Société nouvelle de librairie et d’édition (p. 57-59).

ANNEXE II


Extrait du discours prononcé par M. Combes, au Sénat, le 21 mars 1903, dans la discussion sur le budget des cultes.

Messieurs, je voudrais pouvoir vous lire d’un bout à l’autre les lettres écrites à ce sujet par le ministre des cultes d’alors, Rouland, le ministre des cultes le plus énergique qu’ait eu le second empire, et l’auteur responsable du méfait. Vous y trouveriez l’exposé de la doctrine concordataire fait de main de maître, avec une netteté de vues et une fermeté de langage qui fermaient la voie à toute réplique. J’en citerai un ou deux passages :

« Aux termes de Concordat », écrit le ministre des cultes à son collègue des affaires étrangères, qui avait mission de transmettre la réponse au Saint-Siège, « aux termes du Concordat conclu entre le gouvernement français et le Saint-Siège, l’empereur nomme aux évêchés vacants et le Saint-Père confère l’institution canonique aux ecclésiastiques nommés. Il importe de ne pas perdre de vue le caractère véritable de cet acte et des clauses qu’il contient. Ce n’est pas, comme le soutiennent certains écrivains et comme paraît le supposer S. Ém. le cardinal Antonelli, une pure concession ou décision émanant de l’autorité ecclésiastique, concession ou décision qui, en raison de son origine et de sa nature, puisse s’interpréter dans son ensemble et dans ses détails par les principes du droit canonique, c’est une convention synallagmatique, un traité conclu entre deux puissances indépendantes, qui doit être appliqué et interprété comme toute autre convention internationale, dans le sens que chacune des parties contractantes y attachait légitimement.

« En revendiquant le droit de nommer les évêques, le premier consul n’avait pas évidemment la pensée de se contenter d’un simple droit de patronage, de présentation, régi par les anciennes règles bénificiales : il attachait, sans contredit, au mot nommer son acception ordinaire, et en se réservant à lui et à ses successeurs le droit de nomination des évêques, il entendait se réserver, par cela même, le droit de conférer immédiatement, par le seul fait de la nomination, tous les droits et prérogatives que nos lois civiles attachent ou reconnaissent au titre d’évêque. Tel est, en effet, le sens que le mot nommer a, sans exception, dans tous les actes du pouvoir exécutif, et les parties contractantes n’auraient pu lui donner une autre signification sans s’expliquer à cet égard ».

Dans un autre passage, Rouland raisonne de la manière suivante :

« La Cour de Rome exprime, il est vrai, le désir d’une entente préalable sur les candidats de l’épiscopat. Mais cette combinaison très sainement appréciée par M. l’ambassadeur (de France) ne ferait que déplacer la difficulté sans avoir d’effets utiles. L’entente préalable supposerait en effet la production sincère de griefs relevés contre les candidats, une discussion loyale et complète de leurs titres, l’abandon du droit de prononcer ex informata conscientia sur le mérite des ecclésiastiques présentés. Or le Saint Père ne voudrait jamais consentir à abdiquer ce qu’il considère comme une prérogative essentielle, il se réserverait toujours d’écarter pour des motifs de conscience les candidats produits ; le Gouvernement maintiendrait sa liste de présentation en demandant à connaître les motifs d’exclusion et le conflit s’engagerait de nouveau sans que la solution fût en rien facilitée. Nous ne pouvons donc accepter une combinaison qui n’aurait d’autres résultat que d’amoindrir le droit du souverain, de substituer en réalité un simple droit de présentation à son droit de nomination, de lui enlever l’initiative qui lui appartient, sans même prévenir le retour des embarras que l’on voudrait écarter. »