Louis-Michaud (p. 54-62).

vi

Première Recherches



Elle n’est pas arrivée à Artemare ? Oh ! »

Devant, Maxime, qui tordait fébrilement sa courte barbe, Mme Le Tellier répétait :

— « Marie-Thérèse n’est pas arrivée chez sa tante ?… Elle n’est pas arrivée ? »

Défaite, égarée, tenant sa tête à deux mains, elle tournait sur elle-même. Mme Arquedouve, très pâle mais toujours impassible, tâchait de l’apaiser.

— « Écoutez, maman, » reprit Maxime, « Marie-Thérèse est certainement avec Henri et Fabienne. C’est une sauvegarde, cela. »

— « Où penses-tu qu’ils soient ? » fit la grand’mère.

— « Dans le Colombier ! Ils ont eu quelque aventure pendant leur promenade. Un accident… »

— « Mais lequel ? Il n’y a pas de crevasses… »

— « Que sais-je ? Il y a des fondrières… »

— « Voilà ce que c’est ! » gémit Mme Le Tellier. « Je ne voulais pas qu’elle sortît sans être accompagnée ! Je n’ai pas cessé de m’y opposer ! »

— « Oh ! maman, pour aller chez mon oncle ! Deux kilomètres à faire en plein jour, sur une route des plus fréquentées ou par une sente constamment déserte !… Mais, justement, il faut que je sache… Voyons, d’abord : à quelle heure Marie-Thérèse est-elle partie, hier matin ? »

— « À dix heures », répondit sa mère. « Elle m’a dit au revoir dans le vestibule. — Ah ! si j’avais su !… »

— « Et vous êtes certaine, n’est-ce pas, qu’elle se rendait à Artemare ? »

— « Absolument. Marie-Thérèse ne sait pas mentir. »

— « C’est vrai. — Quel chemin a-t-elle pris ? Par le haut ? ou par le bas ? »

— « Ah ! cela, je l’ignore. »

— « Moi aussi », ajoute Mme Arquedouve.

— « Quelle robe avait-elle ? »

— « Sa petite robe grise, et son chapeau de tulle noir. »

— « Son costume de touriste, à jupe courte ? »

— « Non. — Mais, tu sais, elle n’avait pas du tout l’idée de faire une excursion… »

— « Oh ! avec Marie-Thérèse, peut-on jamais savoir ! Ce n’est pas le vêtement qui la gêne. Elle franchirait les Alpes en toilette de soirée. Vous savez bien qu’elle adore la marche ; et si, étant passée par le haut, elle a rencontré son cousin et sa cousine en route pour le Colombier, nul doute qu’elle ne les ait suivis, malgré sa jupe longue et ses bottines légères… Elle était sûre que son absence n’inquiéterait personne, puisque mon oncle et ma tante n’étaient pas prévenus de sa visite et puisque nous ne devions les revoir tous qu’au déjeuner d’aujourd’hui… Depuis quelque temps elle ne parlait que de monter au Colombier… Enfin, nous ne pouvons tarder à savoir… Je vais commencer mes recherches. »

— « Fais atteler le poney », dit Mme Arquedouve. « Ta mère et moi nous irons tenir compagnie à ta tante. Je ne veux pas qu’elle reste seule pendant vos explorations. »

Maxime s’enquit, auprès des domestiques, de la direction que Marie-Thérèse avait adoptée en sortant du parc. Ils ne purent le renseigner.

Alors il sortit, et se trouva d’emblée au carrefour de quatre voies. À sa gauche, s’amorçait le sentier du haut. À sa droite, descendaient en divergeant les trois chemins conduisant à la grand’route ; le premier la rejoignait dans Talissieu, le second en pleine voie (c’était, on s’en souvient, un sentier de traverse, un raidillon direct et brutal), et le troisième au village d’Ameyzieu.

De ces quatre voies Marie-Thérèse avait pris l’une ou l’autre. Si la jeune fille avait préféré la descente à la montée, il était peu probable qu’elle eût choisi dans cette patte-d’oie le chemin de Talissieu, qui l’écartait d’Artemare ; mais une raison quelconque pouvait l’avoir induite à faire ce détour.

