Le Rideau levé ou l’éducation de Laure/04

(attribué à).
Au palais sous les robes (p. 89-182).
Histoire de Rose

HISTOIRE DE ROSE


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J’avais dix ans, quand ma mère m’envoya chez une sœur qu’elle avait en province, où je passai plus de six mois. Elle n’avait qu’une fille, qui avait au moins six ans au-dessus de moi. Jusqu’à ce moment, toujours retirée chez ma mère, dont la dévotion ne permettait à personne d’approcher de nous, mes frères au collège, j’étais toujours seule, ou à l’église avec ma mère ; je ne me connaissais pas encore, mais je m’ennuyais beaucoup. J’aimais bien mieux être aux églises que de rester au logis ; car, quoiqu’elle se mît très souvent dans les coins les plus retirés, j’apercevais au moins, à la dérobée, quelque figure humaine qui attachait mes regards. Il y avait longtemps que ma mère promettait à ma tante, qui me demandait, de m’envoyer chez elle ; je le désirais avec d’autant plus d’impatience, que je savais qu’elle ne ressemblait pas à ma mère. Une occasion survint qui l’y détermina. Mon frère aîné était menacé de la petite vérole ; elle me fit partir au plus tôt. Ma tante et ma cousine me reçurent avec mille démonstrations d’amitié. Dans les premières caresses, Isabelle demanda que je couchasse avec elle. Je ne sais si elle ne s’en repentit pas bientôt, par la contrainte que cet arrangement lui donna dans les premiers temps. Cependant, le soir, avant de nous endormir, elle m’embrassait, et le matin je lui rendais ses caresses. Les quinze premiers jours passés, la contrainte me parut diminuer, et le soir elle retroussait nos chemises pour appuyer ses fesses contre les miennes, et me donner le baiser des quatre sœurs.

Une nuit, entre autres, que je ne pus pas m’endormir aussitôt qu’à l’ordinaire, et qu’elle me croyait très enfoncée dans le sommeil, je sentis qu’elle remuait le bras avec un petit mouvement ; sa main gauche était sur le haut de ma cuisse ; je l’entendis qui haletait et poussait une respiration entrecoupée ; elle remuait doucement le derrière ; enfin elle fit un grand soupir, se tint tranquille et s’endormit. Surprise de tout cela, et n’y pouvant rien comprendre, je craignais qu’il ne lui fût arrivé quelque chose d’extraordinaire ; cependant, comme je la trouvai fraîche et gaie le lendemain, mon inquiétude cessa. Depuis ce jour, je m’aperçus qu’elle répétait tous les soirs ce même manège, auquel je ne concevais rien pour lors ; mais je ne tardai pas à en être instruite.

Ma tante avait une femme de chambre âgée tout au plus d’une vingtaine d’années. Isabelle était souvent enfermée dans sa chambre avec elle. Justine brodait parfaitement en tout genre, et ma cousine allait recevoir ses leçons ; elle ne voulait point, disait-elle, que je l’interrompe, parce que je l’empêcherais de faire les progrès qu’elle désirait ; je donnai d’abord dans ce panneau, qui cependant n’en était pas tout à fait un, puisqu’en effet elle apprenait à manier parfaitement l’aiguille. Enfin piquée de n’être point admise en trio, et remarquant entre elles une certaine intelligence, ma curiosité fut vivement excitée. Curiosité de fille est un démon qui la tourmente : il faut qu’elle lui cède, qu’elle y succombe.

Un jour que j’étais restée seule, ma tante étant sortie avec Isabelle, et Justine ayant profité de ce moment pour en faire autant, je le mis en usage pour aller dans sa chambre examiner si je ne trouverais pas quelque moyen, ou quelque ouverture de laquelle je pourrais découvrir ce qu’on pouvait y faire ; j’aperçus, au coin du lit où couchait Justine, une porte dans la ruelle, que je parvins à ouvrir à force de la secouer, et qui conduisait dans une chambre sombre, toute remplie de vieux meubles, presque jusqu’au plancher ; il n’y avait de libre qu’un passage qui conduisait à une autre porte qui donnait sur un escalier dérobé, duquel on descendait dans une petite cour, d’où l’on sortait dans une ruelle déserte et écartée.

Ma tante croyait ce quartier bien fermé ; mais si elle en avait les clefs, Justine avait trouvé le moyen d’en avoir le passage libre. Dans cette espèce de garde-meubles, il y avait, à quelque hauteur, à l’égalité du pied du lit, une ouverture qui avait été ménagée dans la muraille pour y mettre une croisée qui aurait donné du jour dans cette chambre, étant vis-à-vis les fenêtres de celle de Justine ; mais l’usage qu’on faisait de cette pièce rendant cette précaution inutile, cette ouverture était couverte par la tapisserie qui entourait la chambre de Justine ; je m’aperçus de cette ouverture, je grimpai sur les meubles pour chercher s’il n’y aurait pas quelque trou ; n’en trouvant pas d’assez grand, je pris mes ciseaux, et je fis une ouverture suffisante pour découvrir partout dans la chambre, et particulièrement sur le lit, auquel je ne pensais guère alors. Charmée d’avoir trouvé ces moyens, et dans le dessein d’en profiter, je me retirai au plus vite, en refermant la porte. J’avais remarqué que lorsque Isabelle allait dans la chambre de Justine, c’était presque aussitôt après le dîner.

Un jour, ma tante devait aller passer l’après-midi chez une de ses amies, où quelque affaire devait la retenir et elle ne comptait nous mener ni l’une ni l’autre ; ma cousine me dit en particulier qu’elle devait apprendre ce jour-là quelques points nouveaux et que je pouvais aller chez des voisines ou m’occuper de mon côté, afin qu’elle ne fût point troublée ; il ne m’en fallut pas davantage. Dès qu’on fut hors de table, je fis semblant de sortir de la maison et d’aller dans le voisinage ; mais je remontai doucement dans la chambre de Justine, qui habillait ma tante, et je les prévins. Je fus me renfermer dans la chambre noire, cachée parmi les meubles, l’œil attaché sur l’ouverture que j’avais agrandie. Je ne fus pas longtemps sans voir arriver ma cousine qui prit à la main un ouvrage de broderie ; je crus alors que j’allais passer une après-midi bien ennuyeuse, je me repentis de ma curiosité, que je maudissais de tout mon cœur. Justine y vint peu de temps après avec ma tante, qui demanda où j’étais : le cœur me palpitait ; elle lui répondit qu’apparemment j’étais allée chez des petites amies de mon âge où je me rendais quelquefois ; elle ne prit pas d’autres informations, et voyant sa fille occupée, elle s’en fut et je les vis toutes deux examiner par la fenêtre si ma tante sortait. Aussitôt qu’elle fut dehors, ce que j’entendis à leurs discours, Justine ferma les verrous ; elle vint ouvrir la porte de la chambre où j’étais, et fut à celle de l’escalier dérobé. La frayeur d’être découverte me saisit ; j’étais accroupie pour me cacher parmi les meubles, elle ne s’aperçut de rien, et retourna dans sa chambre. Dès qu’elle y fut rentrée, Isabelle mit de côté son ouvrage et s’avança près d’un miroir, pour raccommoder sa coiffure et rajuster son mouchoir de cou, que Justine lui arracha, et qui lui prenait les tétons, lui faisait compliment sur leur rondeur et sur leur fermeté ; puis, découvrant les siens, elle en faisait la comparaison entre eux. Au milieu de leurs amusements, j’entendis, sur l’escalier de la petite cour, quelqu’un qui montait et qui trouvant libre l’entrée de la première porte, qu’apparemment Justine avait été ouvrir, vint gratter à celle de la chambre ; je ne pus le voir passer, étant enfoncée et cachée pour n’être pas vue moi-même. Justine le fit entrer, et fut refermer les portes avec soin. Quand il fut dans la chambre, je le reconnus aussitôt : c’était un grand jeune homme, un peu parent de la maison, qui venait quelquefois voir ma tante. Isabelle avait la gorge découverte : Courbelon fut sans façon la lui baiser et y fourra la main, tandis que l’autre fut se perdre sous sa jupe ; Justine à son tour fut traitée de même ; le temps ne me paraissait plus long. Il prit Isabelle dans ses bras, la jeta sur le pied du lit, et la troussa tout à découvert ; je vis alors son ventre, ses cuisses et sa fente ; elle était peu garnie de poils, mais il était fort noir ; il la baisait et remuait le doigt de la main droite au haut de cette fente, tandis que le doigt de la main gauche y était tout enfoncé ; Justine, déboutonnant sa culotte, en tira une machine fort longue, raide et très grosse ; ma cousine la prit ; il voulait la mettre à la place de son doigt, mais j’entendis Justine lui dire :

— Non, Courbelon, je ne le souffrirai pas ; si je deviens grosse, je saurais m’en tirer, mais si jamais Isabelle était dans ce cas-]à, où pourrions-nous toutes deux nous cacher ? Caressez-la, donnez-lui du plaisir, mais ne lui mettez pas.

Tous ces discours, que j’entendais parfaitement, étaient autant d’énigmes dont je cherchais le mot. Je vis cependant Courbelon se retirer à conte-cœur, et tout en pestant il continua de caresser Isabelle, en la chatouillant comme il avait commencé, tandis que ma cousine tenait à pleine main ce gros instrument que Justine avait mis en liberté ; Quelques moments après, qu’il eut recommencé les mouvements de ses doigts, j’entendis et vis faire à Isabelle le même jeu et les mêmes soupirs qu’elle faisait quand nous étions couchées ; je fus alors au fait et je jugeai qu’elle répétait seule dans son lit ce que Courbelon venait de faire. Isabelle se releva bientôt, et Justine, qui était en arrêt comme un chien sur sa proie, se jetant à son tour sur le pied du lit, tenant d’un bras Courbelon par les reins, et de l’autre main tenant ce pieu qui conservait sa grosseur, l’entraîna sur elle ; elle fut bientôt troussée, il se coucha sur son ventre, et de ses deux mains il tenait ses tétons qu’il baisait, et les mouvements de reins et de cul que je lui voyais faire, me firent juger qu’il lui enfonçait ce membre que j’aurais voulu voir entrer. Ma cousine passa sa main par derrière entre les cuisses de Courbelon, ou pour le caresser, ou pour juger de l’enfoncement. Je les vis alors s’agiter, se remuer avec fureur : bientôt Courbelon, après des transports et des mouvements qui m’étonnaient, se laissa aller, et je le vis retirer cet instrument humble et bien diminué de longueur et de grosseur. Ils se reposèrent quelques moments sur le lit, mais les baisers et les caresses allaient leur train. Cette première scène, qui m’avait vivement émue, ne tarda pas à être suivie d’une autre qui me plut encore davantage.

Courbelon, impatienté de leurs habillements qui les gênaient, et sachant que ma tante ne reviendrait pas de sitôt, les mit bientôt dans l’état où il désirait les voir : en peu d’instants, elles furent toutes deux nues. Justine n’était pas d’une figure aussi jolie qu’Isabelle, mais elle gagnait dans la situation où il les avait mises ; son corps était plus blanc, elle était plus grasse et potelée ; il leur imprima plus de cent baisers à l’une et à l’autre ; il prenait leurs culs, leurs tétons, leurs fentes, tout était à sa disposition. Ce que je voyais depuis une demi-heure excitait en moi un feu, une émotion que je n’avais jamais sentis ; leurs caresses recommencèrent avec plus de vivacité ; il les fit mettre toutes deux couchées sur le ventre au pied du lit, en leur faisant écarter les cuisses. Je découvrais parfaitement tout ce que Courbelon voyait ; il examinait, baisait leurs fesses, enfonçait un doigt de chaque main entre leurs cuisses. Son instrument était revenu dans le premier état où je l’avais vu, et comme Justine, le visage appuyé dans ses mains contre la couverture, ne pouvait le voir, il avait commencé de l’introduire à Isabelle, quand tout à coup Justine en défiance se leva furieuse et prenant ma cousine par les jambes, elle la retira et démonta Courbelon. J’en fus très fâchée, car je voyais cet outil prendre sa route à grands pas !

— Non, lui répéta-t-elle, cela ne sera pas ; je vous en ai dit cent fois les raisons, c’est une nécessité de s’y conformer.

Comme je pouvais entendre aussi facilement que je voyais, aucun des mots, aucune des expressions ne furent perdues.

— Viens, mon cher, dit Justine, en le prenant par son instrument, viens mettre ton vit dans mon con ; ils se connaissent, et tu ne risques rien avec moi !

Mais elle manqua son coup, car, le tenant toujours par là, elle lui donna deux ou trois secousses ; aussitôt je vis Courbelon se pencher sur son épaule, tenant un téton, la baiser et répandre une liqueur blanche que je n’avais pas encore vue, avec des convulsions qui marquaient un vif sentiment de plaisir. J’étais dans un état que je ne concevais pas moi-même. Depuis quelque temps, je chatouillais le haut de ma petite fente de la même manière que j’avais vu Courbelon le faire à Isabelle et à Justine. J’étais dans cette agréable occupation, qui ne me procurait encore qu’un doux plaisir quand l’une et l’autre, sans doute vivement animées par les caresses que Courbelon leur avait faites, le mirent dans la même position où elles étaient elle-mêmes, pas le moindre vêtement depuis la tête jusqu’aux genoux. Cette perspective nouvelle m’attacha par une curiosité délicieuse, et d’autant plus particulièrement que j’avais fort désiré le voir ainsi ; il semblait que leurs plaisirs fussent d’accord avec mes souhaits. Chacune le baisait, le caressait, lui prenait le vit qui s’était ramolli, chatouillait ses couilles et ses fesses ; il les baisait à son tour, maniait, suçait leurs tétons, les renversait, les examinait, les branlottait et leur enfonçait le doigt. Je vis enfin cet instrument reprendre toute sa vigueur, et les menacer toutes deux ; il ressemblait à un épieu qu’on va plonger dans le corps d’une bête féroce. J’apercevais bien que Courbelon en voulait à ma cousine, mais Justine le saisissant, ils tombèrent l’un sur l’autre sur le pied du lit ; je crus qu’il lui enfoncerait l’estomac ; rien ne la fit reculer.

— Attends au moins, lui dit-il, que nous augmentions nos plaisirs, et que nous en jouissions tous ensemble.

Il fit mettre Isabelle sur le lit, les genoux et les cuisses écartées, entre lesquelles Justine plaça ses jambes à terre, et fort ouvertes. Comme rien ne gênait plus mes regards, j’aperçus le vit de Courbelon entrer dans son con, qui, par ses mouvements, paraissait, s’y renfonçait et faisait un écart qui me surprenait. Il me semblait inconcevable qu’un membre aussi gros pût y entrer, à moi qui avais essayé d’introduire mon doigt dans le mien, et qui n’avais pas osé l’y pousser à cause de la douleur, mais cet exemple me fit passer outre, et je l’enfonçai avec tout le courage dont j’avais le modèle devant les yeux : je m’y déterminai d’autant plus facilement, que tandis que Courbelon avait son vit dans le con de Justine, il avait mis son doigt dans celui d’Isabelle, en lui disant qu’elle avait la plus charmante motte, et le plus joli con du monde, et en lui recommandant de branler son clitoris, ce que fit ma cousine, pendant qu’il faisait aller et venir le doigt dans son con, comme son vit allait et venait dans celui de Justine. Fidèle à les imiter en partie, je m’armai de ma fermeté, et je poussai dans le mien le doigt de la main gauche, que j’y enfonçais tant que je pus et que j’agitai de la même manière, tandis que de la droite je me branlais comme faisait Isabelle. Une sensation délicieuse s’accroissait par degrés ; je ne fus plus surprise que ma cousine se plût à la répéter. Je ne tardai pas à les voir tous trois dans les plus vifs transports ; Isabelle se laissa aller sur le dos, donnant de temps en temps des coups de cul. Courbelon, témoin de son plaisir lui criait :

— Ah ! ma chère, tu décharges !

Il achevait à peine ces mots qu’il tomba lui-même presque sans mouvement sur Justine, en faisant de grands soupirs, et prononçant avec énergie des foutre ! et des sacre ! qui peignaient ses sensations. Justine elle-même, après des élancements vifs et réitérés, et des serrements de cul précipités, resta comme anéantie, la tête et les bras penchés, en faisant chorus avec Courbelon.

Ces témoignages d’un plaisir si violent, m’animèrent à tel point, et portèrent le mien à un si prodigieux degré, qu’à mon tour je me laissai tomber sur les meubles, en ressentant un plaisir incroyable. Quel excès de délices quand on éprouve pour la première fois une volupté si grande, qu’on n’a jamais connue et dont on n’a pas d’idée ! On n’est plus rien, on est tout à cette suprême félicité, on ne sent qu’elle !

