Le Peuple du Pôle/12
CHAPITRE xii
faux départ
Encore quelques jours s’écoulèrent. Le calme revint peu à peu dans nos esprits, dans celui de Ceintras par suite de son ordinaire versatilité, dans le mien lorsqu’il me fut arrivé de concevoir une hypothèse rassurante et d’ailleurs parfaitement vraisemblable.
En effet, l’étonnement, la stupéfaction, ni aucun sentiment analogue ne pouvait suffire à expliquer l’attitude des monstres au début de notre séjour, les précautions inouïes qu’ils avaient prises pour ne pas se montrer, leur fuite éperdue à notre approche. Cette terreur que nos actes ne justifiaient pas, ils l’éprouvaient à peu près sûrement sur la foi d’une expérience antérieure à notre venue ; sans doute l’aéronaute Andrée, saisi d’horreur, s’était comporté brutalement ou cruellement avec eux. Peut-être s’étaient-ils vengés par la suite, peut-être aussi l’expédition Andrée avait-elle été anéantie par les maladies et les privations… En tout cas, à présent, nos hôtes semblaient quelque peu rassurés et, si nos relations demeuraient stationnaires, s’ils ne faisaient rien pour les rendre plus étroites, cela devait provenir d’un reste de méfiance.
C’était de cette méfiance qu’il aurait fallu les guérir à tout prix.
Malheureusement, Ceintras ne s’y prêtait en aucune manière. Sa folie ne se manifestait guère plus que par des actes stupides ou déplacés et des entêtements ridicules, mais cela suffisait parfaitement à gâter tout. À partir du moment où nous pénétrâmes dans les souterrains, il devint évident que la force mystérieuse qui provoquait le sommeil magnétique ne s’exerçait plus contre nous, et il en fut de même lorsque nous eûmes repris l’habitude de passer les nuits dans la cabine du ballon ; les monstres avaient sans doute compris que nous possédions un moyen d’éviter le sommeil, leur curiosité, d’autre part, était satisfaite et, ne l’eût-elle pas été, ils osaient sans trop de crainte s’approcher de nous à n’importe$ quel moment. Ceintras n’en continua pas moins, malgré mes supplications, à ingurgiter des quantités d’alcool considérables. Jusque-là, nous avions pu, à la tombée de la nuit, en prendre beaucoup sans courir le risque de l’ivresse, parce que la force stimulante du breuvage était toute entière employée à neutraliser la torpeur qui s’abattait sur nous ; mais, maintenant, lorsque Ceintras déraisonnait ou agissait inconsidérément, c’était plus souvent par ivresse que par folie.
Aux heures où il faisait preuve de bon sens, il examinait avec un plaisir fiévreux les puissantes machines, prenait des notes, levait des plans et me disait parfois :
— Ah ! si jamais nous revenons, de quel progrès l’humanité ne me sera-t-elle pas redevable ! De toutes les connaissances accumulées péniblement par le peuple du Pôle au cours d’une infinité de siècles, elle s’enrichira brusquement, pareille à un promeneur qui trouverait sur sa route un trésor inattendu !
Ces notes, ces plans, il les gardait toujours sur lui. Comme je regrette aujourd’hui de ne pas les avoir entre mes mains pour les joindre à ces pages, et comme je lui aurais demandé des explications si j’avais pu prévoir alors ce qui est arrivé !
D’autres fois nos pas nous ramenaient vers le moteur. Depuis quelque temps, — on s’était sans doute aperçu que nous avions découvert la cachette, — deux ou trois monstres restaient devant lui à poste fixe, avec la mission évidente de surveiller nos agissements. Alors Ceintras était envahi de furieuses colères que j’avais grand’peine à réprimer.
— Je ne sais ce qui me retient, me disait-il, de me jeter sur ces êtres stupides, de les assommer, de les écraser, de m’emparer par force du moteur !
Ensuite il demeurait de longues heures bougon et hargneux, injuriait les monstres, les bousculait au passage, et ceux-ci levaient sur nous de grands yeux doux et inquiets.
