Le Puits de la vérité/Le buste de Stendhal



LE BUSTE DE STENDHAL



C’est une singulière idée de vouloir assigner au buste de Stendhal une des encoignures du Théâtre Français. Quoiqu’il ait écrit Racine et Shakespeare, aucun écrivain n’eut moins que lui le goût du théâtre. Rien qui en approche dans ses écrits les plus dramatiques. Ses romans sont les seuls qu’on n’ait jamais songé à découper en scènes, ni lui, ni les dramaturges les plus intrépides. C’est le génie le plus analytique qui soit et ses personnages n’agissent que pour avoir le plaisir de commenter leurs actions. Stendhal pourtant, à l’âge de toutes les ambitions les plus confuses, à vingt ans, quand il ne s’appelait encore que Henri Beyle, quand il était à demi provincial et nullement milanais, rêva d’écrire une comédie. Quoiqu’il nous en entretienne presque à chaque page de son Journal, il y pensa beaucoup plus qu’il n’y travailla et on n’en possède que des fragments qui ne font pas regretter le reste. M. Stryienski n’en a publié trois ou quatre pages qu’avec une piété résignée, tant ils sont mauvais et indignes du grand écrivain. À vrai dire, Beyle s’occupait surtout de trouver des titres à sa comédie et ne s’y intéressait peut-être que parce qu’il faisait la cour à une comédienne. La passion eut une fin, le projet dramatique fut oublié. Est-ce pour commémorer cela qu’on a choisi un tel emplacement ? Mieux vaudrait rien du tout. Le public commence à connaître Stendhal. Il ne faut pas lui fausser les idées, en lui donnant à croire que ce nom ait quelque chose de commun avec l’art dramatique. C’est celui d’un des cinq ou six grands romanciers français, pas autre chose.


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