Le temps que j’avais employé à la savourer, leur en avait assez donné pour se rhabiller : dès qu’ils le furent, Courbelon, après les avoir embrassées, reprit la route par laquelle il était venu, et quelques instants après, Isabelle et Justine sortirent de la chambre. J’attendis encore un peu ; je parvins enfin à me dégager, prenant le même chemin que Courbelon ; je revins au logis dans l’appartement de ma tante, qui rentra peu de temps après avec ma cousine qui était allée la rejoindre.

Depuis ce moment, je ne pensais, je ne rêvais plus qu’à ce que j’avais vu ; toutes leurs paroles étaient parvenues à mes oreilles, aucune de leurs actions ne m’avait échappé, j’y réfléchissais sans cesse. Le même soir, quand je fus au lit avec Isabelle, je fis semblant de me livrer au sommeil ; elle ne tarda pas à tomber dans un profond assoupissement, j’en fis bientôt autant ; mais le lendemain il n’en fut pas de même. Dès que nous fûmes couchées, je fis comme la veille : ma cousine me croyant endormie, je sentis qu’elle recommençait son petit manège ; j’étais au fait, je me retournai, et passant ma cuisse sur la sienne, je mis ma main où je savais bien qu’était son doigt, je la glissai par-dessous, et, le soulevant, je pris toute sa motte. Je l’embrassai, je baisai ses tétons, et j’enfonçai mon doigt dans son con. Je l’en retirai pour chatouiller l’endroit où j’avais trouvé le sien ; elle écartait les cuisses et me laissait faire ; lorsque je l’entendis pousser ses derniers soupirs, je la trouvai toute mouillée ; le même désir me tourmentait : je pris sa main dont je couvris ma motte, j’employai son doigt à faire son office et je me trouvai peu de temps après au point de lui rendre soupirs pour soupirs. Elle ne fut pas peu surprise de tout ce [que] j’avais fait ; elle me croyait dans l’ignorance la plus parfaite ; elle n’avait eu garde de m’instruire, craignant qu’ayant été élevée par une mère dévote, je ne fusse assez enfant pour en parler à ma tante ou à ma mère, à mon retour chez elle.

— Comment, Rose, comment sais-tu tout cela ? Je suis bien étonnée de tes connaissances ; à ton âge, je n’en savais pas tant.

— Je le crois, ma chère cousine ; je te le dirai, à condition que tu ne seras point fâchée contre moi, et que tu m’aimeras toujours.

Je me repentis au moment même de ce que j’avais dit et je ne voulais plus continuer, lorsque Isabelle me prenant dans ses bras et me caressant, me pressa de tout lui avouer.

— Tu ne m’en voudras donc pas ? Tiens, ma chère cousine, sois assurée de ma discrétion. Je te promets de n’ouvrir jamais la bouche à personne de ce que je sais, et surtout à ma tante ni à ma mère ; mets ta confiance en moi comme en toi-même.

Je lui redis alors tout ce dont j’avais été témoin, et de quelle manière je l’avais été… L’effroi la saisit.

— Ah ! ma bonne amie, ma chère Rose, garde-m’en, je te conjure, le secret ; ne me trahis pas ; tu me perdrais.

Je le lui jurai de nouveau ; nous convînmes qu’il ne fallait pas même en parler à Justine ; elle me donna cent baisers, en me faisant autant de questions sur ce que j’avais vu, entendu et sur l’effet que j’en avais éprouvé. Je lui rendis compte de tout. Je la tranquillisai pour lors, en lui disant que tout ce que je lui avais appris de moi-même m’engageait à garder un secret qui était devenu le mien.

— Mais raconte-moi donc, Isabelle, par quelles circonstances tu en es venue là avec Courbelon et Justine ?

— Je le veux bien, ma petite cousine, après ce que tu sais, je n’ai rien à te refuser ni à te cacher, et je compte toujours sur tes promesses. Écoute-moi. Un mois ou cinq semaines avant ton arrivée ici, j’étais un jour sortie avec ma mère, mais ayant oublié quelque chose dans ma chambre, et n’étant pas éloignée de la maison, j’y revins pour la chercher. Après l’avoir prise, je fus à la chambre de Justine, je ne puis te dire pourquoi ; la porte apparemment n’était pas bien fermée, ou elle n’y avait pas pensé ; je la poussai, elle s’ouvrit ; je ne fus jamais plus surprise, et je restai dans l’étonnement et comme pétrifiée de trouver Courbelon sur elle ; il en descendit aussitôt et j’aperçus son outil qu’il tâchait de cacher, dans le même temps qu’il abattait les jupes de Justine qui étaient toutes levées ; elle était bien heureuse que ma mère ne fût pas à ma place. Je voulus à l’instant m’en aller, mais cette fille, craignant que je ne redise à ma mère ce que j’avais vu, courut après moi, se mit à mes genoux, en me conjurant de n’en pas parler. Elle me pressa tant, en me baisant les mains, que je lui promis tout ce qu’elle voulut, et je lui tins parole.

Je t’avoue, ma chère Rose, que cette aventure me donna matière à bien des pensées. Depuis ce jour-là, Justine m’amenait souvent dans sa chambre, sous prétexte de m’apprendre à broder ; mais elle m’entretenait toujours sur le sujet de ce que j’avais vu, en m’apprenant des choses bien nouvelles pour moi ; elle découvrait ma gorge, elle prenait mes tétons, elle me peignait le plaisir sous les attraits les plus séduisants ; je conviens que j’en trouvais à l’entendre. Enfin, un jour que cette conversation m’avait fort animée, et ma curiosité fortement excitée, je sentis le feu sur mes joues, mon sein était agité ; les questions que je lui faisais firent connaître à Justine que le moment était favorable : elle me prit entre ses bras, m’enleva et me porta sur son lit ; elle me troussa ; je m’en défendais faiblement, elle continuait toujours, en me disant qu’un jeune et aimable cavalier serait bien heureux à sa place, s’il voyait et touchait les beautés, les grâces et la fraîcheur qu’elle venait de découvrir ; que sa machine s’enflerait, et qu’il mourrait de plaisir, en m’en faisant connaître et ressentir de bien vifs. Ses flatteries, ses peintures et ses caresses m’ayant subjuguée, je me laissai faire par elle tout ce qu’elle voulut. Elle posa le bout du doigt de la main gauche entre les lèvres de mon ouverture, qu’elle chatouillait, tandis que de la droite elle en frottait le haut.

— Ma chère cousine, lui dis-je, pourquoi n’emploies-tu pas les termes et les noms que tu sais ? Je les ai tous entendus de Courbelon et de Justine.

— Tu as raison, Rose, je n’en ferai plus de difficulté.

Enfin, après quelque temps de ce badinage, je ressentis cet extrême plaisir qu’elle m’avait si bien dépeint ; mais elle m’assura que j’en trouverais bien davantage avec un joli homme, jeune et galant. Depuis ce temps, elle répétait souvent, à ma satisfaction, ce jeu charmant ; elle enfonça même un jour son doigt ; j’éprouvai quelque douleur qui fut bientôt apaisée ; elle sut enfin m’engager à lui rendre le plaisir qu’elle me donnait.

J’y trouvais beaucoup d’agrément, et je m’en contentais, mais huit à dix jours avant ton arrivée, ma mère étant sortie seule, nous reprîmes nos jeux et nos plaisirs, et sous divers moyens que Justine employa, nous nous mîmes toutes deux totalement nues. Courbelon, caché derrière un rideau, avait été témoin de toutes nos folies : c’était une partie liée entre Justine et lui, mais je l’ignorais ; elle riait, depuis le commencement, de tout son cœur. Surprise de ses ris, qui me paraissaient quelquefois hors de propos, je la pressais de m’en dire le sujet ; elle m’avoua que Courbelon nous voyait. Il sortit aussitôt de dessous le rideau, nu, comme nous étions, et son vit était d’une grosseur et d’une raideur étonnantes. Effrayée, palpitante, honteuse, je ne pouvais plus fuir dans l’état où j’étais, qu’en me cachant sous le même rideau ; j’y courus, mais ils m’arrêtèrent tous deux, et je n’osais rien lui dire, après ce qu’il nous avait vu faire, Courbelon me prit entre ses bras, se jeta à mon cou, m’embrassa, porta ses mains et ses lèvres partout où il put ; tout était à sa disposition, et Justine l’aidait. Enfin la surprise et la honte firent place au désir. Il mit son vit dans ma main, je ne pouvais l’empoigner ; le feu de ses baisers, de ses attouchements, ce spectacle si nouveau pour moi, et l’exemple de Justine qui le caressait sans scrupule, firent couler le plaisir dans tous mes membres, et m’avaient mise dans une situation à ne pouvoir rien lui refuser. Les plaisirs qu’il me donna avaient une pointe de vivacité que je n’avais point sentie par les mains de Justine, avec laquelle je désirai qu’il fît la même chose, mais ils allèrent bien plus loin ; elle l’attira sur elle au pied de son lit, et me tenant d’une main, elle me fit voir le vit de Courbelon qui se perdait dans son con, et la vivacité de leurs transports me fit juger de l’excès de leurs plaisirs. C’est hier la sixième fois que je me suis trouvée avec lui, cela n’arrivant pas souvent, crainte d’être découverts. Je fus enchantée de ton arrivée, ma chère Rose, dans l’espérance que j’en aurais plus de liberté ; car je t’avoue que j’ai un violent désir que Courbelon m’en fasse autant qu’à Justine. Je crains, il est vrai, les enfants dont elle me fait peur, et le mal que la grosseur de son vit me pronostique, mais puisqu’elle le reçoit avec empressement, j’imagine que ma crainte n’est pas trop fondée, et que la douleur doit être bien moindre que le plaisir, du moins Courbelon me le dit de même ; cependant Justine s’oppose toujours au désir que nous en avons, par diverses raisons dont elle ne peut me persuader, puisqu’elle s’y expose.

Je la pressai, autant qu’il fut en mon pouvoir, de se satisfaire. Je combattis les raisons de cette fille par toutes celles qui me vinrent à l’idée, dans un âge où je n’avais pas d’expérience ni grandes ressources à donner, mais soit que son imagination, sa curiosité ou ses désirs fussent d’accord avec mes raisonnements, elle me parut facilement s’y rendre. Je lui fis promettre en même temps de me faire le détail du plaisir qu’elle aurait eu ; elle m’en donna sa parole, en me recommandant toujours ce que nous appelâmes dès lors notre secret ; depuis ce moment nous ne nous quittions presque plus.

Quelques jours après nous fûmes invitées à une noce des parents de Justine ; ces sortes d’invitations sont assez en usage dans les petites villes de province. Elle ne manqua pas de s’y rendre une des premières avant que nous y allassions. Isabelle me dit en riant que cette occasion était bien favorable pour la tromper, car je l’entretenais tous les jours dans le projet d’en passer sa fantaisie. Je saisis d’abord cette idée, et je lui dis qu’en effet ma tante croyant que nous irions ensemble, ne manquerait pas de son côté d’aller chez quelques-unes de ses amies ; qu’il fallait qu’elle fût et se tint dans la chambre de Justine ; que, sans doute, Courbelon ne manquerait pas de venir à la danse, comme font ordinairement les jeunes gens, même sans être invités ; que l’espérance de la trouver l’y amènerait plus sûrement ; qu’aussitôt que je le verrais, je lui dirais qu’elle avait à lui parler, et qu’il se rendit dans la chambre de cette fille, où elle serait à l’attendre.

— Non, non, je ne le veux pas, me dit-elle en rougissant ; mais je la pressai, je mêlai mes caresses à mes engagements, et soit qu’elle fût bien aise qu’ils voilassent ses désirs, ou soit que je la déterminai, elle y consentit. Je n’avais pas fini de m’habiller, que ma tante était déjà partie. Je m’en fus donc seule : effectivement, je trouvai Courbelon, qui était arrivé ; je m’approchai de lui, et je parvins à lui dire, sans affectation et sans qu’on s’en aperçût, ce que j’avais projeté ; il ne tarda pas à disparaître. Quelques instants après, je ne le vis plus ; je regrettais de n’être pas encore à mon poste, mais comme je me flattais qu’Isabelle me rendrait compte de tout ce qui se serait passé, je me consolai, et je participai de mon mieux aux plaisirs de la fête où j’étais, puisque je ne pouvais être de celle de ma cousine.

Justine m’avait demandé, lorsque j’entrai, pour quelle raison Isabelle n’était pas avec moi. J’imaginai de lui dire que ma tante avait voulu sortir avec elle, mais qu’elle ne tarderait pas à venir prendre sa part de divertissement, et à me rejoindre. Elle prit d’abord mon conte le mieux du monde ; cependant, voyant que Courbelon n’y était plus depuis longtemps, et que ma cousine n’arrivait point, elle prit de la défiance, et sans s’expliquer avec moi, elle ne put s’empêcher de me dire qu’elle avait lieu d’être surprise du départ de l’un et du retard de l’autre. À peine venait-elle de me tenir ce propos, que Courbelon arriva, et ma cousine peu de temps après. Justine disparut à son tour ; je le fis remarquer à Isabelle, à qui j’avais répété ce qu’elle m’avait dit. Elle soupçonna dans l’instant que cette fille était retournée au logis, ce qui lui donna de l’inquiétude. Justine revint et ne fit rien paraître, mais elle avait fait des recherches et pris des informations qui l’instruisirent autant qu’elle le désirait.

Nous rentrâmes chez ma tante ; il me tardait que nous fussions couchées, pour questionner en liberté ma cousine ; je lui dis que j’étais fatiguée de la danse ; Isabelle en dit autant, quoiqu’elle n’eût point pris part à cet exercice ; elle l’avait toujours refusé, sous quelque prétexte, qui n’était pas néanmoins le véritable. Nous fûmes donc nous mettre au lit. Quand je la tins dans mes bras, je voulus mettre ma main où elle avait reçu les plus grands coups, mais elle la repoussa, en me disant qu’elle y souffrait trop de douleur ; il ne m’en fallut pas davantage pour la sommer de sa parole et la presser de me la tenir.

— Ah ! ma chère Rose, ma curiosité a été bien mal satisfaite ; Courbelon est venu comme les autres fois ; j’avais l’oreille au guet ; je fus lui ouvrir ; il s’est jeté à mon cou. Après bien des baisers et des caresses, il m’a prise dans ses bras et m’a portée sur le pied du lit, en promenant ses mains partout où il a voulu, d’autant que je m’y prêtais sans feindre aucune résistance ; enfin m’ayant penchée sur le lit, il m’a enfoncé son vit, qu’il avait mouillé de salive, mais quelle douleur ne m’a-t-il pas faite ! Ce vit, d’une grosseur énorme, me déchirait ; je n’osais crier ; j’en versais des larmes. Il tâchait de me consoler en m’embrassant et en m’assurant qu’une seconde fois je n’aurais plus que du plaisir ; il me trompait, il y revint et ma douleur fut aussi vive ; je souffrais tout ce qu’on peut endurer. Il s’y présenta une troisième fois : je ne voulais plus y consentir ; il me pressa si fort, en y joignant tant de baisers et de caresses, que je ne pus lui refuser ; il s’y prit si doucement, et avec tant de précaution, que je croyais ne plus endurer un tel tourment, mais il fut presque le même. Ces vives souffrances que j’ai ressenties, jointes à la crainte des enfants qui s’est retracée plus fortement à mon imagination, m’éloignent d’une pareille épreuve ; il m’en reste même une cuisson si grande, que je ne puis encore y toucher sans renouveler mes douleurs, et c’est ce qui m’a fait refuser de participer à la danse.

— Sans doute, chère cousine, qu’étant bien plus jeune que Justine, tu es beaucoup plus étroite.

— C’est bien ce que me disait Courbelon, en m’assurant que le temps et l’usage m’élargiraient, mais, en attendant, je n’en souffre pas moins.

Il fallut donc rester tranquilles, et nous nous endormîmes.

Le lendemain, Justine sut attirer Isabelle dans sa chambre, et lui dit qu’elle s’était aperçue que Courbelon y était venu la veille ; qu’elle avait trouvé à la porte du petit escalier, qui n’était pas fermée comme elle le faisait ordinairement, un morceau du bouquet qu’il avait ce jour-là ; qu’elle avait très bien distingué que son lit avait été foulé, et qu’enfin elle avait appris qu’au lieu d’être sortie avec sa mère, comme je le lui avais dit, elle était restée, et n’avait quitté la maison que deux heures après moi ; qu’elle jugeait bien de ce qui s’était passé, qu’elle l’engageait à le lui avouer ; qu’elle ne devait pas avoir de crainte ni faire de mystère avec elle, puisqu’elle n’avait rien à redouter de sa part, étant pour le moins aussi intéressée qu’elle à ce que personne n’en sût rien. Isabelle s’en défendit d’abord, mais les marques étaient si claires pour Justine qu’à la fin elle lui avoua que Courbelon était venu et lui avait fait les caresses dont il usait ordinairement. Justine lui soutint qu’assurément il le lui avait mis, que tout lui démontrait qu’elle n’en devait pas douter. Ma cousine ne voulut pas en convenir, mais cette fille lui dit qu’elle le connaîtrait bientôt. Comme elle était forte, elle la prit dans ses bras et la coucha sur le lit : Isabelle ne pouvant lui résister, et se persuadant qu’elle y connaîtrait quelque chose, craignant encore que pour s’en assurer elle ne renouvelât ses douleurs, lui fit l’aveu de ce qu’elle m’avait raconté.