— Ce n’est pas raisonnable, lui répétais-je. Calme-toi, tu vas les effrayer.
Alors il me raillait sur ce qu’il appelait mon « penchant polaire » et prétendait que je me sentais un cœur de frère pour ces ignobles individus. Et ses moments de bonne humeur n’étaient guère moins redoutables. Il devenait facétieux, taquinait les monstres. Rien ne le réjouissait davantage que de leur envoyer la fumée de ses cigares à la figure pour les voir ensuite agiter la tête avec ennui, et il renouvelait à l’infini cette plaisanterie qu’il jugeait spirituelle. Incontestablement, cela leur était désagréable, et il fallait qu’ils fussent doués d’une patience plus qu’humaine pour supporter comme ils le firent le bizarre caractère de mon compagnon.
Cependant, à mesure que le temps passait, Ceintras devenait de plus en plus nerveux, — son régime d’ivrognerie y était bien pour quelque chose, — et je pressentais qu’un moment arriverait où je serais définitivement incapable de le maîtriser. Et alors, qu’adviendrait-il ? Il m’était impossible de me débarrasser un instant de cette inquiétude… Or, un jour où nous revenions tous deux silencieux et lassés vers le ballon, une soudaine exclamation de mon compagnon me fit tressaillir.
— Qu’y a-t-il ? demandai-je.
— Le moteur, s’écria-t-il, le moteur !…
Je mis un certain temps à me rendre compte. La réponse de Ceintras avait suscité en moi une espérance à laquelle je n’osais pas m’abandonner encore ; je crois même que je tins les yeux clos pendant un quart de minute pour qu’elle ne s’évanouît pas trop brusquement. Mais il fallut bien me rendre à l’évidence. Profitant de notre absence pour ne pas être gênés dans leurs opérations, les monstres avaient remis à la place voulue la lourde masse du moteur. Agenouillé près de lui, Ceintras le touchait, le caressait et répétait d’une voix tremblante d’émotion :
— Il est intact… il est intact…
Et, pour la première fois depuis notre arrivée au Pôle, je ne trouvais plus dans ses regards cette indécision et ce vague qui donnaient à son visage une si angoissante expression d’hébètement ou de folie.
— Mon ami, continuait-il, nous allons partir, revenir auprès des hommes. Il ne faut pas attendre ; je vais vérifier les boulons, roder les soupapes et, dès ce soir, je pense que nous pourrons dire adieu au Pôle pour toujours.
— Mais auparavant, dis-je un peu inquiet encore, il faudrait délivrer le ballon de l’aimant qui le retient. Et pour cela, comment faire ?
— C’est vrai, comment faire ? répéta-t-il.
Ses yeux se tournèrent un instant vers la longue pierre brune où des liens invisibles entravaient l’essor de notre machine.
— Je vais démolir les amortisseurs, reprit-il après avoir réfléchi.
— Je ne te le conseille pas, répondis-je. Attendons encore. Puisqu’ils nous ont rapporté le moteur, c’est qu’ils veulent bien nous laisser partir et ils doivent comprendre que cela nous est impossible tant que le ballon adhérera à l’aimant.
— Mais alors, pourquoi ne nous ont-ils pas délivrés tout de suite ?… Écoute, nous ne pouvons pas attendre leur bon vouloir ; le temps nous presse, il nous reste tout juste assez d’hydrogène… Et puis, s’ils allaient changer d’idée ? Ou si nous nous méprenions une fois de plus sur leurs intentions ?… Crois-moi, il vaut mieux sans plus tarder nous mettre à l’œuvre.
Avec des branches et de la terre nous édifiâmes une sorte d’échafaudage destiné à soutenir le ballon lorsque l’amortisseur de l’avant aurait été déboulonné. Cette opération fut longue et pénible. Nous en vînmes à bout cependant, mais, lorsque nous nous mîmes en devoir d’enlever l’amortisseur, il s’échappa de nos mains et alla de tout son long se coller sur la pierre brune. Le ballon oscilla, la poutre armée parut se ployer… Il y eut un léger craquement que suivit un long hurlement de douleur. Je fermai les yeux… Lorsque je les rouvris, notre échafaudage avait été écrasé comme un fétu, l’extrémité de la poutre métallique adhérait à son tour à l’aimant et Ceintras, que l’énorme masse avait entraîné dans sa chute, se débattait à plat ventre par terre en faisant de vains efforts pour dégager son bras gauche enfoui sous un amoncellement de décombres.
