Le Roi Mystère/Partie 2/15

Nouvelles éditions Baudinière (p. 216-223).
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2e partie

XV

LE LION AMOUREUX

Mlle Liliane d’Anjou habitait à Paris un magnifique appartement, sis au premier étage d’un des plus somptueux immeubles de l’avenue d’Iéna.

Liliane d’Anjou avait enchaîné Sinnamari et n’avait même point pour cela, qui était bien le triomphe amoureux le plus vaste qu’une courtisane pût concevoir, daigné sourire. Elle n’avait usé vis-à-vis de ce tout-puissant que de dédain et avec une telle persistance et opiniâtreté qu’il eût été difficile de trouver à Paris homme plus maltraité par sa maîtresse. Et, cependant, peut-être à cause de cela, Sinnamari était fou de Liliane. Cet homme, qui avait mis son ambition au-dessus de tout, eût peut-être été prêt à mettre son amour au-dessus de son ambition si Liliane le lui avait demandé, mais elle ne lui demandait rien ; rien que de l’argent, en échange de quoi elle lui avait promis son corps pour une époque qui restait encore à déterminer.

En vérité, Sinnamari en était là. Personne à Paris n’eût cru une chose pareille, et si les ennemis et surtout les amis de Sinnamari l’avaient su, ils auraient bien ri ; mais ils ne le savaient pas. Liliane avait répondu au terrible procureur qui l’avait suppliée de ne point laisser soupçonner autour d’elle et autour de lui que leur aventure en fût restée à ce point platonique — ce qui l’eût couvert de ridicule — qu’elle ne tenait nullement à lui faire affront et qu’elle était prête à proclamer qu’elle l’adorait, pourvu qu’il lui en demandât la preuve le plus tard possible.

Sinnamari savait qu’on ne comptait plus les amants de Liliane, et son malheur devait en apparaître plus grand. Une telle rigueur ne pouvait s’expliquer que par une certaine répugnance.

Ce jour-là, qui était celui où Teramo-Girgenti était allé au ministère de la guerre, Liliane était étendue dans une bergère de son boudoir, boudoir dans lequel elle n’avait pas encore permis à Sinnamari d’entrer depuis six mois que le procureur subvenait à tous les frais de la demi-mondaine. Mlle Nichette vint annoncer que Sinna demandait à la voir. Sinna était un diminutif charmant de Sinnamari, que ses amis lui donnaient souvent pour le flatter, car « Sinna » en arabe veut dire le Seigneur, le Maître, et que Liliane avait — pure ironie ! — adopté. Sans doute était-elle, ce jour-là, de bonne humeur, car elle sourit à Mlle Nichette et lui dit :

— Faites entrer ici !

Mlle Nichette fit une révérence à sa maîtresse et s’éloigna en murmurant : « Ce qu’il va être heureux, le singe ! »

Le singe, en effet, fut si heureux qu’il dut se faire répéter deux fois l’invitation de Liliane pour y croire. Mais Mlle Nichette le précédait déjà, lui ouvrait les portes, lui faisait traverser la chambre, qu’il n’entrevoyait jamais sans être prêt à défaillir comme un adolescent à ses premiers rendez-vous d’amour, et l’introduisait dans le boudoir. D’abord, il s’arrêta sur le seuil, contemplant Liliane dans un déshabillé, un peignoir léger qui laissait apercevoir presque librement la gorge admirable, et qui dessinait le mouvement de la hanche, la ligne de la jambe, le pied jouant négligemment avec la petite mule rose, agaçante. Nulle part plus que dans ce réduit intime, il ne l’avait vue plus désirable et il ne l’avait plus désirée.

Si Liliane fût restée deux secondes de plus à se polir négligemment les ongles, sans le regarder, il n’eût pu résister à la tentation ; il se serait jeté sur elle comme une bête. La soubrette était partie. Rien ne pouvait plus arrêter son élan… rien que le regard enfin levé de Liliane… Telles les bêtes fauves dans la cage, après avoir sournoisement préparé, dans le dos du dompteur, leur bondissement, reculent parce qu’il s’est retourné, tel Sinnamari prêt maintenant à s’agenouiller devant Liliane.

— Comment allez-vous, mon ami ? demanda Liliane en lui tendant une main qu’il baisa gloutonnement et qu’elle lui retira presque aussitôt, non sans marquer un recul de dégoût qui le fit sourdement gémir.

