Le Père Duchesne (n°260)

Ce document est un des numéros du Père Duchesne.
Le Père Duchesne238 à 300 (p. 1-8).
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Je suis le véritable pere Duchesne, foutre !


LA GRANDE DOULEUR
DU PERE DUCHESNE.
Au sujet de la mort de Marat assassiné à coups de couteau par une garce du Calvados, dont l'évêque Fauchet étoit le directeur. Ses bons avis aux braves Sans-Culottes pour qu'ils se tiennent sans cesse sur leurs gardes ; attendu qu'il y a dans Paris plusieurs milliers de tondus de la Vendée qui ont la patte graissée pour égorge tous les bons citoyens.


Marat n'est plus, foutre, Peuple, gémis, pleures ton meilleur ami, il meurt martyr de la liberté. C'est le Calvados qui a vomi le monstre sous les coups duquel il vient de périr. Une jeune fille, ou plutôt une folle (?) par les prêtres, et pénitenté, (?), du cafard Fauchet, part de Caen pour exécuter cet horrible attentat. Elle arrive à Paris, et après avoir acheté un large couteau au Palais, que je ne cesserai d'appeler Royal, puisqu'il est le rendez-vous de tous les fripons de la terre, elle va trois jours consécutifs frapper à la porte de Marat, et demander à lui parler.

Le pauvre bougre, épuisé de travail, ne pouvoit voir ni entendre personne. Cependant la voix plaintive d'une femme, frappe son oreille ; il croit que c'est une infortunée qui vient implorer ses secours. Qu'on ouvre, dit-il : la coquine se présente avec un air dolent et elle s'approche de son bain, où il étoit alors. « Citoyen, lui dit-elle, vous êtes les père des malheureux, le défenseur des opprimés, je m'adresse à vous ; avec confiance, pour obtenir justice. Mon père, vieillard infortuné, bon patriote, gémit dans les fers ». Un vieillard, un père de famille, un bon citoyen est dans les fers, réplique, Marat ; rassurez-vous, jeune citoyenne, je serai son vengeur. C'est m'obliger, que de me procurer l'occasion d'être utile à un homme aussi intéressant. Quel est votre pays..... Caen..... Caen!...... oui, citoyen Marat,..... eh bien, votre département est-il toujours dans l'erreur ? Décidément marchent-ils contre Paris, ces Normands dont on nous fait pleur ? Vous voyez comme Paris est tranquille. Vous pouvez juger par vous-même, les scélérats qui cherchent à allumer la guerre civile. Ils vous disoient que tout étoit ici à feu et à sang, qu'il n'existoit plus de convention, et cependant l'ordre et la paix y règnent et la convention n'a jamais été si grande et plus respectée. Elle reçoit de toutes parts des bénédictions d'avoir fait une constitution toute républicaine, toute populaire.....

Ami du Peuple, à mon tour, permettez-moi de vous faire quelques questions. Que pensez-vous vous-même des députés qui se sont retirés dans notre département ; que leur arrivera-t-il ?... ce qui leur arrivera ; la France va connoître leurs complots criminels. Bientôt ils n'auront plus d'asile, et sous peu la guillotine.....

A ce mot, la guenon tire de son sein le couteau qu'elle avoit caché, et l'enfonce dans la gorge de Marat. Au secours, à moi, s'écria-t-il. Ce mot est le dernier qu'il ait prononcé. Deux femmes accourent, elles voyent le sang jaillit de la plaie, elles veulent arrêter la garce qui vient de commettre ce crime, mais elle bataille et joue des jambes jusqu'à la porte. Les voisins accourent au bruit, et saisissent la scélérate. La garde accourt ; toute la section de Marseille entoure aussi-tôt la porte avec ses canons.

Cette fatale nouvelle est bientôt répandue dans tout Paris. Les aristocrates sont au comble de la joie. Les bons citoyens au désespoir vont pleurer sur le lit de leur véritable ami. Je ne fus pas des derniers à m'y rendre, foutre, et j'assistai à l'interrogatoire de la coquine. Elle a la douceur d'une chaire qui fait patte de velours, pour mieux égratigner ; elle ne paroissoit pas plus troublée, que si elle avoit fait la meilleure action. Le commissaire lui demande son nom ; elle répond qu'elle s'appelle Charlotte Cordet, fille d'un ci-devant gentilhomme, elle tranquillement son chapelet

d'en avoir, seule la gloire."

Si je m'érois cra, j'aurois mis cette tigresse de mettre Paris sans dessus-dessous, que de massacrer en détail les bons citoyens, Robespierre, Pache, Chaumet & moi, nous sommes sur leurs listes. Tous les jours je reçois des billets doux, dans lesquels on m'annonce que je dois être massacré, pendu, rompu, brûlé à petit feu, d'autres me (?) qu'ils mangeront mon (?) en papillotes ; d'autres qu'ils boiront mon sang, d'autres qu'ils me fendront le crâne, et boiront dedans à la santé du roi.

Je me fous des menaces, et elles ne m'empêcheront pas de dire la vérité ; tant qu'il me restera un soufle, je défendrai les droits du peuple et ma république, foutre. Ma vie n'est point à moi, elle est à ma patrie, et je serai trop heureux si ma mort pouvoit être utile à la Sans-Culotterie qui, malgré les assassins et les empoisonneurs, sera toujours la plus forte, Si je meurs, au surplus, ce sera le plus tard que je pourrai, et j'ai de quoi répondre aux scélérats qui m'attaqueront. J'invite les bons citoyens à se tenir sur leurs gardes, à protéger les véritables amis du peuple. Malheureusement Page:Hébert, Jacques-René - Le Père Duchesne (n°238-n°300).pdf/186 Page:Hébert, Jacques-René - Le Père Duchesne (n°238-n°300).pdf/187