simple, naïve, populaire, fit franchir à cette boucle légère et blonde les océans, les lignes des sentinelles ennemies gardant le roc sacré, et donna ainsi au déporté le seul présent auquel il fut sensible désormais. On l’apprit. Ce fut une occasion. Mme Marchand quitta Vienne le 27 février 1816. La dernière attache du Roi de Rome avec la France fut ainsi rompue. Désormais il était aux mains de l’oligarchie de la Sainte-Alliance, représentée en l’occasion par un prince qui s’intitulait, par des anachronismes moyenâgeux : roi de Jérusalem, de Hongrie, de Bohême, de Lombardie, de Venise, de Dalmatie, de Croatie, d’Esclavonie, de Galicie, de Lodomérie et d’Illyrie, archiduc d’Autriche, duc de Lorraine, de Salzbourg, de Styrie, de Carinthie, de Carniole, de la Haute et Basse-Silésie, grand prince de Transylvanie, margrave de Moravie, comte princier de Habsbourg et du Tyrol[8], monarque in-partibus, souverain incognito, et beau-père de l’Empereur des Français.

Tel, cependant, seul, sans défense, sans mère, l’orphelin causait des soucis. On évoqua pour lui le souvenir de ces princes détrônés, qu’aux siècles de la foi, on enfermait dans des cloîtres, cheveux ras, sous la bure du froc. « Quel dommage ! on en fera un capucin ! » dit une femme de chambre de Marie-Louise, en juillet 1815, le voyant faire quelques gentillesses[9]. On y songeait, en effet, fort sérieusement. C’était « le propos le plus généralement répété[10] ». Le czar, le roi de Prusse et l’Empereur d’Autriche semblèrent en avoir ainsi décidé à l’égard de l’enfant, afin « de le placer dans une catégorie qui ne lui permette point de se livrer à des entreprises dangereuses[11] ». Le fils de Napoléon, capucin ! Tout de même ils hésitèrent et songèrent à l’histoire dont ils relevaient. Ils discutèrent de la valeur de l’otage tombé en leurs mains et, pour en faire à la France monarchique un sûr et permanent épouvantail, ils l’affublèrent d’un uniforme. La politique de la Sainte-Alliance allait jouer du spectre bonapartiste. Au surplus, point de surprise à craindre. L’enfant était à eux, exclu par eux de la succession de sa mère, et cette mère elle-même, pour pouvoir économiser 500.000 frs par an à Parme, qui « assureraient à son fils, après elle, une existence indépendante[12] », cette mère le livrait en garantie de sa soumission, en gage de son abdication. Dès lors, entre toute tendresse féminine, entre toute consolation maternelle et familiale et l’enfant abandonné, un mur fut élevé. Toute femme chassée, l’orphelin fut livré aux hommes, et l’éducation des gouverneurs, des précepteurs militaires commença. Il avait un peu plus de quatre ans.
II

Telle est la situation morale du fils de Napoléon à l’instant où nous le prenons. Pour en connaître les détails, pour en analyser l’atmosphère, il importe de contrôler les sources qui nous renseignent à cet égard. Ces sources sont peu nombreuses, presque directes et faciles à discuter.

Le premier témoignage, capital, unique en somme, émane du chevalier de Prokesch-Osten. En effet, dès 1815, Méneval disparaît, quitte Vienne, et ce qu’il peut écrire de l’enfant n’est que l’écho des bruits vagues, dénaturés, qui en parviennent en France. Prokesch, au contraire, est à la source même, dans l’intimité du duc, et dès lors ce qu’il dit prend une importance de premier ordre.

Né à Gratz le 10 décembre 1795, le chevalier de Prokesch débuta dans la carrière militaire comme attaché au cabinet de l’archiduc Charles, en 1815. Sa fortune fut assez rapide. En 1816, professeur de mathématiques à l’École des cadets d’Olmutz ; en 1818, adjudant du feld-maréchal de Schwarzenberg ; en 1821, premier lieutenant au quartier général de l’état-major ; en 1823, capitaine d’infanterie à Trieste ; en 1824, chargé de missions en Grèce, Asie Mineure, Turquie et Égypte ; en 1828, chef de l’état-major de la flotte contre l’amiral Dandolo ; en 1830, major de la marine autrichienne[13]. C’est en ce moment qu’il fait la rencontre du jeune capitaine du Kaiser-Jaeger, duc de Reichstadt.

Cette rencontre eut lieu en juin 1830, à Gratz où se trouvait alors l’Empereur d’Autriche. Invité à un dîner de la cour, Prokesch se trouva placé à côté du fils de Napoléon. Au jeune homme, le nom du chevalier n’était point inconnu, grâce à un travail sur Les Batailles de Ligny, de Quatre-Bras et de Waterloo, publié en 1818 par la Revue militaire autrichienne. L’admiration de Prokesch pour Napoléon lui facilitera la sympathie du duc. Leurs relations ébauchées à Gratz n’en demeurèrent point là. Ils se revirent souvent, échangèrent des confidences, et de 1830 à 1832, cette amitié solide, confiante, dura, prolongée par une correspondance assez active aux mois de séparation, en 1831, par exemple, lors du départ de Prokesch nommé chef d’état-major à Bologne.

Le chevalier a donc connu le duc pendant un peu moins de deux ans. Il a eu avec lui des entretiens privés, intimes, qui ayant paru suspects à Metternich firent placer Prokesch dans une sorte de demi-disgrâce. Le prince lui reprochait de favoriser et d’exciter les visées ambitieuses du duc, et, de fait, Prokesch confesse qu’il lui parla du trône de Grèce et de la possibilité de son avènement à cette royauté. Et « cette idée lui souriait[14] ». L’intimité entre les deux hommes n’est donc point contestable, d’ailleurs les lettres du duc au chevalier en témoignent. Elle alla aux confidences les plus délicates. C’est par Prokesch que nous connaissons les sentiments du jeune homme captif sur les femmes et l’amour ; c’est lui encore qui apporte des éclaircissements à ses aventures passionnelles et la réserve extrême qu’il y met, est une sûre garantie de sa bonne foi.

Sur ce terrain délicat, Prokesch est le seul auquel on puisse accorder créance, et ce malgré ce qu’on puisse dire de ses inexactitudes. En effet, M. Frédéric Masson l’accuse de manquer de précision et de preuves. À l’appui de ses dires, il cite une assertion de Prokesch que nous aurons à discuter plus loin, et qui ne constitue pas la barre d’illégitimité que l’historien de Napoléon et son fils prétend tracer sur le livre du confident.

Ce livre parut l’année même de la mort du duc de Reichstadt, sous le titre de Lettre sur la mort du duc de Reichstadt, par un de ses amis, à Brisgau. Cette publication anonyme avait reçu l’approbation de Metternich. On ne doit point s’en étonner. Elle ne touchait aucunement aux questions irritantes et périlleuses de la politique. En 1842, elle reparut à Stuttgart, au tome IV des Opuscules de Prokesch. Enfin, augmentée, corrigée, plus complète, définitive en somme, elle figura dans le premier volume des œuvres de l’auteur, publiées à Stuttgart en 1878, sous le titre nouveau : Mein verhaeltniss zum Herzog von Reichstadt, et, la même année, la traduction française était publiée à Paris : Mes relations avec le duc de Reichstadt, celle-là même que nous citerons au cours de ce travail.

Prokesch, cependant, à vrai dire, n’était point le premier à apporter des renseignements sur l’illustre prisonnier. Dès 1829 avait paru en France, tiré, semble-t-il, à 1.100 exemplaires, le poème de Méry et Barthélemy : Le Fils de l’Homme, ou Souvenirs de Vienne. « Le Fils de l’Homme ! de quel homme ? » s’écriait le procureur du roi M. Menjaud de Dammartin, lors des poursuites qu’intenta la Restauration à Barthélemy, reconnu seul coupable de la rédaction du poème attentatoire aux droits du souverain. « De quel homme ? Sans doute de cet homme dont les agitateurs s’efforcent sans cesse d’évoquer le fantôme. Pour qu’il n’y ait pas d’incertitude, l’auteur ajoute un second titre : ou Souvenirs de Vienne. Vous le voyez, Souvenirs de Vienne, de la résidence habituelle du duc de Reichstadt. Vous appréciez déjà, messieurs, dans quel esprit est conçu ce livre et ce que promet ce double titre[15]. » À la vérité, cet esprit était bien fait pour donner la quiétude la plus complète au gouvernement. Le Roi de Rome y était représenté comme abêti par l’éducation de ses précepteurs, écrasé par leur tutelle, impuissant à jouer le grand rôle auquel ses destins l’appelaient. Qui ce fantôme d’Empire pouvait-il effrayer ? Pour rendre ses affirmations incontestables et marquer ses dires d’une empreinte véridique, Barthélemy, qui était allé à Vienne pour offrir son volume : Napoléon en Égypte au duc de Reichstadt, publiait une conversation qu’il avait eue avec le comte Maurice de Dietrichstein, précepteur du prince.

