Le Père de famille/Notice préliminaire

Notice préliminaire
Le Père de famille, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierVII (p. 171-178).


NOTICE PRÉLIMINAIRE


Nous avons vu, dans la notice sur le Fils naturel, comment La Harpe expliquait l’insuccès de ce drame. « Il n’en fut pas de même, continue-t-il, du Père de famille ; il réussit et on le joue encore, quoiqu’il y ait peu de pièces aussi peu suivies. Les deux premiers actes ont de l’intérêt, et il y a au second une scène entre le père et le fils, où le rôle de ce dernier est au moins passionné, si celui du père est déclamatoire ; mais, passé ce moment, toute la machine du drame manque par les ressorts ; et si la pièce s’est soutenue au théâtre, c’est qu’au moins il y a toujours du mouvement, quoique ce mouvement soit faux. »

Le Père de famille est le second essai dramatique de Diderot. Il fut imprimé en 1758 avec un Discours sur la poésie dramatique adressé à Grimm. Il n’attendit pas trop longtemps à la porte de la Comédie française où il fut joué le 18 février 1761. Il l’avait été déjà en 1760, sur le théâtre de Marseille[1].

Voici quels étaient les acteurs qui y figuraient : MM. Grandval, Dangeville, du Bois, Paulin, Bellecour, Préville, Brizard, Blainville, Bernaut, Molé, Durancy, Dauberval, Mlles Gaussin, Dumesnil, Drouin, Préville, Lekain et Camouche.

Mlle Hus et Mlle Dubois remplacèrent, chacune une fois, Mlle Camouche dans les représentations subséquentes, puis par suite de retranchements de scènes épisodiques, les rôles d’homme furent réduits à neuf et ceux de femme à quatre. C’est avec cette mise en scène restreinte que la pièce a toujours été jouée par la suite.

Le registre des recettes pour le premier trimestre de 1761 manquant aux archives du Théâtre-Français, nous ne savons pas quel fut l’empressement du public, mais la pièce fut jouée sept fois, d’abord seule, puis, suivant l’usage, avec une autre, et ne fut interrompue que par les vacances de Pâques.

Depuis qu’il était bruit de cette représentation prochaine, Voltaire ne cessait d’écrire à Paris :

À Thiriot : « Mille remercîments. Encore une fois joue-t-on Tancrède ? joue-t-on le Père de famille ? Ô mon cher frère Diderot ! je vous cède la place de tout mon cœur, et je voudrais vous couronner de lauriers. »

À d’Argental : « … Mais que mes anges ne m’instruisent ni de la santé de Mlle Clairon, ni d’aucune particularité du Tripot[2], ni du retour de M. de Richelieu, ni de la façon dont certaine Épître dédicatoire (celle de Tancrède) a été reçue, ni de l’unique représentation de la Chevalerie, ni du Père de famille, c’est le comble du malheur ! »

À Damilaville : « Je salue tendrement les frères, j’élève mon cœur à eux et je prie Dieu pour le succès du Père de famille. »

La pièce une fois jouée, Diderot ne pouvait manquer de répondre à un tel empressement, vrai ou simulé. Il écrivit donc à Voltaire une lettre qui a été conservée. Nous n’avons pas la réponse de Voltaire ; mais dans ses lettres à d’autres personnes, il revient souvent sur ce thème : « Je regarde le succès du Père de famille comme une victoire que la vertu a remportée et comme une amende honorable que le public a faite d’avoir souffert l’infâme satire intitulée la Comédie des Philosophes.

« Je remercie tendrement M. Diderot de m’avoir instruit d’un succès auquel tous les honnêtes gens doivent s’intéresser. Je lui en suis d’autant plus obligé, que je sais qu’il n’aime guère à écrire. Ce n’est que par excès d’humanité qu’il a oublié sa paresse avec moi, il a senti le plaisir qu’il me faisait. » (À Damilaville, 3 mars 1761.)

C’est alors aussi qu’il annonce à Mme d’Épinay le succès de la pièce à Lyon et qu’il écrit à Damilaville (27 février) :

« Enivré du succès du Père de famille, je crois qu’il faut tout tenter, à la première occasion, pour mettre M. Diderot de l’Académie ; c’est toujours une espèce de rempart contre les fanatiques et les fripons. »

Ce vœu, comme on le sait, ne fut point réalisé ; Louis XV trouva que Diderot avait trop d’ennemis ; mais nous n’en devons pas moins savoir gré à Voltaire d’y avoir pensé le premier, avant Diderot lui-même.