Justine, qui redoutait infiniment les suites de cette aventure, ou vivement piquée contre Courbelon, apporta depuis tant de difficultés et d’obstacles à leurs entrevues, que ma cousine et lui ne pouvaient plus se voir avec la facilité qu’elle leur avait procurée, et peut-être alors jalouse de lui, elle ne lui permit plus de revenir ; elle parvint enfin, par toutes les voies et les moyens qu’elle put imaginer, à rompre cette liaison, d’autant plus aisément qu’elle y employait la vigilance la plus grande. Courbelon, jugeant qu’il ne pourrait jamais surmonter les obstacles qu’opposait une surveillance aussi éclairée et au fait de cette allure, se brouilla avec elle, et comme dans cette circonstance il fut obligé quelque temps après de se rendre dans une autre province, il oublia bientôt Isabelle et Justine, qui elle-même, peu après son départ, se retira de chez ma tante, et quitta la ville où nous étions ; c’est ce qui m’a fait penser depuis qu’elle était allée dans le même lieu où s’était rendu Courbelon, pour qui elle aurait tout sacrifié.

Dans les premiers temps, Isabelle n’endura pas sans chagrin le déplaisir de ne plus le voir ; elle me faisait part de tout ce que son humeur lui inspirait. Je la consolais du mieux qu’il m’était possible ; j’y parvins à la longue, et les plaisirs que nous nous procurions ensemble lui firent supporter avec plus d’aisance et même oublier à la fin, cette perte qui m’avait si fort déplu. Je désirais être quelque jour de leur partie ; je projetais d’y engager ma cousine, et je m’en flattais d’autant mieux, qu’elle avait pris pour moi une forte inclination qui ne servit pas peu depuis à dissiper son chagrin. Ces contretemps détruisirent mes desseins et la nécessité fit que je n’y pensai bientôt plus. Nous passâmes encore quatre mois ensemble, pendant lesquels elle m’instruisit de tout ce qu’elle avait appris de Courbelon et de Justine, qui l’avaient rendue très habile.

Les réflexions que j’ai faites depuis sur cette aventure et sur les réponses d’Isabelle aux différentes questions que je lui faisais m’ont fait voir que Courbelon avait jeté ses desseins sur ma cousine en suite du jour où elle l’avait trouvé sur Justine, et que, sous le prétexte de mieux engager Isabelle à garder le secret, il avait fait entendre à cette fille que le moyen le plus assuré était de l’admettre en tiers dans leurs plaisirs, autant que la petite oie pourrait s’étendre ; qu’enfin il avait su l’en convaincre et la faire donner dans le panneau qu’il leur tendait, sans quoi la jalousie que nous soupçonnions à Justine s’y serait difficilement prêtée.

Le temps que je passai chez ma tante fut trop tôt écoulé ; je fus rappelée par ma mère ; il fallut nous séparer. Nous ne nous quittâmes pas sans regret, et nous ne pûmes en venir à cette séparation sans verser bien des larmes. Ma tante en fut touchée, et me promit qu’elle ferait tout ce qui dépendrait d’elle pour me ravoir encore. Elle et ma cousine, qui pouvaient jouir d’une agréable liberté, me plaignaient, n’envisageant pour moi que des jours bien tristes et remplis d’ennui, avec une mère dévote qui ne voyait personne. Je le croyais comme elles, mais nous avions toutes tort.

Arrivée chez ma mère, je mis à profit tout ce que j’avais appris du hasard et d’Isabelle : comme elle je me procurais tous les jours les sensations les plus délicieuses du plaisir, souvent même j’en redoublais la dose ; mon imagination échauffée n’était remplie que des idées qui y avaient rapport. Je ne pensais qu’aux hommes, je fixais mes regards et mes désirs sur tous ceux que je voyais ; les yeux attachés sur l’endroit où je savais que reposait l’idole que j’aurais encensée, animaient mes désirs, dont le feu se répandait jusqu’aux extrémités de mon corps. Ce fut dans cet instant que Vernol revint passer ses vacances chez ma mère ; il avait un an et demi plus que moi. Ah ! que je le trouvai beau ! j’en fus surprise ; jusque-là ses charmes m’avaient échappé. Il est vrai que l’âge à peu près égal de l’enfance nous avait toujours donné beaucoup d’amitié l’un pour l’autre, mais dans ce moment ce fut tout autre chose ; il réunit tous mes désirs, une ardeur dévorante s’empara de tous mes sens, je ne vis plus que lui, toutes mes idées s’y concentrèrent. Depuis longtemps je souhaitais d’examiner de près et de toucher ce que je n’avais fait qu’entrevoir à Courbelon. Je sentais que j’étais trop jeune pour me flatter de devenir l’objet des desseins d’un homme plus âgé, et me persuadant que leur instrument grossissait à la mesure de leurs années, les douleurs d’Isabelle m’effrayaient ; d’ailleurs je ne voyais personne qui pût jeter les yeux sur moi ni arrêter les miens ; cependant j’étais dans une vive impatience, et je fis de Vernol le but où je désirais atteindre.

Sa chambre était derrière celle de ma mère où je couchais ; quand cette bonne dévote allait à l’église, où elle passait deux ou trois heures tous les matins, je fermais exactement la porte après elle ; on croyait que nous dormions, et l’on nous laissait en paix, mais continuellement éveillée par mes désirs, j’allais en chemise près de lui, et je lui faisais mille agaceries pendant qu’il était dans son lit. Tantôt je l’embrassais, je le chatouillais, tantôt je tirais ses couvertures, ses draps ; je le mettais presque nu ; je lui donnais de petits coups sur ses fesses d’ivoire ; il sautait après moi, me poussait sur son lit, me baisait, et rendait sur mon cul les coups légers que je lui avais donnés. Nous avions répété deux matinées ce badinage, lorsque la troisième, en me jetant à la renverse sur son lit, ma chemise, à qui j’avais prêté un peu de secours, se trouva toute relevée, et mes jambes en l’air. Il aperçut aussitôt mon petit conin ; il m’écarta les cuisses, il y porta la main, et ne pouvait se lasser de le regarder et d’y toucher : je le laissais faire.

— Ah ! Rose, me dit-il, que nous sommes bien différents l’un de l’autre !

— Comment ! lui répondis-je, quelle différence y a-t-il donc ?

Je lui fis cette question avec l’air de la plus innocente simplicité.

— Tiens, vois, me dit-il, en troussant sa chemise et me montrant son petit outil, qui était devenu gros et raide, et que je n’avais qu’entrevu jusque-là.

Je pris cette lance en main, je la considérai, je la caressai, j’en découvrais, j’en aiguisais la pointe, et j’eus enfin la satisfaction d’en faire l’examen le plus attentif. Vernol, impatient d’en faire un pareil, me dit :

— Laisse-moi te regarder encore.

Je me rendis à sa demande, et je me recouchai ; il releva mes jambes, les écarta, et ne mit pas moins d’attention dans sa recherche et dans ses détails que j’en avais eu dans la mienne, mais il ignorait l’usage de ce qu’il voyait. Il était à genoux sur le lit, penché sur moi ; je passai ma main entre ses cuisses, et je repris son joli bijou ; je m’amusai à coiffer et décoiffer sa tête, rouge comme le corail ; le plaisir que je lui faisais, dont je m’apercevais, augmentait le mien ; j’étais dans l’impatience ; je me relevai et le renversai à son tour, je le découvris en entier ; je le baisais ; je le mangeais, je caressais ses petites olives ; enfin, à force de hausser et de baisser ma main sur son charmant joujou, il répandit cette liqueur que j’avais vu rendre à Courbelon par la main de Justine. Cette situation si nouvelle pour lui, l’étonnement joint au plaisir excessif dont il paraissait jouir, était un délicieux spectacle pour moi. Sa main placée entre mes cuisses était restée sans mouvement ; je me recouchai sur le lit, je la pris et je lui fis faire un exercice qui lui était inconnu, et que je souhaitais vivement. Je tombai bientôt moi-même dans l’extase où je l’avais mis peu auparavant. Tout cela lui paraissait bien extraordinaire ; je l’avais conduit de surprise en surprise ; elles me réjouissaient et m’enchantaient. Je recommençai mes caresses, je repris son instrument, je le baisai, je le suçai, je le mis tout entier dans ma bouche, je l’aurais avalé : il ne tarda pas à reparaître dans l’état charmant où il avait été. Jusque-là je n’avais pas osé lui apprendre à le mettre où je le souhaitais, mais de plus en plus animée, j’arrachai sa chemise, je quittai la mienne ; rien ne me cachait ses charmes naturels ; je les contemplais, je les couvrais de mes mains et de mes lèvres ; il me rendait les mêmes caresses à son tour.

Son petit vit était dans toute sa dureté ; je me mis sur lui, je le conduisis moi-même dans mon petit conin. Ah ! qu’il fut bientôt au fait ! J’étais encore étroite, mais il n’était pas gros ; nous poussions tous les deux ; enfin m’asseyant sur lui, je parvins aussitôt à me l’enfoncer tout entier, et j’eus l’agréable satisfaction de le sentir pour la première fois introduire où je le désirais avec tant de passion. C’est ainsi que nos pucelages, quoiqu’ils ne fussent pas bien intacts, furent enlevés l’un par l’autre. Quelle volupté nous ressentions ! Vernol ne savait plus où il en était ; nous jouissions de cette félicité pure qui se sent sans pouvoir l’exprimer ni la concevoir ; nos plaisirs étaient à leur comble ; il en éprouva le premier l’excès : il déchargeait ; ses bras, qui m’entrelaçaient, se relâchèrent ; je précipitai mes mouvements, je l’atteignis, et me laissant aller sur lui, il connut que je jouissais des mêmes délices. Serrés, collés l’un sur l’autre, nous savourions ce voluptueux anéantissement qui n’est pas moins enchanteur que le plaisir qui nous l’avait procuré ; mais plus tôt rétablie que lui, je me vis forcée de l’engager à se servir encore de sa main et de son doigt.

Nous répétions tous les jours cet agréable exercice ; j’allais dans son lit, ou il venait dans le mien ; partout où nous nous pouvions réunir en sûreté pendant le jour, nous le recommencions, ou nous n’en prenions que l’ombre. La nuit, où nous ne pouvions être ensemble, toute pleine de son image, je lui consacrais les plaisirs qu’elle faisait naître ; il en faisait autant de son côté ; nous nous rendions compte le matin, et nous réalisions nos illusions nocturnes.

Étonné dès les premiers jours de tout ce que je lui avais appris, il avait désiré que je lui dise par quel moyen j’en avais eu connaissance, mais ne croyant pas à propos de lui rendre compte d’abord de ce que j’avais vu chez ma cousine, je fixai ses idées sur des exemples généraux ; cependant, ayant ensuite reconnu sa discrétion, je lui racontai tout, et nous tâchions d’en réaliser le souvenir et d’en imiter l’exemple.

Hélas ! au milieu de nos plaisirs, notre séparation approchait ; nous l’envisagions avec douleur ; ce moment vint enfin ; il fallut nous quitter ; ma peine fut extrême, je ne puis vous la dépeindre. Depuis trois ans et demi d’absence, nous ne nous sommes réunis que depuis quatre ou cinq mois qu’il est revenu tout à fait chez ma mère.

Quand elle eut fini son récit, où elle était entrée dans un détail plus étendu qu’avec moi, surtout en ce qui regardait Vernol, je repris la parole.

— Tu ne sais pas, cher papa, ce que Rose m’a dit encore ; elle ne te rend pas compte de tout. Ma chère Laure, m’a-t-elle ajouté, je me suis aperçue que Vernol avait pris pour toi la plus forte passion, et même il m’en a fait l’aveu. Tiens, chère amie, je n’en suis point jalouse ; je vous aime tendrement tous deux ; tu es belle, il est charmant, je serais enchantée de le voir dans tes bras ; oui, ma chère, je l’y mettrais moi-même, je ferais mon bonheur de ta félicité. Ne la trouves-tu pas folle ?

— Pas tant, Laure ! je n’en suis point surpris, dans la façon d’être.

Nous jugeâmes aisément que Rose aimait le plaisir avec fureur ; nous lui dîmes, elle en convint. Les tableaux qu’elle avait retracés avaient ranimé son tempérament ; ils avaient produit le même effet sur nous. Mon papa en présentait des preuves parlantes ; elle s’en saisit, et pour nous prouver le charme séducteur qu’elle y trouvait, elle conduisit elle-même le cher objet qu’elle tenait, et nous fit cent caresses, dont nous la payâmes par cette sensation délicieuse après laquelle elle soupirait sans cesse. Comme elle était arrivée la première au but, elle arrêta mon papa, et nous adressant la parole :

— Achevez d’avoir en moi la même confiance que je vous ai montrée ; ce que nous avons fait tous les trois, depuis hier, m’a totalement ouvert les yeux, et m’a donné la liberté de vous raconter ce que j’ai fait avec Vernol. Viens donc, papa, viens à côté de ta chère Laurette ; à sa place j’en ferais autant avec toi. Mets-lui, et qu’elle partage les plaisirs que tu m’as donnés : sois assuré de la plus inviolable discrétion.

— Eh bien ! Rose, pour te prouver que je n’en doute en aucune manière, tu vas jouer un nouveau rôle.

Il se leva, et fut aussitôt chercher le godmiché ; il l’attacha à la ceinture de Rose, qui était extasiée de cet outil qu’elle ne connaissait pas ; il me fit mettre sur elle, et le conduisit dans mon con, en lui recommandant de se remuer comme ferait un homme, et de me branler en même temps ; il l’instruisit de l’effet de la détente, lorsqu’elle me verrait prête à décharger ; il se mit ensuite sur moi, et m’introduisit son vit dans le cul. Rose remuait la charnière supérieurement ; je tenais ses tétons, elle caressait les miens ; elle suçait ma langue, je me mourais. Au moment où j’allais perdre connaissance, elle fit décharger le godmiché ; mon con en fut inondé, et le foutre que mon papa répandit en même temps dans mon cul, excita en moi des transports qui se joignirent aux siens et à ceux de Rose, qui, par le frottement du godmiché sur son clitoris, les lui fit partager ; enfin je tombai sur elle, morte de plaisir. Mon papa se releva bientôt, et quand je fus revenue de cet évanouissement enchanteur, nous sortîmes du lit qu’il était près de midi.

Dès que nous fûmes debout, elle n’eut rien de plus pressé que de passer à l’examen de cet outil si nouveau pour elle. Je l’aidai à en désunir toutes les parties : il était parfaitement semblable à un vit ; toute la différence consistait dans des ondes transversales depuis la tête jusqu’à la racine, pour procurer un frottement plus actif. Il était d’argent, mais couvert des couleurs de la nature et d’un vernis dur et poli. Il était vide, mince et léger. Dans le milieu de l’espace, il y avait un tuyau du même métal, rond et plus gros qu’une plume, dans lequel il y avait un piston ; ce tuyau se vissait à un autre bout percé et soudé au fond de la tête. Il se trouvait par ce moyen des espaces autour de cette petite seringue dont elle avait l’effet et les parois de celui qui imitait le vit. Un morceau de liège taillé pour boucher exactement ce dernier, avait un trou qui laissait entrer très juste la naissance de la petite pompe, dans lequel on insérait un ressort d’acier en spirale, qui repoussait le piston par le moyen d’une détente. Quand Rose l’eût bien tourné et retourné :

— Il faut encore, me dit-elle, que tu m’apprennes comment on lui fait faire son office.

— On emplit, lui dis-je, le godmiché d’eau suffisament échauffée pour en supporter la chaleur sur les lèvres ; on le bouche bien avec le morceau de liège auquel tu vois cet anneau pour le retirer : on emplit ensuite la pompe, par le moyen du piston qu’on attire, de colle de poisson fondue et légèrement teinte de blanc, qu’on tient toute préparée ; la chaleur de l’eau se communique aussitôt à cette liqueur, qui ressemble autant qu’il est possible à la semence.

La première action de Rose, après ce détail, fut de trousser sa chemise et de l’enfoncer dans son con ; cette folie dans ce moment me fit rire au point que mon papa rentra pour savoir le sujet qui m’excitait si fort. Il la vit à cet ouvrage ; il ne put s’empêcher de m’imiter, et s’adressant à elle :

— Laisse-le donc, Rose ; sa vertu dans ce moment n’existe plus, et nous pouvons faire quelque chose de mieux.

Elle continua de s’habiller. Il me prit par la main, et sortit.

— Ma chère Laure, Rose sera la victime de sa passion et de son tempérament ; rien ne la retient, elle s’y livre avec fureur, sans mesure ni ménagement ; sois assurée qu’elle payera de sa personne cette imprudence, ainsi que le pauvre Vernol, qu’elle a jeté dans le même excès, mais je veux en profiter pour remplir mes desseins.