Par une chance extraordinaire le ballon, malgré la violence du choc, ne semblait pas avoir été endommagé. Mais, incliné en avant, il avait un aspect chaviré tout à fait lamentable, il évoquait l’idée sinistre d’une épave après un naufrage sans espoir. Et une fois de plus je me sentis accablé par le sentiment d’une puissance contre laquelle l’intelligence humaine n’est rien, ne peut rien.
Tandis que j’allais au secours de Ceintras, quelque chose me frôla légèrement. Attirés sans doute par ses cris, deux monstres venaient d’arriver. Ils se mirent aussitôt à converser en agitant ridiculement leurs bras trop courts. Et moi, comme s’ils avaient pu m’entendre, m’étant jeté à genoux devant eux, je les suppliais de nous venir en aide !
— Sales bêtes, ignobles bêtes ! hurlait Ceintras, le corps crispé par la souffrance et la colère.
— Tâche d’être calme et de te taire, suppliais-je.
— C’est facile à dire… Mais je souffre… oh ! je souffre, j’ai certainement un doigt écrasé…
À ce moment, les monstres se penchèrent vers lui, et, avant qu’il m’eût été possible de prévenir son mouvement, de sa main restée libre il frappa violemment l’un d’eux au visage. Le monstre bondit en arrière en poussant un cri, puis après quelques susurrements, il disparut avec son compagnon.
— Mon pauvre ami, que viens-tu de faire, dis-je doucement à Ceintras. Ils ne voulaient pas te faire de mal, ils s’approchaient pour voir ce qui nous arrivait pour te délivrer peut-être… Mais, de grâce, ne t’agite pas ainsi, tu vas te blesser davantage…
Et m’étant accroupi près de lui, je m’efforçai de le maintenir immobile en attendant qu’il se calmât.
Bientôt nous aperçûmes une trentaine de monstres qui s’avançaient vers nous. Ils portaient des outres de cuir blanc et divers instruments étranges.
— Cette fois, plus de doute : ils veulent nous tuer ! s’écria Ceintras, en se cramponnant à moi.
— Mais non, regarde : ils viennent à notre secours.
Déjà, grouillement affairé, ils circulaient autour de nous et répandaient sur toute la surface de l’aimant un liquide épais et rougeâtre dont les outres étaient pleines… Peu à peu l’adhérence diminua et bientôt Ceintras put facilement dégager son bras ; il avait l’ongle de l’annulaire à peu près arraché et toute la main meurtrie, mais dans sa surprise joyeuse, il ne songea guère à se plaindre. Cependant, à l’aide de leviers métalliques, les monstres relevaient le ballon. Après quoi, ils reboulonnèrent les amortisseurs avec une dextérité merveilleuse et, de nouveau, l’immense appareil oscilla aux moindres poussées.
— Ah ! murmura Ceintras, ils veulent bien que nous partions, ils sont bons, ils sont meilleurs que les hommes !
Et, se jetant sur un monstre qui se trouvait tout près de lui, il le prit dans ses bras et le couvrit de caresses. Celui-ci ne parut pas apprécier outre mesure cette amicale démonstration ; il se dégagea de l’étreinte de mon camarade, et s’en fut en se secouant, en gloussant et en le regardant d’un air dégoûté par-dessus son épaule.
