Le Puits de la vérité/La Jeunesse

Le Puits de la véritéAlbert Messein (p. 42-43).



LA JEUNESSE



À intervalles assez réguliers une jeunesse se révèle différente de ses aînés. Ils n’aimaient pas le mouvement et elle se voue aux sports ; ils avaient l’esprit tourné à la philosophie et à la science, elle retourne aux idées religieuses ; ils suivaient une politique de réformes sociales, elle s’oriente vers le passé et rêve de Louis XIV. Et tous les gens à courte vue qui méditent sur cette phase de réaction, ne manquent jamais de la croire définitive, en même temps qu’ils la croient de la plus haute importance. La vérité est que ces directions de la jeunesse sont généralement fort passagères et qu’il n’en résulte rien de durable. C’est une mode qui permane le temps d’une mode, celui d’une saison. La jeunesse vieillit très vite. Elle a atteint l’âge de raison, l’âge de la stabilité et du désintéressement, et ses idées, qu’elle vantait avec fougue, elle ne les défend plus qu’avec une sagesse dénuée d’enthousiasme. Cependant, derrière elle vient une autre jeunesse, qui tient, elle aussi, à se différencier de ses anciens et qui piétine sur ses idées jusqu’à les effacer. Et ainsi de suite. Quand on parle d’une jeunesse, ou au nom d’une jeunesse, on croit parler d’une éternité et on ne parle que d’un moment. Cependant il est une vie générale, qui n’est ni jeune ni vieille, qui est la vie, qui a marché et qui a dominé les clameurs de clans. C’est la vieille civilisation qui se bâtit, non avec des paroles, mais avec des actes, avec des activités que l’on ne voit pas, qui sont réellement indiscernables dans le présent. La jeunesse se tourne vers le catholicisme ? Cela n’a nulle valeur au point de vue de la vie. On vit cela pareillement lors de la Restauration, et au même moment, dans l’ombre, on inventait les chemins de fer, qui ont rénové le monde. Laissez-donc les naïfs s’amuser à leurs petites enquêtes sur les petites idées de la petite jeunesse : cela ne signifie rien.


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