En effet, inébranlable dans ses réflexions, il fut la trouver dans ma chambre, et j’entendis :

— Rose, ce que vous avez dit à Laure, au sujet de votre frère, sur la fin de votre histoire annonce votre amitié pour l’un et pour l’autre, mais peut-on compter sur la discrétion de Vernol comme sur la vôtre ? Il est nécessaire qu’elle soit des plus grandes, vous devez le concevoir ; songez-y.

— Oh ! ne vous trompez pas sur la confidence que je vous ai faite ; elle n’est pas le fruit de l’indiscrétion, mais la manière dont j’ai agi avec lui m’a fait sentir que si j’eusse été Laurette, vous eussiez été pour moi ce qu’est Vernol. L’obscurité à travers laquelle j’entrevoyais la chose s’est totalement dissipée par la façon dont nous vivons depuis hier ; j’ai jugé que dès lors je pouvais parler sans déguisement, et que vous seriez intéressés à garder, à notre sujet, le même secret qu’à votre égard je vous jure pour Vernol et pour moi, y trouvant le même intérêt. Mais, de grâce, qu’il participe à nos plaisirs ; il m’a fait l’aveu qu’il était fou de Laurette, et vous vous y trouvez engagé plus que vous ne pensez ; vous serait-il donc possible de nous refuser ? Je serai comblée de joie si vous ne vous y opposez pas, et si, comme je le désire, la chère Laurette ne le hait pas.

— Tout me force aujourd’hui à y consentir ; ne lui dites cependant rien encore de ce qui s’est passé entre nous, je vous le conseille et vous y engage. Il me croirait dédommagé, et je veux qu’il me paye lui-même du sacrifice que je fais. Prévenez-le seulement de se prêter à tout ce que nous voudrons.

— Ah ! je vous réponds de lui comme de moi-même, sur qui vous pouvez compter de tout.

— Il est cependant nécessaire que vous sachiez, vous et lui, que Laure n’est ma fille que pour le public, car en réalité elle ne l’est pas. Vous voyez cependant qu’elle ne m’en est pas moins chère ; mais surtout que personne ne soit instruit de ce secret, que vous deux ; je vous le recommande. Allez à présent trouver votre mère avec elle ; dites-lui que demain nous irons encore passer le jour à la campagne, et que si elle veut vous y laisser venir avec votre frère, nous vous y mènerons ; cependant, promettez-moi d’être tranquilles l’un et l’autre jusqu’à ce que vous veniez, car vous en aurez sûrement besoin.

Je n’avais rien perdu de ce discours. Rose vint, m’entraîna, courut chez sa mère et obtint facilement pour elle et Vernol ce qu’elle lui demandait. Je la quittait et fus passer le reste de la journée chez une parente. Pendant ce temps-là mon père fut donner ses soins aux arrangements qu’il projetait.

La nuit, quand je fus dans ses bras, je présumai qu’il me rendrai compte de ce qu’il avait dit à Rose, et de ses desseins. Indécise avec moi-même, je ne voulus pas lui en parler la première, ni lui faire connaître que je l’avais entendu. Le cœur me battait ; mais il ne m’en ouvrit pas la bouche.

Le lendemain, après midi, une voiture se rendit à notre porte, nous prit et nous conduisit dans une maison charmante, à quelque distance de la ville ; je ne la lui connaissais pas. Je jugeai qu’elle appartenait à quelqu’un de ses amis, qui la prêtait. Vernol avait cherché à relever ses attraits naturels. Rose et moi nous étions dans un déshabillé galant. Instruit par sa sœur, il avait une politesse plus aisée et quelque chose de plus assuré, qui lui était avantageux. Nous arrivâmes sur les quatre heures ; il faisait un temps admirable et très doux. Nous fîmes plusieurs tours dans les jardins, qui étaient vraiment dessinés par Nertumme, et non de ces assemblages fantasques où la bizarrerie semble avoir présidé. Ce n’était pas non plus de ces jardins compassés, où la régularité et la symétrie écrasent la nature ; nous y jouissons de la beauté de l’horizon, qui semblait d’accord avec la fête. Après cette promenade, où nous avions préludé par les baisers, nous vînmes dans les appartements, que nous parcourûmes ; nous trouvâmes dans un salon, où mon papa nous conduisit, une collation servie ; il nous présenta plusieurs mets, nous versait à boire, et ne nous ménageait pas. Soit délicatesse des vins et des liqueurs, soit qu’il eût employé quelque autre moyen qu’il connaissait assez, nos têtes perdirent bientôt leur équilibre, et nous jetâmes des fleurs à la Folie, qui nous en couronna. Dès qu’il nous vit en cet état, il sut écarter tout son monde, de manière à ne le faire revenir que tard, en sorte que nous étions exactement seuls. Il nous conduisit dans un appartement où nous n’avions pas encore été, situé dans le quartier le plus reculé. Il nous fit entrer dans un petit salon, illuminé de toutes parts de bougies mises dans des girandoles posées à la hauteur où l’on pouvait facilement atteindre avec la main. Au-dessous d’elles régnaient tout alentour des glaces ordinairement couvertes de rideaux qui dans ce moment étaient relevés par des cordons et des glands qui se tenaient en festons, dont les pendants garnissaient les encoignures. Des bergères larges, fort basses et presque sans dossier, sur lesquelles étaient répandus des carreaux garnissaient le tour jusqu’à la hauteur où les glaces étaient placées. Au-dessus d’elles étaient enchâssés différents tableaux. Dieux ! quels objets, chère Eugénie ! Clinchtall et l’Arétin n’ont rien produit de plus voluptueux. Des sculptures peu multipliées, les unes en blanc, les autres peintes à la gouache, présentaient de semblables sujets. Dans un des côtés était une niche ornée et éclairée de même, qui renfermait un meuble sur lequel la jouissance et la volupté avaient établi leur trône. Ces peintures, ces sculptures, les vins et les liqueurs que nous avions pris écartèrent et chassèrent loin de nous jusqu’à l’ombre de la contrainte ; le délire voluptueux s’empara de nos sens ; Bréchus et la Folie menaient le branle. Rose, inspirée par sa divinité chérie, nous donna le ton, et commença l’hymne du plaisir. Elle sautait au cou de mon papa ; elle embrassait Vernol ; elle me baisait et m’engageait à l’imiter ; elle arracha mon mouchoir qu’elle jeta à son frère ; elle fit voler le sien sur mon papa ; elle leur faisait baiser ses tétons ; elle les conduisit sur les miens ; nos bouches étaient couvertes de leurs lèvres. Ces jeux, ces baisers, qui se répétaient dans les glaces, nous échauffèrent à l’excès. Nos joues étaient colorées, nos lèvres brûlantes et vermeilles, nos yeux animés et nos seins palpitants.

Vernol, déjà dans un demi-désordre, le teint brillant, les yeux pleins de feu, me paraissait beau comme le jour. Je le regardai dans ce moment comme une jouissance divine, dont tous les appas se réunirent en un seul trait, au centre de mes désirs ; il ne savait lui-même où il était ; mon papa calculait la gradation. Rose me fit tomber sur une bergère, elle appela Vernol pour l’aider ; elle me troussa, me donna de petits coups sur les fesses, et lui fit voir l’objet après lequel il soupirait. Je la pris à mon tour pour la renverser aussi ; mais elle s’y jeta d’elle-même, et levant les pieds en l’air, elle mit au jour tous les appas qu’elle avait reçus de la nature ; son con, son cul, son ventre, ses cuisses, tout fut à découvert. Nous fûmes aussitôt tous les trois près d’elle lui faire les caresses qu’elle montrait désirer ; à peine avions-nous posé nos mains sur ses fesses, qu’après deux ou trois mouvements de reins, nous l’aperçûmes tortiller l’œil, et nous vîmes couler la fontaine du plaisir. Nous nous apercevions bien l’une et l’autre que Vernol et mon papa bandaient de tout leur pouvoir. Le sillon relevé que leurs vits faisaient le long de leurs cuisses, en portait le plus sûr témoignage. Tout à coup Rose se releva, et fut se jeter sur mon père :

— Cher papa, je t’ai jeté le mouchoir ; tu seras mon mari et moi ta femme ; donne-moi ta main.

— Très volontiers, Rose ; mais il faut que la dernière cérémonie en soit.

— Ah ! de tout mon cœur ; mais Vernol a eu le mouchoir de Laurette, il faut aussi les unir ; y consens-tu ?

— Soit comme tu le désires.

Elle accourut prendre nos mains, qu’elle mit l’une dans l’autre ; elle nous fit embrasser, nos bouches se rencontrèrent ; elle porta sa main sur mes tétons, et nous fit appeler mari et femme. Nous étions tous quatre vivement émus et très échauffés ; Rose brûlait.

— Qu’il serait délicieux dans ce moment, s’écria-t-elle, d’être dans un bain où nous pussions nous rafraîchir ! Le feu me dévore.

Mon papa se leva et fut tirer un cordon qui était à côté de la niche. Aussitôt le dessus du meuble qui y était fut enlevé et découvrit un bassin à trois robinets qui jetaient à volonté de l’eau chaude, froide ou de senteur.

— Voilà qui est magnifique ; c’est ici le palais enchanté des divinités. Je vais, dit Rose, ressembler à une naïade, mais je ne serai pas la seule.

En peu d’instants elle parut avec les seuls ornements des nymphes ; elle s’empara de moi et pressa Vernol et mon papa de l’aider à me mettre dans le même état ; en un clin d’œil tout disparut de dessus moi. Rose fit signe à son frère, qui se montra bientôt en sylvain, pendant qu’elle et moi nous prêtions notre secours à mon papa. Mes regards furtifs avaient déjà détaillé Vernol ; qu’il était bien fait, et qu’il me paraissait agréable ! La jeunesse et la fraîcheur brillaient de tous côtés ; au milieu de la blancheur et de l’éclat d’une jeune fille, on voyait le trait qui caractérisait un homme. Nous nous plongeâmes tous quatre à la fois dans ce bassin : ils étaient l’un et l’autre rayonnants de gloire. Tous consumés d’un feu dévorant, nous étions semblables à des fournaises sur lesquelles on jette de l’eau et qui n’en deviennent que plus vives. Deux lances en arrêt nous menaçaient tour à tour, mais le combat ne nous effrayait pas ; en proie aux mains folâtres et passionnées, aux baisers amoureux et lascifs de nos tritons, nous leur rendions les mêmes caresses ; nous badinions avec leurs flèches : ils s’étaient emparés, de nos carquois.

Dans ce moment, mon papa eut la prudence de plonger l’éponge au fond du mien, lorsque j’y pensais le moins. Vernol voulait entrer en lice, mais par une adresse si naturelle aux femmes et si propre à aiguiser les désirs, je l’arrêtai et me sauvai du bassin. Rose me suivit ; bientôt ils furent dehors ; la fraîcheur qu’ils sentirent en sortant leur donna sur la crête ; leur humilité momentanée nous laissa le temps de nous essuyer, et nous étant couvertes simplement de robes légères et transparentes, qui ne gênaient presque point la vue ni les larcins, et que mon papa tira d’une armoire cachée par une glace mobile, nous nous étendîmes sur les bergères. À peine y étions-nous, qu’il fit descendre du plancher, par un autre cordon, une table servie de mets délicats, de vins et de liqueurs semblables à ceux dont nous nous étions si bien coiffés, et qui nous achevèrent. Tout y était propre à augmenter l’ardeur qui nous dévorait déjà. Vernol était dans une impatience prodigieuse ; mais ce que je n’aurais pas attendu de celle de Rose, elle ne perdit rien de sa gaîté. Pour moi, dont la volupté était plus délicate, je jouissais par les yeux, par les mains, mais j’étais moins empressée d’arriver au but, que j’envisageais avec plus de satisfaction en exaltant le désir, et je me trouvais en cela d’accord avec mon papa. Vernol et Rose furent donc obligés de modérer leur impatience, ce qui fut plus facile à Rose, qui, par nos caresses et nos attouchements, avait déjà, de son aveu, ressenti trois fois les délices du plaisir. Enfin, elle appela ce service le souper de noces ; l’Hymen n’y présidait guère, mais qu’importe, la Volupté y régnait ; elle seule nous suffisait et nous enchantait. On la voyait au milieu de la table, couronnée par le dieu des jardins, tenant son sceptre en main ; dans les quatre coins, il y avait des groupes entrelacés et dans des attitudes qui annonçaient le plus doux des moments. Entre eux de vieux satyres jaloux présentaient leurs offrandes que les nymphes chassaient et que les plaisirs fuyaient : tout inspirait, tout animait. Rose, le verre et la bouteille en main, sa robe ouverte, développant ses appas et ses grâces, répandait la flamme dans nos veines ; ce qu’elle nous versait devenait un torrent de feu ; je désirais enfin moi-même avec violence, rien ne m’eût effrayée. Nos attraits, presque toujours à découvert, produisaient le même effet, et nous voyons sans cesse à nos yeux des signes palpables de leur pouvoir. Enfin, chère Eugénie, parlons sans figure, ils ne débandaient point. Rose ne pouvant plus y tenir, s’écria :

— Vernol, prends ta femme ; pour moi, — se jetant entre les bras de son papa, — je tiens mon mari !

Elle s’était déjà saisie de son vit, qu’elle fixait depuis longtemps ; déjà Vernol me tenait embrassée, et sa main s’était emparée de mon con, lorsque mon papa nous arrêta.

— Attendez, mes enfants, il y a une condition à laquelle j’attache ma complaisance ; il est juste que j’en sois payé. Si Vernol le met à Laure, je veux imiter cet homme de cour qui, faisant coucher avec sa femme un page qu’elle aimait, faisait dans le cul de ce page la même opération qu’il faisait dans le con de la dame ; il faut de même que pendant qu’il foutra Laure, son cul soit à ma disposition.

Je me persuadai dans l’instant que les beautés de Vernol lui avaient inspiré des désirs, comme ils avaient fait naître les miens ; j’en fus enchantée, j’en devenais plus libre de me livrer à mes désirs, et cette pensée me dégagea d’une entrave qui jusque-là m’avait donné quelque gêne. J’animai nos jeux avec les transports de la joie ; je tâchai d’y ajouter de ma part tout ce qui pouvait les rendre plus charmants ; je me saisis de Vernol, j’arrachai sa robe, je présentai son cul, j’écartai ses fesses charmantes, son vit m’enfonçait le ventre…

— Non, Vernol, ne te flatte pas de me le mettre sans cette condition.

Rose, qui avait vu que mon papa me l’avait mis de même, s’écria qu’il n’avait pas à balancer, et jura qu’elle le tiendra plutôt.

— Quoi ! dit Vernol, quel serait donc l’obstacle qui pourrait m’arrêter, depuis longtemps je suis à la torture ; que ne ferais-je pas, belle Laurette, pour jouir de vous et mourir dans vos bras !

— En ce cas, dit mon papa, Rose sera aussi de la partie.

Dans le moment, la table fut enlevée et le bassin recouvert ; un coussin épais en remplissait l’étendue, et était enveloppé d’un satin couleur puce, si propre à relever la blancheur. Cette niche était le vrai sanctuaire de la volupté. Nous fûmes à l’instant débarrassés de tout ce qui nous était étranger, et nous montâmes sur cet autel avec les seuls ornements de la nature, tels qu’ils étaient nécessaires pour offrir nos vœux à la dignité que nous allions encenser, et pour les sacrifices que nous allions lui faire. Les glaces répétaient de tous côtés nos différents attraits. J’admirais ceux de Vernol ; ce beau garçon me prit dans ses bras, il me couvrit de baisers et de caresses ; il bandait de toute sa force. Je tenais son vit ; mon papa maniait ses fesses d’une main, et de l’autre les tétons ou le con de Rose, qui nous caressait tous trois. Cédant enfin à notre fureur amoureuse, Vernol me renversa, écarta mes cuisses, baisa ma motte, mon con, y mit sa langue, suça mon clitoris, se coucha sur moi et me fit entrer son vit jusqu’aux gardes. Mon papa se mit aussitôt sur lui ; Rose était sur les genoux, appuyée sur les coudes, son con tourné de mon côté ; elle entr’ouvrit les fesses de Vernol, en mouilla l’entrée, et conduisit le vit de mon papa dans la route qu’elle lui avait préparée. Pendant qu’ils agissaient, elle chatouillait les couilles de l’un et de l’autre. Je tenais son con, j’y mettais le doigt, je la branlais ; bientôt ma main fut toute mouillée ; ses transports, qui parurent les premiers, nous excitèrent vivement ; Vernol la suivit de près ; mon papa s’en aperçut : il hâta sa course, qui m’était favorable ; je doublai mes mouvements, et nous tombâmes presque aussitôt dans la même extase ; nos trois individus, unis, n’en faisaient, pour ainsi dire, plus qu’un que Rose couvrait de baisers.

