Le Poème sans nomBibliothèque-Charpentier (p. 89).
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LXV


Ah ! je m’en souviendrai perpétuellement
De cette sotte nuit toute pleine d’orage
Où me vint, tout à coup, l’imbécile courage
De tout te dévoiler de mon passé d’amant !

Je me tançai, trop tard, d’un tel emportement.
Avais-je jamais fait un plus stupide ouvrage ?
Chaque fois que j’y pense, ô ma chère, j’enrage :
Et c’est pour ma rancœur un constant aliment

Encor si tu m’avais rendu, toi, la pareille !
Allons donc ! ton esprit bien trop fort se surveille !…
Pourtant, je nie rappelle un moment d’abandon :

Un jour que tu gardais un silence barbare,
Comme je demandais : « À quoi penses-tu donc ? ».
Tu te trahis, disant : « Mais à rien… Je compare. »