Car c’était ainsi. Chaque fois que cet homme l’approchait, elle n’était point maîtresse de cacher son instinctive horreur. Et pourquoi ? Elle n’eût pu le dire. Car Sinnamari était beau dans sa monstruosité morale et sa puissance physique. C’était un mâle magnifique que d’autres femmes, avec acharnement, se seraient disputé.

Mais elle, Liliane, pourquoi, elle qui ne pouvait le sentir près d’elle sans un frisson de dégoût, avait-elle permis son approche et lui avait-elle « laissé de l’espoir » ?… Pour l’argent ?… Non ! Il y avait d’autre argent que celui-là !… Pour se venger sur lui qu’elle était sûre de ne pas aimer, de tous ceux qui l’avaient trahie ?… Peut-être !… Pour obéir aux jeux du destin qui avait besoin de la réunion momentanée de ces deux êtres, afin que certaines choses nécessaires fussent accomplies ?… Est-ce qu’on sait ?… Il faudrait voir !…

Sinnamari s’assit sur un coussin aux pieds de Liliane. Ce formidable amoureux était ridicule. Il fut banal dans son trouble, ne trouvant pas ses mots pour la remercier de le recevoir dans un endroit qui, jusqu’à ce jour, lui était resté fermé.

— J’ai quelque chose à vous demander ! fit Liliane, l’interrompant dans son bredouillis.

— Tant mieux ! répondit Sinnamari… C’est accordé !…

— Oh ! répliqua doucement Liliane… Comme vous voilà !… Prenez garde, il ne s’agit pas d’argent…

— Enfin ! ne put s’empêcher d’exclamer le procureur.

— Merci ! répondit Liliane.

— Pardon ! reprit, honteux, Sinnamari.

— Allons ! parlons sérieusement : j’ai fait trois souhaits.

— Trois souhaits ! Vous n’en avez fait que trois, Liliane ? Je regrette qu’ils soient en si petit nombre, du moment où vous m’avez choisi pour les accomplir.

Liliane sourit à ce bel empressement.

— Alors, nous disons… le premier souhait ? demanda l’amoureux en levant le doigt.

— Celui-là n’est pas bien difficile… Il est déjà à moitié accompli, mais je voudrais être sûre qu’il le sera tout à fait…

— Vite de quoi s’agit-il ?

— D’abord, fit la demi-mondaine, d’abord, dites-moi, mon ami, que pensez-vous que je fais en ce moment ?

— Vous vous faites les mains.

— Eh bien ! Voilà où vous vous trompez, j’apprends mon rôle…

— Quel rôle ?

— Celui-ci, indiqua Liliane en lui désignant une petite brochure qui traînait sur sa coiffeuse. C’est Marcelle Férand elle-même qui m’a choisie pour ce rôle-là parmi toutes ses élèves… Elle jouera avec moi !

— Oh !… Mes félicitations… avec Marcelle Férand ! Ce sera l’événement de la saison dramatique à Paris… Et où débutez-vous ?

— Justement dans un endroit où je tiens absolument à vous voir, ou plutôt où je tiens à ce que vous me voyiez…

— Je vous en remercie, Liliane… Et où cela ?

— Chez M. le comte de Teramo-Girgenti, après-demain. C’est là mon premier souhait.

— Mais, ma chère amie… c’est un souhait qui ne compte pas, celui-là… Vous savez que je dois y aller… Je suis invité. Je vous l’ai dit moi-même…

— Justement… vous devez y aller… Eh bien ! moi, je veux être sûre que vous irez… Vous comprenez si je tiens à votre opinion, mon ami, celle des autres ne compte pas. Vous me direz si j’ai du talent… Alors, c’est entendu ?

— Entendu !

— Quoi qu’il arrive ?

— Quoi qu’il arrive !…

Les deux pseudo-amants furent interrompus par l’arrivée de Mlle Nichette, qui tenait une lettre à la main.

— Le domestique de monsieur, dit-elle, vient d’apporter une lettre.

— C’est bien ! fit Sinnamari d’un geste qui chassait Mlle Nichette.

Sinnamari ouvrit la lettre et lut, après en avoir demandé la permission à la jeune femme.

— Diable ! dit-il, le front soucieux… Voilà qui change un peu nos projets…

— Lesquels ?

