Le Père Duchesne (n°261)

Ce document est un des numéros du Père Duchesne.
Le Père Duchesne238 à 300 (p. 1-8).
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Je suis le véritable pere Duchesne, foutre !


LA GRANDE JOIE
DU
PERE DUCHESNE,
De voir que toutes les communes de la république se rallient autour de la constitution, que sa majesté Buzoine commence à jouer au roi dépouillé, et qu'avant qu'il soit l'âge d'un petit chien, les départemens rendront justice aux Parisiens, malgré les accapareurs de Marseille et de Bordeaux et les marchands de galon de Lyon.

Aa majesté Buzotine commence à jouer au roi dépouillé. Chaque jour lui enlève de nouveaux sujets. Par-tout où la constitution est connue, les aristocrates ont le nez cassé. Déjà plusieurs communes du Calvados l'ont acceptée ; déjà plusieurs sections de Bordeaux ont fait pâlir les marchands de sucre, en adoptant cet évangile de tous les peuples libres. Tous les bons citoyens, en examinant cette constitution, se disent : voilà pourtant l'ouvrage de la Montagne ; sans elle nous serions encore au premier chant de matines, puisqu'elle a pu faire dans quinze jours et que la convention n'avoit pu seulement espérer dans neuf mois de travail. Il faut donc que cette Montagne soit la fine fleur de la république. Les Montagnards ne sont donc pas des voleurs de grand chemin, puisqu'ils font les lois les plus sages pour maintenir les propriétés ? Ils ne sont donc pas des anarchistes, des désorganisateurs, puisqu'eux seuls veulent faire cesser l'anarchie ; en établissement le règle de la loi ? Nos frères de Paris avoient donc raison de défendre cette sainte Montagne ? C'est à tort que nous les avons accusés. Les hommes du 14 juillet et du 10 août ne pouvoient nous tromper. Encore une fois nous leur devons le salut de la république. »

Oui, foutre, c'est ainsi que raisonnent tous les francs Sans-Culottes du Calvados, du Finistère, de la Gironde, de Lyon, de Marseille. S'ils ont été un moment égarés par des avocats à langues dorées, ou par les accapareurs, le flambeau de la vérité les va faire rentrer dans le bon chemin. Ils vont connoître les véritables amis de la république. Vous êtes démasqués, bourgres d'aboyeurs qui vous égosilliez à force de répéter la loi, la loi, quand il n'existoit point de loi, et qui n'en voulez plus quand nous en avons. Vous êtes démasqués, infâmes tripotiers de la Gironde, qui vouliez anéantir Paris, pour vous enrichir de ses dépouilles ; toutes vos bougres de manigances avec Barbaroux, et tous les corsaires de Marseille, prouvent que vous vouliez vous comparer de toutes les richesses de la France. Il est clair que les marchands de galon de Lyon sont d'accord avec vous pour perdre les départemens du Nord ; aussi, foutre, les Rouennais, qui ont le nez fin, n'ont-ils pas donné dans le gobas, ils ont sneti que votre bougre de fédéralisme ne visoit qu'à les ruiner ; car, foutre, Paris est une excellente vache à lait pour la ci-devant Normandie. C'est de-là, foutre, que nous tirons toutes nos provisions.

Si le vœu des Brissotins étoit accompli, s'il étoit possible qu'un jour on cherchât le lieu où exista Paris, tous les fabricans, manufacturiers et commerçans de Rouen pourroient aller chercher des chalans dans la lune. Qu'on ne dise pas, foutre, que Paris est un gouffre qui engloutit tout ; car quelque chose qui arrive, il faudra que la république ait un centre, et dans quelque lieu qu'on le porte, soit dans le royaume de Buzot, ou dans les landes de Bordeaux, ce seroit toujours un second Paris. Je sais, foutre, qu'un certain vagabond, nommé Pierre, et auquel on donna le sobriquet de Grand, parce qu'il avoit un grand ministre, quand il vint à Paris, fut curieux de contempler, du haut du Mont-Valérien, cette immense fourmillière. On assure qu'il dit, en voyant tant de clochers, tant de maisons, tant d'édifices entassés les uns sur les autres : Ah, si tu m'appartenois, comme je te brûlerois.

