Le Prix “Vie heureuse”/Mme Alphonse Daudet

Anonyme
Hachette et Cie (p. 10-11).


MADAME ALPHONSE DAUDET


Edmond de Goncourt disait dans son Journal : « Hier, Alphonse Daudet est venu déjeuner avec sa femme chez moi. Un ménage qui ressemble à celui que je faisais avec mon frère. La femme écrit, et j’ai lieu de la soupçonner d’être une artiste en style. »

Ceci était écrit en 1874 ; la jeune femme attendit quatre ans avant de publier son premier volume, les Impressions de nature et d’art éditées en 1878. Mais avant de rien faire paraître de ses propres ouvrages, Mme Alphonse Daudet était la conseillère et presque la collaboratrice de son mari, toujours incertain de la puissance pathétique d’un livre, tant que sa femme ne l’avait point ressentie.


Des impressions qui se prolongent en réflexions : c’est bien ainsi, semble-t-il, qu’on peut justement définir le talent de Mme Daudet. Ce sont les traits distinctifs que l’on retrouve dans tous ses livres : les Fragments d’un livre inédit (Charavay 1882) ; L’Enfance d’une Parisienne (Lemerre) ; Enfants et mères (Lemerre) ; Poésies (Lemerre 1895) ; Journées de femmes, Alinéas (Fasquelle 1898) ; Reflets sur le sable et sur l’eau (Lemerre 1905) ; Miroirs et Mirages (Fasquelle 1905) et enfin le dernier ouvrage Au bord des Terrasses, qui vient à peine de paraître et dont le charme est si personnel et si séduisant.


Il n’y a point de grands événements, ni de violences passionnées. Mais l’impression du jour, le soleil qui décline, le train de la rue qui s’éveille, le silence goûté au cœur des bois, la promenade sur la route ; une maison qu’on rencontre et où on voudrait vivre ; une pauvre servante bretonne qu’on a vue le matin faire son chemin de croix, et dont on imagine la rêverie ; un souvenir d’enfance qui revient à l’esprit, moins encore le bruit du râteau passé sur une allée, tous ces menus présents de l’heure qui passe, Mme Alphonse Daudet les change sans efforts en une poésie nuancée.

Personne mieux qu’elle ne sait trouver la grâce d’une minute choisie entre les minutes, d’un étang rencontré, d’un portrait de femme inconnue ; toute la poésie est de faire une perle d’une larme : Mme Alphonse Daudet excelle à dégager le sentiment exquis des impressions brèves.


Madame Alphonse Daudet, portrait en buste, de dos avec profil.
Madame Alphonse Daudet, portrait en buste, de dos avec profil.