Société nouvelle de librairie et d’édition (p. 60-64).

ANNEXE III


Extrait du discours prononcé par M. Combes, à la Chambre des Députés, le 18 Mars 1903, pour demander le rejet en bloc des demandes d’autorisation formées par les Congrégations enseignantes d’hommes.

… Vous avez donc le devoir de les écarter toutes, et vous les écarterez par un seul et même vote qui sera, par lui-même et pour l’opinion publique, à la fois l’affirmation et le résumé de toute une politique. (Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche. — Interruption à droite.)

Messieurs, j’ai la conviction, quoi qu’ait pu dire M. Renault-Morlière, que, par ce vote collectif, vous n’allez à l’encontre ni de la lettre, ni de l’esprit de la loi du 1er juillet 1901. Ne nous perdons pas dans les subtilités, allons droit aux textes. (Vifs applaudissements à gauche et à l’extrême gauche. — Rires ironiques à droite.)

Deux textes commandent cette question. Un premier texte, celui de l’article 13, décide qu’une congrégation ne peut exister sans une loi qui l’autorise. Un second texte, celui de l’article 18, stipule que les congrégations auxquelles l’autorisation aura été refusée seront réputées dissoutes de plein droit. Mais aucun texte ne vous condamne à répondre par des refus individuels et successifs à des demandes d’autorisation similaires. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

La question des congrégations enseignantes se présente devant vous comme une question de principe en ce qui concerne l’intérêt supérieur de la République, question de principe en ce qui touche la liberté d’enseignement. C’est donc comme question de principe que vous avez à la résoudre. (Très bien ! très bien ! sur les mêmes bancs.)

Est-il besoin de dire que nous n’en voulons pas aux personnes, aux individus. (Exclamations ironiques à droite.)

Leurs noms, leurs actes, leurs mérites, n’ont rien à faire dans ce débat. C’est aux collectivités que notre jugement s’adresse. Sans doute le Gouvernement a dû entrer dans l’examen de chaque demande. Deux motifs l’y obligeaient. L’un, que M. Renault-Morlière a passé sous silence, c’est qu’il existe un règlement d’administration publique portant application de la loi du 1er juillet 1901, qui prescrit au Gouvernement d’instruire non pas les demandes des congrégations, mais, au singulier, la demande de la congrégation et de la soumettre à l’une ou l’autre Chambre sous forme d’un projet de loi. La seconde raison, c’est que nous avions le devoir de nous éclairer et de vous éclairer sur la nature de chaque demande, sur son importance et sa véritable signification.

Ce faisant, messieurs, nous avons fait ce que les autres gouvernements avaient fait avant nous. Car la législation de 1901 n’a pas innové en la circonstance ; elle a reproduit et confirmé la législation antérieure.

Il y a seulement cette différence entre l’ancienne et la nouvelle législation, que l’ancienne législation n’imposait pas au Gouvernement l’obligation de soumettre aux Chambres les demandes d’autorisation dont il était saisi, et laissait les congrégations absolument désarmées contre son refus, tandis que la nouvelle législation nous fait un devoir de vous apporter ces demandes. Mais il n’y a rien, ni dans les anciens textes, ni dans les nouveaux, qui puisse vous forcer de procéder par délibérations successives à l’égard des demandes de même nature que le Gouvernement vous propose de repousser par des raisons identiques, qui sont des raisons de principe. (Très bien ! très bien ! à gauche et à l’extrême gauche.)

Messieurs, ces raisons de principe dominent toutes les considérations d’espèce et de personne. Si votre conviction les adopte, il serait aussi peu séant que superflu d’obliger le Gouvernement à remonter vingt-cinq fois à la tribune pour vous les redire vingt-cinq fois, dans les mêmes termes, en réponse à vingt-cinq demandes identiques. (Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.)

Le Gouvernement a conscience d’avoir adopté, d’accord avec la commission, une procédure qui n’a rien de contraire à la législation. La majorité républicaine de cette Chambre ne voudra pas le désavouer, et, en le désavouant, lui rendre impossible la continuation de sa tâche. (Vifs applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.)

M. Jules Auffray. C’est vous-même qui vous désavouez, monsieur le président du conseil. (Bruit à gauche.)

M. le président du conseil. Elle repoussera donc sans hésiter les demandes des congrégations enseignantes. Elle les repoussera aussi sans s’attarder à distinguer entre elles.

M. de Baudry d’Asson. C’est la mort sans phrases.

M. le président du Conseil. L’examen individuel que vous pourriez en faire, ne vous le dissimulez pas, absorberait, non seulement la totalité de cette législature, mais encore la totalité de la législature suivante. (Très bien ! très bien : à gauche.)

Que vous ayez eu tort ou que vous ayez eu raison de réserver au pouvoir législatif le droit de statuer souverainement sur les demandes des congrégations, vous êtes en présence du fait accompli. Or, messieurs, si vous voulez vous livrer à l’examen séparé de chaque demande, vous seriez obligés d’inscrire à votre ordre du jour 451 projets de lois. (Mouvements divers.)

M. Renault-Morlière. On aurait dû faire ces réflexions en 1901.

M. le président du Conseil. — Outre l’impossibilité d’entreprendre une pareille tâche sans renoncer à tout autre travail, l’examen successif des demandes vous présenterait des traits identiques, se reproduisant uniformément à travers la fantaisie des noms et la variété des costumes. Partout, derrière la diversité apparente des types statutaires, le même courant d’idées circule, la même volonté s’agite, les mêmes espérances contrerévolutionnaires fermentent. (Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.) Moralement, toutes ces associations sont calquées sur le même modèle ; toutes ont la même raison d’être, les mêmes aspirations, la même fin.

C’est l’esprit des temps anciens, l’esprit de réaction, qui les a fait surgir des débris du vieux monde comme une négation vivante des principes fondamentaux de la société moderne. (Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.)

C’est l’esprit de la société moderne, l’esprit de la Révolution, qui doit les rendre pour jamais à un passé définitivement condamné par les doctrines et les mœurs de la démocratie. (Vifs applaudissements prolongés, à l’extrême gauche et à gauche. — L’orateur, en regagnant son banc, reçoit de nombreuses félicitations.)