Revenus à nous-mêmes, nos caresses remplacèrent nos transports et remplirent le temps que le plaisir nous laissait à parcourir ; elles nous remirent bientôt en état de le ramener à nous. Vernol avoua qu’il n’en avait jamais ressenti de pareil.

— Il faut l’avoir connu, dit mon papa, pour pouvoir en juger. Viens, ma chère Laurette, viens l’éprouver à ton tour. Vernol, moins fourni que moi, ne te procurera que des douceurs ; belle comme tu es, de quelque côté que ce soit, il n’a rien à perdre ; nous bandons, viens dans mes bras ! Rose fera pour lui ce qu’elle a fait pour moi, et branlera ton clitoris en arrière, par-dessous tes cuisses.

Je me jetai sur lui, je le mangeai de caresses ; Rose introduisit son vit dans mon con ; elle ouvrit mon cul, elle mit le vit de Vernol dans sa bouche, elle en mouilla la tête, ainsi que le passage où il devait entrer, et le conduisit elle-même. Placée comme elle était la première fois, elle me branlait et caressait les fesses de Vernol, tandis que mon papa, le doigt dans son con, la branlait aussi.

Le sublime plaisir annonça bientôt sa présence ; nous volions après lui, nous le saisîmes. Ah ! qu’il était grand ! Nous déchargions tous, nous étions inondés, le foutre ruisselait. Livrée aux plus vives sensations, j’étais dans un état convulsif. Après avoir été agitée comme un nageur qui se débat, un calme non moins voluptueux que le plaisir lui succéda. Ce resserrement, ce frottement dans toutes les parties délicates et sensibles, où se trouve le trône de la suprême volupté, me la fit connaître dans l’extrémité de sa dernière période. Je ne puis mettre en parallèle avec cette journée que celle où j’avais fait le sacrifice volontaire de mon pucelage.

Il fallut enfin se reposer ; nous nous assîmes, et nous les engageâmes à reprendre, pour quelques instants, leurs habits ; mais nous ne fûmes guère plus tranquilles. Dans l’état où nous étions, nos yeux, nos mains, nos bouches, nos langues, tout rappela les désirs ; nous parlions foutaise ; nos tétons, nos fesses, nos cons étaient maniés, baisés ; nous les rendions, ces caresses ; des vits et des couilles en étaient les objets. Bientôt les effets en parurent avec fierté ; nous les ressentîmes aussi, nous bandions tous encore, nos clitoris gonflés le démontraient, aussi bien que la fermeté de leurs vits. Nous courûmes sur les traces du plaisir qui nous avait échappé ; nous le ramenâmes à nous, pour le laisser fuir encore ; mais je voulus que Rose eût une part plus solide que celle qui lui était tombée jusqu’alors. Je la fis coucher les genoux élevés ; mon papa se mit à côté d’elle, et passant ses cuisses par-dessous ses jambes, qu’elle mit en l’air, son vit se trouvait pointé sur le but ; je me mis sur elle, sa tête entre mes genoux et entre ceux de Vernol, qui me le mettait en levrette. Je mis le vit de mon papa dans son con ; il se perdait et reparaissait tour à tour ; il prenait nos tétons à l’une et à l’autre ; je la branlais, elle me rendait le même office ; mon con était sur ses yeux ; le vit de Vernol qui allait et venait, ses couilles qui se balançaient, formaient un spectacle enchanteur pour elle, qui produisit un tel effet sur ses sens, que dans le même temps que nous mîmes à chercher le plaisir pour le savourer, Rose avait déjà ressenti quatre fois ses attraits ; quatre fois ses élancements et ses transports, ses expressions : « Je me meurs, je décharge ! » nous en donnèrent des preuves certaines ; enfin nos fouteurs de dessous se réunissant, Rose reçut, dans un cinquième et copieux épanchement de sa part, le foutre dont mon papa l’inonda. Leur plaisir excitant le nôtre, nous jouîmes presqu’en même temps qu’eux de ces enchantements que nous nous hâtions d’atteindre. Rose se mourait ; si elle chérissait le plaisir, celui-ci ne la fuyait pas ; elle en ressentait les effets trois et quatre fois contre nous une ; son con était une source de foutre ; il lui causait un plaisir si vif, qu’elle pinçait et mordait toutes les fois qu’elle le répandait. Enfin elle tomba dans cet état d’anéantissement où l’on ne connaît et ne sent que l’excès des sensations délicieuses qu’il procure. Dès qu’elle en fut revenue, elle fit tant d’éloges de cette attitude, que je voulus jouir à mon tour de la même perspective ; aussi, dès que nos forces furent rétablies, nous n’y changeâmes presque rien : je pris seulement la place qu’elle occupait, elle se mit sur moi, Vernol la foutait. Ma tête entre leurs cuisses, je voyais tous leurs mouvements, et nous nous branlions l’une l’autre, pendant que le vit de mon papa fournissait pour moi sa carrière.

Ce quatrième acte fini, nous étions fatigués, brisés, excédés ; nous avions grand besoin de réparer nos pertes. Nous nous relevâmes ; mon papa fit redescendre la table, et nous ranimâmes nos forces par les restaurants que nous prîmes. Le repos nous était bien nécessaire. Dès que la table fut relevée, nous nous couchâmes tous quatre les uns sur les autres, nos bras et nos cuisses entrelacés, tenant chacun le cher objet de tous nos vœux et le divin moteur de nos plaisirs.

Après une bonne heure de sommeil, Rose, éveillée par un songe voluptueux, nous tira bientôt de l’espèce de léthargie où nous étions plongés. Nos caresses et nos baisers recommencèrent ; mais loin de précipiter, nous badinions avec nos désirs, pour en allonger la durée en multipliant la jouissance, en retardant l’approche du plaisir ; nous allions jusqu’à lui, nous le repoussions, il nous poursuivait. Rose l’avait déjà saisi deux ou trois fois ; à notre tour il nous atteignit aussi ; il fut enfin victorieux et nous terminâmes cette journée par un cinquième acte dont Rose fut l’héroïne. Couchée sur mon papa, qui l’enfilait par le grand chemin, Vernol se présentait à la porte de derrière. J’avais pris l’attitude qu’elle avait tenue ; je mis tout en place et je lui rendais les mêmes services que j’en avais reçus, pendant que mon papa me prodiguait des caresses semblables ; mais, par un nouveau badinage, Vernol changeait de temps en temps de route ; il quittait celle où je l’avais conduit, pour aller s’accoler avec mon papa dans le chemin qu’il occupait. Rose trouvait admirable de les avoir ensemble ; il était heureux pour elle que la même voie pût se prêter à deux de front ; mais au dernier moment, Vernol reprit le sentier où je l’avais guidé, et qu’il avait occupé d’abord. Elle trouva ce dénoûment divin et supérieur à tout ce qu’elle avait éprouvé jusqu’alors ; aussi s’écria-t-elle dans son enthousiasme :

— Que je serais heureuse et que la mort me serait douce, si je perdais la vie dans un moment si délicieux !

— Nous rîmes de son idée et nous la trouvâmes bien analogue à son tempérament et à sa façon de penser.

Avant de reprendre nos vêtements, mon père découvrit de nouveau le bassin ; je fus enchantée de ce soin ; je m’y plongeai dans l’instant ; ils m’y suivirent aussitôt. Je retirai l’éponge et j’introduisis de l’eau dans le lieu qu’elle avait occupé. Cette première ablution faite, nous la renouvelâmes, et nous y fîmes couler une essence qui nous embaumait. Ce second bain porta le calme et la fraîcheur dans tous nos sens. L’heure s’avançait, nous nous hâtâmes d’en sortir.

Après nous être rhabillés, nous fîmes encore quelques tours dans les jardins ; enfin nous remontâmes en voiture sur les huit heures, et nous rentrâmes en ville une heure après.

Depuis ce jour, dans les premiers temps qui le suivirent, Rose ne cessait de me presser de répéter cette scène. Je m’y prêtai d’abord ; peu après je ne me rendais que par complaisance pour elle, qui sur la fin en était seule le coryphée ; enfin elle me devint insipide, je l’aurais trouvée même à charge, si mon papa n’eût été de la partie. Cette dégradation ne lui avait point échappé ; il en fut enchanté. Mon ivresse pour Vernol, que mes yeux et mes sens avaient seuls produite, et où le cœur n’avait point de part, se dissipait tous les jours ; soustraction faite de sa figure et de sa douceur, on ne trouvait plus rien en lui ; elle s’éteignit totalement, et ne me laissa que des regrets ; je revins tout entière au penchant de mon cœur et à mon attachement, qui loin de diminuer, avait pris de nouvelles forces.

Je regardais mon père comme un homme extraordinaire, unique, un vrai philosophe au-dessus de tout, mais en même temps aimable et fait pour toucher réellement un cœur ; je l’aimais, je l’adorais. Ah ! chère Eugénie, ce sont les qualités de l’âme qui seules nous fixent, nous enchaînent indépendamment des sens, et coupent les ailes de notre inconstance naturelle. Les hommes qui réfléchissent n’y résistent point quand ils les rencontrent, et toute leur infidélité leur cède ; enfin j’étais le seul objet de sa tendre affection, comme il l’était de celle de mon cœur. Les événements qui suivirent achevèrent d’anéantir ces liaisons que j’avais déjà commencé de rompre.

Une aventure où Rose brisa plusieurs lances avec trop d’effronterie et d’impudence acheva de m’éloigner d’elle et de Vernol, lorsqu’ils m’en eurent fait un détail que je sus tirer d’eux. Je fus convaincue que la délicatesse des sentiments n’habitait point leurs cœurs, et qu’ils n’avaient l’un et l’autre que ceux de la passion la plus effrénée et la plus indiscrète. Cette manière d’être et de penser n’étant point conforme avec la mienne, je fus entièrement décidée sur leur compte.

Je t’ai déjà dit que je ne les voyais plus aussi souvent, ce qui les engageait à chercher, de leur côté, tous les amusements qu’ils pouvaient se procurer ; la promenade en faisait partie. Vernol conduisant un jour Rose dans un jardin public, rencontra quatre de ses camarades de collège, dont le plus âgé avait à peine vingt ans. Reconnaissance, essor de joie, embrassades, questions multipliées : D’où viens-tu ? que fais-tu ? où vas-tu ? quelle est cette belle ?… La réponse à cette dernière demande donna lieu à nos jeunes gens de faire des révérences et des compliments qui sûrement ne déplaisaient point à Rose. Satisfaits sur les autres points, ils se déterminèrent à engager Vernol à être de leur partie. Il était question d’aller hors de la ville se régaler d’une collation dans quelque endroit commode ; ils n’essuyèrent point de refus de la part de Vernol, et encore moins de Rose : ils partent.

Dans les premiers transports de joie, nos jeunes gens avaient oublié les conventions qu’ils avaient prises ensemble ; mais le plus âgé, en même temps le plus rusé, par ce que tu vas voir ensuite, ne les avait pas perdues de vue. Il tenait Rose avec un autre sous les bras ; les petits propos, les cajoleries, les expressions énigmatiques allaient leur train. On était encore dans la belle saison ; on marchait assez vite. En arrivant, on monte dans une chambre ; Rose avait chaud, elle se jeta sur un lit, découvrit sa gorge, et laissa pencher une jambe qu’elle savait avoir bien faite ; aussi en reçut-elle des éloges qui l’enivrèrent. On fit apporter mets, vins et liqueurs de diverses sortes ; les têtes commencèrent à s’échauffer. Rose sablait, tous en faisaient autant. Dans cette disposition, les propos, les chansons s’égayèrent, la liberté s’en mêla, les baisers trottaient ; le feu prit et l’incendie se communiqua. Le plus âgé, plus hardi et plus expérimenté que les autres, prit Vernol dans une embrasure, et lui fit part des conventions qu’ils avaient faites avant de partir. Vernol ne put s’empêcher d’en rire de tout son cœur, Rose, curieuse à son ordinaire, voulut absolument savoir ce qui lui en donnait lieu ; elle l’appela, le pressa ; il ne fit pas de difficulté de lui raconter que ses camarades étaient convenus entre eux, avant de les avoir rencontrés, que celui des quatre qui aurait le vit le plus petit, payerait pour tous la bonne chère, et que celui qui l’aurait le plus gros ferait présent de ce qui serait bu.

Dans les transports, les éclats de rire et les élans que ce récit fit faire à Rose, elle s’agita de façon, en levant une jambe, qu’elle fit voir presque tout ce qu’elle avait de caché, et dans ce premier mouvement, elle s’écria : « Qui donc en sera le juge ? — Vous-même ! » lui dit le plus effronté, croyant bien que Vernol lui avait rendu compte de ce qu’il avait appris. Rose, animée par le vin et par une idée aussi flatteuse pour elle, répondit que certainement elle serait le meilleur juge et le plus en état d’en décider qu’aucun d’eux. De ce moment, on ne se gêna plus ; les expressions les plus hardies, accompagnées de vin et mêlées de caresses, passaient de bouche en bouche. Rose, comme un vaillant champion, tenait tête à tous ; mais elle se préparait d’autres assauts qui l’intéressaient d’avantage, et voulant en venir au plus tôt à des effets où elle trouvait plus de solidité, elle appela Vernol, et lui passant un bras autour du cou, elle pencha sa tête sur ses tétons, qu’elle lui faisait baiser, puis coulant sa main plus bas, elle s’empara de son vit ; lui, de son côté, glissant la sienne sous ses jupes, se saisit de son con. Ses jupes à demi soulevées ne laissaient rien apercevoir encore ; mais relevant un genou, elle facilita la découverte de ce centre de plaisir. Cette vue les anima de telle sorte, qu’ils l’entourèrent, l’un lui prenant une fesse, l’autre une cuisse, un autre les tétons : chacun en tenait un morceau ! Rose faisant relever Vernol, leur demanda, en leur montrant son vit qu’elle tenait, s’ils pouvaient lui faire voir quelque chose de pareil. Chacun mit aussitôt les armes à la main ; elle eut alors le spectacle enchanteur à ses yeux, de voir à la fois cinq vits bandés, fiers et menaçants, qui lui proposaient le combat, quoique certains d’être vaincus.

Rose aussitôt se relevant et s’asseyant sur le lit, les genoux relevés et écartés, le lieu de la joute totalement à découvert, et présentant la bague :

— Je pourrais, dit-elle, décider la question au coup-d’œil ; mais puisque je dois juger, je veux y procéder avec tout le scrupule possible, et même y joindre, s’il le faut, une mesure qui m’est propre ; cependant, commençons !

Elle les fit ranger tous cinq, en leur faisant mettre toutes pièces à découvert, et prenant son lacet, elle les mesura avec la plus grande exactitude, tant en longueur qu’en grosseur, soupesant même avec attention leurs dépendances ; le maniement de tous ces vits fit une telle impression sur elle, que, se laissant aller sur le dos, et donnant deux ou trois coups de cul, elle leur fit connaître qu’elle déchargeait.

Tous voulaient dans cet instant monter sur elle, mais elle les arrêta :

— Je veux avant, dit-elle, prononcer mon jugement.

Le plus âgé fut tenu de payer les vins et les liqueurs ; Vernol aurait été chargé du restant, s’il n’eût été pour tous exempté des obligations de la convention dont il n’était pas. Ce fut au second, presque du même âge que le premier, que cette chance tomba, n’étant guère mieux fourni que Vernol. Il était d’une figure agréable, et Rose, pour dissiper le chagrin qu’il témoignait, lui promit qu’il serait le premier à passer aux épreuves ; elle les désirait avec passion : tous ces vits, toutes ces couilles l’avaient mise en fureur. Ils la prièrent de les y admettre ; elle ne se fit pas presser ; et se renversant sur le lit, elle tendit la main à celui auquel elle l’avait promis, qui, sautant sur elle, enfonça sur-le-champ son dard dans l’anneau qu’elle lui présentait ; Vernol le suivit et les trois autres à leur tour, selon la gradation qu’elle avait observée. Rose, enchantée, arrosée de foutre, nageait dans le plaisir ; sans cesse déchargeant, à peine avait-elle le temps de respirer ; l’un n’avait pas plutôt quitté la lice, que l’autre aussitôt y rentrait.

Enfin il fallu se reposer un moment. On était fort échauffé : boire, rire et caresser remplirent les entr’actes. Rose était toute livrée aux baisers et aux mains fourrageuses de ses cinq fouteurs ; ils ne purent la souffrir plus longtemps couverte du moindre voile ; bientôt elle fut mise dans l’état où étaient les trois déesses au jugement de Pâris.

Tous, jeunes et vigoureux, ne la virent pas plutôt ainsi, que leurs désirs se montrèrent plus furieux. Rose aurait cédé volontiers la ceinture de Vénus pour une guirlande de cons, afin de les recevoir tous à la fois, à moins que cette ceinture de la mère des amours ne fût de cette espèce, mais n’en pouvant avoir que deux, elle changea la scène, en faisant mettre le plus gros et le plus long couché sur le lit, la tête au pied ; elle se mit sur lui, les tétons appuyés sur sa bouche ; le moins avantagé se mit sur elle entre leurs cuisses ; chacun prit la route qui lui était présentée : de chaque main elle tenait le vit des deux autres, et réserva Vernol, dont elle prit le hochet entre ses lèvres, qu’elle chatouillait et suçait du bout de sa langue.