Peu à peu, tous les monstres, à l’exception de quatre, retournèrent à leur travail souterrain. Durant l’heure que durèrent nos préparatifs, ceux qui nous tinrent compagnie ne nous quittèrent pas des yeux et épièrent avec minutie tous nos mouvements. Nous constatâmes que, grâce à l’excellente qualité de notre enveloppe, il ne s’était produit, depuis le gonflement qui devait remonter au moins à un mois, qu’une déperdition insignifiante d’hydrogène ; trois de nos obus de réserve suffirent à produire la tension nécessaire. Enfin, le ronflement du moteur se fit entendre, les gaz s’échauffèrent, toute la machine se tendit et grinça… Une minute encore et nous ne toucherions plus à cette terre d’horreur… Soudain deux des monstres qui se trouvaient là sautèrent dans la partie découverte de la nacelle. Nous crûmes un instant qu’ils allaient encore contrarier nos projets, et Ceintras parlait déjà de les expulser, de force, mais, attentifs à nos manœuvres, ils s’accroupirent dans un coin et restèrent immobiles, tandis que le ballon quittait le sol.
— Alors nous les emmenons avec nous ? dis-je absolument interloqué.
— Mais oui, puisqu’ils veulent venir…
Nous nous regardâmes et nous éclatâmes stupidement de rire.
— Dis donc, continuai-je après quelques minutes de silence, là-bas, chez les hommes, qu’est-ce que nous en ferons ?
— Nous les piloterons à travers Paris…
— Oh ! oh ! Les vois-tu dans le monde, dans un restaurant à la mode, sur les boulevards, à l’Opéra ?…
— Bah ! ils feraient très bien dans une loge d’avant-scène. Et ils auraient un de ces succès !
De nouveau, ce furent des rires. J’étais singulièrement énervé et Ceintras, traversant une passe de bonne humeur, trouvait partout des occasions de la faire sonner bien haut. Mais à ce moment un des monstres se tourna vers nous, et son regard avait quelque chose de si humain que je devins subitement grave.
— Ceintras, nous avons tort de nous moquer… Qui sait ce qui peut résulter du contact de leur intelligence avec notre civilisation ?
— Tu ne vas pas prétendre qu’ils sont plus intelligents que les hommes ?
— Plus intelligents, je n’en sais rien, mais ils le sont autrement. En tout cas, ils connaissent des choses que nous ignorons encore…
— Et ils en ignorent que nous connaissons depuis longtemps. En réalité, il existe un abîme infranchissable entre eux et nous. Et puis, tiens, regarde-les, absorbés depuis notre départ dans la contemplation stupide du moteur. Ce sont des brutes, de simples brutes, te dis-je, qui n’auront pour l’humanité qu’un intérêt scientifique et, pour nous, celui de la réclame qu’ils nous feront, quand la foule se pressera pour les contempler… au jardin d’Acclimatation !
Mon cœur, en vérité, se serra devant la probabilité de cette injustice. Certes, Ceintras avait résumé avec clairvoyance l’opinion des hommes à notre retour prochain : n’ayant pas connu les merveilles du monde polaire, ils n’admettraient pas de longtemps que ces singulières créatures fussent autre chose que des animaux… — Cependant, malgré le vent contraire, nous avancions à une assez bonne allure. Déjà les murailles de brume qui encerclent le territoire polaire devenaient plus proches. Dans quelques minutes allait disparaître l’obsession de cette fatigante clarté violette qui, même lorsqu’on ferme les yeux, persiste en taches lumineuses sous les paupières, et les deux monstres qui nous accompagnaient, laissant un univers dont on peut apercevoir les limites et compter les habitants, pénétreraient dans un autre univers dont l’étendue immense est peuplée d’êtres innombrables.
— Demain peut-être, dit Ceintras, nous nous demanderons si tout cela n’a pas été un pénible cauchemar.
— Mais les deux monstres seront là pour nous prouver que nous n’avons pas rêvé.
Il y eut un silence que je rompis brusquement :
— Écoute, Ceintras, si tu le veux, notre voyage, en effet, ne sera qu’un rêve. Tout se passera comme si ce monde n’avait jamais existé. Nous allons atterrir, déposer ces deux êtres, revenir sans eux chez les hommes et ne jamais parler de ce que nous avons vu.
— Tu es fou !