La pièce fut reprise en 1769. Diderot l’annonce à Mlle Voland avec un enthousiasme tel qu’on croirait qu’il a perdu le souvenir des premières représentations (lettres du 23 août et du 2 septembre 1769). Les comédiens ont été forcés par les demandes du parterre de jouer la pièce deux jours de plus qu’ils ne l’avaient projeté. Mme Diderot, elle-même, a compris l’indécence qu’il y avait à répondre à tous ceux qui lui faisaient compliment qu’elle n’y avait pas été. »

Tout cela était beau, consolant, encourageant, mais tout cela, au fond, ne produisit qu’un médiocre effet sur la marche générale du théâtre. Il y eut un grand ébranlement qui s’apaisa vite. Une série de pièces du genre préconisé par le novateur furent écrites, mais la routine est bien puissante, chez nous, et, on le sait, les novateurs n’y ont pas beau jeu. Le véritable effet ne se produisit qu’à distance et il nous semble bien indiqué dans ces lignes de Meister :

« Les situations du drame domestique ou bourgeois ne peuvent guère s’écarter de la vérité de la nature, sans que la plupart des spectateurs s’en aperçoivent ; dès lors toute l’illusion de la scène est perdue pour eux. Ces situations sont-elles trop exactement vraies, tout le charme d’une heureuse imitation s’évanouit également ; l’attention n’est plus assez excitée ; on n’y voit que ce qu’on a trop vu dans le cours habituel de la vie ; la sensibilité par là même en est presque toujours ou trop péniblement ou trop légèrement affectée.

« Je ne connais pas de tragédie qui m’ait fait répandre de plus douces larmes que le Père de famille. Mais combien peu de pièces de ce genre, quoique depuis il en ait paru un grand nombre, avons-nous vues se soutenir au théâtre à côté de ce premier modèle !…

« Le théâtre de Diderot et l’éloquent développement de sa théorie dramatique ont eu, ce me semble, beaucoup plus d’influence sur la littérature allemande que sur la littérature française. Cet ouvrage, traduit par un des plus célèbres écrivains de l’Allemagne, Lessing, a produit et devait produire dans ce pays une très-grande sensation. Les vues et les principes qu’il renferme avaient, surtout alors, bien plus d’analogie avec l’esprit et les mœurs germaniques qu’avec l’esprit et le caractère français. Quelle heureuse application n’en ont pas su faire le génie profond et hardi de Goëthe, de Schiller, le talent facile et fécond des Iffland et des Kotzebüe ! » (Pensées détachées, p. 147.)

Les Allemands eux-mêmes en convenaient encore au commencement de ce siècle. Iffland dans ses Mémoires accorde une grande place aux drames de Diderot et de Sedaine. Brandes raconte (Mémoires, publiés par Picard, 1823, p. 355) à propos d’une de ses pièces, Miss Fanny, qu’ayant consulté le libraire Voss, homme de goût et de valeur, celui-ci lui donna pour toute réponse la Bibliothèque théâtrale de Lessing et sa traduction du Théâtre de Diderot en ajoutant : « Lisez cela avec attention, mon ami ; vous y trouverez le vrai chemin. »

À Paris, au lieu de sentir l’importance de la tentative de Diderot, on faisait, comme toujours, des plaisanteries, bonnes ou mauvaises. On disait par exemple, à propos d’une pièce (Eulalie ou les Préférences amoureuses) refusée par les comédiens : « Le Père de famille engendra Eugénie ; Eugénie engendra Natalie, l’Indigent, Olinde et Sophronie, la Brouette du Vinaigrier, et mille et une autres sottises qui ont engendré Eulalie. » (Correspondance secrète, t. V, p. 368.) On voulait à toutes forces prouver que Diderot n’avait fait que copier Goldoni et quand Goldoni lui-même déclarait qu’il n’en était rien ; quand Deleyre, pour le prouver mieux encore, traduisait le Père de famille et le Véritable Ami (1758), on cherchait dans les épîtres dédicatoires de ces deux traductions des allusions à Mmes de Robecq et de La Marck ; on accusait, — Rousseau lui-même est coupable de cette légèreté, — Diderot d’avoir insulté ces dames dans des épîtres dont Grimm était réellement l’auteur, tandis qu’au contraire, pour éviter une punition à son ami, Diderot prenait sur lui le délit, si délit il y avait, et désarmait ainsi la colère[3] des intéressées.

Donnons, pour l’édification du lecteur, et les pages dans lesquelles Goldoni raconte son entrevue avec Diderot, en 1762[4], et quelques-uns des cancans des Mémoires secrets.

