Le Puits de la vérité/Centenaires

Le Puits de la véritéAlbert Messein (p. 32-33).



CENTENAIRES



Enfin ! Nous possédons une statistique des centenaires. Elle est fort brillante. L’Europe n’en possède pas moins de sept mille. Il est vrai que sur ce nombre près de quatre mille appartiennent à la Bulgarie. Eu égard à la population de cet État, cela fait un centenaire par cent habitants. C’est excessif, alors que la Suisse, renommée pour sa sagesse, n’en détient aucun. On découvre encore que les pays où, après la Bulgarie, ils sont le plus nombreux, sont presque groupés dans la même région, qui est une région pastorale, donc sobre. L’Espagne, qui approche de la Serbie comme fertilité en centenaires, est aussi un pays de sobriété, et tout cela semble prouver qu’il y a un certain rapport entre les auberges et les cimetières. On pense aussi au fameux lait bulgare, célébré par M. Metchnikoff, et à son action sur la flore et sur la faune intestinales, composées, comme on le sait, des animaux les plus féroces et des champignons les plus redoutables. On a probablement raison, mais il se peut aussi que l’on se trouve, en ce qui concerne en particulier les Bulgares, centenaires invétérés, en présence d’une race réfractaire à l’usure, martelée dans un métal spécialement solide. J’ai peut-être tort, mais je ne crois pas beaucoup aux régimes et le lait bulgare n’est pas autre chose qu’un régime. Jusqu’à ces derniers temps, où l’élevage intensif en a fait disparaître l’usage, on en consommait beaucoup en Basse-Normandie, où les centenaires ont toujours été très rares et où les maladies ne le sont pas du tout. Je serais plutôt incliné à attribuer la longévité des Bulgares à la frugalité de leur vie en même temps qu’à la résistance de leur tempérament initial. On pourrait même dire qu’il faut qu’il soit joliment vigoureux ! Du lait caillé et encore et toujours du lait caillé, si ce n’est vraiment qu’à ce prix qu’on devient centenaire, c’est un peu cher. Et puis, est-ce bien utile ? Mais je m’arrête, pour ne pas faire de peine à M. Metchnikoff.


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