Enfin Rose, au milieu du foutre qui ruisselait de toutes parts, demeura victorieuse, après qu’ils se furent présentés entre eux vingt-deux fois au combat, et qu’elle eut arrosé trente-neuf fois par elle-même le champ de bataille ; elle était excédée, mais ivre de plaisir.

Je la vis le lendemain ; je la trouvai mourante, les yeux languissants et abattus. Surprise de la trouver dans cet état, je la questionnai avec adresse, et je la pressai tant, qu’elle et Vernol me firent enfin l’aveu de cette orgie.

Je ne me mêlai pas de leur donner des conseils, je voyais trop combien ils seraient inutiles ; je ne daignai pas même les blâmer, aussi je ne mets pas en doute qu’elle ne l’ait renouvelée aussitôt qu’elle l’a pu ; mais je ne me mis plus à même de l’apprendre, et de ce moment je ne les vis plus.

Rose, livrée sans frein à la passion furieuse dont elle faisait l’idole de son bonheur, à la fin y succomba. Ses règles n’avaient point paru ; elle ne fut pas longtemps sans essuyer un épuisement total suivi de vapeurs affreuses. Sa vue s’en ressentit, elle ne ressemblait qu’à une ombre ambulante. Sa gaîté fut totalement perdue, et un dépérissement produit par une fièvre lente la conduisit au tombeau.

Vernol, qu’elle avait jeté dans le même excès, fut saisi d’une fièvre putride dont il eut beaucoup de peine à revenir, et peu de mois après son rétablissement, la petite vérole lui fit essuyer des ravages qui le défigurèrent totalement ; il fut encore très mal et ne fit que languir depuis.

Mon père avait prévu tous ces événements ; nous nous entretenions souvent sur ce sujet. Je sentis mieux que jamais le prix de ses soins, et mon cœur avait peine à soutenir les épanouissements qu’il ressentait pour lui. Nous nous ménageâmes de plus en plus ; plus tendres, plus voluptueux et délicats que passionnés, nous passions souvent des nuits dans les bras de l’un de l’autre sans autre plaisir que celui d’y être, accompagné de douces caresses.

Quelquefois, rappelant à ma mémoire ce qui s’était passé, le souvenir m’en donnait un vrai chagrin, et dans une de ces nuits heureuses où mon cœur, plein de lui, jouissait de toute sa félicité, il m’échappa de le lui faire connaître ; j’en versais des larmes.

— Qu’as-tu donc, ma chère Laurette ? Pourquoi répands-tu des pleurs ? Tes joues viennent d’en mouiller les miennes.

— Ah ! cher papa, vous ne devez plus m’aimer, vous ne pouvez plus estimer votre fille. Je ne peux concevoir comment, dépendant de vous et de vos volontés, vous avez pu vous prêter aux écarts et aux extravagances d’une imagination fascinée, et permettre que je m’y livre.

— Es-tu folle, ma chère enfant ? Crois-tu que je fasse dépendre mon estime et mon amitié des préjugés reçus ? Qu’importe qu’une femme ait été dans les bras d’un autre amant, si les qualités de son cœur, si l’égalité de son humeur, la douceur de son caractère, les agréments de son esprit et les grâces de sa personne n’en sont point altérés, et si elle est encore susceptible d’un tendre attachement ? Crois-tu qu’elle ait moins de prix qu’une veuve, à mérite égal, sur qui l’on aura jeté quelques gouttes d’eau, et marmotté des paroles, pour lui permettre de coucher avec un homme au su de tout le monde, et d’en promener les fruits avec ostentation ? Dis-moi, n’en a-t-elle pas plus que tant de veuves et même de prétendues filles dont le mérite est inférieur ? Les femmes sont-elles donc comme les chevaux, auxquels on ne met de prix qu’à proportion qu’ils sont neufs ? Écoute mes principes, ma chère fille ; je serai satisfait s’ils peuvent te tranquiliser et te persuader que je t’aime aussi tendrement et que je ne t’estime pas moins qu’auparavant.

Rien ne me surprend si peu que de voir faire une infidélité, quoiqu’on ait le cœur rempli d’une affection bien tendre pour un objet qu’on chérit uniquement ; j’en suis un exemple pour toi. Je t’aime, ma Laurette, et mon amour est né presque avec toi ; je peux même assurer que tu avais à peine sept ans, que je n’aimais uniquement que toi ; tu remplis entièrement mon cœur ; t’en ai-je moins fait d’infidélité avec Lucette, avec Rose et même avec Vernol ? Crois-moi, cette action, qui tient à la constitution de nos organes, est trop naturelle pour n’être pas pardonnable, tandis que l’inconstance, qui provient du sentiment, ne me le paraît pas, lorsque l’objet auquel nous nous sommes engagés par les liens de l’estime, de la bonne foi, de la reconnaissance et par son attachement, ne nous en donne pas lieu. Encore faut-il des sujets très graves pour autoriser un dégagement entier, comme la méchanceté du cœur, l’aigreur dans le caractère et l’emportement journalier dans une humeur récalcitrante ; mais j’ai supposé un choix heureux : alors l’inconstance, suivant moi, décèle un cœur léger, ingrat, perfide et mauvais ; je n’en ferais jamais un ami. Tout homme capable de perfidie et d’inconstance pour une femme qui a de la délicatesse dans les sentiments et un esprit agréable et cultivé, qui s’est livrée à lui et à sa discrétion, est toujours perfide et inconstant pour son ami ; mais l’infidélité passagère ne démontre qu’un tempérament susceptible d’irritation, que souvent le besoin, l’occasion, ou même des circonstances imprévues auxquelles on ne peut se refuser, engagent à satisfaire.

Nous sommes composés de contradictions apparentes, la volonté n’est souvent pas d’accord avec nos actions, parce qu’elles ne dépendent pas d’elle ; souvent nous ressentons des impulsions qui conduisent à des résultats qui paraissent contradictoires, quoiqu’ils partent cependant de la même source, et celui qui a reconnu un sixième sens dans le centre de nos individus, en connaissait bien la nature. En effet, dépend-il de notre volonté de le faire agir ou non ? il n’est point soumis à ses lois. Tout en nous, au contraire, l’est à notre organisation et à la fermentation des liqueurs qui la mettent en mouvement. Rien ne peut s’y opposer ni les changer, que le temps seul, qui détruit tout. C’est à cet ensemble qui compose chaque être différent que se rapportent les variétés qu’on y découvre, et c’est encore du sort donné à chacun d’eux qu’ils tiennent cet ensemble qui s’y rapporte avec une liaison parfaite.

Nos sens éprouvent dans l’union des sexes des impressions dont nous ne sommes pas les maîtres. Tel objet frappe, séduit, inspire des désirs aux uns, qui ne produit rien sur les autres, quoique réellement agréable ; j’en ai vu bien des exemples. Sommes-nous affectés par un objet ? tout nous y entraine ou nous y porte ; quelquefois nous haïssons son humeur et son caractère, cependant il fait naître en nous l’idée d’un plaisir vif, nous en sentons l’effet ; le sixième sens s’élève, nous désirons, nous voulons en jouir à quelque prix que ce soit, sans avoir le dessein de nous y attacher, et souvent on le fuit après l’avoir possédé. En un mot, attachements solides, goûts passagers, tout est dans le cercle que nous avons à parcourir. Si nous trouvons de la résistance à nos poursuites, l’amour-propre vient se mêler de l’entreprise, et l’on emploie plus de souplesses et de moyens réunis pour vaincre cette résistance que pour attaquer ceux qu’on estime et qu’on chérit le plus.

Enfin la volupté, l’ambition et l’avarice, passions qui du plus au moins mènent et maîtrisent tous les hommes pendant leur vie, nous déterminent et nous entraînent nécessairement dans un enchaînement de circonstances qui forment le tissu dont notre existence est enveloppée, et fais-y bien attention, ma Laure, ces trois mobiles, qu’on pare souvent de voiles brillants et de noms adoucis, sont les seuls qui mettent en mouvement les humains et qui les gouvernent : tels individus par un, par deux ; tels autres par tous les trois ensemble, suivant la marche qui leur est tracée et la carrière qu’ils ont à parcourir.

Si l’on a reçu de la nature et du rôle qu’on doit faire un cœur susceptible d’une passion forte et durable, d’un attachement tendre et délicat, c’est l’agonie des humeurs et des caractères qui les approche et les unit. L’idée du plaisir est plus éloignée ; on en est moins affecté que de l’intimité d’une union remplie de douceurs et d’agréments, qui allie les esprits et les goûts. On est méprisable de relâcher, par sa faute, des liens de fleurs que vivifie et entretient l’aménité ; aussi ces chaînes sont-elles bien difficiles à rompre, et cette modification dans les individus a des influences bien plus déterminées. On y mêle, il est vrai, les sensations du plaisir, mais leur genre a quelque chose de différent. Il est un âge où tout ce que je te dis, ma chère Laurette, paraît une fable ; cependant il est puisé dans la nature.

Arrive enfin, à pas plus ou moins lents, l’habitude, qui, sans éteindre les sentiments, sans détruire ces liens aimables, émousse néanmoins cette pointe de volupté, amortit cette vivacité de désirs qu’un nouvel objet fait renaître, désirs qui semblent ajouter à notre existence et faire mieux sentir le prix et les charmes de la vie dont on jouit ; mais on n’en est point moins fixé. Si l’on peut avoir assez de raison et de fermeté pour sacrifier une fantaisie, un caprice, un écart momentané qui pourrait détruire l’accord d’une union intime, il n’y a pas à balancer ; mais la jalousie, qui vient y jeter ses serpents, ne la détruit-elle pas plus encore que cette infidélité passagère ? et n’est-il pas nécessaire que de part et d’autre on sache se prêter sans humeur et sans tracasseries aux lois imposées par la nature, dont la puissance est invincible ? Écoutons sa voix, elle parle partout ; ne fermons point nos oreilles et notre entendement à ce qu’elle prononce et démontre ; elle annonce en tout la variété, et même que tout finit. Pourquoi se plaindre d’une loi qui ne peut être éludée, à laquelle nous sommes absolument soumis, et aussi despotique que celle de la destruction qui anéantit la modification de notre être ? L’amour-propre et ce fatal égoïsme nous y font résister. Eh bien ! qu’on ne la seconde pas, cette loi, elle n’en a pas besoin, mais qu’on détourne la vue sans aigreur.

Beaucoup de nations plus près de ces principes, moins écartées de ces impressions primitives, en suivent bien mieux l’impulsion que nous, qui, à force de polissure, sommes si éloignés de ses premières notions.

Jette les yeux, ma chère Laure, sur toutes les espèces d’animaux répandus sur notre globe : voit-on les femelles enchaînées aux mâles qu’elles ont eu l’année précédente ? La tourterelle, dont on fait une peinture qui n’est si touchante que parce qu’elle éveille et pique notre amour-propre, ne reste dans le même ménage que jusqu’au temps où sa famille n’a plus besoin d’elle ; souvent le même été la voit choisir un nouveau favori. Cherche d’autres exemples, ils sont pareils. Consultons la nature : quels ont été son but et ses desseins ?

La reproduction des êtres, et elle n’a imprimé tant de plaisirs dans l’union des sexes que pour y parvenir d’une manière agréable et par conséquent plus sûre. Le plaisir est même si dominant dans notre espèce, que souvent il nous fait agir malgré nous. Si je me suis détourné de ce but avec toi, nos coutumes et nos préjugés m’en ont imposé l’obligation absolue ; mais ce dessein est si marqué, qu’un homme bien constitué peut, en jouissant de plusieurs femmes fécondes, se reproduire autant de fois qu’il en aura connu. Si dans les deux sexes on trouve des individus qui ne répondent pas à ces vues, c’est une erreur passagère de constitution qui ne détruit pas les lois générales.

J’avoue que cette faveur faite aux hommes ne rejaillit par sur les femmes ; elles ne peuvent ordinairement produire qu’un seul être ; plusieurs hommes n’en feraient pas éclore davantage, et souvent même un mélange trop prompt détruirait le germe fructifiant, s’il n’avait pas été bien fixé, sans compter encore les fâcheux effets qui résulteraient d’un mélange diversifié et très prochainement successif ; cependant, si le premier germe avait pris de profondes racines, et qu’à quelque temps le même homme, ou un autre, anime et vivifie un nouveau germe, elles peuvent produire un second fruit, et même un troisième, mais ces cas ne sont pas dans le cours commun de la nature pour notre espèce.

Si cette nature a comblé les hommes de faveurs, elle n’a pas été tout à fait injuste ni marâtre envers elles : les femmes portent un vide qu’une nécessité perpétuelle, un appétit indépendant d’elles les porte à remplir ; si l’un ne le peut, ou ne le veut pas, un sentiment plus fort qu’elles et que tous leurs préjugés, en appelle un autre ; mais le choix dépend de leur goût. En effet, pourquoi vouloir absolument qu’elles souffrent les approches et les caresses de tel objet qu’elles abhorrent ? Que peut produire une union qu’elles détestent et qui les révolte ? Rien, ou des avortons qu’elles ont en horreur. Combien en voit-on d’exemples ; C’est dans de pareilles conjonctures, qui ne sont que trop multipliées, que le secours d’une désunion entière serait bien nécessaire. Elles tiennent de leur existence et de leur constitution le droit de choisir et même de changer si elles se sont trompées. Eh ! qui ne se trompe pas ? Enfin, c’est ce droit né avec elles qui les rend plus inconstantes que les hommes, qui tiennent des lois générales d’être plus infidèles.

S’il est en elles, par la constitution de leur sexe, un degré de volupté plus grand, un plaisir plus vif et plus durable que dans le nôtre, qui les dédommage en quelque sorte des accidents et des peines auxquels elles sont soumises, quelle injustice de leur en faire un crime ? Leur tempérament dépend-il d’elles ? De qui l’ont-elles reçu ? Leur imagination, plus aisément frappée, et plus vivement affectée, en raison de la délicatesse et de la sensibilité de leurs organes ; leur curiosité excessive et ce tempérament animé leur présentent des images qui les émeuvent violemment, et qui les obligent de succomber d’autant plus aisément, que le moment présent est en général ce qui les remue avec le plus d’énergie.

Écartons donc la contrainte produite par la jalousie, enfantée par l’amour-propre et l’égoïsme ; elles reviendront bientôt d’elles-mêmes, et sauront mieux que les hommes connaître leurs pertes.

Il se trouvera, sans doute, des exceptions, mais où n’y en a-t-il point ? D’ailleurs mériteront-elles des regrets ? Apprenons donc à nous prêter à leur essence ; rendons plus léger le joug qui leur est imposé ; chargeons de fleurs les liens dans lesquels elles sont engagées, pour captiver leur esprit, subjuguer leur cœur, et fixer l’inconstance qu’elles ont reçue de la nature. Passons-leur une infidélité, s’il est nécessaire, pour ne point les aliéner, ce qui arriverait bientôt sans doute si les chaînes leur paraissaient trop pesantes et trop resserrées ; sans cela cette belle moitié du genre humain serait trop malheureuse. Mais ce qu’il y a de singulier, c’est que si ces principes ne sont point autorisés, ils n’en sont pas souvent moins suivis en beaucoup de parties et dans bien des climats.

— Mais, cher papa, si les femmes n’ont pas reçu, comme les hommes, un droit à l’infidélité, pourquoi voit-on un nombre d’entre elles qui, non seulement s’arrogent une pareille prétention, mais encore qui la portent beaucoup plus loin, puisqu’elles la poussent jusqu’à la publicité ? Il faut donc que ce penchant tienne autant à la constitution de notre sexe qu’à celle du tien.

— Erreur, ma fille ; dans ton sexe, c’est un écart excessif des lois générales de la nature, dans lequel les individus sont portés ou entraînés par un assemblage de circonstances où il entre souvent de la nécessité, où souvent aussi le penchant n’entre pour rien, et dans lequel la plus grande partie ne reste que par les mêmes circonstances dont la chaîne se perpétue, ou par fainéantise, habitude, gourmandise, mépris d’elles-mêmes, et tant d’autres raisons que je ne peux te détailler. Tu vas voir par les effets qui en résultent, que la nature même s’y oppose fortement, puisque cet écart, poussé jusqu’à son dernier période, emporte avec lui des malheurs, des maux affreux, des suites fâcheuses, et tout ce qu’on peut imaginer de plus funeste, effets qui ne sont point produits par l’infidélité des hommes qui ne voient point de femmes publiques.

