Paul Ollendorff, éditeur (p. 9-12).
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I


Cet été ne me sert à rien
Depuis que je suis sans maîtresse,
Les roses manquent de tendresse
Et les oiseaux sifflent moins bien.
La main de Dieu qui les caresse
Et sur les choses va et vient,
Devrait me rendre ma maîtresse.

Je ne sais plus ce que je dis ;
Le hasard au hasard me guide ;
Mon cœur est comme un écrin vide

Des lundis jusques aux lundis ;
Le temps, jour à jour, se dévide ;
Et du moment où tu partis,
Mon cœur est comme un écrin vide.

Les tilleuls aux lourdes senteurs
Et les nuages intrépides
Paraissent les décors stupides
D’un beau poème sans acteurs.
Et les ruisseaux toujours limpides
Dans leurs méandres chuchoteurs
Regrettent nos amours rapides.

Cette nature me déplaît ;
Elle est sourde, borgne et bancale.
La brise, aérienne cigale,
A perdu le ton ; c’est complet.
Mais si tu reviens faire escale
Et nous consoler d’un couplet
De ta jeune voix musicale,


Le ciel, cet idéal plafond
De la forêt où nous errâmes,
Et les fleurs, ces petites femmes,
Et chaque arbre qui se morfond
Reprendront leurs anciens programmes,
Des milliers de flûtes au fond
Des nids feront cent mille gammes.

Tous et toutes, et deux par deux,
Du brin d’herbe à la moindre mouche,
Iront cœur à cœur, bouche à bouche ;
Nul baiser ne sera douteux.
Le feuillage et la branche souple
En nous voyant approcher d’eux,
S’entortilleront comme un couple.

Sinon cet été ne m’est rien,
Je ne goûte rien sans maîtresse,
Les roses manquent de tendresse
Et les oiseaux sifflent moins bien.

La main de Dieu qui les caresse
Et sur les choses va et vient,
Devrait me rendre ma maîtresse.