— Non, je ne suis pas fou, mais, ces créatures, que vont-elles devenir sous la lumière du jour, sous la chaleur du soleil, parmi des hommes qui finiront par comprendre, et qui viendront ici en masse ?… Et tu connais les hommes aussi bien que moi, tu sais quelles compagnes les suivront au Pôle : la cupidité, la discorde, la haine. Ils détruiront la splendide organisation, l’entente admirable de ce petit peuple ; ils troubleront tout, bouleverseront tout, pilleront tout. Et si ces êtres se révoltent, essayent de lutter, les hommes, répandant la mort après la ruine, les massacreront sans pitié jusqu’au dernier… Nous pouvons nous passer d’eux, ils peuvent se passer de nous… Crois-moi, ne nous faisons pas les complices conscients du plus effroyable des crimes.
— Tout ce que tu me dis est très juste et très beau, répondit Ceintras ; mais, étant donnés les progrès de la navigation aérienne, d’autres que nous accompliront sous peu à leur tour le voyage que nous fûmes les premiers à entreprendre ; et, puisque ce pays doit fatalement être bientôt connu des hommes, je suis disposé à ne céder à personne l’honneur de l’avoir découvert.
Je ne répondis pas. J’étais forcé de reconnaître en moi-même que, pour la première fois, Ceintras défendait son amour exagéré de la gloire avec les arguments irrésistibles de la raison… Et déjà quelques centaines de mètres à peine nous séparaient du gris sombre de la banquise. Plus pressé d’atteindre ce que nous considérions comme le salut définitif à mesure que nous en approchions, Ceintras actionna la pédale de l’accélérateur ; le bruit haletant du moteur se précipita au point de devenir une sorte de sifflement ininterrompu. Par les hublots nous vîmes, à la limite du monde polaire, une foule de monstres rassemblés comme pour nous contempler une dernière fois. Alors nos compagnons, s’étant penchés à la balustrade, poussèrent tous deux à la fois un cri perçant ; nous nous imaginâmes un instant qu’ils lançaient à leurs frères un suprême adieu ; mais, presque aussitôt, nous perçûmes une légère secousse, la poutre armée se balança et il nous fut facile de comprendre que nous n’avancions plus.
— Ils se sont moqués de nous, s’écria Ceintras tout blême, d’une voix rauque :
— Ils se sont moqués de nous, répétai-je machinalement…
— Ah ! mais… ah ! mais, ça ne se passera pas ainsi… Ils me le paieront cher…
Et, les lèvres écumantes, les yeux exorbités, Ceintras se jeta sur l’un des monstres dont il en serra le cou goitreux dans l’étau de ses doigts. La bouche du supplicié s’ouvrit démesurément, de longs spasmes d’agonie secouaient son corps et jamais mieux que sous l’effet de la souffrance et de la peur, je ne vis une flamme vraiment humaine briller au fond des yeux d’une de ces créatures… L’autre monstre s’était réfugié en tremblant derrière moi, et, envahi soudain d’une instinctive pitié, je tentai d’implorer la miséricorde de Ceintras.
— Tu vois bien, tu vois bien que tu les soutiens, que tu t’entends avec eux contre moi ! ricana-t-il.
Il s’avança vers nous, menaçant, comme pour nous assommer à notre tour. Mais le monstre à moitié étranglé essayait de se remettre debout ; alors Ceintras revint vers lui, et, s’étant emparé d’un long couteau qu’il trouva dans la cabine, il tailla, coupa, déchira sauvagement… Quand le ballon eut atterri sur un aimant pareil à celui qui l’avait tenu captif durant près de trois semaines, Ceintras s’acharnait toujours sur un horrible tas de chair sanguinolente que des frissons agitaient encore par moments. Rapidement, j’aidai le deuxième monstre presque paralysé par l’effroi à franchir la balustrade. Mais, tandis que je débrayais les hélices et arrêtais le moteur à tout hasard, Ceintras, profitant de ce que j’étais occupé ailleurs, bondit à son tour hors de la nacelle, s’élança vers le monstre et ses congénères, et disparut à leur suite dans un souterrain qui s’ouvrait tout près de là.