Je dois, en premier lieu, te faire une comparaison qui te rendra plus sensibles et plus claires ces lois générales de la nature. Que dans vingt vases différents on verse une même liqueur, qu’on la survide dans le vaisseau d’où elle est sortie, elle ne change point de nature, elle sera tout au plus affaiblie par la transvasion, si elle est spiritueuse ; mais que dans un même vase on verse vingt liqueurs différentes et hétérogènes, il s’établit une fermentation qui change la combinaison naturelle de ces liqueurs ; qu’on vide ce vase, sans le rincer, ni l’essuyer, les parois infectées de la liqueur fermentée suffiront pour insinuer un levain qui changera l’essence d’une seule des vingt qu’on remettrait dedans, ou qu’on prenne une goutte de cet assemblage fermenté, et qu’on la mette dans le vaisseau qui en contient une seule, l’effet en sera le même.

De cet exemple, voici les conséquences : qu’un homme sain se joigne à plusieurs femmes, il ne peut en résulter aucun mal ; c’est la même liqueur versée dans plusieurs vases ; mais qu’une femme, fût-elle même très saine, s’unisse à plusieurs hommes coup sur coup, qui ne seraient pas infectés, cette diversité de semence produira, par la fermentation aidée et accélérée par la chaleur du lieu, les effets les plus dangereux.

Qu’une fille, une femme jeune, jolie, libre et indépendante, mais de la lie du peuple, et par conséquent sans éducation, sans soin, sans propreté, sans précaution, se trouve abandonnée à la publicité, soit par son propre besoin, soit par celui de vieilles coquines qui, fondant sur ses appas, leurs avantages, la dirigent et l’entraînent dans cette affreuse conduite, soit par les suites d’un engagement où la séduction des hommes l’auront jetée, soit enfin par tempérament ou libertinage de caractère, reçoive plusieurs hommes en un jour, et presque à la suite l’un de l’autre, il est constant qu’elle ne tardera pas à être infectée : ce sont différentes liqueurs versées dans un même vase ; elle peut même être sujette à des flueurs blanches très âcres, à des reliquats de règles de mauvaise qualité, à des ulcères de matrice. Les semences de ces différents hommes qui sont hétérogènes, soit par la diversité du tempérament des individus, soit par la prodigieuse différence qui se trouve dans l’état de leur santé, tels que ceux qui ont des maladies cutanées qui les rendent encore plus âpres auprès des femmes, tels encore que ceux qui ont des maladies habituelles qui n’ôtent point la puissance génératrice, et autres de cette espèce, mêlées les unes avec les autres dans le même lieu, où déjà se trouve quelquefois en lui-même une liqueur viciée, ou tout au moins en disposition de l’être, ces semences fermentent avec plus d’aisance et de promptitude par la chaleur, s’aigrissent, se tournent en acide, et deviennent un poison d’autant plus subtil que la matière qui l’a produit l’est elle-même ; ce qui prouve que les femmes ne sont point faites pour être infidèles, et encore moins pour la prostitution.

D’après ce résumé, qui tient à la saine physique, à la raison et à l’expérience, il est certain que du moment où il s’est trouvé des femmes livrées à cet abandon général, la contagion a dû se développer dans les sources de la vie, ce qui n’est malheureusement que trop général, et de la plus vile populace, où elle a probablement commencé, elle est montée jusqu’aux grands.

Mais puisqu’elle existe en action ou en puissance, il est sans doute nécessaire que des hommes éclairés, remplis de connaissances appuyées d’une longue expérience, cherchent tous les moyens de l’arrêter dans son principe, et les communiquent lorsqu’ils les ont trouvés. Il y en a, ma chère Laure, de ces hommes bienfaisants qui, sans redouter le blâme et les cris des sots, sont utiles, non seulement à leurs contemporains, mais encore à la postérité, en découvrant sans fard et sans déguisement tout ce qu’ils ont acquis pour parvenir à parer aux accidents qui résultent de la prostitution des femmes.

C’est encore ici, ma Laurette, un des avantages de l’éponge, mais elle ne suffit pas seule ; il s’agit de l’imbiber avant d’une liqueur où se trouve répandu un sel dont la ténuité est infinie, qui, par ses préparations, étant un alcali puissant, s’unit avec précipitation aux sels acides de la liqueur viciée, absorbe dans l’instant leur action, en détruit la nature, les réduit au moment même en sels neutres, et préserve par conséquent de contagion dans l’union des sexes, dont l’un ou l’autre serait infecté.

Qu’une femme trempe l’éponge dans cette eau composée, qu’elle se l’introduise, elle peut, sans risque, s’unir de suite à plusieurs hommes, elle peut même recevoir un homme malsain ; ou, dans le cas de la contagion, ayant soin, pour plus de sûreté, de la retirer avec son petit cordon, aussitôt qu’il est dehors, de se laver et de s’injecter de la même eau, ou bien de remettre chaque fois une éponge imbibée de la même composition ; on peut ensuite laver ces éponges dans une quantité assez étendue d’eau simple, et s’en servir de nouveau en les retrempant dans l’eau composée.

Si c’est un homme sain qui se joigne à une femme qui ne l’est pas, il peut de même lui introduire cette éponge trempée de cette composition[1], ayant attention, quand il sera dehors, de tremper le membre décalotté dans cette eau, qu’on aura soin de mettre dans un vase de verre, de faïence ou de porcelaine, et pour plus de sûreté, il en fera couler par injection, dans le canal, avec une petite seringue d’ivoire et non de métal ; s’il était d’une sensation très délicate dans cette partie, cette eau composée serait coupée par moitié avec de l’eau de rose ou de plantain. Je ne te dis rien, ma chère Laure, dont je ne sois très assuré par nombre d’expériences.

Je pourrais, ma chère Laure, t’apporter encore nombre d’autres raisons pour te prouver que la nature n’a pas donné le même droit aux femmes pour être infidèles ; mais il est constant qu’elle a mis dans leur cœur et dans leur manière d’être plus d’inconstance que dans notre sexe. On est fort heureux, quand un objet nous touche sensiblement, de ne pas essuyer cet événement, et dût-il nous en coûter quelque chose, il faut savoir faire un petit sacrifice pour éviter une perte totale.

Dieux ! chère Eugénie, qu’il lisait bien dans mon cœur ! tu l’avoueras sans doute avec moi. Il dégagea mon âme, par cet exposé de ses sentiments, d’un poids qui la surchargeait, il lui rendit sa tranquillité, et la remplit d’une joie parfaite. Je voulais cependant encore éclaircir un soupçon que nos scènes de la campagne m’avaient donné, et je souhaitais qu’il se vérifiât pour ôter tout retour aux regrets que j’avais éprouvés, mais je n’eus pas lieu de tirer cet avantage de la demande que je lui fis.

— Je désire, cher papa, te faire une question sur laquelle je te prie de me satisfaire sans déguisement.

— Quoi donc ! ma Laurette, pourrais-je en avoir pour toi, et te donner cet indigne exemple, après avoir cherché moi-même à te rendre toujours sincère ? Parle, la vérité dans ma bouche ne sera pas même fardée.

— Quand nous avons été la première fois à la campagne avec Rose et Vernol, après t’avoir entendu dire à quelle condition tu te prêtais à ma folie, je me suis persuadée que la vue des grâces de ce beau garçon avait fait naître tes désirs, comme il avait excité les miens, et que pour en jouir tu avais consenti à céder aux siens, en exigeant cette obligation de lui. Ma persuasion était-elle fondée ?

— Que tu t’es trompée, ma chère enfant ! J’avais des désirs, il est vrai ; tu en voyais les signes certains, eh ! qui n’en aurait pas eu ! Mais les attraits et les charmes répandus sur toute ta personne en étaient les principaux mobiles ; la scène y ajoutait, mais Vernol n’y était pour rien. Je t’avoue même que le goût de beaucoup d’hommes pour leur sexe me paraît plus que bizarre, quoiqu’il soit répandu chez toutes les nations de la terre ; outre qu’il viole toutes les lois de la nature, il me paraît extravagant, à moins qu’on ne se trouve dans une disette absolue de femmes ; alors la nécessité est la première de toutes les lois. C’est ce qu’on voit dans les pensions, dans les collèges, dans les vaisseaux, dans les pays où les femmes sont renfermées ; et ce qu’il y a de malheureux, ce goût, une fois pris, est préféré. Je ne vois pas du même œil celui des femmes pour le leur ; il ne me paraît pas extraordinaire, il tient même plus à leur essence, tout les y porte, quoiqu’il ne remplisse pas les vues générales, mais au moins il ne les distrait pas ordinairement de leur penchant pour les hommes. En effet, la contrainte presque générale où elles se trouvent, la clôture sous laquelle on les tient, les prisons dans lesquelles elles sont renfermées chez presque toutes les nations, leur présentent l’idée illusoire du bonheur et du plaisir entre les bras d’une autre femme qui leur plaît ; point de dangers à courir, point de jalousie à essuyer de la part des hommes, point de médisance à éprouver, une discrétion certaine, plus de beautés, de grâces, de fraîcheur et de mignardises. Que de raisons, chère enfant, pour les entraîner dans une tendre passion vis-à-vis d’une femme ! Il n’en est pas de même à l’égard des hommes, rien ne les y porte ; en général, ils ne manquent point de femmes, le chemin qu’ils recherchent n’est pas moins semé de dangers que celui qu’ils fuient dans les femmes ; enfin il me paraît contraire à tout, et tu dois te souvenir que c’est l’unique fois que j’aie agi de même avec Vernol. Si ce goût recherché me paraît plus que bizarre avec les hommes, ne pense pas que je le regarde de même avec les femmes ; un homme mal fourni, dans un vaste chemin, est obligé de chercher la voie étroite, pour répandre après la rosée bienfaisante dans le champ qu’il doit ensemencer ; mais il y a plus, il existe des femmes qui ne peuvent être animées que par ce moyen, et chez elles l’entrée du sentier est presque toujours exempte d’épines.

Voici donc les raisons de ma conduite avec Vernol : mon amour et ma complaisance, tous deux extrêmes pour toi, ma façon de penser exempte de préjugés, le vif désir de te plaire de toutes façons et de posséder ton affection entière, enfin la différence que je souhaitais que tu connusses entre les divers sentiments des hommes (car tu as dû juger que la passion de Vernol n’avait pour but que la jouissance) tous ces motifs m’ont fait condescendre à des désirs que tu aurais pu satisfaire à mon insu, si j’avais pris d’autres moyens ; désirs enfin qui t’auraient engagée à me regarder dans ton cœur comme un tyran jaloux, si je m’y étais opposé, et j’aurais perdu pour jamais ta tendresse et ce cœur dont seul je suis jaloux. Mais je ne voulais pas, en te souffrant dans les bras de Vernol, qu’il s’autorisât de ma complaisance pour toi, et qu’il s’en fît un titre pour penser intérieurement, ou pour parler d’une manière désavantageuse ; je désirai qu’il ne pût même, ainsi que Rose, songer au bonheur qu’il avait trouvé dans tes bras, sans se souvenir, en même temps, qu’il l’avait payé de sa personne, et que cette réflexion fût un frein pour ses idées et pour sa langue.

Je le fis avec d’autant plus de raison, qu’en général, dans la jouissance des femmes, les hommes ne sont guère prudents ni discrets. Pour ajouter encore une preuve de ma franchise et de mes vues réelles, c’est que Rose, de ce côté-là, n’a pas reçu de ma part une pareille offrande, quoique cela soit plus naturel avec une femme, comme je te l’ai déjà dit et que même elle y gagne presque toujours ; mais elle ne m’était pas nécessaire ; malgré que ce fût la première fois qu’elle en eût essayé, j’ai laissé ces prémices à Vernol : juge : de là si tu t’es trompée.

Je pris mon papa dans mes bras ; je le serrai contre mon cœur, je le pressai contre mon sein, je l’étouffais.

— Cher et tendre papa, je sens plus que jamais jusqu’où s’étendent tes bontés et ton amour pour ta Laurette ; tous les moments de mes jours seront désormais consacrés à te prouver le mien ; mes soins, ma complaisance, mes plus secrètes pensées, dont je te ferai part, enfin la constance et la fidélité de ma tendresse pour toi, en seront des témoignages continuels et des preuves certaines.


Des baisers et des caresses sans nombre en furent les gages.


Je jouissais avec lui depuis près de quatre ans d’une tranquillité douce et charmante, j’en faisais toute ma félicité ; prévenante et prévenue, caressante et caressée, mes jours «étaient filés par le plaisir et le bonheur, quand au bout de ce terme ils furent troublés par la mort de Lucette. Son souvenir m’était toujours bien cher, il était le fruit de la sincère amitié que nous avions l’une pour l’autre ; en tout sa conduite avait été guidée par la tendre affection qu’elle avait pour mon père et pour moi. J’avais trop bien connu la différence qu’il avait entre elle et Rose, et je mettais à son attachement un tout autre prix ; mais la perte que je faisais était un préparatif aux tourments et aux noirs chagrins que je devais essuyer. Quel récit exiges-tu de moi, chère Eugénie ? Pourquoi renouveler ma douleur ? Mon cœur se déchire encore au souvenir de mon infortune ; les mêmes angoisses se font encore sentir avec une force pareille au moment de ce détail ; non, je ne puis passer outre....

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Je reprends, trop chère amie, ce fatal et cruel récit que j’ai été forcé de suspendre ; je n’étais plus à moi, mon cœur était navré ;-ma main tremblante laissait tomber ma plume, les sanglots m’étouffaient, mes yeux offusqués ne pouvaient retenir l’abondance de larmes où tu m’as vue plongée, et que ton amitié consolante aurait encore essuyées, si j’avais été près de toi. Enfin, mon cœur, un peu dégagé, me rend la liberté de retracer mon malheur à tes yeux.

Tu sais que j’étais dans ma vingtième année quand mon papa, le plus tendre et le plus aimable des pères, et en même temps le plus chéri, duquel j’aurais voulu racheter la vie de tout mon sang, et dont la perte est irréparable pour moi, fut emporté par une fluxion de poitrine, dont tout l’art des médecins ne put le sauver. Je ne le quittais point, j’étais jour et nuit près de son lit, que j’arrosais de mes pleurs : je m’efforçais de les cacher ; ma bouche était collée sur ses mains. Ce spectacle le pénétrait ; il aurait voulu m’épargner celui de son état ; il tâchait de m’éloigner, mais il ne fut pas possible de m’y faire consentir ; je n’écoutais rien ; à peine pouvais-je prêter un peu d’attention à quelques conseils qu’il me donnait ; car il sentait sa situation et la soutenait avec fermeté ; enfin le coup me fut porté, et je reçus sur mes lèvres son dernier soupir.

Ah ! quelle perte pour moi, Eugénie ! chère Eugénie ! mes yeux arrosent encore le papier sur lequel je trace ce douloureux récit. Je lui étais mille fois plus attachée que s’il eût été réellement mon père. Il m’avait fait connaître le comte de Norval, aux plaisirs duquel je devais le jour ; je l’avais vu sans émotion et sans autre intérêt que celui de la curiosité : mon cœur ne disait rien. Le désir d’envisager celui qui avait contribué à mon existence était le seul qui me conduisait. Où est donc, disais-je en moi-même, cette voix intérieure qui nous porte vers ceux à qui nous devons la vie ?… Vains propos, chimères ! notre cœur parle, mais c’est pour ceux qui ont fait et préparé notre bonheur.

Enfin, ma douleur sombre, le désordre de mes facultés anéanties, le déchirement de mon cœur et mes regrets amers avaient totalement éloigné de moi le repos et le sommeil. L’embrasement se mit dans mes veines, et je fus moi-même très mal ; je voulais mourir, mais mon heure n’était pas venue, et ma jeunesse fut un des moyens dont le sort se servit pour me sauver. Aussitôt que j’eus repris mes forces, je n’eus d’autre pensée que de m’enterrer vive ; j’avais tout perdu ; la vie m’était odieuse. Un couvent fut le seul but de mes désirs ; aurais-je jamais pu croire y trouver quelque adoucissement à mes peines ? Mon chagrin serait encore dans toute sa force, s’il n’avait été modéré dans tes bras. Souffre, belle et tendre amie, que pour ma propre satisfaction, je peigne à tes yeux mêmes l’image des doux instants que j’ai passés près de toi, et où tu as versé un baume salutaire sur les plaies de mon cœur. Ce penchant qu’on nomme sympathie, cet intérêt qu’on prend aux infortunés par la similitude où l’on peut se trouver avec eux, te fit concevoir de l’amitié pour moi, presque aussitôt que je fus dans ton couvent, où je voulais me fixer et pleurer en liberté ; ta pénétras l’état de mon cœur, sans en connaître les motifs, te vins essuyer mes larmes, tu quittais ta cellule pour dissiper ma langueur. Ta jeunesse, tes grâces, tes attraits et ton esprit donnaient du poids à tes discours ; mais tu t’apercevais aisément, le lendemain, que la solitude de la nuit détruisait tous les soins que te avais pris pendant le jour. Tu parvins enfin à partager mes ennuis et mon lit. Que je fus surprise des trésors que ta guimpe et tes habits recélaient ! Cet instant ranima d’un sentiment vif le souvenir de mes peines ; tu vis couler mes pleurs, tu en fus étonnée ; tu voulais en connaître la cause et découvrir un secret que tu as si bien, su m’enlever depuis.

