Le Poulailler/Chapitre08

CHAPITRE VIII

Terrain d’élevage. — Boîtes à élevage.

TERRAIN D’ÉLEVAGE.

Le terrain peut être de toutes dimensions, suivant le nombre des animaux qu’on se propose d’y élever ; mais plus il est vaste et mieux il vaut. Il doit être entouré ou de murs, ou de planches, ou de haies dont le bas surtout doit être parfaitement clos, afin qu’un poussin, quelque jeune qu’il soit, ne paisse s’échapper, et pour que les animaux du dehors, comme les chiens, poules, coqs, oies, canards, etc., éprouvent une résistance suffisante pour les empêcher de franchir cet obstacle.

Les renards, les rats, les fouines, ne sont point à craindre, si l’on a soin d’entretenir un ou deux petits chiens de bonne garde, et si l’on se sert de la boîte à élevage que je décrirai plus loin.

Il est toujours bon que l’emplacement soit de nature sablonneuse, sinon il faut le mettre un peu en pente ou le drainer, à moins qu’il ne soit bien garni de gazon et très-vaste.

Le plus mauvais terrain est suffisant, d’autant plus qu’il est bonifié à la longue par le séjour des poules.

Dans presque toutes les fermes, les châteaux, les grandes organisations enfin, il y a un verger enclos, c’est là dedans que je voudrais voir établir les boîtes à élevage, parce que les quatre principales conditions s’y trouvent toujours réunies : l’espace qui est indispensable, l’ombre portée par les arbres dans les grandes chaleurs, l’herbe qui croît en abondance, les insectes de toutes sortes qui s’y abattent et fournissent la partie la plus succulente de la nourriture, en même temps que leur recherche procure aux poulets un exercice toujours utile à leur développement.

Si l’on ne possède pas un verger et qu’on soit forcé d’établir exprès un terrain d’élevage, il faut y faire aussitôt des plantations de branches de saule, peuplier, groseillier, etc., pour former des bosquets touffus où les poulets puissent trouver de l’ombre quand ils en éprouvent le besoin. Il serait préférable de planter dans le terrain toutes sortes d’arbres enracinés et déjà grands, serrés et en bosquets, d’espèces qui se développent rapidement, comme les acacias, les saules, les osiers, les sureaux, etc., le tout complètement ébranché afin de donner dès la première année des rejets puissants qui forment bientôt un ombrage épais.

Si de grands bois se trouvent tout plantés, il faut se garder de les détruire, car c’est une promenade pour les élèves, qui y trouvent en outre une multitude d’insectes sous les feuilles mortes.

On doit aussi laisser un grand emplacement libre semé de gazon, et, si l’on peut, de place en place, planter des choux, des topinambours, des pommes de terre, des colzas, semer du millet, des navets, de la laitue, etc., etc. Une de ces plantes suffit quelquefois pour mettre à l’ombre une couvée éclose depuis quelques jours, et rien n’est plus joli que de voir ces charmants petits animaux s’ébattre en famille sous un large chou où ils trouvent la fraîcheur, tandis que, près de là, quelques-uns d’entre eux sont couchés l’aile ouverte au soleil.

Lorsque les poulets sont petits, ils ne gênent pas le développement des plantes, mais plus tard, quand ils ont grandi comme elles, ils commencent à les attaquer ; c’est alors qu’elles remplissent le but qu’on s’est proposé, celui de ne jamais laisser les poulets manquer d’une verdure fraîche et abondante.

Pendant qu’ils mangent ces plantes, on les voit à chaque instant faire une tournée dans les gazons, qu’ils tondent brin à brin ; et souvent le matin, à leur sortie, ils négligent la nourriture qu’on leur jette pour se gaver d’abord d’herbe, reviennent manger et retournent aussitôt au gazon. Je le répète, les grands avantages des pelouses et de toutes sortes d’herbages sont de fournir deux des parties les plus importantes de la nourriture, la verdure et les insectes.

Presque tous ces avantages ne subsisteraient pas longtemps, si les mères étaient libres de parcourir le terrain, car leur habitude de tout retourner se change en fureur lorsqu’elles ont des poussins. L’espérance d’avoir un ver à leur offrir leur ferait percer le globe, et il arriverait, ce qui arrive presque toujours dans les fermes, qu’un grand nombre de poussins se trouvent sacrifiés par les mères étrangères, qui n’oublient jamais d’assommer tous ceux qui passent près d’elles, s’ils ne leur appartiennent pas, tandis que d’autres périssent écrasés dans les combats des poules, qui croient toujours de leur honneur de défendre leur famille, même quand on ne l’attaque pas ; aussi chaque poule doit-elle être rigoureusement séquestrée dans une boîte à élevage, qui doit renfermer également les poussins pendant la nuit, et même pendant le jour, lorsque le temps est froid ou pluvieux.