Maxime présumait avec bon sens que sa sœur avait pris par le haut. Par acquit de conscience, il voulut cependant examiner l’hypothèse contraire, — et s’en fut vers le bas.

Il interrogea les choses. Nulle trace de pas ne se distinguait aux macadams durement empierrés. Nulle trace non plus aux déclivités rocheuses du sentier. À l’endroit humide où celui-ci débouche sur la route, on remarquait pourtant de multiples empreintes dans la glaise marécageuse ; mais il y en avait tant et tant, de toute sorte, qu’on s’y perdait.

Maxime questionna les gens. Par malheur, à cette saison, très peu de campagnards travaillent ces terres ingrates où quelques vignes seulement poussent, par miracle, dans un sol quasi perpendiculaire à la plaine et criblé de rocaille. Des trois ou quatre vignerons interviewés aucun n’avait aperçu, la veille, Marie-Thérèse. « Mais, vous comprenez, on ne fait pas attention à tous ceux qui vont et viennent… » Même réponse à Talissieu, à Ameyzieu. Du reste, à dix heures du matin, — heure de la sortie de la jeune fille, — les villages sont dépeuplés au profit des cultures. Quant aux ouvriers employés dans les champs voisins de la route, ils n’avaient pu rien voir, des haies continues, épaisses et hautes, encaissant la chaussée. Et puis, cette route est celle de la Suisse et d’Aix-les-Bains, une procession d’autos et de cycles la parcourt sans relâche, et c’est là une représentation devenue banale, qu’on ne regarde pas. À plus forte raison, comment une femme à pied aurait elle forcé l’attention des villageois, en admettant qu’ils aient pu l’entrevoir aux éclaircies de la haie ?

Seul, un mécanicien réparateur d’automobiles, logé à l’entrée d’Artemare et qui besogne toujours en plein air, affirma que Mlle Le Tellier n’avait point passé devant sa boutique vingt-quatre heures auparavant : « J’ai reconnu tout à l’heure le double-phaéton de M. Le Tellier. À l’instant, j’ai vu le tonneau de Mirastel occupé par votre mère, votre grand’mère et le cocher. Mais hier, personne du château. »

Ayant acquis la certitude prévue que nul vestige d’accident, nulle trace de Marie-Thérèse n’existaient de ce côté dans l’aspect des choses ou le souvenir des hommes, Maxime, détective scrupuleux, refit à l’envers le trajet Mirastel-Artemare. Sans doute serait-il plus heureux en suivant la piste du haut. Marie-Thérèse avait certainement grimpé à Chavornay par la sente. Elle comptait la suivre jusqu’à cette commune, et là, utilisant un chemin vicinal, rattraper à Don la route d’Artemare, c’est-à-dire la route qu’Henri et Fabienne avaient dû emprunter dans l’autre sens pour gagner les hauteurs. Maxime reconstituait la rencontre de sa sœur avec ses cousins, à la jonction des voies, un peu au-dessus de Don, ou bien entre ce point et Artemare. Le reste s’expliquait tout naturellement… jusqu’à l’accident.

Voilà Maxime en train de gravir la sente au milieu des broussailles.

À présent, convaincu de l’excellence de la piste, il opérait, sans le vouloir, avec plus de soin. À Chavornay, l’un de ces nabots difformes et crétins que l’on voit tout le jour accroupis sur les seuils, ne comprit ses demandes qu’à moitié et ne voulut jamais convenir qu’une demoiselle en gris, avec un chapeau noir, eût traversé le hameau. Mais, près de Don, parvenu à la croisée des routes, Maxime aperçut, montant la côte et venant à lui, la grande auto blanche de son père suivie de la 9-chevaux du Dr Monbardeau, — et cette coïncidence le confirma dans la supposition que Marie-Thérèse s’était trouvée, là ou un peu plus bas, en face d’Henri et de Fabienne.