Il n'y a qu'un roi, foutre, qui puisse tenir un pareil langage. Il y a apparence que cet empereur, en réfléchissant que Paris étoit le centre des lumières, entrevoyoit notre révolution. Il se doutoit bien que tôt ou tard un million d'hommes réunis prendroit la chèvre par la barbe, et se lasseroit d'être gouvernés par des putains et des maqueraux. Une grande ville est toujours l'épouvantail de la tyrannie. Un despote n'est pas en sûreté. Il y a trop d'yeux et d'oreilles. C'est pour cette raison, foutre, que Louis XIV fit bâtir Versailles ; mais, foutre, si les rois ont intérêt de séparer leurs esclaves, pour diminuer leurs forces, une république doit au contraire ramasser les citoyens, pour mieux les faire agir. Les grandes villes en sont le soutien. Qu'auroit fait l'assemblée constituante, si elle avoit été placée dansune bourgade ; qu'auroit-elle pu opposer aux gardes de Capet, à tous les assassins de la louve autrichienne ! Une bicoque auroit-elle bravé l'armée de Broglie ? Y auroit-il jamois eu un 12 Juillet, un 6 Octobre, un 10 Août, un 31 Mai, si Paris n'avoit pas existé ? Pourquoi donc, foutre, faire un (?) à ce Paris d'avoir tant de fois sauvé la France ? Est-ce que Paris est une ville à part ? N'est-elle pas le rendez-vous de l'univers, le séjour de tous les Français ? Ses habitans sont presque tous nés dans d'autres départemens ; ils y ont leurs pères, leurs mères, leurs parens, leurs amis.

Il y a de la badauderie, foutre, à répondre à toutes les calomnies des traîtés qui nous accusent. Ne leur opposons que les faits, et tous les départemens penseront comme nous. On nous reproche des meurtres, des assassinats, on nous fout sans cesse au nez les massacres du 2 et 3 septembre, et cependant dans ces jours de vengeance et de justice il n'est péri que des scélérats qui avoient précipité la France à deux doigts de sa perte. Ces massacres ont été conduits par les coquins qui les reprochent à des hommes purs qui, dans leur vie, n'ont pas versé une seule goutte de sang. On a la preuve maintenant que Manuel laissa égorger les prisonniers de l'Abbaye, parce que le Feuillant Boquillon, à qui il en vouloit, y étoit renfermé. On sait aussi que Brissot lâcha la meute de ses mouchars pur septembriser ceux de la Conciergerie, ; parce que son ennemi, Morande y étoit. Tous ces massacres d'ailleurs ont été exécutés par des étrangers, et le vertueux Pétion, alors rustre, ne fît pas un pas pour les empêcher. Que les départemens qui sont encore buzottés réfléchissent à tous les coups de chien dont nous avons été témoins, qu'ils se mettent à notre place, et qu'ils disent s'ils auroient eu autant de patience que nous ! Ils ont cru sur parole, les Mandrins du côté droit, qui ne revoient que des poignards, et cependant pas un de ces renegats de Sans-Culotterie n'a reçu une chiquenaude, tandis, foutre, que trois députés de la Montagne ont été massacrés. Les égorgeurs sont donc parmi les crapauds du Marais, tandis, foutre, que la raison et la justice sont opprimées, outragées au haut de la sainte Montagne ! Marat étoit donc bien terrible pour les traîtres, puisqu'ils s'en sont délivrées par l'action la plus lâche, et le plus exécrable des forfaits ! Frères et amis des départemens, songez que vous nous devez la liberté, l'égalité, la république, et que pour récompense, nous n'avons eu jusqu'à ce jour que la misère et les assassinats, foutre.




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De l'Imprimerie de Cour des Miracles, rue Neuve
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