Depuis le 30 juin 1815, Dietrichstein occupait cette charge de confiance. Né le 19 février 1775, il avait débuté dans le service militaire en 1791 et pris sa retraite en 1800, ayant à son actif les campagnes de Belgique, d’Allemagne et d’Italie, – contre la France. Chambellan de l’Empereur d’Autriche en 1814, il avait donné des gages de loyalisme suffisants pour obtenir le poste qu’il devait garder jusqu’au mois de septembre 1831[16].

Il dit en prose ce que Barthélemy répéta en vers : à savoir que le duc était dans la dépendance absolue de ses gouverneurs ; qu’il ne lisait que ce qu’il leur plaisait de lui laisser lire ; qu’il était parfaitement heureux de son sort ; qu’enfin, toute idée de retour en France, écartée de lui, ne lui souriait aucunement. Et le gouverneur ajouta : « Répétez tout ceci à vos compatriotes ; désabusez-les, s’il est possible. Je ne vous demande pas le secret de tout ce que j’ai pu vous dire ; bien au contraire, je vous prie, à votre retour en France, de le publier et même de l’écrire si bon vous semble[17]. » Barthélemy ne se douta point de la malice de Dietrichstein. Candidement il suivit son conseil, écrivit et publia cette déclaration qui devait abattre les derniers espoirs des fidèles attendant le retour du Fils. On se laissa prendre à la tactique roublarde de cette manœuvre. On crut le prisonnier détaché à jamais du souvenir de la Patrie, annihilé par la politique, et mené, par l’éducation autrichienne, à l’abdication de tous ses hauts destins. Ceci semble n’avoir jamais été dit et souligné. Il le faut signaler, car à la déclaration de Dietrichstein, Autrichien, on peut, on doit opposer le démenti tacite, nettement formulé, de cet autre Autrichien : Prokesch. On comprend ainsi pourquoi le témoignage du gouverneur doit être rejeté en bloc, dans son ensemble comme dans ses détails, hormis un seul qui, confirmé par Prokesch, devra être étudié, analysé, discuté lorsque nous aurons à étudier l’aventure de la comtesse Napoléone Camerata.

Un autre gouverneur du duc a parlé : Foresti, mais le témoignage de celui-ci porte sur des points insignifiants, sur des détails d’éducation et des matières d’enseignement, qui ne peuvent être recueillis qu’à titre purement anecdotique. Et, dans ces dires même, pour ce qui peut toucher à la mentalité ou à la psychologie du prince, quelle créance doit-il mériter ? En quelle mesure est-il plus digne de foi que le comte de Dietrichstein ? Lui, Jean-Baptiste Foresti, né à Trente, dans le Tyrol méridional, est sorti comme enseigne de l’Académie du génie de Vienne. Dans l’infanterie, lors de la campagne d’Italie, il s’est battu contre la France. Cela l’a fait capitaine en 1810 et, en septembre 1815, professeur du « petit Bonaparte » pour les mathématiques, la stratégie et l’italien[18]. Prokesch ne donne pas une haute et brillante idée de ses qualités morales. « C’est, dit-il, un homme grave et simple, plein de soumission et de passivité, comme la cour les aime, sans éclat, sans éducation, sans goût pour l’art et la poésie, médiocre mais honnête, fait pour être éducateur dans une maison bourgeoise[19]. » Ce qui, en moins de mots, veut dire que Foresti ne parle que de ce qu’on veut bien qu’il parle. De fait, de ses confidences rien à tirer.

Ces confidences, au lendemain de la mort même du duc, le professeur les a faites au comte Guillaume-Isidore, baron de Montbel[20]. La Révolution de juillet 1830 jeta Montbel, particulièrement menacé en signataire des fatales Ordonnances, comme une épave de la monarchie en déroute, à Vienne[21].

Il y recueillit, sous les auspices de Metternich lui-même, des documents et des renseignements nécessaires à la biographie du duc. Ce patronage le rend naturellement suspect. « Force était bien à M. de Montbel de faire un grand monarque du souverain paternel et débonnaire qui donnait l’hospitalité à Charles X, un incomparable homme d’État du chancelier qui lui avait fourni des documents ; les plus élémentaires convenances lui interdisaient de représenter Marie-Louise autrement que comme une épouse irréprochable et une mère modèle[22]. » À ces raisons on ne saurait ajouter. Elles ruinent le livre de Montbel en ce qu’il peut ajouter au témoignage de Prokesch. Quant au reste, Prokesch en a fourni lui-même les éléments, ceux-là qu’on retrouve dans sa brochure, ce qui permet, en effet, d’écrire que « Montbel ne fait que redire Prokesch[23] ». En résumé, jusqu’à présent on se trouve en présence de deux sources : celle de Prokesch, rééditée par Montbel avec des variantes insignifiantes et des additions suspectes ; celle de Dietrichstein, par Barthélemy, viciée en ce qu’elle constitue une manœuvre à fond politique. Toutes deux sont récusées par M. Frédéric

Masson, la première en lui paraissant suspecte ; la seconde étant passée sous silence. Demeure la troisième : Marmont. Le maréchal a été, comme Montbel, jeté aux rives de l’exil par les Trois Glorieuses. Il est arrivé à Vienne vers la fin de 1830, et Metternich a autorisé sa rencontre avec le duc. Mieux encore : il a permis des entretiens, transformés en véritables leçons d’histoire pour le jeune homme, en défenses et plaidoiries pour le traître d’Essonnes, « la grosse épaulette » infidèle au serment juré à son empereur.

De cela, Marmont rapporte un portrait du duc dédicacé des quatre vers de Phèdre, arrangés pour la circonstance :

Arrivé près demoi, par un zèle sincère[24],
Tu me contais alors l’histoire de mon père.
Tu sais combien mon âme attentive à ta voix
S’échauffait au récit de ses nobles exploits.


Le portrait est mauvais, mais les vers sont significatifs et constituent un noble certificat. Comment Marmont l’a-t-il obtenu ? À cette question M. Frédéric Masson répond par trois hypothèses : « D’une bonne foi surprise, d’une ignorance entière ou d’une inconscience absolue[25]. » Instinctivement on penche vers la première des trois suppositions. M. Frédéric Masson, directement, lui, opte pour la seconde, et en conclut : « Marmont mérite donc créance[26]. » Le témoignage est-il donc important à ce point ? Ce qu’apporte le maréchal est-il donc d’un inédit et d’un imprévu aussi capital ? À le croire, on exagérerait singulièrement la valeur de ses dires. Il est évident qu’il a lu Prokesch et Montbel et les quelques pages qu’il consacre au duc de Reichstadt résument les conclusions de leur enquête, et adoptent leurs opinions. Ce qu’il y a de neuf dans ce témoignage, – et cette nouveauté est la seule, – ce sont les circonstances entourant la rencontre. Elles touchent à des points psychologiques qui ne relèvent point de nos investigations. Ce que nous retiendrons ici, de ce témoignage, c’est la partie purement extérieure, contrôlable en une certaine mesure, et pouvant être admise, comparaison faite avec d’autres textes.

De ces trois sources, les deux dernières répètent la première. Quant au reste, aux biographes de 1832 à 1853, ils ne peuvent être consultés qu’en ce qu’ils apportent en contribution à la légende. Ce qui se trouve en eux c’est l’écho de l’espérance française, c’est la rumeur sourde, tenace des bruits venus, – comment ? par qui ? – d’Autriche, les bases de l’acte d’accusation contre les geôliers de la Sainte-Alliance, la déposition des fidèles qui ont entendu et n’ont rien vu. Le soupçon contradictoire de la foule anonyme prend corps chez eux, et, par Prokesch et Montbel démarqués, ils font attester devant leurs temps crédules, ce qu’il leur plaît, et ce dont naîtra, mélancolique et mensongère, la légende de l’orphelin captif.

III

Ces réserves faites et les sources premières expliquées, voyons ce qu’elles nous livrent de la psychologie sentimentale du duc de Reichstadt. Grâce à elles nous pourrons éclairer certaines anecdotes par la suite, et examiner la véracité de quelques dires et juger de la valeur de plusieurs hypothèses.

