Le Portrait de Monsieur W. H. (recueil)/Le Maître

Poèmes en prose
Traduction par Albert Savine.
Le Portrait de Monsieur W. H. (p. 221-222).


IV

LE MAÎTRE


Or, quand les ténèbres tombèrent sur la terre, Joseph d’Arimathie, ayant allumé une torche de bois résineux, descendit de la colline dans la vallée.

Car il avait affaire dans sa maison.

Et s’agenouillant sur les silex de la Vallée de Désolation, il vit un jeune homme qui était nu et qui pleurait.

Ses cheveux étaient de la couleur du miel et son corps comme une fleur blanche, mais les épines avaient déchiré son corps et sur ses cheveux, il avait mis des cendres comme une couronne.

Et Joseph, qui avait de grandes richesses, dit au jeune homme qui était nu et qui pleurait.

— Je ne m’étonne pas que votre chagrin soit si grand, car sûrement Il était un homme juste.

Et le jeune homme répondit :

— Ce n’est pas pour lui que je pleure, mais pour moi-même. J’ai aussi changé l’eau en vin et j’ai guéri le lépreux, et j’ai rendu la vue à l’aveugle. Je me suis promené sur les eaux et j’ai chassé les démons, les habitants des tombeaux. J’ai nourri les affamés dans le désert où il n’y avait aucune nourriture et j’ai fait se lever les morts de leurs étroites couches et à mon ordre, et devant une grande multitude de peuple, un figuier stérile a refleuri. Tout ce que l’homme a fait, je l’ai fait. Et pourtant on ne m’a pas crucifié.