M. Monbardeau conduisait sa voiture, près de M. Le Tellier. L’autre véhicule portait maintenant Mme Arquedouve, ses deux filles et Robert, qui sauta du siège aussitôt l’arrêt. La présence des femmes étonnait Maxime. Robert en donna les raisons : Mme Monbardeau avait tenu à prendre sa part des recherches ; pendant qu’on recueillait dans Artemare quelques indications, sa mère et sa sœur étaient arrivées dans le tonneau ; rien n’avait pu les empêcher de venir, elles aussi. Alors on avait frété la 9-chevaux.

— « Bon ! C’est l’affolement ! » grommela Maxime.

Mais sa grand, mère, très surexcitée, lui demandait :

— « As-tu des nouvelles, Maxime ? Nous en avons, nous. Henri et Fabienne ont monté par ici. »

— « C’est exact », dit Robert. « On les a vus sortir d’Artemare quelques minutes avant dix heures, habillés en excursionnistes, ayant, lui, des bas, elle, une jupe-trotteur, et tous deux leurs cannes ferrées. Sur la route de Don, un cantonnier les a remarqués, et il précise l’heure, — dix heures, — s’appuyant, pour la certifier, sur ce que le petit train local quitte Artemare à dix heures précises pour monter vers Don, et sur ce que la locomotive sifflait au départ quand les Monbardeau le saluèrent en passant. À Don, plusieurs personnes aussi les ont vus. Ils y sont arrivés en même temps que le petit train. Le médecin nous l’a dit. Il était venu chercher à la station un de ses confrères venant de Belley. Mais, à cet instant-là, M. et Mme Henri Monbardeau étaient seuls. »

— « Donc, » interrompit Maxime, « Marie-Thérèse les a rencontrés entre Don et la croisée où nous sommes ; cela va de soi. C’est là qu’ils ont fait cause commune. Ensemble, ils seront allés jusqu’à Virieu-le-Petit, comme on fait toujours ; ils auront acheté à l’auberge de quoi déjeuner dans les bois, selon la coutume ; et je les vois d’ici monter à travers la forêt… Allons, vite ! À Virieu-le-Petit ! »

L’espoir était sur les visages.

On atteignit rapidement Virieu-le-Petit — à 800 mètres d’altitude — qui est le point extrême où les voitures peuvent mener les promeneurs du Colombier.

Maxime entra chez l’aubergiste, — une vieille brave femme.

« Oui donc, qu’elle avait vu M. Henri ! Il lui avait acheté, vers midi, du pain, du saucisson, du vin, et même emprunté un carnier pour loger tout ça, avec les couteaux et les trois verres… »

— « Trois ? Trois verres ? Ah ! »

Maxime sentait la joie le prendre au gosier.

— « Et… il était avec… qui ? »

— « Avec deux dames, restées au dehors, sur la route. Pendant qu’il s’approvisionnait, elles continuaient de marcher à petits pas sur la côte. Il les a rattrapées. »

— « Enfin, c’étaient Mme Henri Monbardeau et ma sœur, Mlle Le Tellier ? »

— « Oh ! sûr et certain ! Maintenant que vous me le dites, pas d’erreur ! Mais, sur le moment, Je les voyais de dos… Il y en avait une habillée en petite fille… »

— « C’est-à-dire avec une jupe courte ? »

— « Oui bien. Et l’autre comme tout le monde. »

— « En gris ? En gris ? »

— « Oui, oui, en gris. »

Toute la famille entourait l’aubergiste. On poussa des exclamations de victoire.

— « C’était sûr ; cela crevait les yeux ! » dit Maxime en riant.

— « On ne m’a point rendu mon carnier », réclama l’aubergiste.

Alors le sentiment de la situation revint dans les esprits.

C’était dimanche ; l’auberge était bondée. On y trouva sans peine des gars de bonne volonté, pour fouiller la montagne. Bornud, un garde particulier, petit vieillard chafouin, nerveux et jaune, clignotant d’un œil noir et malicieux, se mit de la partie avec son chien Finaud.