Voici ce que dit Goldoni :

« En attendant, je ne quittais pas les Français ; ils avaient donné l’année précédente le Père de famille, de M. Diderot, comédie nouvelle qui avait eu du succès. On disait communément à Paris que c’était une imitation de la pièce que j’avais composée sous ce titre, et qui était imprimée.

« J’allai la voir et je n’y reconnus aucune ressemblance avec la mienne. C’était à tort que le public accusait de plagiat ce poëte-philosophe, cet auteur estimable, et c’était une feuille de l’Année littéraire qui avait donné lieu à cette supposition.

« M. Diderot avait donné quelques années auparavant une comédie intitulée le Fils naturel : M. Fréron en avait parlé dans son ouvrage périodique ; il avait trouvé que la pièce française avait beaucoup de rapport avec le Vrai Ami de M. Goldoni ; il avait transcrit les scènes françaises à côté des scènes italiennes. Les unes et les autres paraissaient couler de la même source et le journaliste avait dit, en finissant cet article, que l’auteur du Fils naturel promettait un Père de famille ; que Goldoni en avait donné un, et qu’on verrait si le hasard les ferait rencontrer de même.

« M. Diderot n’avait pas besoin d’aller chercher au delà des monts des sujets de comédie, pour se délasser de ses occupations scientifiques. Il donna au bout de trois ans un Père de famille qui n’avait aucune analogie avec le mien.

« Mon protagoniste était un homme doux, sage, prudent, dont le caractère et la conduite peuvent servir d’instruction et d’exemple. Celui de M. Diderot était, au contraire, un homme dur, un père sévère, qui ne pardonnait rien, qui donnait sa malédiction à son fils… C’est un de ces êtres malheureux qui existent dans la nature ; mais je n’aurais jamais osé l’exposer sur la scène.

« Je rendis justice à M. Diderot, je tâchai de désabuser ceux qui croyaient son Père de famille puisé dans le mien ; mais je ne disais rien sur le Fils naturel. L’auteur était fâché contre M. Fréron et contre moi ; il voulait faire éclater son courroux ; il voulait le faire tomber sur l’un ou sur l’autre, et me donna la préférence. Il fit imprimer un Discours sur la poésie dramatique, dans lequel il me traite un peu durement[5].

« Charles Goldoni, dit-il, a écrit en italien une comédie ou plutôt une farce en trois actes… Et dans un autre endroit : Charles Goldoni a composé une soixantaine de farces… On voit bien que M. Diderot, d’après la considération qu’il avait pour moi et pour mes ouvrages, m’appelait Charles Goldoni, comme on appelle Pierre le Roux dans Rose et Colas. C’est le seul écrivain français qui ne m’ait pas honoré de sa bienveillance.

« J’étais fâché de voir un homme du plus grand mérite irrité contre moi. Je fis mon possible pour me rapprocher de lui ; mon intention n’était pas de me plaindre, mais je voulais le convaincre que je ne méritais pas son indignation. Je tâchai de m’introduire dans les maisons où il allait habituellement ; je n’eus jamais le bonheur de le rencontrer. Enfin, ennuyé d’attendre, je forçai sa porte.

« J’entre un jour chez M. Diderot, escorté par M. Duni, qui était du nombre de ses amis ; nous sommes annoncés, nous sommes reçus ; le musicien italien me présente comme un homme de lettres de son pays, qui désirait faire connaissance avec les athlètes de la littérature française. M. Diderot s’efforce en vain de cacher l’embarras dans lequel mon introducteur l’avait jeté. Il ne peut pas cependant se refuser à la politesse et aux égards de la société.

« On parle de choses et d’autres ; la conversation tombe sur les ouvrages dramatiques. M. Diderot a la bonne foi de me dire que quelques-unes de mes pièces lui avaient causé beaucoup de chagrin ; j’ai le courage de lui répondre que je m’en étais aperçu. « Vous savez, monsieur, me dit-il, ce que c’est qu’un homme blessé dans la partie la plus délicate. — Oui, monsieur, lui dis-je, je le sais ; je vous entends, mais je n’ai rien à me reprocher. — Allons, allons, dit M. Duni, en nous interrompant, ce sont des tracasseries littéraires qui ne doivent point tirer à conséquence ; suivez l’un et l’autre le conseil du Tasse :

Ogni trista memoria ornai si taccia ;
E pongansi in obblio le andate cose
[6].