Des menus faits de l’enfance, peu à retenir. Foresti raconte que, petit, alors qu’il s’amusait à monter la garde devant la porte de son grand-père, l’orphelin présentait, avec beaucoup de gravité, les armes à tous les gens de cour. Il s’évitait cette peine à l’égard des femmes. « Quelqu’un s’amusa à lui en faire des reproches. » « Je suis prêt, répondit-il avec vivacité, à présenter aux dames tout... excepté les armes[27]. » Le moyen de croire à l’anecdote rapportée en ces termes ? Cela paraît assez difficile, surtout à l’époque où on la situe. Ce que note, au mois de juillet 1817, la baronne du Montet sur son carnet, paraît plus probant. « Il rougit souvent, dit-elle ; ma belle-mère voulait le faire passer devant elle pour entrer au jardin. — Je sais trop ce que je dois aux dames, a-t-il répondu gentiment[28]. » L’enfant, alors, a un peu plus de six ans. À six ans de là, vers 1823, le ton paraît changé et semble révéler dans l’esprit de l’enfant quelque chose de prime-sautier, avec une pointe d’impertinence qu’il ne tient certes pas de son père. « Un jour il affirmait devant une dame d’honneur très coquette, et déjà sur le retour que la France était un beau pays ; et comme la dame lui répondait sèchement : « Il était plus beau il y a douze ans. — Et vous aussi ! » osa-t-il répliquer[29]. Quelles notions tirer de là ? À vrai dire aucune. Ce ne sont que reparties d’enfant, la première contredisant l’autre. Le duc a alors douze ans et la discipline de ses gouverneurs pèse sur lui. Y échappe-t-il ? Oui, à en croire une lettre diplomatique, par conséquent suspecte par cela même. « Il a un éloignement absolu pour toute espèce d’occupation sérieuse », écrit-on en 1825[30]. Affirmation qui paraît peu croyable, quand on sait le cercle rude dans lequel l’enfant est enfermé et la cour morne à laquelle se borne son horizon. Jusqu’à l’âge de dix-neuf ans il sera là comme en une cage, surveillé, gardé, à peine prisonnier, mais... C’est ce que dit Dietrichstein, en 1829, à Barthélemy. Ce « pas prisonnier, mais... » consiste à être écarté de tout ce qui n’est point personnel gouvernemental, et ce personnel, ce sont les gouverneurs et les valets, choisis, acceptés et placés là par la police. La garde est bien montée. Nulle échappée sur la vie. Promenades avec escorte ; domestiques aux portes ; une consigne sévère et de la défiance partout. Cependant l’adolescent grandit.

Il n’a donc nul rêve ? Il demeure donc sans fièvre ? Est-il à ignorer le premier frisson instinctif de la nature s’éveillant ? Et ce à quoi n’échappe aucun des jeunes hommes de son âge, il demeure insensible ? L’éducation dogmatique et autrichienne a pu faire de lui tout ce qu’on voudra, au moral, soit ; admettons-le un instant, mais ce qu’elle n’a pu en faire, si elle l’a tenté, et cela paraît improbable, c’est un eunuque.

L’atavisme est-il, en ce point, pour quelque chose dans la paresse possible de son éveil à la sensibilité amoureuse ? On ne saurait le croire. Son père, s’il a eu le mépris de l’amour, considéré comme sentiment, n’a point eu celui du plaisir. Quant à sa mère... Les petits bâtards qui ont joué sur les pelouses de ses jardins parmesans attestent qu’elle eût, peut-être, de Thaïs, repentante, la retraite, mais non la continence.

L’enfant n’est donc point un anormal. Sa vie recluse, au contraire, n’a point étouffé chez lui le désir dans son germe. Elle n’a pu avoir qu’un résultat fâcheux : celui d’avoir fait le rêve trop grand et trop beau pour la proche réalité. Nous verrons que certain passage de Prokesch n’y contredit point.

Jusqu’en 1830, pour lui, nulle tentation. Les tendresses, brusquement sevrées, de son enfance, dorment en lui latentes, mais mutilées. Pour sourdre, pour reconquérir la lumière, il ne faut qu’une occasion. En janvier 1831, elle éclate. On l’a autorisé à faire son entrée dans le monde, et, où le mène-t-on ? Chez lord Cowley, ambassadeur de S. M. britannique. Neuf ans à peine ont passé sur la tragédie de Sainte-Hélène.

De ce monde inconnu, soudain révélé à lui, quelle impression emporte le duc de Reichstadt ?

Voici l’enfant sorti des mornes splendeurs, éteintes et étouffées, des palais impériaux ; des salons de laque noire et or, il passe à l’éclat des salons illuminés et fleuris de l’ambassade, peuplés de formes aériennes et légères, vagues de soie et de mousselines, nuages de parfums à la dérive, roses et blanches nudités. On le pousse dans un monde nouveau. Se dérobe-t-il à toutes ces promesses souriantes ? À en croire Marmont, oui. Mais qu’on lise avec soin le témoignage. Le duc, dit le maréchal, « trouvait peu de charme dans les plaisirs du monde où cependant il était bien vu et bien reçu. Plus tard, son développement étant complet, il en aurait sans doute été autrement ; mais une prétention de stoïcisme et de haute raison l’aurait pendant longtemps mis en garde contre l’ascendant des femmes[31] ». Qu’est-ce cela, sinon une hypothèse de Marmont, et rien de plus ? Ce « plus tard » n’est point arrivé pour le captif, et ce n’est point sur ce qu’il aurait pu faire qu’il convient de le juger, mais bien sur ce qu’il a fait.

Or, de l’impression ressentie par le duc de ce contact avec un monde inconnu, Prokesch nous apporte une vision qui, psychologiquement, n’est pas contestable. « Il me raconta avec une noble candeur comment, de toutes les femmes qu’il avait rencontrées dans le monde, aucune n’avait fixé son attention au-delà d’une journée, aucune n’avait touché son cœur ni même parlé à son imagination juvénile. La nature s’éveillait chez ce jeune homme de vingt ans. Il me parlait souvent de ses impressions avec le ton de la plus pure innocence. Jamais il ne se serait exprimé avec cette franchise s’il eût été dans des rapports plus intimes avec le beau sexe. Il se serait trahi par son embarras ; mais il était de mœurs vraiment honnêtes. Le sang de la jeunesse bouillait dans ses veines. Voilà tout[32]. » Non, ne voilà pas tout, car il convient d’observer que ces remarques de Prokesch s’appliquent incontestablement au début de ses relations avec le duc. Et, la preuve, Prokesch lui-même la fournit, en rapportant diverses anecdotes, dont une, au moins, démontre que le duc, pour reprendre son expression, était « dans des rapports plus intimes avec le beau sexe ». Mais, dans ces lignes, il y a mieux encore, chose qui seule nous importe : le fait de savoir le duc de Reichstadt sensible à la neuve beauté de cette vie révélée. « Il était sensible à l’esprit et à la beauté des femmes[33]. » Pas plus d’un jour, confesse-t-il à Prokesch. Ce jour suffit. La légende, elle, veut plus et mieux, mais cette légende est contradictoire. Tandis que certains de ces zélateurs veulent le duc captif dans un désert impérial, les autres l’exigent entraîné dans le tourbillon des fêtes et le poussent aux orgies. Les uns et les autres ont leurs raisons et ces raisons tendent au même résultat : à l’assassinat du fils de l’Empereur par l’Autriche. Pour les uns la Sainte-Alliance l’a tué en le privant de tout ce qui pouvait lui donner quelques joies, elle l’a étouffé dans la molle et funèbre atmosphère de la mélancolie allemande. Pour les autres, elle l’a assassiné en le poussant à la débauche, en ruinant son caduc organisme par l’excès des plaisirs. «  Le duc, dit un de ces derniers, n’avait pu connaître d’autres plaisirs que ceux de la matière, se jeta tête baissée dans la vie efféminée de la haute noblesse de Vienne, et ne rêva que dîners, maîtresses et chevaux. Il était devenu aussi autrichien que les plus lions des magnats de Vienne[34]. » Le tour romantique de la phrase dénonce l’époque de cette accusation, et c’est vraisemblablement à celle-là, comme à beaucoup d’autres, que le confident du duc répondait dans ses notes inédites : « Des hommes méchants et grossiers ont osé toucher à la pureté du prince et ont avancé qu’il s’était corrompu avec des femmes. Cette calomnie prouve la bassesse et la trivialité de ceux-là même qui l’ont répandue et l’état de notre société. Il était, dans ses mœurs, d’une sévérité dont le mérite revenait surtout à l’Empereur qui lui avait inspiré le plus grand dégoût de l’immoralité et qui lui avait représenté comme le plus grand crime l’action de séduire la femme d’un autre[35]. » On peut confesser que, pour donner de telles leçons, l’Empereur d’Autriche manquait quelque peu d’autorité, lui qui avait placé M. de Neipperg auprès de Marie-Louise, et avait consenti à la séduction de sa fille par un bellâtre à l’œil crevé. Il n’y avait donc point de « femme d’un autre » dans sa famille ? C’est à des raisons différentes de celles édictées par le grand-père, qu’un historien attribue l’hésitation du duc devant les intrigues galantes. « Son amour pour l’étude et sa raison déjà mûre, dit-il, l’avaient heureusement préservé de la séduction et de l’ascendant de femmes frivoles[36]. » De là la conclusion : « L’ambition, la gloire ont été ses passions maîtresses[37]. » Prokesch, lui, est moins affirmatif. Des explications qu’il donne on peut tirer d’autres conclusions. Le duc de Reichstadt n’y apparaît point chaste et vierge, au sens strict des mots, mais prévenu contre les intrigues fâcheuses ou compromettantes, mis en garde contre les liaisons « frivoles », c’est-à-dire dangereuses. Dangereuses pour lui ? Oui, au point de vue de la surveillance dont il est l’objet, qu’on doit à la garantie des arrangements dont il a été la raison. Une maîtresse choisie par la politique, soit, on y consentirait. Mais une maîtresse élue par le duc ? Complication dans l’espionnage. Par là ne filtrerait-il pas une partie de ce qu’on lui cache ? Par là ne lui arriverait-il pas un écho des espoirs tournés vers lui ? Cette maîtresse-là, sensible aux malheurs du duc, le serait-elle aux avances de la police ? Problème. Mieux vaut le supprimer que de le laisser se poser. Le sûr instinct populaire ne s’y est pas trompé, et, a, à merveille, deviné cette inquiétude du cabinet autrichien, en accusant Metternich d’avoir fourni des maîtresses à son captif. Chose peu certaine, mais qui ne la croirait possible ?

