Le Parfum des prairies (le Jardin parfumé)/3


CHAPITRE III

DES DÉFAUTS CHEZ LES HOMMES


Écoutez, Vizir, mon maître, que Dieu bénisse !

La femme aura la plus grande aversion pour un homme sans fortune, à l’œil dur et au tota mou. Elle déteste celui dont les caresses sont indifférentes, dont la conversation est triste et sans couleur, qui paraîtra de glace sur sa poitrine et qui niquera avec peine.

La maîtresse de celui-ci remuera son corps une fois ou deux, puis elle le renverra avec mépris sans lui laisser achever son vilain ouvrage.

Un homme lourd de poitrine et léger de cuisses, fatigue les femmes ; il recommencera mille fois sans les habituer à sa pesanteur.

Celui qui jouit trop vite n’est pas estimé davantage, non plus que celui qui ne peut faire l’amour qu’une seule fois.

Un musulman, nommé Labesse, beau de figure et bien fait de corps, avait épousé une dame qui l’aimait avant son mariage ; mais ce pauvre mari avait un zeb tellement petit que, malgré tous ses efforts, il ne pouvait parvenir à échauffer sa femme, qui finit par le prendre en dégoût et à le tourner en ridicule devant ses amis.

Elle était riche et lui sans fortune. Lorsqu’il demandait à sa compagne quelque monnaie pour subvenir à ses besoins particuliers, il était repoussé cruellement, ce qui le mortifiait beaucoup et le comblait de chagrin. Aussi prit-il le parti de consulter les savants ayant étudié du monde les vices et les vertus.

— Le sanctuaire de la religion de la femme est dans son zouque, lui fut-il répondu. Trouve le moyen d’avoir un grand tota, et l’on ne te refusera plus rien.

Alors il alla demander les conseils des docteurs qui parvinrent à faire prendre à son zeb des proportions énormes.

Quand sa compagne le vit ainsi, elle fut toute effrayée ; mais bientôt se radoucissant, elle lui abandonna ses perles, ses bijoux ; tout ce qu’elle possédait d’argent et son corps avec.