Le terrain à élevage a, en outre, l’avantage inappréciable de préserver les jeunes de presque tous les accidents qui arrivent continuellement au milieu de l’outillage des fermes, sous les chevaux, les vaches, les moutons ; ils y sont préservés de la chute des tas de paille, de bois, etc., etc., et de la poursuite des chiens, chats, canards, oies et tous autres animaux nuisibles.

Il est rare de voir deux terrains affecter les mêmes dispositions : c’est à l’éleveur de profiter ingénieusement des accidents qui se présentent dans l’emplacement dont il peut disposer. Ce n’est donc que comme idée générale que j’ai représenté à peu près l’endroit où j’élève mes poussins (grav. 35).

Les boîtes exposées au levant, et distancées de 6 à 8 mètres, sont adossées à un petit bois A, qui les met à l’abri des ardeurs du soleil, vers dix heures du matin, et dans lequel les poulets se promènent à l’ombre et cherchent les insectes qui se cachent sous les feuilles mortes. Un long chemin C est réservé devant les boîtes pour le service des nettoyages, distributions et transports. Une pelouse D, aussi large que possible, règne tout du long, et de l’autre côté de la pelouse se trouvent les plantations et semis E, parmi lesquels sont des arbres fruitiers. L’expérience m’a démontré qu’il fallait qu’il y eût beaucoup d’ombrages obtenus par des bouquets de bois touffus et placés çà et là, à de petites distances, afin que les herbages ne se dessèchent pas et que la croissance des élèves ne soit pas arrêtée, ce qui arrive à ce point, quand les chaleurs sont considérables, qu’ils semblent ne presque pas changer de volume pendant des mois entiers, accident qui ne survient jamais pour ceux qui peuvent vivre dans les bois.

Il est un cas où le terrain à élevage peut, sans inconvénient, être étroit, c’est lorsqu’il est entouré d’immenses prairies ou bois, qu’on a le droit de laisser parcourir aux élèves ; parce qu’alors, pour chaque boîte qu’on aura soin de contenir dans un petit endroit réservé, on peut pratiquer une sortie par où les poulets et la mère même peuvent sans inconvénient passer à toute heure, soit pour aller au gagnage, soit pour revenir s’abriter, comme aussi l’on peut disposer ensemble dans un parc toutes les boîtes, en face desquelles on pratique des sorties.

Je dois insister ici et faire encore remarquer que, dans toutes les propriétés dont les jardins sont clos, et dont les terres environnantes sont en prairies et en bois, on établirait avec le
Grav. 35. — Plan du terrain à élevage.
plus grand succès des élevages dont la réussite serait certaine et les dépenses très-réduites.

Je puis affirmer que j’ai élevé par centaines des poulets qui partaient au loin, et du matin au soir cherchaient une nourriture que l’exercice rendait encore plus précieuse, et je n’ai jamais eu un seul sujet malade ou mangé par les renards, qui ne sont à craindre que la nuit.


BOÎTE À ÉLEVAGE JACQUE.

J’ai essayé de tout : j’ai élevé des poulets dans les différentes boîtes inventées pour les faisanderies ; j’en ai élevé dans des écuries, dans des poulaillers, dans des parcs séparés ; j’en ai élevé, la mère restant sous la mue et les poulets étant libres ; j’en ai aussi élevé qui étaient libres et conduits par la mère : un seul de tous ces procédés m’a réussi, c’est le dernier ; mais il fallait qu’il y eût du fumier et des herbages vifs, et surtout une seule couvée dans le même endroit : encore les poulets n’étaient-ils pas à l’abri de nombreux accidents.

Quatre conditions sont indispensables pour élever un certain nombre de poulets : un terrain entretenu comme je l’ai décrit plus haut, une nourriture appropriée aux espèces, un logement toujours sain, commode, propre, et ce logement toujours le même pour la même couvée, jusqu’à l’entier développement des élèves.