— Mais nos projets pour la soirée du comte. C’est le comte qui m’écrit. Il me rappelle son invitation, et il ajoute : « Surtout ne manquez pas. Le roi des Catacombes m’a promis de venir… »

— Eh bien ! en quoi cela peut-il ?… Au contraire ! Moi je serais enchanté de le voir, ce roi des Catacombes, dont on parle tant !

— C’est que je vais justement vous demander de ne pas aller ce soir-là chez le comte.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il y aura du danger à s’y trouver.

— Le danger ne m’effraye pas… Quel danger ?

— Ma chère amie, je vais faire, ce soir-là, arrêter chez le comte le roi des Catacombes, et vous comprendrez qu’il y a bien des chances pour que le dessert soit un peu troublé.

Dans le moment, Liliane fit un geste pour déposer la lime à ongles, et elle dut se pencher un peu, de telle sorte que son bras et son sein sortirent des fanfreluches du peignoir, découvrant leurs formes parfaites, dignes de tous les hommages. Il en tremblait de les voir, et, vainement, sa voix voulait ordonner : « Vous n’irez pas, Liliane, chez le comte, vous n’irez pas ! », le sein et le bras attardés encore au même geste voulaient y aller, eux. Ils disaient si bien en même temps que Liliane : « Nous irons, nous irons ! » que Sinnamari sentait sa force de contradiction lui échapper. Cependant, il voulut tenter un dernier effort et, détournant les yeux de ce spectacle trop attrayant :

— Liliane, dit-il, songez que cette fête pourra se terminer d’une façon terrible. Ce triste sire viendra certainement, il est d’une audace que rien n’arrête, accompagné de quelques-uns de ses sujets et toutes précautions prises ; de mon côté, j’aurai pris les miennes.

— Oh, mais ce sera tout à fait intéressant !

— Trop ! on se battra…

— À la bonne heure ! On va s’amuser…

— Ne riez pas, Liliane, ce sera très sérieux… Il ne faut pas aller chez le comte… Vous savez si je vous aime, Liliane… Il pourrait vous arriver malheur ! Et je ne serais pas là pour veiller sur vous…

— Comment ! Vous n’iriez donc pas non plus, monsieur ? Auriez-vous peur ?

— Je n’ai peur de rien, Liliane, mais faisant arrêter un hôte du comte, je ne puis vraiment accepter l’invitation de celui-ci.

— Quelle délicatesse !… J’en serai donc pour mes débuts…

— Vous débuterez une autre fois…

— C’est bien, mon ami, je n’irai pas, puisque vous ne le voulez pas !… Je n’ai rien à vous refuser, moi !…

— Quels sont vos autres souhaits, Liliane ?

Cela ne vous regarde plus, mon cher. J’ai eu trop peu de succès avec vous pour le premier, j’attendrai de voir un autre de mes amis pour les lui faire connaître…

— C’est bien, Liliane, dit Sinnamari devenu pâle en entendant cette menace, puis, redevenant rouge en revoyant le bras et le sein nus, c’est bien ! Vous irez chez ce Teramo, et j’irai moi aussi, je vous le jure ; je ferai arrêter le roi des Catacombes devant vous, puisque vous y tenez !… Vous me donnerez la comédie, et moi je vous servirai la tragédie… N’en parlons plus. Le second souhait, Liliane ?

— Allons, vous voilà raisonnable. Si vous saviez comme vous me plaisez ainsi !

Et le bras et le sein rentrèrent dans le peignoir.

— Mon second souhait, mon ami, est celui-ci : je désirerais ce soir aller avec vous à la Porte-Saint-Martin, entendre Marcelle Férand dans les Martyrs.

— Oh ! Cela, c’est gentil ! s’écria Sinnamari en prenant les mains de la jeune femme. Je vais faire retenir tout de suite une baignoire.

— Oh ! c’est déjà fait… La baignoire no 8, c’est la meilleure. Il est impossible de vous voir de la salle, et puis, avant votre arrivée, je tirerai la grille.

— C’est parfait… On dira : il y a là derrière deux amoureux… Et l’on se trompera, Liliane, ajouta tristement Sinnamari.

Liliane l’écarta. Il poussa un soupir qui la fit rire. Alors, il rit.

— J’ai encore quelque chose à vous demander pour mon second souhait, fit-elle. Après le théâtre, nous irons souper, et après le souper…

— Après le souper ?