Je ne tenais à rien ; j’étais dans une inertie totale ; à peine aurais-je su que j’existais, le sentiment de ma douleur. Je concevais le besoin d’une amie ; mais je n’espérais pas en trouver une, telle que je la désirais : ce fut dans cet instant que je sentis plus vivement combien Lucette me manquait ; je ne comptais pas pouvoir la remplacer ; bien moins me flattais-je d’en trouver une semblable sous le masque qui te couvre. Ton caractère, ton humeur, ton âme vinrent sans déguisement se montrer à moi et se joindre à ta figure charmante ; j’en fis quelque temps mon étude, et mes observations furent toutes en ta faveur ; enfin ton amitié et ta confiance établirent les miennes. Tes confidences furent payées par celles que je te fis alors, et je trouvai dans tes bras l’adoucissement que tu cherchais à me procurer. Avec quelle satisfaction je me rappelle encore cette nuit où tu me dis :

— Aimable Laure, chère amie, j’ai lieu d’être persuadée que tes chagrins sont cuisants ; mais si je puis, en te faisant part des miens, émousser le sentiment de ceux qui t’accablent, j’aurai du moins le contentement que me donnera la diminution de ta douleur.

Tu jugeais avec raison qu’observant une réserve exacte sur le secret de mon cœur, je pouvais aussi garder le tien ; tu ne te trompais pas, il me semble encore t’entendre me dire :

— Écoute, ma chère, j’aime, oui, j’aime aussi tendrement qu’on puisse aimer, et j’ai le malheur cruel d’être couverte des livrées religieuses. Des béguines emmiellées et trompeuses ont entouré de murs et de grilles ma jeunesse sans expérience, et l’ont attirée dans leur cachot infernal. Mon ignorance, des vœux, des préjugés sont mes tourments ; les désirs, mes bourreaux, et j’en suis la victime. La nuit, le sommeil est loin de mes yeux, et les larmes s’en emparent ; le jour, tout me déplaît et m’ennuie ; mon âme est absorbée : juge de mon état ! Libre comme tu es, tu peux au moins sans crainte livrer à l’amant que tu chéris les appas que j’ai vus et que je touche.

Ta main, que tu mis sur mon sein, me fit frissonner :

— Ah ! chère Eugénie, te dis-je avec transport, voilà le jour de mon désespoir ! je l’ai perdu cet amant que j’adorais, et la mort me l’a ravi. Dieu ! que n’est-il ici ! mais c’est lui, oui, c’est lui que je tiens !

Je te serrais dans mes bras ; ta me faisais illusion. Hélas ! le détail de tes charmes que je parcourus me rendit à moi-même ; ce qui te manquait détruisit le prestige de mon imagination et le fantôme qu’elle se créait ; cependant tes attraits répandirent sur ma langue tous les éloges que tu méritais si bien. Ton sein, ta taille, tes fesses, tes cuisses, ta motte et ta peau, tout en fut un sujet pour moi.

— Quel plaisir ! m’écriai-je, pour ton amant et pour toi, s’il te tenait dans ses bras comme je te serre dans les miens !

Tu désirais t’instruire, tu voulais savoir, tu balançais, tu cherchais à m’interroger, et tu n’osais. Je te voyais venir ; tu pris enfin la résolution de me demander si j’avais connaissance de ces plaisirs, et s’ils étaient si grands. Je te l’avouai, je t’en fis une peinture qui t’enchanta, sans pouvoir les concevoir.

— Il faut les éprouver, te dis-je, Quoi donc ! à dix-sept ans passés ne pas les connaître ? Si tu veux, ma chère, je t’en ferai goûter au moins ce qu’ils ont de plus vif.

Ta curiosité, tes désirs, que mes caresses faisaient naître et qui firent couler le feu de la volupté dans toutes les parties de ton corps, t’y firent consentir. L’envie de te consoler à mon tour, et de dissiper les ténèbres de ton ignorance, suspendit mes peines. Tu te prêtas à mes leçons ; j’écartai tes cuisses, je caressai les lèvres de ton petit conin, dont les roses étaient à peine épanouies ; je n’osai y enfoncer le doigt ; tu n’étais pas encore assez endoctrinée pour que tu eusses regardé la première douleur comme propre à produire une augmentation de plaisir. Bientôt je gagnai le trône de la volupté, et ton charmant clitoris, que je caressai, te jeta dans une extase dont tu pouvais à peine revenir.

— Ah ! Dieu, me dis-tu, ma chère Laurette, quelles suprêmes délices !

Tu me pris à ton tour pour ton amant ; j’étais couverte de tes baisers ; tes mains s’égarèrent sur tout mon corps ; tu voulus me rendre le service que tu venais de recevoir de moi, mais mon cœur, encore trop serré, ne s’y prêtait pas, et je retins ta main. Je te repris bientôt dans mes bras, et renouvelant mes caresses, je t’en appris davantage sur le premier instant de jouissance. Tu étais animée, tu fus aisément persuadée.

— Eh bien ! me dis-tu, avec cette charmante vivacité qui te va si joliment, fais de moi ce que tu voudras.

Je repris ton petit conin, j’y enfonçai le doigt d’une main, tandis que je te branlais de l’autre. La douleur mêlée au plaisir te le fit trouver encore plus délicieux : c’est moi, chère et tendre amie, oui, c’est moi l’heureuse mortelle qui ai cueilli ton pucelage, cette fleur si rare et si recherchée !

Plus libre avec toi qui venais de connaître et de sentir les attraits de la volupté, je ne craignis plus de t’ouvrir mon cœur en entier, de t’en faire parcourir toutes les routes, et de te raconter en raccourci ce que je retrace ici dans toutes ses circonstances. Si le plaisir et ma main ont su te dégager des entraves de l’ignorance et des préjugés qu’elle enfante, combien n’ai-je pas eu de peine à te vaincre sur tous les autres ? La crainte de la grossesse ne te faisait plus trembler : je t’en avais guérie par mon récit et ma propre expérience. Ton amant me devait déjà tes premiers pas à son bonheur et à ta jouissance.

— Hélas ! me disais-tu, la plupart des dogmes dont on a bercé mon enfance jusqu’à présent, les vœux qu’on m’a dictés, cette guimpe, ces grilles qui nous entourent, tout s’y oppose !

Mais ton amour, mes avis et mon assistance ont affaibli ces préjugés et vaincu tous les obstacles. Tu me dois donc, chère Eugénie, la tranquillité d’esprit et la société dont tu jouis. De toutes façons, ton amant me doit sa victoire ; de toutes manières, mon amitié vous a servis tous deux ; mais avant, j’ai voulu connaître ce Valsay si cher à ton cœur, étudier sa façon de penser, et juger s’il méritait ton amour, ta confiance et tes faveurs. Ces soins, tu le sais, n’ont pas été l’affaire d’un jour. Les femmes dont le jugement a été cultivé ont le tact fin, délicat et sûr pour pénétrer dans le cœur des hommes, malgré leurs détours, leur duplicité et les voiles dont ils cherchent à se couvrir ; mais je fus contente de Valsay, je trouvai suffisamment en lui pour me faire présumer que je ne risquais plus rien à prendre tout sur moi, pour satisfaire tes désirs, aider ton peu d’expérience et bannir tes frayeurs. Heureusement je servais dans ton couvent de prétexte à son amour, tandis que je travaillais pour vous deux, car ta faiblesse et ta timidité n’auraient jamais été vaincues sans mon secours. Retrace-toi ce jour où, après un temps assez long, ton amant te pressait, avec les instances les plus vives, de le rendre heureux ; je le secondais de tout mon pouvoir ; tu t’en défendais, et tu le désirait. Tu lui opposais des raisons qui te paraissaient bien fortes ; tu lui présentais des obstacles insurmontables à tes yeux ; tu me faisais compassion. J’avais pitié de lui, je ne le lui cachai pas ; je voyais l’ardeur de vos désirs portée à son comble. L’instant me parut favorable, je m’enivrai de l’idée de contribuer à ta félicité.

— Eh bien ! te dis-je, je vais tout surmonter. Valsay, tu serais un ingrat, un homme indigne de ton bonheur, si ma conduite pour te le procurer, influait dans ton esprit à mon désavantage.

Je fermai les portes du parloir de notre côté, malgré tes oppositions apparentes ; ton amant en fit autant du sien. Je te pris dans mes bras, je t’approchai de la grille, je soulevai ta guimpe ; il prit tes tetons, il baisait tes lèvres, il suçait ta langue, que tu lui donnas à la fin ; mais la soif dévorante du désir lui fit porter sa main sous tes jupes, pour saisir ta motte et s’en emparer. Je te pressai contre lui, je te baisai aussi ; tu ne pouvais m’échapper, ni retirer tes bras des miens ; il eut enfin l’adresse et la satisfaction de les lever, et de saisir cet aimable petit conin, où tous les attraits de la jeunesse et de la fraîcheur sont répandus. Ses caresses t’embrasèrent du feu de la volupté ; il en était dévoré ; il maudissait cette impitoyable grille qui nous séparait et s’opposait à sa jouissance. J’étais émue, hors de moi-même !

— Quoi ! dis-je à ton amant, vous avez en vous si peu de ressources ? Ah ! Valsay, quand on aime bien, tout devient facile. J’aime donc ma chère Eugénie plus tendrement que vous ; je veux lui prouver que ce sentiment me rend tout possible et que rien ne peut m’arrêter pour la satisfaire, en vous obligeant tous deux ; car, si elle est abandonnée à elle-même, vous êtes perdu.

Tu te rendis enfin ; je te fis monter sur l’appui de la grille, tes mains posées sur mes épaules ; je te soutenais. Valsay releva ces habits noirs qui faisaient briller l’éclat et la blancheur de tes fesses charmantes ; il les maniait, les baisait, leur rendait l’honneur qui leur était dû. Ton petit conin, encadré dans un des carreaux de la grille, était un tableau vivant qui l’enchantait. Il lui donna cent baisers, mais pressé de couronner son bonheur, il te le mit, tandis que passant moi-même la main entre tes cuisses, je te branlais.

Le plaisir que nous appelions, que nous caressions, vint s’emparer de toi ; tu prenais mes tétons, tu me baisais, tu me mangeais, tu déchargeais ! Valsay, prêt à en faire autant, eut la prudence de se retirer ; sa volupté vint expirer entre mes doigts, et se répandre sur ma main, comme la lave d’un volcan. Je vous abandonnai pour lors tous deux à vous-mêmes ; tu vis, tu pris en mains, tu caressas ce bijou, dont tant de fois je t’avais fait la peinture, mais manquant des facilités que je te procurais, tu ne pus recommencer d’en faire usage. Tu m’en fis, à ton retour, des plaintes amères ; tu n’osais me demander de servir encore ta maladresse ; j’apercevais à quel point tu le désirais ; tu me pressais, tu me conjurais de ne plus te quitter. Tu voulus, cruelle amie, que je fusse témoin de tes plaisirs et de ta félicité, pendant que la mienne était perdue pour toujours. Il fallut que ma complaisance et mon amitié pour toi me sollicitassent encore de t’offrir de nouveaux secours ; mes offres t’enchantèrent ; tu m’accablas de caresses et de baisers ; je te fis penser, en cet instant, à te munir de l’éponge salutaire, et tu m’entraînas pour être présente à vos transports et au bonheur dont vous jouissiez. Toi-même me fis voir le dieu que portait Valsay, ce dieu que tu chérissais, avec lequel tu badinais, et dont il m’avait, dès la première fois, fait sentir la présence ; tu ajoutais de jour en jour à tes folies ; tu lui découvrais mes tétons et tout ce que j’avais de plus caché ; je me prêtai à ton badinage ; tu les lui faisais toucher. Dans quel état et dans quelle émotion me mettiez-vous tous deux ! Je te le disais à l’oreille, et la pitié perfide te faisait révéler mon secret. Tu voulais me faire jouir de ton amant ; tu lui souhaitais mes faveurs ; tu me pressais de les lui accorder ; tu voulais enfin me porter à la place que tu avais occupée ; ton aveu, tes empressements et ses désirs, dont tu mettais entre mes mains les témoignages sensibles, l’engageaient à m’en solliciter : je résistai toujours ; tes prières, ses sollicitations, le feu même qui roulait dans mes veines, ne purent m’y déterminer. Non, ma chère Eugénie, non, en vain espère-tu de lui faire remporter la victoire, je n’y consentirai jamais ; à tort me fais-tu des reproches, ce n’est ni par haine, ni même par indifférence : Valsay détruit l’une et n’est point fait pour inspirer l’autre ; mais ton amitié seule me suffit. Après la perte que j’ai faite, je renonce pour toujours à toute liaison intime avec les hommes, et je serai ferme dans cette résolution. Tu dois en être persuadée, puisque malgré vos plaisirs, les caresses que vous vous faisiez, celles que j’ai reçues, la vue et le toucher de ce que vous avez de plus intéressant, et vos transports, qui animaient mes sens et les mettaient en désordre, je ne me suis pas laissé vaincre. J’étais contente et satisfaite lorsque la nuit, dans tes bras, tu apaisais les feux que tu avais allumés le jour.

Un destin jaloux de la tranquillité que j’avais retrouvée est venu l’interrompre : le mariage de ma cousine, la nécessité de mes affaires ont précipité mon départ, et nous ont séparées pour quelque temps. Tu as exigé de mon amitié, tu lui as commandé que pendant mon éloignement je t’entretinsse encore et te fisse un détail exact de ce que je t’avais dit en plus grande partie, et que tu écoutais avec tant de plaisir et d’avidité. J’ai rempli ma promesse : quel sacrifice je fais à la prudence ! Tu connais ton pouvoir sur moi ; tu sais combien je te chéris ; tu réunis aujourd’hui tous les sentiments de mon cœur ; partagés autrefois dans le monde et la société, tu les rassembles tous ; reçois-en pour assurance mille baisers que je t’envoie ; ils te diront combien je soupire après le doux instant de te les donner moi-même, enveloppée de tes bras et toi serrée dans les miens.

Ah ! ma chère, pourquoi cet instant n’est-il pas encore arrivé ! Je me flatte au moins qu’il sera très prochain. Je t’apporterai un bijou semblable à celui de Valsay, mais moins dangereux ; s’il n’est pas aussi naturel, ses avantages n’en sont pas moins grands, puisqu’il remplira, sans les risques des alentours, le vide qui se fait sentir dans nos plaisirs. Si tu te trouves bien de son usage, notre tendre amitié nous tiendra lieu de tout, et puisque Valsay se trouve dans l’obligation de s’éloigner de toi pour un temps, crois-moi, chère amie, laissons affaiblir les liaisons étrangères qui pourraient à la fin devenir fatales, étant hors de nous. J’irai bientôt à mon tour essuyer tes pleurs. Oui, tendre amie, oublions l’univers, pour ne nous en tenir qu’à nous-mêmes. Attends-moi donc au plus tôt.


FIN

  1. Il faut prendre dix-huit grains de sublimé corrosif réduit en poudre subtile dans un mortier de verre, avec son pilon de même ; on y mêle une petite quantité d’esprit de vin, ou mieux, d’esprit de froment ; on le pile aussi ; par ce moyen, on évite l’évaporation de la poudre subtile, et on opère la dissolution, que l’on rendra encore plus parfaite en ajoutant, sur la fin du broiement, une plus grande quantité d’esprit. Quand elle est faite, on y ajoute une décoction de vulnéraire de Suisse, d’une pincée de trois doigts, dans une petite cafetière : cette décoction sera faite comme du thé. On verse sur le tout deux pintes d’eau la plus limpide et la plus pure, distillée au feu de cendre, dans un alambic de verre, afin qu’il n’y ait point de sélénite ou autres sels étrangers. À ce mélange on joint encore deux pintes d’eau de chaux première, ce qui produit en tout quatre pintes.
     L’eau de chaux se fait en prenant deux livres de chaux qu’on éteint doucement d’abord, et qu’on submerge ensuite, de façon qu’on puisse en retirer par inclinaison deux pintes claires et reposées, qu’on passe après dans un linge fin ou au papier gris ; on les unit au premier mélange. L’addition de ce sel de chaux change la nature du sublimé, se combine avec lui, le transmute en sel alcali, qui se joignant au sel acide du virus, le neutralise et amortit ses effets.
     Cette composition suffit et est la meilleure ; on peut cependant y ajouter dix-huit grains de sel volatil de corne de cerf ou de vipère ; mais cette addition est superflue.
     On ne saurait trop recommander aux femmes les lotions et les injections ; la très grande propreté leur est absolument nécessaire, et dans les pays où les bains sont d’usage ordinaire, les maux vénériens sont bien moins communs, ce qui prouve la nécessité des lotions.