Le terrain doit être proportionné, bien entendu, à leur nombre. Plus il est grand, mieux il vaut ; mais il ne faut pas moins de cinq à six ares très-bien entretenus pour bien élever vingt-cinq à trente poulets de forte race. Nous ferons sur la nourriture un chapitre spécial, ici nous n’avons à nous occuper que du logement.

Il faut aux poulets, je le répète, depuis leur naissance jusqu’à leur entier développement, un logement complètement sec, qui puisse les mettre à l’abri des mauvais temps, soit de longue durée, soit passagers. Voilà une première considération qui marche avant toutes les autres. On s’imagine que, du moment où l’on a bourré de nourriture un animal, le reste est de peu d’importance ; mais qu’on songe bien à ceci, c’est que, lorsqu’un poulet a souffert seulement pendant quelques jours, soit de l’humidité, soit de la saleté, soit des mites, soit d’un dérèglement dans la nourriture, ou du manque d’eau propre, ou de verdure vive, il fait rarement un bel élève, et la plupart du temps, à l’âge où il devient pubère, il meurt phthisique.

J’ai l’air d’un rabâcheur, mais il faut pourtant bien que je ressasse sans cesse les choses indispensables, pour qu’on ne glisse pas dessus sans grande attention et qu’on ne perde pas, faute d’expérience, trois ou quatre années d’élève.

J’ai dit que j’avais essayé de toutes les boîtes à élevage ; je défie qu’on m’en montre une où la pluie ne pénètre pas. Les meilleures, les plus ingénieuses, peuvent la supporter quelques instants ; mais, quand il pleut très-fort ou très-longtemps, rien ne saurait préserver les malheureux poussins, qui pataugent dans une boue glaciale de fiente délayée et qui cherchent en vain un refuge auprès de leur mère trempée elle-même, sous laquelle ils trouvent moyen de se mouiller encore davantage. Les plumes de ces malheureux se collent sur leur corps, et l’on voit tantôt l’un, tantôt l’autre, expirer en grelottant. Ceux qui échappent se ressentent toujours d’une seule de ces épreuves ; qu’on juge ce qu’ils doivent devenir quand ils en ont subi plusieurs de semblables pendant les quelques mois de leur croissance.

Le second mécompte attaché aux boîtes ordinaires est dans le manque d’espace. En supposant que les poulets y fussent logés au sec, ils y rencontreraient encore l’inconvénient de se trouver, au bout de quelques heures, dans un endroit infect ; et ce qu’il y a de fatal, c’est que, arrivés à un certain âge, quand la poule les rebute, qu’ils ont pris une partie de leur développement, ils n’ont plus assez de place pour se tenir dans ces boîtes, et l’on est forcé de réunir plusieurs couvées dans des poulaillers. C’est alors que de nouveaux éléments de destruction surgissent. Tous ces individus réunis se battent pendant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’ils aient fait connaissance. Les plus jeunes d’entre eux, ceux qui ont le plus besoin de nourriture, sont impitoyablement écartés des mangeoires, ou servent d’amusement aux gros, auprès desquels ils ne passent jamais sans recevoir un coup de bec, qui emporte souvent le morceau.


Grav. 36. — Boîte à élevage Jacque.

La nuit, ils fientent les uns sur les autres, on s’écrasent mutuellement, et l’odeur fétide qui résulte nécessairement de cette réunion de corps et de leurs déjections engendre immédiatement les maladies mortelles et contagieuses du catarrhe, du chancre et de la phthisie. Il fallait donc trouver une boîte qui parât à tous ces inconvénients. Voici ce que j’ai inventé, on verra si j’ai réussi.

Ma boîte (grav. 36) est composée de deux compartiments égaux et à peu près carrés, séparés par un grillage intérieur, ayant par devant deux baies closes, dans le jour, par un panneau plein du côté gauche et un grillage du côté droit. Le compartiment de droite reçoit la poule, qui y reste toujours et peut seulement passer la tête par les barreaux du grillage. Le compartiment de gauche est spécialement réservé aux poussins, qui peuvent parcourir à volonté les deux compartiments, en passant à travers le grillage de séparation. Les poussins sortent aussi par le grillage extérieur pour aller au dehors, et rentrent par le même endroit à l’appel de leur mère ou selon leur caprice.

La nuit, le grillage extérieur du compartiment de droite est remplacé par un panneau plein semblable à celui de gauche, et les poulets n’ont plus pour promenade que la moitié de la boîte, où ils se trouvent à sec et où leur nourriture et leur boire sont à l’abri de tout accident et de toute salissure. Le jour passe à travers un vitrage placé sur le toit du petit préau, et une ouverture grillagée, pratiquée dans chaque panneau, établit toujours un courant d’air.