« M. Diderot, qui entendait assez l’italien, semble souscrire de bonne grâce à l’avis du poëte italien : nous finissons notre entretien par des honnêtetés, par des amitiés réciproques, et nous partons, M. Duni et moi, très-contents l’un de l’autre. » (Mémoires de Goldoni, 1787, troisième partie, ch. v.)

Passons maintenant aux Mémoires secrets. Remarquons d’abord qu’ici encore les dates ne sont point concordantes. C’est seulement en 1764 que les Mémoires enregistrent les bruits suivants :

« 4 octobre. — Nous tenons de la bouche de M. Goldoni que, malgré toutes les démarches que lui et ses amis ont faites pour le faire rencontrer avec M. Diderot, celui-ci a toujours éludé. En vain MM. Marmontel et Damilaville, intimement liés avec ce dernier, ont-ils promis de lever les difficultés, il paraît que tous deux ont échoué dans leur négociation. Il ne sait à quoi attribuer une antipathie aussi forte ; il déclare qu’il n’y a que le premier acte du Fils naturel qui soit semblable au sien ; il regarde le Père de famille comme tout à fait opposé à celui qui est dans ses œuvres ; enfin il parle de ce philosophe avec un respect, une estime, des sentiments bien différents de ceux que l’autre a témoignés dans ses répliques aux reproches qu’on lui faisait d’avoir pillé l’italien. »

« 22 mars 1765. — Goldoni vient de donner un nouveau volume de ses œuvres qui fait le septième. On y lit le Père de famille et le Véritable Ami, ces deux pièces qui ont occasionné l’accusation de plagiat intentée par Fréron contre M. Diderot et l’antipathie que ce dernier a conçue contre cet auteur italien, qui ne savait rien de ce qui se passait à cet égard. M. Goldoni fait, dans une préface, le détail de tout ce que nous avons dit là-dessus, et se venge avec autant de noblesse que de justice des choses peu avantageuses que la passion avait dictées à M. Diderot sur les ouvrages du comique italien. »

Étant donné que les étrangers — c’est l’essence de la politesse — ont toujours raison contre les Français, tout cela est bien, et il ne nous reste, pour revenir à notre sujet, qu’à citer encore les Mémoires secrets, à l’occasion de la représentation du Père de famille en 1769.

« 10 août. — Les comédiens français ont remis hier le Père de famille de M. Diderot. Ce drame très-pathétique a produit l’effet ordinaire de serrer le cœur et d’occasionner des larmes abondantes. On comptait autant de mouchoirs que de spectateurs. Des femmes se sont trouvées mal et jamais orateur chrétien n’a produit en chaire d’effet aussi théâtral. »

Le même succès de larmes est signalé en 1773 à Naples, par Galiani, dans une représentation devant le roi. « Nous avons ici, dit-il (16 janvier 1773), des comédiens français… Ils ont débuté par le Père de famille, parce que c’est de toutes les pièces du théâtre français celle dont le succès est le plus assuré dans toutes les villes d’Italie et d’Allemagne. Événement bien naturel et qui ne paraîtra étrange qu’à Fréron et à Paris. »

Le 23, Galiani écrit encore : « Ce qui paraîtra bien comique et tout à fait incroyable, c’est qu’avant de les entendre (dans la représentation donnée par les comédiens à la cour), le roi avait annoncé que ces Français ne lui plairaient pas, qu’ils l’ennuieraient ; car il aime à rire et non à pleurer. Il est arrivé que lorsqu’on jouait la pièce, tous les courtisans bâillaient, s’ennuyaient, prenaient du tabac, faisaient quelque bruit, pendant que leur roi fondait en larmes. »

Il nous faut arriver en 1811 pour assister à une réaction. Dans son feuilleton du 11 mars de cette année, Geoffroy s’écrie d’un air de triomphe : « On a sifflé le Père de famille. Oh ! mânes de Diderot ! quel outrage sanglant pour le grand dramaturge, pour le grand législateur de la tragédie bourgeoise ! Cet énergumène a, dit-on, écrit de belles pages, comme il arrive aux fous de faire de beaux rêves ; il a porté plus loin qu’aucun autre l’emphase et la jonglerie philosophiques. Son siècle en fut la dupe parce qu’il eut le bonheur de naître dans le siècle des charlatans. Plus tôt ou plus tard on eût pu lui donner pour Parnasse et pour théâtre les Petites-Maisons. Le Père de famille est regardé comme son chef-d’œuvre ; il fut joué dans un temps où les caricatures pathétiques étaient à la mode ; c’est une conception bizarre… Son peu de succès est une nouvelle preuve de notre retour au bon goût et aux idées saines. Ce drame est tombé avec la philosophie qui l’avait mis en crédit. Nous avons reconnu par une funeste expérience que quarante ans de déclamation et de pathos sur la sensibilité, l’humanité, la bienfaisance, n’avaient servi qu’à préparer les cœurs aux derniers excès de la barbarie. » (Journal de l’Empire.)

