C’est l’aurore et c’est l’avril,
Lui dit-il,
Viens, la rosée étincelle.
— Le vallon est embaumé :
Viens, c’est mai
Et c’est l’aube ! lui dit-elle.
Et dans le bois abritant
Un étang,
Où les chevreuils viennent boire,
Ils sont allés, les heureux
Amoureux,
Suspendre leur balançoire.
Gaîment ils s’y sont assis,
Puis Thyrsis
Prit les cordes à mains pleines ;
Et voilà qu’ils sont lancés,
Enlacés
Et confondant leurs haleines.
Daphné, près de son ami,
A frémi
D’entendre craquer les branches,
Et, prise d’un rire fou,
Mis au cou
Du brun Thyrsis ses mains blanches.
Mais, fier du fardeau léger,
Le berger
La regarde avec ivresse
Et presse le bercement
Si charmant
Qui lui livre sa maîtresse.
Elle a son seul point d’appui
Contre lui,
Qui touche ce que dérobe
L’écharpe qu’un vent mutin
Du matin
Fait flotter avec la robe.
Leurs beaux cheveux envolés,
Sont mêlés ;
Ils vont, rasant les fleurettes
De leurs jeunes pieds unis ;
Et les nids
Là-haut, sont pleins de fauvettes.
— Un baiser sur tes cheveux,
Je le veux !
Et je veux que tu le veuilles.
— Non, berger, car les grimpants
Ægipans
Sont là, cachés sous les feuilles,
— Un baiser, – qu’il soit moins prompt ! –
Sur ton front,
Sur ta bouche qui m’attire !
— Non, berger. N’entends-tu pas
Que là-bas
Déjà ricane un satyre ?
Ainsi l’ingénue enfant
Se défend
Et veut détourner la tête ;
Mais, pour augmenter sa peur,
Le trompeur
Fait voler l’escarpolette ;
Et craintive, et s’attachant
Au méchant
Qui lâchement en profite,
La vierge au regard divin
Bien en vain
L’adjure d’aller moins vite.
Mais déjà le bercement
Lentement
S’affaiblit et diminue.
Les enfants se sont assez
Balancés,
Mais leur baiser continue.
Où ce jeu les mène-t-il ?
Très subtil
Est Éros, riveur de chaînes,
Et, dans le taillis en paix,
Très épais
Le gazon au pied des chênes.
Sur l’écorce des rameaux
En deux mots
Plus d’une idylle est écrite,
Et, sous les myrtes de Cos
Les échos
Savent par cœur Théocrite.
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