Mme Arquedouve, exigeant que nul ne s’occupât de son sort, s’accommoda d’une chambre rustique, — pendant que la troupe des sauveteurs attaquait la pente du Colombier.

Dès que ce bataillon eut gagné la forêt, de nombreux embranchements l’obligèrent à se diviser en compagnies, puis en sections, puis en escouades ; car, de toutes les excursions possibles, on ne savait laquelle avait séduit les trois disparus. Comme on allait opérer la première dislocation, Bornud découvrit, par terre, des croûtes de pain et des peaux de saucisson. Il fureta dans les environs, et trouva, sous une branche qui le dissimulait, le carnier de l’aubergiste. Après un déjeuner frugal, Henri avait caché le sac désormais inutile, gênant, et il s’était dit : « Je le reprendrai au retour. »

Cette trouvaille jeta un froid.

Une à une, les patrouilles se détachaient aux bifurcations. L’air vif s’allégeait et se refroidissait au cours de la montée. Bornud assura que la neige couvrait encore le sommet du Grand-Colombier, là-haut, à 1.500 mètres au-dessus du niveau de la mer ; mais le fait n’était vérifiable qu’au pied même de la cime ou très loin de la montagne, à cause des masses environnantes qui faisaient écran.

L’ascension fatiguait les femmes, mal équipées. Mme Le Tellier, naguère si paresseuse, gravissait avec acharnement les sentiers malaisés. L’hiver en avait fait des lits de torrents, jonchés de pierres coupantes où les pieds se blessaient, où les chevilles se tordaient…

Ce fut, tout d’abord, une battue assez logique, cernant le Colombier. On observait. De temps à autre, quelqu’un jetait à pleine voix un long appel… Mais, à mesure que le soleil baissait, la fièvre gagna les malheureux parents. Ils descendirent au fond de ravines abruptes qu’il suffisait de côtoyer pour découvrir tout entières. Mme Le Tellier soulevait des cailloux, écartait des feuillages, et regardait dessous, inconsciemment. Ils allaient de droite et de gauche, à tort et à travers. Bientôt ils ne cessèrent plus de crier. M. Monbardeau hurlait sans trêve un refrain familial, ce joyeux thème, ce bout de musique allègre dont les vallons du Colombier avaient retenti jadis tant de fois, et qui résonnait aujourd’hui lugubre et mineur, sans que personne s’aperçût de l’étrange modulation.

Un tel désordre s’étendit forcément aux autres pelotons, partout disséminés. Le silence du soir s’emplit de clameurs. L’écho les multipliait ; cela fit croire à des réponses. Pensant aller vers ceux qu’ils recherchaient, les uns et les autres se trouvaient nez à nez. Il leur fallait revenir sur leurs pas et reprendre la voie délaissée. Le temps se couvrit ; la nuit venait ; l’ombre accumula des formes indécises et transforma les choses. Des taches de feuilles rougies, sur la mousse, épouvantaient de loin. On tremblait en fouillant du regard les à-pic, du haut des roches vertigineuses. La bise anima d’une vie frémissante les sapins funéraires et les fourrés compacts ; on aurait dit, soudain, qu’ils abritaient un blessé convulsif ou quelque présence inopinée… Mme Monbardeau se lacérait les mains à force de scruter les buissons épineux. Bornud, l’œil attentif, espionnait la vie forestière, et son chien quêtait devant lui, le nez au vent…

Mais rien, — rien, — rien. Rien de visible sur ces maudites pierrailles et sur la sécheresse de la terre. Rien, nulle part ! Rien que des clameurs enrouées rebondissant de rochers en rochers, se mêlant parfois au fracas d’une cascade et traversant les gorges sombres où la forêt ne plongeait que pour remonter, tantôt profonde et tantôt culminante, mais toujours taciturne et secrète.

Des vapeurs s’élevaient des bas-fonds. Le ciel noircit.

