Le Poème sans nomBibliothèque-Charpentier (p. 14).
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II


J’ai désiré perpétuer tous les instants
De notre chaleureuse et navrante aventure
Et qu’ils puissent flotter sur la littérature,
Tels des nénufars noirs sur d’éternels étangs ;

Et, pour gagner ce but splendide à quoi je tends,
J’ai choisi le sonnet. Dans sa matière dure
J’ai gravé chaque instant de nous deux, pour qu’il dure
Et brave, s’il se peut, les outrages du temps.

Je dois, ainsi que toi, quelque jour, disparaître ;
Mon corps est périssable, et je n’en suis pas maître ;
Il ne restera rien de moi dans l’avenir ;

Mais peut-être de moi gardera-t-on ce livre…
Et, toi, qui m’aurais fait si volontiers mourir,
Ma chère, malgré toi, tu me feras revivre !