Le Puits de la vérité/L’art Égyptien

Le Puits de la véritéAlbert Messein (p. 115-116).



L’ART ÉGYPTIEN



Parmi les livres d’étrennes, et qui sont encore plus d’études, il a paru récemment un manuel illustré de l’art égyptien. Il n’y a rien de plus étonnant, de plus « moderne », de plus attachant, rien qui fasse mieux voir ce que l’art grec contient d’artificiel et de convenu. Nous y sommes dressés depuis l’enfance, nous y ramenons toutes les idées que nous nous faisons de la beauté, que nous ne concevons pas sous une autre forme, sous d’autres tendances. Peuples déshérités, nous nous traînons dans une religion asiatique, dans une religion qui contrarie tous nos instincts, tous nos désirs de race et nos désirs individuels, et quand nous rêvons à des images parfaites, nous empruntons le moule grec, car nous avons été incapables de créer nous-mêmes celui d’où auraient pu sortir nos idéaux. Ajoutez à cela que notre langue est latine, qu’elle est même du latin et que, malgré la malléabilité que lui a donné le XIXe siècle, elle n’est guère propre qu’à exprimer les conceptions latines, avec lesquelles pourtant nous n’avons qu’une sympathie de surface. Or, de tout cela nous avons peut-être tiré tout ce qui nous était possible. Puisque nous sommes un peuple imitateur, pourquoi ne tenterions-nous pas d’imiter autre chose que l’éternel parangon gréco-latino-italien ? Que d’enseignements (nous serons toujours de vieux écoliers) dans cet art égyptien à la fois brutal et délicat, réaliste et stylisé, parfait et pourtant inachevé ! Il n’est jamais tombé dans la folie grecque, de rechercher le beau pour lui-même, ce qui est trop facile et tourne vite au procédé. Il chercha la vérité et l’expression, et trouva la beauté par surcroît, presque nécessairement, le beau n’étant que la convenance suprême et l’accord harmonieux des parties. Si nous essayions de refaire notre éducation artistique d’après ces principes, ou plutôt cette heureuse absence de principes ? Je n’ajouterai pas qu’en peinture les balbutiements cubistes s’inspirent de cette tendance. On ne me croirait pas.


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