Mme Le Tellier, qui allait avec sa sœur, son mari et Bornud, se laissa tomber sur un tertre, à la lisière supérieure des bois ; elle n’en pouvait plus. De cette place, on voyait enfin le sommet du Grand-Colombier. C’était un dos d’âne gigantesque et nu, tapissé d’un gazon glissant. Il opposait à l’escalade un versant hostile. Trois bosses ondulaient sa crête ; elles étaient blanches de neige, et sur la plus haute — celle du milieu — se dressait une croix monumentale, infime dans la distance.

Ils levèrent les yeux.

Un homme montait vers la croix, laborieusement, avec des glissades et des haltes fréquentes.

M. Monbardeau se fit une visière de ses mains.

— « C’est Robert Collin », dit-il.

Un gémissement lui répondit. Mme Le Tellier, harassée de fatigue et d’inanition, se pâmait. — Elle revint à elle. Mais il ne fallait plus songer à poursuivre la reconnaissance. Du reste, à quoi bon ? Le jour finissait. Des nuages s’amoncelaient au-dessous d’eux. Et n’avaient-ils pas rempli leur tâche ? Toute la montagne ne se trouvait-elle pas explorée, depuis le bas jusqu’à la crête déserte où parvenait Robert ?

Le retour fut mortel et s’accomplit dans un mutisme gros de pensées. Les Monbardeau et les Le Tellier étaient à jeun depuis douze heures ; la faim exaltait leur angoisse.

À l’auberge, où Mme Arquedouve avait fait servir un dîner, la lampe éclaira des faces exténuées qui s’interrogeaient anxieusement.

Rien. — Personne n’avait rien découvert. Et tous étaient rentrés, à l’exception de Robert. Il avait dit à Maxime : « Ne m’attendez pas pour repartir. Je m’arrangerai. Qu’on ne se tourmente pas à mon sujet. »

— « Eh bien, mon garçon ? » fit M. Le Tellier avec un geste découragé. « Que dis-tu de cela ? »

— « Moi ? Mais… qu’il faut prévenir la justice… »

— « Tu ne crois plus à un accident ? »

— « Mon Dieu… oui et non… Mais la justice… »

Un sourire entendu plissa les lèvres des paysans.

— « La justice est déjà prévenue », balbutia M. Le Tellier à voix basse et d’un air confus. « J’ai télégraphié ce matin au duc d’Agnès, qui va nous amener des gens de la police… »

Maxime, abasourdi, le regardait baisser les paupières.

— « Si ce n’est pas un accident, » s’écria M. Monbardeau, « qu’est-ce que ce serait donc ?… Une fugue ? c’est inadmissible. » Il hésita, l’espace d’une seconde : « Un enlèvement, alors ?… »

— « Je commence à le croire », dit M. Le Tellier. « Je m’attends à recevoir une lettre exigeant la forte somme en échange de Marie-Thérèse… »

— « Sans doute », approuva Maxime.

Il y avait là une quarantaine de montagnards formant le cercle. Ils secouaient la tête en signe d’incrédulité. Mme Monbardeau les imitait.

M. Le Tellier les dévisagea l’un après l’autre.

— « Est-ce que vous avez une opinion, mes amis ? » demanda-t-il. « Si vous en avez une, dites-la. »

Bornud répondit pour eux tous, avec l’accent doucereux du terroir :

— « Oh ben là non ! Ben sûr que non ! Nous autres, on ne peut pas savoir ! »

Mais la terreur du Sarvant planait sur eux.

La pluie, tout à coup, tomba violemment. Cela fit comme un piétinement soudain de mille petites pattes cabriolant de tuile en tuile au-dessus de la compagnie. Quelques épaules tressaillirent à ce bruit. M. Monbardeau s’approcha de son beau-frère, et tout bas :

— « Comprends-tu, maintenant, pourquoi le vol d’une statue et d’un mannequin les impressionnait pareillement ? Saisis-tu la progression ? »

— « Soyons francs », avoua M. Le Tellier. « Toi depuis hier, moi depuis ce matin, pensons-nous à autre chose ? — Quelle sottise ! »