Sur ces entrefaites, Mlle Nichette entra encore :

— C’est un monsieur qui s’appelle Dixmer et qui demande à voir monsieur tout de suite.

— Qui est-ce, Dixmer ?

— Un haut fonctionnaire de la police.

— Il est votre ami ?…

— Oui, en ce moment… Cela tombe bien. Permettez-moi d’aller lui dire deux mots…

— Allez, mon ami, et prenez votre temps… Pendant ce temps, j’étudierai mon rôle.

Sinnamari baisa les doigts de Liliane et courut rejoindre Dixmer qui l’attendait dans le petit salon Louis XV. Il fallait que le policier eût vraiment quelque chose d’important à confier au procureur pour qu’il vînt le relancer jusque chez sa maîtresse.

— Eh bien ? demanda Sinnamari. M’apportez-vous de bonnes nouvelles ?

Déjà Sinnamari était redevenu lui-même, avait reconquis toute son intelligence, sa lucidité, sa force.

Dixmer n’avait pas quitté le déguisement que nous lui connaissons depuis son apparition à l’Hôtellerie de la Mappemonde. Du reste, il n’eût point osé se montrer en Dixmer tant qu’il n’avait point réduit le roi des Catacombes. C’était maintenant une question de vie ou de mort entre eux, et il n’avait pas eu besoin de l’assurance que lui en avait fait Patte-d’Oie pour en être persuadé. Pourquoi Patte-d’Oie l’avait-il épargné ? Il ne le savait pas encore, mais il pensait bien qu’il ne dépendait que de lui d’en connaître la raison dès cette nuit même, s’il allait la chercher au rendez-vous que le sergent du roi des Catacombes lui avait fixé au cabaret de l’Ange Gardien. Mais irait-il ? Pourquoi pas ? Si Patte-d’Oie avait eu de mauvais desseins contre lui, il n’avait, l’autre nuit, qu’à le faire exécuter… Tout de même, Dixmer était perplexe… La voix de Sinnamari le tira de cette perplexité.

— Oui, fit-il, j’ai, je crois, de bonnes nouvelles. Vous pourriez bien avoir raison !

— Serait-ce possible ? s’écria Sinnamari… Surtout Dixmer, pas de gaffes ! C’est un coup à nous mettre l’Europe à dos, s’il y a erreur sur la marchandise…

— Écoutez !… Tout ce que vous m’avez dit m’a tellement frappé que j’ai travaillé autour. Moi, je crois que c’est le même !

— Vraiment ? Eh bien, voyez ! Il s’invite lui-même à la petite fête d’après-demain…

Et Sinnamari tendit la lettre qu’il venait de recevoir. Dixmer la lut :

— Oh ! Il a un certain toupet…

— Oui, parce que, que ce soit lui, ou que ce ne soit pas lui, qu’il soit le même ou non, l’autre est pris ! Qu’est-ce que vous avez découvert, Dixmer, qui vous fait croire davantage que Teramo-Girgenti et le roi des Catacombes ne font qu’un ?

— Bien des choses… D’abord, j’ai vu un des sergents du roi des Catacombes, un nommé Cassecou, que je connais bien, sortir de chez lui.

— Tiens ! fit Sinnamari. Il s’appelle comme le cocher de Liliane ! Ensuite ?

— Ensuite, le premier des lieutenants de R. C., celui qu’il a mis à la tête de toute sa « bande noire », car il a sa « bande noire » et sa « bande blanche », le Vautour, est venu deux fois chez Teramo dans la seule journée d’hier. C’est un grand fort garçon, qui est connu dans les milieux des courses sous le nom de Master Bob. J’aurais pu le faire arrêter, si justement sa filature ne nous rapportait davantage que son arrestation.

— Qu’a-t-il fait en sortant de chez Teramo ?

— Il s’est rendu à la Profonde. C’est ainsi que les séides de R. C. appellent leur repaire dans les catacombes. Il y est descendu par l’entrée de la rue Lamartine.