Les dires de Prokesch doivent donc, seuls, être retenus. Il a été l’unique confident du duc dans ce chapitre délicat, dans cette matière intime. Sans doute il dissimule, par respect à une chère et tendre mémoire, une partie de la vérité, mais celle-là qui perce à travers ses déclarations est précieuse. Éclairée par les conditions connues de l’éducation du prisonnier, elle constitue la base sérieuse d’une enquête. Cette enquête se résume en ceci : la beauté des femmes, ce qu’elles apportent avec elles, autour d’elles, de grâce fraîche et consolante, ne lui est point indifférente. Il est susceptible de souscrire à leurs avances, – une escapade connue le prouve. Ce qu’il peut chercher en elles, c’est, avec le calme de la fièvre adolescente, cette tendresse à laquelle il a été dérobé à sa cinquième année. Cela n’est point seulement possible, mais cela est surtout normal, naturel. Et n’a-t-il pas vingt ans ?

IV

Napoléon n’a été trouvé beau par les femmes que parce qu’empereur. Ce n’est que vers la fin de sa vie que le masque a pris chez lui cette majesté sobre faite pour l’or des effigies millénaires. Dans les tendresses possibles de sa vie, le duc de Reichstadt n’a-t-il bénéficié que de l’auréole accordée par le titre de fils d’empereur ? En un mot, le physique chez lui n’a-t-il été pour rien dans les tendresses de sa captivité ?

À feuilleter ses portraits, surtout ceux-là exécutés vers 1830 et 1831, il apparaît nettement que de la beauté autrichienne il a la fine élégance blonde, le cambré de la taille façonnée par l’uniforme. Du type paternel, rien. Par le physique il se rattache aux archiducs de la Maison d’Habsbourg, la lourdeur, l’empâtement précoce en moins. La rapidité de la croissance a affiné la taille : cinq pieds huit pouces à dix-sept ans, dit le docteur Malfatti à Montbel[38]. En quatre ans il grandit d’un pouce. À sa mort l’autopsie donne cinq pieds neuf pouces à sa taille[39]. Sur le catafalque, funèbre trône de sa suprême gloire, il paraîtra aux spectateurs d’une stature colossale[40].

En 1829, Barthélemy, témoin suspect cependant, lui trouve :


Ce teint blanc de Louise et sa taille élancée[41].

L’année précédente un voyageur anglais parlait de la « fraîcheur brillante[42] » de sa figure et de la mélancolie qui semblait la voiler. « Sa figure avait quelque chose de doux, de sérieux, de mélancolique », dit Marmont[43]. L’accord est moins parfait quant au reste. De Marie-Louise on lui déclare les « yeux d’un bleu clair[44] ». Témoignage contredit par le duc de Raguse : « Ses yeux moins grands que ceux de Napoléon, plus enfoncés dans leur orbite, avaient la même expression, le même feu, la même énergie[45]. » Mais Marmont lui-même trouve un contradicteur d’importance. Et c’est Prokesch qui écrit : « Ce beau et noble jeune homme aux yeux bleus et profonds, au front mâle, aux cheveux blonds et abondants, le silence sur les lèvres, calme et maître de lui-même dans tout son maintien, fit sur moi une impression vraiment extraordinaire[46]. » La mémoire de Marmont n’est certainement point en défaut. L’erreur d’optique vient sans doute de ce que sur le visage du Fils il s’est hypnotisé, et que la hantise de ses souvenirs y a presque étroitement adapté le masque du Père. Donc, malgré des contradictions apparentes, l’impression générale demeure la même : grand, blond, yeux bleus, et sur tout le visage l’ombre même de la mélancolie.

Mélancolique, comment ne le serait-il point, de par sa situation, ses malheurs et son temps ? Il vit à l’époque où la Germanie s’enveloppe des brouillards légendaires, où les poètes se tournent vers les ruines grandioses du Moyen Âge et font se lever, dans l’écume frangée des flots, les sirènes harmonieuses du Rhin. Il est d’un temps dont la désespérance répond à la sienne, qui porte le poids des grandeurs passées et vit parmi les débris écroulés des splendeurs anciennes. Ce qu’il trouve aux feuillets des livres souvent lus, c’est l’écho de l’amertume tombée goutte à goutte et cristallisée dans son âme. « Il y a dans ce poète, dit-il au docteur Malfatti en lui parlant de Lord Byron, il y a dans ce poète un profond mystère, quelque chose de ténébreux qui répond aux dispositions de mon âme ; ma pensée se plaît à s’identifier avec la sienne[47]. » De même chez les poètes, c’est son ombre captive qui passe dans leurs visions plaintives et désolées, et n’est-ce point le cri même de la désespérance du siècle et des peuples qui lui arrive, quand, devant son médecin, il laisse monter, de la page vers lui, le sanglot lamartinien :

Courage, enfant déchu d’une race divine ;
Tu portes sur ton front ta céleste origine.
Tout homme, en te voyant, reconnaît dans tes yeux
Le rayon éclipsé de la splendeur des cieux[48].

Ainsi s’incarne en lui-même l’image du Jeune Homme mélancolique, d’un ange foudroyé, déchu et plus beau encore du mystère et de l’inconnu où il s’enveloppe. Quel cœur de lectrice sensible se déroberait à l’emprise de la radieuse image désolée ? Elles le voient errer dans des parcs d’automne, drapé dans le manteau couleur de muraille des héros byroniens. Serré dans son uniforme blanc et or, cravaté de pourpre, il promène sa désespérance dans les palais hantés des spectres de naguère. L’éloignement du Père s’entourait de l’apothéose de la souffrance et de l’horreur ; l’éloignement du Fils se nuance d’une délicate amertume et d’une muette désolation. Comment ne pas rêver près de lui, dans sa solitude passionnée, l’amie secourable, l’amante consolatrice, sur l’épaule de laquelle pourraient sangloter tant de beaux espoirs trompés et brisés ? Comment ne pas l’imaginer, le groupe romantique des estampes d’alors, enlacé sous le pâle et léger clair de lune d’un tendre soir de printemps ? Rêve et vision, qu’importe, de là naît la légende, et d’autant plus forte que plus chère.

V

L’attraction s’exerce sur les hommes, et, à cet égard, une phrase de Prokesch est curieuse à retenir. C’est lors de sa première rencontre avec le duc. « J’eus, confesse-t-il, un pressentiment pareil à celui dont est saisi l’adolescent à qui il arrive de rencontrer pour la première fois la jeune fille à qui il donnera son cœur[49]. » Et pourtant Prokesch est un homme, Prokesch est un soldat. Il a vécu dans des milieux ennemis de la sentimentalité, et telle est la puissance de la hantise qu’il y cède dès le premier instant. Quelle femme y demeurerait rebelle ? Celles de la cour « lui témoignaient une bienveillance particulière ; on peut dire qu’il la méritait par sa courtoisie et sa distinction[50] ». Cette bienveillance, on ne semble la lui accorder qu’en raison même de ses qualités polies. Le même historien y insiste : « Lui-même, par son extérieur charmant, sa distinction et sa grâce parfaites était fort capable d’exciter des passions[51]. » N’est-ce point s’abuser sur les motifs d’un intérêt qui relève d’un ordre moins extérieur ? « Ce pauvre jeune homme », dit, en parlant de lui, la princesse Mélanie de Metternich, la troisième femme du chancelier. Le mot n’est pas à rejeter. Il contient le principe de l’intérêt que peut inspirer le prisonnier, et prend une autre signification que le « mein theures Sœhnchen, mon enfant chéri », par lequel l’impératrice Caroline-Auguste désigne le captif[52]. Il indique que la pitié est la base de tout sentiment féminin à son égard. Elles ont commencé par le plaindre, en grandes dames de cour conquises à la mélancolie de son sourire, et, commencer par plaindre, dans ces conditions, n’est-ce point pour finir en aimant ? Du degré de cet amour nous aurons plus loin à juger. Mais, celles-là mêmes qui l’aimeront le moins, parce que c’est le « petit Bonaparte », le fils de « l’usurpateur », de « l’ogre » venu de Corse, celles-là mêmes dont la haine pour le père n’abdiquera point devant les malheurs du fils, et l’accuseront de dissimulation, reconnaîtront en lui (et c’est le cas de la troisième princesse de Metternich) du génie, du talent et de l’esprit. N’est-ce point une concession arrachée à un cœur de femme, dans l’éclair où il se rend à la puissance de la sensibilité ?