J’explique un peu par avance l’usage des différentes parties de la boîte, afin de mieux faire comprendre les détails dans lesquels je vais entrer.

La boîte entière (fig. 37) est faite en volige ordinaire (bois blanc) de 16 millimètres d’épaisseur une fois blanchie, quelques pièces seulement sont en chêne pour la solidité ; elle mesure en largeur 1m.28, y compris l’épaisseur des planches, mais sans compter ce qui dépasse du toit au-dessus de a ; du sommet au fond b elle mesure 0m.78 ; des angles supérieurs des côtés au fond, 0m.63. Chaque ouverture c a de côté 0m.54.

La partie du haut A qui forme fronton, le montant B du milieu et les montants C de droite et de gauche, destinés à donner
Grav. 37. — Proportion de la boîte à élevage (façade.)
de la solidité, sont en chêne et pris dans une planche de 0m.03 d’épaisseur.

Si l’on ajoute à la hauteur intérieure du sommet au fond 0m.03 de dépassement du toit d, et 0m.08 de l’épaisseur du fond et de deux barres clouées sous le fond e, pour le consolider et l’isoler de la terre, on aura une hauteur totale extérieure du sommet au sol de 0m.89 ; d’avant en arrière la profondeur est de 0m.62.


Grav. 38. — Intérieur de la boîte à élevage.

Le fond, le derrière et les côtés sont pleins, sans aucune espèce de trous, ni de barres, ni de traverses apparentes ; le toit est fait de deux parties mobiles de dimensions différentes, passant l’une par-dessous l’autre, et dépassant la boîte en avant et en arrière, de 0m.03, et de chaque côté de 0m.10. Sur le fronton A (grav. 38), deux tourniquets B fixent les panneaux mobiles, qui sont retenus en bas par une barre en chêne C clouée sur le bord du fond qui dépasse la façade.

En haut, à l’intérieur, une barre transversale D maintient l’écartement et comble l’espace resté entre le toit et le grillage du milieu E, qui se met ou se retire à volonté, en glissant entre deux coulisseaux F placés l’un en dedans du montant de la façade, l’autre sur la paroi intérieure du derrière de la boîte G ; ce dernier coulisseau, plus fort que l’autre, maintient cette grande partie en lui servant de traverse.

On voit au fronton une encoche qui se répète en arrière H ; elle est faite pour recevoir une des deux parties du toit, afin que l’autre, passant par-dessus et munie d’une bande de bois de chêne qui fait égout, intercepte tout passage à l’eau. Ces deux parties du toit sont maintenues droites, chacune par deux fortes barres de chêne clouées en dessous, ajustées de façon qu’elles se placent juste sur la boîte, et elles sont maintenues sur les bords de la boîte à chaque coin et au milieu par six petits crochets I qui empêchent tout gondolement.

On voit, sur le dessin, les places qui reçoivent les crochets. La plus petite des deux parties qui forment le toit est celle qui entre dans l’encoche et qui reçoit la vitre. Cette vitre doit avoir 0m.25 de large sur 0m.50 de long. On la place dans une feuillure prolongée jusqu’au bout du toit pour faciliter l’égout des eaux.

On trouve souvent des rognures de verre double à très-bon compte ; il est préférable d’employer ces verres, qui sont bien plus solides que la vitre ordinaire.

Les deux panneaux (grav. 39) qui ferment les baies de la façade dépassent, bien entendu, la dimension qu’ils ont à couvrir, et se joignent au milieu. Ils sont maintenus plans par deux fortes barres en chêne clouées en dedans. Une ouverture A de 0m.25 sur 0m.18 est pratiquée en haut dans chacun d’eux. Elle reçoit du côté intérieur un petit grillage mobile assez serré pour qu’une souris n’y puisse passer, établi sur un carré en fort fil de fer et fixé aux quatre angles par de petites vis.


Grav. 39. — Un des deux panneaux de fermeture de la boîte à élevage.

Du côté extérieur, quatre petits clous à crochets à vis B reçoivent une vitre qu’on met ou retire à volonté, suivant que la température est très-froide ou suffisamment chaude.

Le grillage de séparation est proportionné à l’espace qu’il a à remplir ; celui du dehors est de la dimension des panneaux de fermeture, puisqu’il en tient souvent la place. Seulement on remarquera (fig. 40) que l’un et l’autre doivent avoir la barre du bas A beaucoup moins large que celle des autres côtés, afin de donner facilement passage aux poussins. L’écartement B entre les barreaux est de 0m.06, et la largeur C des barreaux est de 0m.03.

