Le Parfum des prairies (le Jardin parfumé)/00-4


Au nom du Dieu clément
et plein de miséricorde,
que nous implorons,
LE CHEIKH EL ADJ BOU ABDALLAH
MOHAMMED EL NEFZAOUI
raconte des choses vraies.


Que le Seigneur lui fasse miséricorde.

LE PARFUM DES PRAIRIES

LOUANGE À DIEU ! QUE SA VOLONTÉ SOIT ACCOMPLIE !


Il a fait les joies de l’amour pour les hommes et pour les femmes : les hommes trouvent le bonheur au fond du zouque et les femmes se réjouissent du tota des hommes.

Le zeb, après avoir envahi le fordj, se repose d’abord en lui plein de confiance ; ensuite un charmant combat commence et leur rencontre les met tous deux entre la femme qui s’agite et l’homme qui l’étreint avec ardeur en éprouvant des plaisirs d’une douceur qui fait mourir. Alors la jouissance arrive, la tête du tota baise la bouche d’Aoualda, et l’amant fait un dernier effort, tandis que sa maîtresse serpente sous lui. Puis ils se calment, s’embrassent tendrement à la bouche, aux joues, au cou, au menton, à la poitrine ; ils sucent leurs lèvres fraîches de jeunesse et de nouvelles émotions s’emparent de leurs sens.

Dieu, le souverain organisateur de toutes choses, a fait les seins des femmes arrondis ; il a fait leur cou ravissant, leur gentil menton et leurs joues belles et veloutées, gracieusement ornées d’anneaux d’or et de diamants qui semblent s’échapper de leurs oreilles fines et rosées : il a fait leur bouche pourprée qui irrite les désirs lorsqu’elle cherche à fuir sous les baisers de l’amant heureux, leurs paupières et leurs cils recourbés comme le sabre étincelant, leur ventre ferme et leur nombril charmant ; il a fait pour nous ce pli délicieux qui sépare le ventre de la cuisse, et leurs hanches lourdes et fortes.

Si la femme ouvre ses jambes, regarde, et tu verras entre elles et un peu en dessous, une figure qui, tout d’abord, ne te paraîtra peut-être pas engageante, car elle ressemble à la figure du lion qui rugit, prêt à saisir sa proie.

C’est ce qu’on appelle le fordj.

Que de gens morts pour cette tête de lion ! que d’yeux aveuglés par son éclat ! qu’il est triste de songer à tant de maux causés par une bouche qui n’a qu’une petite langue et deux lèvres !

Le zouque ressemble à l’empreinte que laisse le pied d’une gazelle sur le sable du désert. La sagesse de dieu l’a placé entre deux colonnes aux proportions ravissantes : elles ne sont ni trop longues ni trop courtes, et les formes gracieuses du genou, du mollet, de la cheville et du talon entouré de muscles qui rendent les contours moelleux, donnent un charme infini à cet ensemble que supportent de jolis petits pieds surmontés de krals merveilleux.

Les perfections de la femme sont immenses comme la grande mer. Il lui faut des vêtements parfumés, de brillantes ceintures et un sourire blanc.

Remercions Dieu qui les a créées si parfaites de formes. Il en a fait naître qui sont grasses et roses ; tout en elles est douceur ; il faut qu’elles aient dans leur démarche un léger balancement, que leurs yeux soient noirs et qu’elles entourent leurs paupières de kheul.

Une femme complète doit rendre fou. Les hommes sont sur la terre pour subir ses lois ; vers elles tendent leurs efforts, elle est le point de départ et le but convoité : elle fait vivre ou elle tue.

Je suis amoureux de cette femme de mes rêves. Voyez mon âme, elle est profondément brûlée à cause d’elle. Dieu m’a rendu triste et découragé ; mon être tout entier lui appartient et je la cherche en vain sans pouvoir la trouver.

Pauvre Mohammed ! triste créature de Dieu, bénis le Seigneur afin qu’Allah te donne l’oubli, afin que la vue des autres femmes ne te fasse pas songer à celle que tu aimes, afin que tu ne redoutes plus l’approche de celle que tu appelles ; car si tu peux un jour déchirer ton amour, le jeter au vent et demeurer sûr de ta force, alors crie : Dieu est dieu et Mahomet est son prophète !