C’est avec la double auréole du souvenir impérial et de l’amertume de sa destinée, que le fils de Napoléon apparaît aux femmes. Avec l’unanime pitié des mères de France, il est entré dans l’exil autrichien ; chanté par l’unanime pitié des poètes, – ces vainqueurs des femmes, – il y a vécu ; aimé par l’unanime pitié des amoureuses inconnues, il s’y est éteint.

Toutes ces tendresses veillent son ombre légère. La courbe de sa destinée qui s’achève le ramène à son enfance. Mourant, il cherchera la vie au sein des femmes[53], comme nouveau-né vagissant, il demandait sa santé et sa force au sein de sa nourrice. Il meurt dans ce retour vers son passé et recueille, autour du grabat de l’agonie, la pitié d’un amour qui le salua au matin du grand Empire où il naquit, parmi les pourpres et à l’ombre dorée des aigles paternelles.



'’'NOTICE COMPLÉMENTAIRE

Ainsi que nous l’avons fait observer plus haut, le témoignage de Marmont est le seul que consente à admettre M. Frédéric Masson, sur le privé du duc de Reichstadt, pendant sa captivité autrichienne. C’est donc qu’il considère le témoignage comme capital. Il importe donc de le connaître d’une manière complète. À cet effet, les pages qui suivent suffiront[54]. Des Mémoires du duc de Raguse nous extrayons l’essentiel de son témoignage. Il est curieux et pittoresque, riche en détails, que notre étude nous force à exclure de notre texte. On se demandera cependant, après l’avoir lu, s’il est – Prokesch étant, – le seul qui mérite créance, si la foi qu’on y peut attacher doit être aveugle. Le lecteur connaît les raisons au nom desquelles nous ne le pensons point.


*
* *

Le mercredi, 26 janvier [1832], lord Cowley, ambassadeur d’Angleterre, donna un grand bal, où presque toute la famille impériale se rendit. Le duc de Reichstadt y vint avec elle. Mes yeux se portèrent avec avidité sur lui. Je le voyais pour la première fois de près et avec facilité. Je lui trouvai le regard de son père, et c’est en cela qu’il lui ressemblait davantage. Ses yeux moins grands que ceux de Napoléon, plus enfoncés dans leur orbite, avaient la même expression, le même feu, la même énergie. Son front aussi rappelait celui de son père. Il y avait encore de la ressemblance dans le bas de la figure et le menton. Enfin son teint était celui de Napoléon dans sa jeunesse, la même pâleur et la même couleur de la peau ; mais tout le reste de sa figure rappelait sa mère et la Maison d’Autriche. Sa taille dépassait celle de Napoléon de cinq pouces environ.

Informé par le comte de Dietrichstein, son gouverneur, qu’il m’aborderait pendant le bal et causerait avec moi, peu de moments s’étaient écoulés, quand je le vis à mes côtés. Il m’adressa immédiatement les paroles suivantes : « Monsieur le maréchal, vous êtes un des plus anciens compagnons de mon père, et j’attache le plus grand prix à faire votre connaissance. »

Je lui répondis que j’étais vivement touché de ce sentiment, que je trouvais beaucoup de bonheur à le voir et à être près de lui. Là-dessus, nous entrâmes en matière. Il me demanda si, comme il le croyait, j’avais fait les premières campagnes d’Italie. Je lui répondis que oui ; que mes rapports de service et d’amitié avec Napoléon étaient d’une époque encore plus reculée ; qu’ils remontaient au-delà du siège de Toulon ; que ma connaissance de sa personne datait de 1790, époque où il était lieutenant d’artillerie en garnison à Auxonne, et moi occupé à Dijon à achever mon instruction pour entrer dans le corps où il servait, et où était également un proche parent à moi, son ami intime.

Il me fit quelques questions sur ces campagnes si célèbres, et je lui répondis de manière à éveiller sa curiosité. Il me parla de l’Égypte, du 18 brumaire, de la campagne de 1814, etc., et je répondis succinctement à ces divers objets. J’eus bien soin de rejeter promptement mes idées générales sur le caractère et la carrière de Napoléon, qui présentent des changements tellement complets dans sa personne, que l’on peut considérer en lui deux hommes. Son élévation, due sans doute en grande partie à ses talents, mais puissamment favorisée par le temps où il a paru, fut l’expression, sentie par tout le monde, des besoins de la société d’alors. À ce titre, chacun l’aida, le soutint et le favorisa ; tandis que sa chute fut son ouvrage et le résultat de ses efforts constants. Enfin ce beau génie, si calculateur dans les premières années de sa grandeur, fut obscurci par les illusions de l’orgueil, qui ont faussé son jugement. À cette occasion, je lui citai tout de suite le mot qu’il prononça le soir du combat de Champaubert, où il semblait prévoir son retour prochain sur la Vistule, mot déjà rapporté dans mes récits, en racontant les événements de la campagne de 1814.

Le duc de Reichstadt me parla avec une grande ardeur de passion pour son métier, du désir qu’il avait de faire la guerre, et ajouta combien il serait heureux de l’apprendre sous moi. En général, il caressait souvent cette idée. Plus d’une fois il me l’a exprimée ; rêve d’un enfant qui se berçait d’espérances chimériques. La France et l’Autriche, disait-il, pouvaient un jour être alliées, et leurs armées combattre l’une à côté de l’autre. « Car, disait-il, ce n’est pas contre la France que je puis et dois faire la guerre. Un ordre de mon père me l’a défendu, et jamais je ne l’enfreindrai. Mon cœur me le défend aussi, de même qu’une sage et bonne politique. »

Le vif intérêt qu’il montrait dans cette conversation, s’augmentant toujours, l’amena à exprimer le désir de connaître avec détail par mes récits les événements passés. Mais je crus prudent de ne pas prendre d’engagements trop positifs à cet égard ; car je ne pouvais savoir ce qui conviendrait à l’Empereur et au prince de Metternich. Autant par devoir que par prudence, une grande circonspection dans ma conduite m’était imposée, et je ne devais rien faire d’un peu important qu’avec l’assentiment du pouvoir protecteur qui me donnait asile.

Notre conversation finit après avoir duré une demi-heure et avoir été l’objet des remarques de tous les spectateurs. Une fois libre, le prince Metternich étant au bal, je lui soumis immédiatement la question. Il me répondit ces propres paroles : « Il n’y a aucun inconvénient à ce que vous voyiez le duc de Reichstadt et que vous lui parliez de son père. On ne peut le mettre en meilleures mains que les vôtres. Je regarderais comme une mauvaise action de ne pas lui faire connaître Napoléon tel qu’il était et avec la supériorité qui le caractérisait d’une manière si éminente ; mais aussi il est bon qu’il sache quels ont été ses illusions, son orgueil et son ambition, passions qui l’ont perdu et conduit à démolir lui-même sa puissance. Vous, plus que tout autre, êtes capable de lui faire connaître et sentir la vérité. »

Ce raisonnement si simple, si vrai, cette conduite si raisonnable, si loyale envers ce jeune homme, est d’accord avec tout ce que j’ai pu voir et répond victorieusement aux sottises débitées sur l’éducation du duc de Reichstadt, éducation tout autre et l’opposé de ce qu’on a dit.

Je prévins immédiatement le duc de Reichstadt que j’étais en mesure de le satisfaire, et que, quand il le voudrait, je lui raconterais les campagnes d’Italie de 1796 et 1797. On va voir combien la raison et la prudence étaient précoces chez ce jeune homme ; il me dit : « Monsieur le maréchal, dans nos positions respectives, il me semble convenable d’en parler d’avance au prince de Metternich et d’agir avec son assentiment. » Je répliquai : « Monseigneur, mes démarches ont devancé vos justes observations, et c’est avec son approbation que je viens prendre vos ordres. »

Nous prîmes jour pour le vendredi suivant 28, à onze heures du matin. Depuis ce moment, et pendant trois mois environ, les lundis, vendredis et quelquefois les mercredis, depuis onze heures jusqu’à une heure et demie, étaient consacrés à mes récits, qui comprirent l’histoire de son père et des guerres de notre temps. Quand les circonstances en faisaient naître l’occasion, je faisais l’exposé des principes de l’art de la guerre.