Il se trouve au grillage de séparation de l’intérieur quatre barreaux, et à celui de l’extérieur cinq, sans compter ceux qui forment le châssis. La boîte est entièrement faite de bois bien uni au rabot. On peint avec soin la boîte entière à deux couches de gris clair à la céruse, après avoir bien mastiqué les plus petites fissures.

Il ne faut jamais se servir des boîtes avant que les émanations de la céruse ne soient plus sensibles. Sans cette précaution, l’on perdrait beaucoup de poussins ou bien on les rendrait malades.


Grav. 40. — Grillage pour la sortie des poussins de la boîte à élevage.

Les deux parties du toit, maintenues à l’aide de six petits crochets, le sont de manière à pouvoir se retirer à volonté pour les nettoyages complets et la recherche des mites.

Cette boîte peut durer fort longtemps, si l’on en a quelques soins et si une légère couche de peinture y est appliquée tous les deux ans. Elle coûte un peu cher, mais cette considération perd de son importance quand on se rappelle que la boîte sert aussi de poulailler jusqu’à l’entier développement des animaux. La menuiserie, façon et fourniture, revient, très-bien payée, à 20 francs ; la peinture, la vitrerie et les grillages, à environ 10 francs. C’est donc à 30 francs au plus que revient la boîte chez moi, et à 25 francs qu’elle pourrait revenir dans beaucoup de pays. Seulement à Paris un marchand serait forcé de la vendre 35 francs.

Il est de la plus grande importance que le bois employé soit entièrement sec et les boîtes ne soient jamais exposées longtemps aux ardeurs du soleil, sans quoi tout se fendrait ou se disjoindrait, ce qu’on évitera si l’on a soin, comme je l’ai déjà dit, de placer les boîtes de façon à être abritées vers dix heures par des bosquets touffus. Elles ne restent ainsi sous les rayons du soleil que pendant quelques heures de la matinée, et encore l’ardeur des rayons est-elle toujours tempérée par les branches qu’on laisse pendre.


BOÎTE À ÉLEVAGE GÉRARD.

La boîte Gérard est un des meilleurs moyens de faire vivre les poulets dans une température chaude, alors même que le froid est assez vif.

La boîte (grav. 41) est séparée en deux compartiments A et B, l’un grand, l’autre petit. Sa longueur totale est de 1m.20 ; sa largeur, de 0m.50.

Le grand compartiment a 0m, 40 de hauteur, et le petit, dont la coupe est en pente, a en arrière 0m.40 de hauteur, et, en avant, 0m.48 à 0m.50. Le grand compartiment est recouvert par un vitrage C composé de deux vantaux dans le genre d’une fenêtre ordinaire, qu’on ouvre et ferme à volonté.

Le dessus du petit compartiment est fermé d’un couvercle en tabatière D. Les deux compartiments ont leur séparation en E.

Le grand compartiment A est destiné aux poulets, le petit compartiment B à la mère poule.

Si l’on étudie avec attention la grav. 41, qui représente la boîte Gérard vue à vol d’oiseau, on verra que le petit compartiment A, destiné à recevoir la mère poule, est séparé du grand compartiment B par une petite grille mobile C, établie dans les mêmes proportions que pour les grandes boîtes à élevage.
Grav. 41. — Profil de la boîte à Gérard.



Grav. 42. — Boîte Gérard ouverte.
Le grand compartiment B est le préau destiné à la promenade des poulets. C’est aussi là qu’on place l’abreuvoir D, près de la grille, dont la traverse du bas est extrêmement basse pour laisser un passage très-facile aux poulets. L’ouverture de sortie et de rentrée est en E. On voit à droite et à gauche les vantaux FF ouverts et renversés. La grav. 43 représente la planchette qui sert de fermeture et glisse par en haut dans deux coulisseaux placés intérieurement à la sortie
Grav. 43. — Planchette de fermeture.

Le second dessin de la boîte (grav. 44), vue à vol d’oiseau, représente cette boîte avec le préau fermé au moyen de la fenêtre A et de la porte B ; le dessus C du compartiment de la poule est levé.

