Librairie d’Art Technique (p. 93-95).

CHAPITRE X

Quand le prêtre rentra, ce soir-là, la lampe s’était éteinte, et une voix tremblante l’appelait dans l’ombre.

Il s’avança à tâtons, et rencontra sa maîtresse qui se blottit contre sa poitrine.

— Qu’as-tu donc ?…

— J’ai vu le visage de la reine.

Il poussa un cri d’épouvante.

— Oh !… tu as osé ?…

— Oui, fit-elle, en pleurant, j’avais un tel désir de connaître ton œuvre merveilleuse, que j’ai découvert le sarcophage !

— C’est un crime ! Un crime affreux dont tu seras punie ! Car nul ne doit connaître la splendeur des Pharaons défunts !

— Hélas ! gémit-elle, je sais toute l’étendue de ma faute et je t’en demande humblement pardon… Mais cache cet auguste visage que je ne veux plus contempler !… Il me semble que le cruel regard d’Ahmosis me déchire le cœur !… Voile, je t’en conjure, son éclat redoutable.

Mysès ralluma la lampe et vit, qu’en effet, le couvercle de la funèbre boîte avait été détaché.

Ahmosis, sous sa robe d’or et d’argent, apparaissait dans tout le rayonnement de son auguste beauté.

Autour d’elle, les joyaux fatidiques n’avaient point été dérangés. À la place du cœur s’étalait le scarabée immense, symbole de la transformation et de la résurrection dans un monde meilleur.

— Elle me regarde ! Elle me maudit ! fit Mahdoura, affolée. Pourquoi n’as-tu point mis, sur ses traits, un masque de cire, de métal ou de bois, ainsi qu’on le fait habituellement ?… Tu devais bien penser qu’un désir curieux braverait le secret de ce sarcophage !

— Non, je croyais à ton obéissance.

— Hâte-toi !… Mon cher Mysès, cache, je t’en conjure ! le visage de la reine… Ah ! comme elle semble courroucée !…

Le prêtre ne semblait point entendre sa maîtresse. Il demeurait en extase devant ce corps divin qui lui avait été voilé pendant de si longs jours.

Mahdoura pleurait, au comble de la terreur.

— Ah ! tu ne m’écoutes pas. Je te dis qu’elle se vengera !

Enfin, il eut pitié de la jeune fille et remit le couvercle de bois doré.

— Puisque tes craintes sont si grandes, fit-il, quitte cette demeure, retourne auprès des tiens qui pleurent ton absence.

— Non, répondit-elle, d’un air farouche. Si je m’en allais, tu serais entièrement sous la domination de ton idée fixe. Tu aimes la reine et j’en suis jalouse !…

— Je l’aime, certes, mais pas de la même façon que toi. C’est une passion mystique et pure qui ne saurait te porter ombrage.

— Je veux que tu me chérisses uniquement. Je suis malheureuse du partage.

— Tu es folle, Mahdoura !…

— Oui, puisque je t’aime !

— Eh bien, maintenant que tu as pu satisfaire ta curiosité, tu ne refuseras plus d’aller me cueillir les plantes dont j’ai besoin ?…

— J’irai demain, fit-elle… Tu me pardonneras ?…

— Oui. Mais, songe que je risque ma vie en conservant auprès de moi la dépouille de la reine…

— Je ne te trahirai pas.

— Tu le jures ?…

— Je le jure, mon bien-aimé. Comment peux-tu me croire capable d’une action aussi vile !…

— Je ne sais… J’ai de tristes pressentiments.

— Moi aussi, cher Mysès… Un danger plane sur nous, et j’en frissonne jusqu’au cœur.