{{taille|Marmont consacre ensuite quelques pages à ce cours d’histoire dont l’a chargé Metternich. Nous ne le rééditerons pas ici. C’est l’exposé des idées du duc de Raguse sur le régime napoléonien. Nous en avons parlé par ailleurs. Cette partie de son récit ne touche d’ailleurs en rien au caractère du duc de Reichstadt. Avec les pages qui suivent, Marmont y revient.|90}}


Je terminai cette espèce de cours d’une durée de trois mois par la lecture de ce que j’ai écrit sur les événements de 1830. Cette tâche remplie, je dis au duc de Reichstadt que, n’ayant plus rien à lui raconter qui pût l’intéresser, je prenais congé de lui. Il m’embrassa tendrement en me remerciant. Il me déclara que je lui avais fait passer les moments les plus doux qu’il eut encore goûtés depuis qu’il était au monde, et me fit promettre de continuer à venir le voir de temps en temps, devoir que je n’ai cessé de remplir.

Il m’envoya peu après son portrait fait par Daffinger : il est d’une assez grande ressemblance, quoique un peu trop jeune. Le buste de son père est en face, et il a écrit de sa main les vers de Racine ci-après :


Arrivé près de moi par un zèle sincère,
Tu me contais alors l’histoire de mon père ;
Tu sais combien mon âme, attentive à ta voix,
S’échauffait au récit de ses nobles exploits.


Ce gage de son souvenir et de son amitié est une des choses les plus précieuses que je puisse posséder. Il avait, comme son père, l’instinct de se rendre agréable aux gens auxquels il voulait plaire.

Je continuai à le visiter environ tous les quinze jours, et chaque fois j’étais reçu par lui avec l’expression du plaisir. Quand j’avais fait une absence de Vienne, la conversation roulait sur la politique, sur les nouvelles du jour.

Je n’ai pas omis une seule occasion de lui donner les conseils que je croyais sages et conformes à sa position particulière. Dans une des premières conversations, je lui dis : « Monseigneur, vous voilà livré au monde, libre de vos actions ; croyez à mon tendre attachement pour vous et aux vœux que je fais pour votre gloire et votre bonheur. Mettez-vous en défiance contre les intrigants français qui vont chercher à vous entourer et à s’emparer de vous ; notre pays abonde en ces sortes de gens. Leur influence sur vous, s’ils en acquéraient jamais, vous mènerait à votre perte. Ils vous engageraient dans des combinaisons impuissantes qui vous compromettraient infailliblement. Vous n’avez qu’une ligne à suivre, une conduite à tenir. Grandissez dans l’opinion par votre instruction, par une conduite droite et ferme ; montrez-vous apte à tout, et faites voir que le fils de Napoléon est doué par la nature de hautes facultés et d’un grand caractère. Faites-vous des amis ; vous y réussirez facilement, car l’opinion vous est très favorable, et il y a, en général, une grande bienveillance pour vous dans le public. Ne faites, dans aucun cas, la guerre à la France, afin de n’avoir jamais aux yeux des Français, une physionomie hostile, et attendez ce que la Providence décidera de vous. Si elle a des desseins sur vous, si vous êtes appelé à jouer un rôle politique, il faut que vous soyez une nécessité du temps, une solution du problème, et qu’on vienne vous chercher. C’est ainsi que votre père est arrivé au faîte du pouvoir sans éprouver de difficultés. Les choses sont plus fortes que les hommes. Quand on marche dans leur sens, quand on est soutenu par elles tout est aisé, tout est facile ; quand on les contrarie, quand on marche dans un sens opposé, on s’épuise en vains efforts, et un succès éphémère n’est que le prélude d’une catastrophe. La règle de conduite que je prends la liberté de vous conseiller est le résultat d’une longue expérience et de réflexions dictées par mon attachement pour vous ; elle est conforme aux intérêts bien entendus de notre ambition, à ceux de votre considération et de votre bonheur. »

Le prince me répondit sur-le-champ : « Ma position doit paraître difficile. Eh bien, elle le serait pour une âme faible. Quand on a pris une résolution, que l’on peut se rendre compte des conditions dans lesquelles on est placé, tout devient facile. Je puis éprouver quelques tourments par l’impatience de trouver une occasion d’acquérir de la gloire, et, en conséquence, des embarras que ma position y apporte. C’est un tribut que je paye à l’humanité, mais c’est un mal passager. Jamais je ne sortirai de la ligne que vous m’indiquez, et qui est celle que j’ai choisie ; je ne ferai, dans aucune circonstance, la guerre à la France ; c’est une recommandation de mon père à laquelle je serai toujours fidèle. Si la politique des souverains de l’Europe les déterminait à me mettre en avant, je protesterais solennellement. Le fils de Napoléon doit avoir trop de grandeur pour servir d’instrument, et, dans les événements de cette nature, je ne veux pas être une avant-garde, mais une réserve, c’est-à-dire arriver comme secours, en rappelant de grands souvenirs. Voilà quels sont mes sentiments, quelle est ma manière de voir et les règles de conduite que je me suis invariablement tracées. »

Je lui exprimai la joie que j’éprouvais de le voir pénétré de sentiments aussi nobles et d’idées aussi raisonnables. Il s’est réjoui avec moi des espérances de paix. «  La guerre, m’a-t-il dit, dans les circonstances présentes serait, pour vous et pour moi, une source de chagrins, puisque d’aucune manière ni l’un ni l’autre nous ne pourrions y prendre part. »

Nous discutâmes si, en principe, un chef suprême devait choisir ses principaux instruments parmi les hommes capables, au lieu de les chercher dans des gens de second ordre. On conçoit la pensée qui fait choisir des hommes sans réputation, et il était assez incliné à adopter de préférence cette opinion. Mais je lui fis sentir qu’écarter les hommes supérieurs était une preuve de faiblesse et du sentiment de sa propre infériorité ; qu’avant tout il fallait ne rien négliger pour assurer le succès de ses opérations, sauf à en partager la gloire avec des collaborateurs. Un devoir positif l’ordonne ; mais d’ailleurs la part du chef est toujours assez belle, quand il a attaché son nom au triomphe. La conversation se termina par une réflexion spirituelle du duc de Reichstadt. Je lui faisais remarquer combien le secret était nécessaire dans les grandes affaires, car presque jamais on n’a regretté le silence ; qu’ainsi on devait se borner à confier ses projets au plus petit nombre d’individus possible, et aux agents indispensables ; il ajouta : « Et quelquefois à ceux qui les ont devinés. »

Dans une autre conversation, dont les sujets avaient été variés, le duc de Reichstadt traita une question abstraite et compara l’homme d’honneur à l’homme de conscience. Il donnait la préférence à ce dernier, « parce que, disait-il, c’est toujours le mieux et le plus utile qu’il désire atteindre, tandis que l’autre peut être l’agent aveugle d’un méchant ou d’un insensé ».

On se rappelle que j’ai rendu compte, dans le récit de la campagne de 1813, d’une conversation à Düben avec Napoléon sur le même sujet ; mais la conclusion était opposée. Je fus confondu de voir ce jeune homme occupé de questions si élevées, et je trouvais quelque chose de surnaturel à ce qui se passait, car je n’avais pas dit un mot de cette conversation au prince.

Le duc de Reichstadt, ayant été nommé lieutenant-colonel du régiment de Giulay, se livra avec ardeur au commandement du bataillon qui lui était confié. À cinq heures du matin, il était à l’exercice. Cela n’empêchait pas le travail du soir, qu’il continuait comme autrefois, et qu’il poussait jusque bien avant dans la nuit. J’allai le voir exercer. Il s’en acquittait bien. Cette activité, trop grande pour l’état de ses forces, pour une poitrine faible, pour un tempérament en travail et achevant de se développer, soumis à l’action maligne d’une humeur qu’il avait reçue de son père, fit naître la maladie dont un an après il est mort. Une extinction de voix, accompagnée de fièvre, survint. Le duc de Reichstadt fut forcé, pendant quinze jours, de suspendre les manœuvres et de vivre dans la retraite ; avertissement de la nature dont on aurait dû profiter, en le faisant renoncer, pendant deux ans, à une vie qui lui était funeste. On aurait dû aussi l’envoyer habiter des pays dont le climat était plus doux. Enfin, en ne négligeant rien, on aurait pu consolider une santé chancelante et un tempérament faible.

Il est probable qu’on serait parvenu à conserver cet aimable jeune homme ; mais, au lieu de cela, on traita légèrement une indisposition d’un caractère grave. Des gens mal intentionnés, entre autres un nommé Kutschera, aide de camp général de l’Empereur, prétendirent que le duc de Reichstadt était efféminé et manquait d’énergie, puisqu’il se laissait abattre si facilement. Ces propos lui étant revenus le blessèrent profondément. Dès ce moment il fit volontairement des imprudences pour prouver son courage. Il aimait la chasse et s’y livra d’une manière inconsidérée et par le plus mauvais temps. Les effets de ce régime furent prompts et terribles. Les accidents se multiplièrent, et bientôt on ne put plus avoir d’espoir fondé de lui conserver la vie. Je le vis alors plus souvent. Ma présence lui était agréable et lui causait des distractions utiles.