— On peut donc pénétrer chez eux, par là ?…

— Ça ne servirait à rien… Si vous voulez que je vous explique comment ils sont gardés…

— Bon ! Ce sera pour une autre fois… Ah ! si vraiment ce Teramo-Girgenti, c’était lui, R. C. ?…

— Je le crois…

— Malheureux ! Taisez-vous ! Je le fais arrêter tout de suite… Ah ! C’est ce qu’il faudrait !… Vous pensez bien que s’il se découvre d’une façon aussi extraordinaire pour la fête, c’est qu’il a dû préparer pour cette damnée crémaillère un coup dont il se croit sûr… Ce jour-là, il sait où il va, lui… Nous, nous ne savons pas où nous allons !… Quand nous crions : quoi qu’il arrive, il est pris !… nous nous vantons sur les forces dont nous disposons… Elles peuvent être immenses ; elles ne comptent pas si nous ne connaissons pas les siennes. Son astuce seule peut déjouer toutes nos combinaisons… Vous le savez bien vous-même puisque vous en étiez !…

— C’est vrai ! fit mélancoliquement Dixmer.

— Comprenez qu’il faut l’arrêter avant la fête ! Ah ! Si on était sûr que ce fût vraiment le même ! On cueillerait le Teramo et ce serait fini !…

— Ce que je vous ai dit ne vous suffit pas, monsieur le procureur impérial ?

— Non ! Il me faut d’autres preuves en face de toute la paperasserie diplomatique qui me recommande ce singulier comte… Songez, Dixmer, que le comte ne se cache pas du tout d’être en relation avec R. C. qui l’a fait prisonnier autrefois… Cassecou, votre Vautour, peuvent bien n’avoir été auprès de lui que les commissionnaires de R. C. Ah ! C’est dommage ! Comment savoir ?

— Écoutez, dit résolument Dixmer, je le saurai ce soir.

— Comment cela ?…

— Je le demanderai à quelqu’un… à un sergent de R. C., qui me veut, paraît-il, du bien, en ce moment, à un nommé Patte-d’Oie, qui m’a donné rendez-vous dans un bouge de la rue Brisemiche, le cabaret de l’Ange Gardien. C’est là que se réunissent souvent les sergents de R. C. pour faire la bombe avec leurs gigolettes. Je me déguiserai en Titi de Pantruche ce soir et j’irai le rejoindre. Je verrai de quoi il retourne avec Patte-d’Oie, et je cours le risque d’y rencontrer Cassecou qui y vient quelquefois. Je leur tirerai les vers du nez sur ce Teramo. Cassecou, au moins, lui, doit savoir, et ça m’étonnerait bien si Patted’Oie… Seulement, je vais avertir la Sûreté et faire faire un sérieux service d’ordre occulte autour de l’Ange Gardien… Je ne tiens pas à me faire assassiner là-dedans, car au fond, je ne connais pas leurs intentions bien exactes à mon égard.

— Faites ! Prenez toutes vos précautions, Dixmer… C’est cela… un sérieux service d’ordre !

— Entendu ! acquiesça Dixmer.

— Et l’autre affaire ? Ça ne marche toujours pas ?…

Elle ne bouge pas ! Elle suit toujours le même chemin avec son Professeur tous les jours, en plein jour… les mêmes rues… Tous les concierges, soudoyés par R. C., arriveraient au premier appel… au coup de sifflet du Professeur… et puis il y a un mot d’ordre nouveau chaque jour… Le Professeur ne parlera point pendant le trajet à quiconque n’aura pas le mot d’ordre… Il me faudrait le mot d’ordre et le sifflet… Tant que je n’aurai pas cela… rien à faire… Mais je l’aurai peut-être demain ou après-demain…

— Ah ! le plus tôt possible !… Je sens qu’il va nous falloir des armes contre R. C. et le plus tôt possible !… Qu’est-ce que vous espérez ?

— Tout ! Je suis devenu intime avec le Professeur !…

— Vraiment ?

— Oui, les trois pintes du cabaret du même nom nous ont rapprochés… À propos, j’ai découvert, dans cette étrange hôtellerie, un garçon bien curieux à observer, un nommé Robert Pascal ; j’ai failli me faire assassiner par les Titis de Pantruche en le suivant, un soir…

— Qu’a-t-il de curieux, ce garçon, mon cher Dixmer ?

— Il s’évanouit pour rien… Un matin, il s’est évanoui en entendant un perroquet prononcer cette phrase : « Tu es la Marguerite des Marguerites, tu es la perle des Valois ! »

— Tiens ! fit Sinnamari, surpris. Où donc ai-je déjà entendu cette phrase-là, moi !…