Paul Ollendorff, éditeur (p. 25-26).

VIII


Nous romprons gentiment sans pleurs,
Sans un mot et sans un reproche,
Sans des cris de toutes couleurs.
Je t’enverrai deux sous de fleurs,
C’est assez pour ton cœur de roche.

J’ai cassé mes ongles, combien
De fois, ma vivante statue,
À t’étreindre ! je n’y puis rien.
Enfin, je me déshabitue
D’aimer, ô bonheur ! tout va bien.


Dans mon lit, sur mon oreiller,
J’avais une peur insensée
De t’attendre et de m’ennuyer.
J’ai dormi sans que ma pensée
Eût fait mine de s’éveiller.

J’ai dormi, j’ai rêvé, d’ailleurs,
D’une femme dont la caresse
Et le baiser étaient meilleurs.
Je ne veux plus d’autre maîtresse,
Et je raille tes yeux railleurs.

Rompons gentiment, d’un œil sec.
Les jours sont longs, la vie est brève !
Un dernier baiser sur ton bec,
Moins doux que celui de mon rêve,
Et mes deux sous de fleurs avec.