C’était à Schœnbrunn, dans la chambre même où j’avais vu souvent Napoléon, qu’il me recevait. Un jour il dormait et l’on me renvoya. On le lui dit plus tard, et il répondit : « Pourquoi ne m’avez-vous pas réveillé ? C’est le seul homme dont la conversation m’amuse et m’intéresse. »

Une autre fois, au mois de juillet, peu de jours avant sa mort, je me rendis chez lui et l’on m’annonça. Il était horriblement faible et souffrant, il répondit : « Dites au maréchal que je dors ; je ne veux pas qu’il me voie dans ma misère. »

Il mourut le 22 juillet, anniversaire de la bataille de Salamanque, jour devenu ainsi doublement funeste pour moi.

Je terminerai cet article en essayant de faire le portrait de ce jeune prince, qui n’a fait qu’apparaître au monde.

Le duc de Reichstadt est un des plus remarquables exemples des caprices de la fortune. Né sur la marche du trône le plus élevé et le plus puissant, destiné, selon les apparences, à régner sur une multitude de peuples, son étoile, si brillante à son aurore, n’a jamais cessé de pâlir. Chaque jour, durant sa vie, a vu obscurcir son avenir, et enfin tout a fini pour lui à vingt et un ans, après avoir passé sa courte vie dans une situation fausse, remplie d’oppositions, de contradictions et de peines. Avec des apparences contraires, il reçut de la nature un corps faible. Une crue extraordinaire, qui tenait à une espèce de rachitisme, l’a beaucoup énervé. Plusieurs des organes les plus importants ne se développèrent pas suffisamment, tandis que d’autres semblèrent absorber toutes les puissances de sa vie. Son estomac était extraordinairement petit et son cerveau énorme. Un régime mal entendu, la rareté de ses repas, d’abord faute d’appétit et ensuite résultat d’une erreur de jugement, ont sans doute contribué à augmenter cet état de souffrances.

Son éducation fut soignée et dirigée par un homme honorable, le comte Maurice de Dietrichstein, son gouverneur. Elle aurait pu être mieux entendue et de manière à en obtenir plus de fruit. Le résultat de ses études fut médiocre. Il savait bien les langues vivantes ; mais il avait peu d’aptitude pour les sciences exactes. Une bonne mémoire avait favorisé l’étude de l’histoire, qu’il savait assez bien. Les études militaires étaient celles pour lesquelles il avait le plus d’attrait. Sa passion pour le service militaire était extrême. L’éclat de la gloire de son père semblait avoir sur lui l’effet d’un foyer brûlant. Il ne concevait aucun bonheur sur la terre comparable à celui d’être soldat et de faire la guerre. Il trouvait peu de charme dans les plaisirs du monde, où cependant il était bien vu et bien reçu. Plus tard, son développement étant complet, il en aurait sans doute été autrement ; mais une prétention de stoïcisme et de haute raison l’aurait pendant longtemps mis en garde contre l’ascendant des femmes.

Le duc de Reichstadt était leste et adroit dans les exercices du corps. Il montait bien à cheval, et avec beaucoup de grâce. Sa figure avait quelque chose de doux, de sérieux, de mélancolique, et quelquefois un regard perçant et dur qui rappelait celui de son père, quand il était irrité. Son éducation, la position bizarre qu’il occupait, l’avaient forcé de bonne heure à user de dissimulation. Aussi cette disposition de son esprit était un trait marquant de son caractère. On l’a accusé d’être faux et menteur. Cette accusation ne me paraît pas avoir été fondée ; mais son extrême réserve, une prudence au-dessus de son âge, l’empêchèrent d’être jamais entraîné plus loin qu’il ne voulait. Enfin ses manières, quelquefois caressantes, et la séduction qu’il exerçait quand il voulait s’en donner la peine, ont pu autoriser, jusqu’à un certain point, cette injuste accusation de la part de ses ennemis.

Pour donner une idée de la réserve et de la prudence qui ne l’abandonnaient jamais, je raconterai le fait suivant : — Un de mes aides de camp, le baron de la Rue, qui m’avait accompagné à Vienne, était au moment de retourner à Paris. Le duc de Reichstadt l’avait rencontré souvent dans le monde et fort bien traité. Lorsque M. de la Rue lui annonça son départ prochain, il lui adressa en même temps cette phrase banale qui est dans la bouche de tous les voyageurs, que, s’il avait des commissions pour Paris, il s’en chargerait. Je vois encore le duc de Reichstadt lui répondant avec expression et vivacité : « Pour Paris ? je n’y connais personne. Je n’y connais que la colonne de la place Vendôme. »

Le surlendemain, au moment où M. de la Rue montait en voiture, le comte de Dietrichstein, en venant lui-même renouveler, de la part de Son Altesse Impériale, ses souhaits de bon voyage, lui remit un pli du prince contenant ces mots :

« Quand vous reverrez la colonne, présentez-lui mes respects. »

Le duc de Reichstadt avait un esprit lucide et vif. Sa compréhension était facile, ses aperçus prompts, ses applications justes. Il m’est arrivé souvent de lui voir faire, lors de mes récits, des rapprochements ingénieux de circonstances analogues, quoique à des espaces de temps considérables, et des applications des principes posés qui avaient germé dans son esprit. Il avait le défaut de viser trop à l’effet ; et, particulièrement dans le monde, ce défaut était sensible. Il hasardait quelquefois légèrement des phrases ambitieuses et des paradoxes qu’il ne pouvait pas soutenir avec succès ; mais le temps l’aurait probablement corrigé à cet égard. Ce jeune homme, malgré ses qualités et sa séduction, n’était pas complet, et j’ignore si la nature l’avait doué d’assez hautes facultés pour jouer un rôle de premier ordre au milieu des complications de l’époque ; mais il y avait des éléments précieux en lui ; et, en première ligne, le caractère, la grâce et la finesse, qualités bien nécessaires dans la position difficile où il se trouvait.

Il chérissait son grand-père et avait le talent de pouvoir tout lui dire sans lui déplaire. De son côté, l’Empereur l’aimait tendrement, comme toute la famille impériale. Sans aucune espèce de doute, les événements de juillet 1830 ont fait une puissante impression sur le duc de Reichstadt. Ils ont développé chez lui des idées d’ambition qui dormaient. Alors il s’établit dans son cœur un combat continuel, ce tourment, le pire de tous, qui naît de désirs paraissant justes et fondés et qui ne sont pas satisfaits. Il n’aimait pas les Bourbons, mais il concevait leurs droits et leur grandeur. Ceux-ci mis hors de cause, il répétait que, lui aussi, avait des droits et des droits plus clairs, plus en harmonie avec la doctrine du temps que ceux de Louis-Philippe. Ainsi, sous le rapport politique, il était tourmenté ; sous le rapport militaire, il ne voyait dans sa carrière rien de réel ; car la réflexion l’amenait facilement à reconnaître que, puisqu’il ne pouvait pas faire la guerre à la France ni pour la France, il lui était interdit de la faire jamais, et toute sa vie se passerait ainsi en exercices et en manœuvres. Dans d’autres moments, il lui est arrivé de s’abandonner à une sorte de désespoir en réfléchissant qu’ il ne pouvait y avoir de guerre en Europe qu’entre la France et le reste des puissances du continent. Alors il lui échappait de dire : « Mais est-ce que la gloire acquise, même aux dépens des Français, ne me grandirait pas à leurs yeux, et, si j’étais appelé un jour à les gouverner, n’en serais-je pas plus digne, si j’avais prouvé ma capacité par mes actions ? »

Et puis il revenait aux premières idées que le sang français devait être sacré pour lui. Son père lui avait tracé la marche qu’il devait suivre pendant toute sa carrière, durant toute sa vie, et il lui arrivait, comme il arrive souvent dans le malheur, de s’abandonner à des espérances vagues qui, n’étant basées sur aucune chose positive, ne sont qu’une chimère envoyée par la Providence pour alléger les peines du cœur et les souffrances de l’esprit. Sa mort, dans les circonstances où elle a eu lieu, a été un grand événement politique. Le parti militaire, en France, connu sous le nom de parti bonapartiste, n’a plus eu de lien ni d’existence après la mort du duc de Reichstadt. Il n’avait de consistance que par le fils de celui qui avait été l’étonnement du monde ; de manière que, pour le passé, il parlait aux imaginations, et, pour le présent, il était présumé avoir l’appui d’un monarque puissant. Sans l’Autriche, le parti bonapartiste n’était rien. Ce parti, réduit aux autres membres de la famille de Bonaparte, n’a plus même une existence nominale. Il a fini, et il n’en reste que des souvenirs.