Quelque soin que l’on puisse mettre dans l’exécution de la boîte Gérard, il est impossible d’empêcher la pluie d’y pénétrer et d’inonder les poulets, qui mourraient en peu de temps si l’on ne leur portait secours. Pour obvier à cet inconvénient, j’ai fait faire deux petits faîtages en volige, on pose le premier (grav. 45) sur la fenêtre fermée, et le second (grav. 46) sur le bord antérieur du compartiment de la poule par-dessus le premier faîtage ; l’ensemble de ces deux faîtages (grav. 47) fait égoutter l’eau de tous côtés et préserve la boîte des plus grandes inondations.

Il faut, en outre, que le dessus C (grav. 44) du
Grav. 44. — Boîte Gérard vue à vol d’oiseau.


Grav. 45. — Premier faîtage.
compartiment de la poule déborde beaucoup à droite et à gauche et surtout en arrière, pour bien empêcher tout retour de l’eau.
Grav. 46 — Second faîtage.


Grav. 47. — Ensemble des faîtages.

La construction de la boîte et de ses appendices coûtent tout au plus vingt francs ; je crois cependant que les personnes qui voudraient faire usage de ces boîtes devront commencer par en acheter une chez M.  Gérard. Les explications que j’ai données seront loin d’être inutiles, malgré la possession d’un modèle.


USAGE DE LA BOÎTE.

Nous avons dit que le froid du matin était une terrible cause de destruction pour les poussins. Il est facile de s’en convaincre en se promenant, au printemps, dans le premier village venu, avant huit ou neuf heures du matin. On entend, en passant devant chaque cour, un concert lamentable de petits êtres piaillants, et, si l’on regarde, on voit la mère qui s’entête à aller et venir, à chercher, à gratter dans les fumiers, trompée qu’elle est par son instinct maternel.

Les malheureux petits suivent en trébuchant contre chaque paille, et remplissent les airs de leurs clameurs, pour obtenir ce qu’ils désirent avant tout, le bonheur de se fourrer sous leur mère, où ils trouveraient cette chaleur vivifiante qu’elle semble leur refuser obstinément.

On pourrait faire ici cette objection que cependant, si les poules étaient en pleine liberté, les poulets n’auraient pas plus chaud dans les champs que dans une cour. La réponse est simple. Il n’y aurait pas, à cette époque, plus de nichées écloses pour les poules qu’il n’y en a pour les faisans, perdrix, cailles, etc., et si, malgré la fraîcheur de beaucoup de matinées d’été, les poussins de ces derniers courent les champs de bonne heure, leur rusticité héréditaire et naturelle à des animaux libres, les met à l’abri des atteintes que nos poulets ne peuvent éviter.

Le lendemain donc des éclosions, on porte la poule et les poussins dans la boîte Gérard, de la même façon qu’il a été décrit pour la grande boîte.

La poule est mise dans son compartiment, qui, comme on l’a vu, est infiniment plus petit que celui qui lui est destiné dans ma boîte, les poussins sont placés auprès d’elle, et le boire près du grillage dans le préau. On comprend que la poule est forcée de rester en place dans son petit compartiment, et que les poulets viennent la retrouver aussitôt qu’ils en ressentent le besoin. On doit laisser la boîte fermée tant que la température l’exige, et, quand il fait très-frais, soulever seulement un vitrail en le calant très-bas. Ce n’est qu’au bout de deux jours qu’on ouvre la porte de sortie, et les vantaux ne sont levés que dans la journée et lorsqu’il fait bien chaud.

Les poulets peuvent rester une quinzaine de jours à ce régime, après quoi ils sont portés dans la grande boîte.

Qu’on se rappelle bien qu’il y a un baromètre certain de la santé des poulets, c’est le piaulement, qui indique, à ne jamais s’y tromper, une indisposition à laquelle il faut mettre fin d’une façon quelconque ; mais, je l’ai déjà dit, il ne faut pas guérir, il faut prévenir, et, dans une bonne organisation, il n’y a qu’un piaulement qui puisse être entendu un instant, c’est celui du poulet qui a perdu sa mère, et qui fait silence aussitôt qu’il l’a retrouvée.

Quatre boîtes Gérard suffisent pour vingt ans si elles sont entretenues avec soin et mises à l’abri après la saison d’élevage. Elles doivent être bien remastiquées et repeintes aux endroits où elles en ont besoin, avant d’être mises à couvert.

On peut, en mettant huit couveuses à la fois tous les quinze jours, avoir quatre couvées complètes de quinze à vingt poulets, qui succéderont à d’autres tout le temps des éclosions.