Ce livre amusant et instructif, composé après mon œuvre intitulée : De l’Amour, a été écrit par moi, Mohammed ben Abdallah Nefzaoui, sur l’ordre du Vizir Mousemah bit Nouert el Bika (Mousemah le jardin des fleurs) du sultan de Tunis, Abd-el-Aziz (aimé de Dieu).

Ce ministre était intelligent et lettré, beau, aimable, d’une grande finesse, comprenant les femmes et la vie joyeuse. Il remplissait auprès du grand Seigneur la charge de poète et de secrétaire particulier ; le Sultan l’avait autrefois rencontré à Alger, il avait admiré sa science, lui avait accordé son amitié, l’avait emmené à Tunis, que Dieu protège, et l’avait fait Grand Vizir.

Un jour, mon manuscrit De l’Amour étant tombé entre ses mains, il me fit appeler, me priant de venir au plus tôt près de lui. Je m’empressai de me rendre à ses désirs, et, durant trois jours, je fus comblé par Sa Hautesse des marques de la plus grande faveur. Au bout de ce temps, me montrant le livre, il me demanda si je n’en étais pas l’auteur. Comme je rougissais sans répondre, il me rassura et reprit :

— Ne demeure pas interdit, car tout ce que tu racontes est juste et nul n’oserait le contredire. Du reste, tu n’es point le premier qui ait tenté un pareil sujet ; l’étude de l’amour est utile et nécessaire ; personne ne le conteste, si ce n’est les niais et les hommes paresseux d’intelligence. Cependant j’ai un désir à t’exprimer.

— Quel est-il, Seigneur ?

— Je voudrais, dit le Vizir, que tu complétasses ton livre en augmentant de détails certaines choses sur lesquelles tu passes trop rapidement ; tu as négligé d’indiquer les remèdes utiles à la volupté ; ceux qui consistent à augmenter le bonheur dans l’amour ; ceux qui font grossir et raidir un membre sans valeur ; ceux qui tendent à atténuer les vilaines odeurs malheureusement trop fréquentes sur le corps ; enfin développe plus longuement les histoires que tu racontes d’une façon trop brève, ce qui leur donne de la sécheresse. Et pour t’encourager à suivre mon avis, je te promets à l’avance que lorsque tu me présenteras le résultat de ce nouveau travail, ma munificence saura combler tes moindres désirs.

— Ô mon maître, répondis-je, j’ose espérer, avec le secours de Dieu, vous satisfaire sans grande difficulté.

Et je me suis mis aussitôt à composer ce volume que j’ai nommé :

ATTAR EL ARAOUD (Le Parfum des Prairies).

Que Dieu vous tienne toujours dans la bonne voie !

Il n’y a de Dieu que Dieu !

Dieu c’est le bien !

Qu’il vous envoie une parcelle de lui !

J’ai placé en tête de chaque chapitre un titre indiquant l’idée de ce qu’il renferme de choses utiles. En consultant ce manuscrit il est facile d’y trouver tout ce que la fantaisie peut enfanter de gracieux.

Les différents titres des 21 chapitres sont :

Chap. 1. — Des bonnes qualités des hommes.
2. — Des bonnes qualités des femmes.
3. — Des défauts chez les hommes.
4. — Des défauts chez les femmes.
5. — Du plaisir d’amour.
6. — De l’amour.
7. — Des inconvénients du plaisir d’amour.
8. — Des différents noms du membre des hommes.
9. — Des différents noms du système des femmes.
10. — Des différents noms de l’engin des bêtes.
11. — De la malice des femmes.
12. — De l’homme et de la femme.
13. — De la jouissance.
14. — Conseils aux femmes stériles pour avoir des enfants.
15. — Des hommes impuissants.
16. — Des fausses couches.
17. — Des totas mous.
18. — Moyen de grandir les petits totas.
19. — Des remèdes que doivent employer les personnes dont le corps répand une mauvaise odeur.
20. — Des femmes enceintes.
21. — Dans ce chapitre qui termine le livre on appréciera l’excellence de certains aliments qui facilitent les plaisirs amoureux.