==Page:Fleischmann - Le Roi de Rome et les femmes, 1910.djvu/111==

  1. Sur la rencontre de Mme Walewska et de l’Empereur, cf. notre volume, Napoléon adultère ; Paris, s. d. [1909], in-18 ; p. 174 et suiv.
  2. Joseph Turquan, Le « Corse » en Napoléon ; La Revue bleue, 19 septembre 1896, p. 368.
  3. Alph. Maze-Sensier, Les Fournisseurs de Napoléon et des deux Impératrices, d’après des documents inédits ; Paris, 1893, in-8°, p. 351.
  4. Alph. Maze-Sensier, Les Fournisseurs de Napoléon,... ; déjà cit., p. 351.
  5. Émile Dard, Le Duc de Reichstadt... ; déjà cit., p. 268.
  6. Archives du Ministère des Affaires étrangères, France, vol. 1801. — Henri Welschinger, Le Roi de Rome (1811-1832) ; Paris, 1897, in-8°, p. 126.
  7. Henri Welschinger, Le Roi de Rome... ; déjà cit., p. 86.
  8. Cf. les titres en tête de la patente impériale pour le duc de Reichstadt, dans Désiré Lacroix, ancien attaché à la correspondance de Napoléon Ier, Roi de Rome et duc de Reichstadt (1811-1832) ; Paris, s. d., in-18°, p.

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    135.

  9. Souvenirs de la baronne du Montet (1785-1866) ; Paris, 1904, in-8°, p. 143.
  10. L.-F.-I. de Bausset, Mémoires anecdotiques sur l’intérieur du palais et sur quelques événements de l’Empire depuis 1805 jusqu’au 1er mai 1814 ; Paris, 1829, in-8°, tome IV, p. 66.
  11. Frédéric Masson, Napoléon et son fils... ; déjà cit., p. 323.
  12. Baron de Méneval, ancien secrétaire du portefeuille de Napoléon, Premier Consul et Empereur, ancien secrétaire des commandements de l’Impératrice Régente, Napoléon et Marie-Louise, souvenirs historiques ; Bruxelles, 1843, in-12°, tome V, p. 53.
  13. Henri Welschinger, Le Duc de Reichstadt, d’après des notes inédites du chevalier de Prokesch-Osten ; Le Correspondant, n° 1053, 10 août 1906, p. 447.
  14. Comte de Prokesch-Osten, ancien ambassadeur d’Autriche, Mes relations avec le duc de Reichstadt, mémoires posthumes, traduit de l’allemand ; Paris, 1878, in-18°, p. 18. — Cf. encore, les circonstances de cette conversation, pp.10, 11.
  15. Procès du « Fils de l’Homme », avec la défense en vers prononcée à l’audience du 29 juillet 1829, par Barthélemy ; Bruxelles, août 1829, in-32°, p. 9. — On sait que Barthélemy fut condamné à trois mois d’emprisonnement et à 1.000 francs d’amende.
  16. En 1815, Dietrichstein devint commandeur de l’ordre du Dannebrog du Danemarck ; en 1816, grand’croix de l’ordre de Parme de Constantinien Saint-Georges, fondé par Marie-Louise ; en 1818, conseiller intime de l’Empereur ; en 1819, intendant de la chapelle de la cour ; en 1821, directeur des théâtres impériaux ; en 1826, préfet de la bibliothèque impériale ; le 5 novembre 1831, grand’croix de l’ordre de Léopold. Ces charges et ces titres indiquent la confiance dont il jouissait. Il mourut en 1864.
  17. Méry et Barthélemy, Le Fils de l’Homme ou Souvenirs de Vienne ; Bruxelles, MDCCCXXIX, in-8°, p. 40.
  18. M. de Montbel, ancien ministre du roi Charles X, Le Duc de Reichstadt, notice sur la vie et la mort de ce prince, rédigée à Vienne sur des documents authentiques ; troisième édition ; Paris, 1836, in-8°, p. 358.
  19. Henri Welschinger, Le Duc de Reichstadt... ; Le Correspondant, 10 août 1906 ; p. 458.
  20. Comte et non baron de Montbel, comme on l’écrit souvent. Cf. J.-M. Quérard, Les Supercheries littéraires dévoilées ; Paris, MDCCCLXX, in-8° ; tome II, IIe partie, col. 1187.
  21. Le comte de Montbel mourut en Autriche, à Frohsdorf, en 1861.
  22. L. de Lanzac de Laborie, Autour de Napoléon ; Le Correspondant, 25 février 1897, p. 747.
  23. Frédéric Masson, Jadis et aujourd’hui ; deuxième série... ; déjà cit., p. 29.
  24. Le vers dans Phèdre, acte I, scène I, est exactement :
    Attaché près de moi par un zèle sincère...
  25. Frédéric Masson, Jadis et aujourd’hui ; deuxième série... ; déjà cit., p. 32.
  26. Frédéric Masson, Jadis et aujourd’hui ; deuxième série... ; déjà cit., p. 33.
  27. Comte P. de Suzor, Napoléon II, duc de Reichstadt ; troisième édition ; Bruxelles, 1841, in-18°, p. 121.
  28. Souvenirs de la baronne du Montet... ; déjà cit., p. 164.
  29. Henri Welschinger, Le Roi de Rome... ; déjà cit., p. 288.
  30. Lettre du marquis de Caraman au baron de Damas, 4 janvier 1825. — Archives du Ministère des Affaires étrangères, Vienne, vol. 406. — Henri Welschinger, Le Roi de Rome... ; p. 296.
  31. Mémoires du maréchal Marmont, duc de Raguse, de 1792 à 1841 ; imprimés sur le manuscrit original de l’auteur ; Paris, 1857, in-8°, tome VIII, p. 405.
  32. Comte de Prokesch-Osten, Mes relations avec le duc de Reichstadt... ; déjà cit., p. 127.
  33. Henri Welschinger, Le Duc de Reichstadt... ; déjà cit., Le Correspondant, n° 1054, 25 août 1906, p. 682.
  34. Article d’Alexandre Weill, cité par Guy de l’Hérault, Histoire de Napoléon II, roi de Rome ; suivie du testament politique de Napoléon Ier (Manuscrit venu de Sainte-Hélène) ; Paris, chez H. Morel, libraire-éditeur, 5, rue Madame ; 1853, in-8°, p. 97. — Ce volume, assez insignifiant, est composé, en majeure partie, de larges coupures pratiquées dans les mémoires de Méneval et de Bausset.
  35. Henri Welschinger, Le Duc de Reichstadt... ; déjà cit., Le Correspondant, n° 1054, 25 août 1906, p. 684.
  36. Henri Welschinger, Le Roi de Rome... ; déjà cit., p. 400.
  37. Henri Welschinger, Le Roi de Rome... ; déjà cit., p. 400.
  38. M. de Montbel, Le Duc de Reichstadt... ; déjà cit., p. 219.
  39. Procès-verbal de l’autopsie du cadavre de Son Altesse le duc de Reichstadt. — M. de Montbel, Le Duc de Reichstadt... ; déjà cit., p. 339.
  40. M. de Monbel, Le Duc de Reichstadt... ; déjà cit., p. 272.
  41. Méry et Barthélemy, Le Fils de l’Homme... ; déjà cit., p. 13.
  42. « Rien n’est plus intéressant que ce jeune homme, ses traits sont mâles et doux. Il est impossible d’observer sans émotion cette figure jeune et noble, dont la fraîcheur brillante se mêle et se voile, pour ainsi dire, d’une nuance inexprimable de mélancolie et de réflexions profondément tristes. » Austria as it is ; London, 1828 ; [L’Autriche telle qu’elle est, 1828] cit. dans De l’Empire grec et du jeune Napoléon ; Paris, 1828, in-8°, p. 23.
  43. Mémoires du maréchal Marmont... ; déjà cit., tome VIII, p. 402.
  44. Docteur Hermann Rollet, Neue Beïtrage zur Chronik der Stadt Baden beï Wien (VII Theil), Verlag von P. Schütze ; 1894, pp. 78 à 80. — Henri Welschinger, Le Roi de Rome... ; déjà cit., p. 334.
  45. Mémoires du maréchal Marmont... ; déjà cit., tome VIII, p. 375.
  46. Comte de Prokesch-Osten, Mes relations avec le duc de Reichstadt... ; déjà cit., p. 7.
  47. M. de Montbel, Le Duc de Reichstadt... ; déjà cit., p. 225.
  48. M. de Montbel, Le Duc de Reichstadt... ; déjà cit., pp. 226, 227.
  49. Comte de Prokesch-Osten, Mes relations avec le duc de Reischstadt... ; déjà cit., p. 7.
  50. Henri Welschinger, Le Roi de Rome... ; déjà cit., p. 398.
  51. Henri Welschinger, Le Duc de Reichstadt... ; déjà cit., Le Correspondant, n° 1054, 25 août 1906, p. 682.
  52. Édouard Wertheimer, Documents inédits sur la maladie et la mort du duc de Reichstadt ; Revue historique, mai-août 1907, tome LXIV, p. 84.
  53. « Il était si faible, disait le Times (1832), qu’il lui fallait le sein d’une femme pour prendre quelque nourriture. » — « Le lait d’une nourrice qui lui a été ordonné, disait le Moniteur à la date du 4 juillet, paraît produire de bons effets. » — Henri Welschinger, Le Roi de Rome... ; déjà cit., p. 443.
  54. On les trouvera dans les Mémoires du Maréchal Marmont... ; édit. de 1857, tome VIII, pp. 375 à 406.