Dans cette représentation Mlle Mars jouait Sophie, Mlle Leverd, Cécile, et Armand, le Père de famille.

Mais, quoi qu’en dît Geoffroy, la pièce n’était pas encore si bien tombée qu’on ne la rejouât. Les dernières représentations n’eurent lieu qu’en 1835. À cette époque, voici quelle était la distribution :


DORBESSON MM. Joanny.
Le Commandeur Perier.
SAINT-ALBIN Firmin.— Bouchet.
GERMEUIL Mirecour.
M. LE BON Dumilatre.
DESCHAMPS Faure.
LABRIE Arsène. — Alexandre.
PHILIPPE Mathieu.
Un Exempt Monlaur.
Mlle CLAIRET Mmes Thierret-Georges.
CÉCILE Verneuil.
SOPHIE Plessy.— Anais.
Mme HÉBERT Hervey.


Ceux qui ont assisté à ces représentations se rappellent encore l’effet produit par Firmin quand il répondait au Commandeur le mot célèbre : J’ai quinze cents livres de rentes.

« Ce mot, dit M. Eusèbe Salverte, dans son Éloge philosophique de Diderot, non-seulement la nature avait pu le dicter, mais Diderot l’avait entendu prononcer par un jeune homme d’une famille opulente, placé dans une situation précisément semblable à celle de Saint-Albin. Je tiens cette anecdote de M. Gudin (membre associé de l’Institut national) à qui Diderot l’avait souvent répétée. »

On reconnaîtra dans cette pièce sinon l’histoire exacte, au moins un tableau des passions qui ont pu s’agiter en Diderot et autour de lui lors de son mariage avec Mlle Champion.

Il y a une édition du Père de famille, Londres, chez T. Hookham, libraire dans Bond street, MDCCLXXXVI ; elle fait partie du Recueil des pièces de théâtre lues par M. Le Texier en sa maison, Lisle street, Leicester fields ; in-8o, t. V.

La pièce a été traduite en anglais en 1770 ; et en 1781, sous ce titre : The family picture. A play, taken from the french of M. Diderot’s Père de Famille ; with verses on different subjects, by a lady. London, J. Donaldson et R. Faulder, in-8o, de xii et 76 pages dont 62 pour la traduction.

Indiquons encore des traductions en hollandais par H. van Elven, Amsterdam, 1773 ; et anonyme, Utrecht, même date ; en russe, par Forgei de Glebow et par Beydan de Jetschaninow ; en allemand, par Ant. de Riegger, Vienne, 1777.



  1. Lettre à Mlle Voland, du 1er décembre 1760.
  2. La Comédie-Française.
  3. À vrai dire il fallait être bien dans le secret pour reconnaître ces dames (deux amies de Palissot) dans les épîtres, et Voltaire avait raison de douter. « M. *** (écrivait-il à l’auteur des Philosophes) m’a assuré, dans ses dernières lettres, que M. Diderot n’est point reconnu coupable des faits dont vous l’accusez. Une personne, non moins digne de foi, m’a envoyé un très-long détail de cette aventure ; et il se trouve qu’en effet M. Diderot n’a eu nulle part aux deux lettres condamnables qu’on lui imputait. »
  4. Les Mémoires de Goldoni n’indiquent pas cette date, mais elle résulte de la phrase où il est question de la représentation du Père de famille, l’année qui précéda l’entrevue.
  5. Goldoni arrange visiblement ses souvenirs. Nous devons les rectifier. Le Discours, comme le Père de famille, est de 1758. Il avait paru avant la représentation de la pièce, et avant le voyage de Goldoni en France. Goldoni était alors pour Diderot un étranger qu’on lui opposait, qu’on l’accusait d’avoir volé ; il n’avait aucune raison d’être aimable avec lui. Sa position était donc bien différente de celle que lui fait Goldoni en présentant comme ayant été publiés, lui présent, les passages dont il se plaint dans le paragraphe suivant.
  6. « Qu’on ne rappelle pas des souvenirs fâcheux et que tout ce qui s’est passé soit enseveli dans l’oubli. »