Le Pèlerinage du chrétien à la cité céleste/8


CHAPITRE VIII.


Chrétien passe heureusement devant les lions (le Monde et le Diable), et arrive au Palais magnifique, où il reçoit un tres-bon accueil.

Je vis alors que Chrétien pressait le pas afin d’aller, si possible, loger, pour cette nuit, dans le Palais magnifique. Il n’en était pas très-éloigné, et venait d’entrer dans un passage étroit qui n’était qu’à environ deux cents pas de la loge du portier, lorsque, regardant attentivement devant lui, il aperçut des deux côtés du chemin les deux lions. Je vois maintenant, se dit-il, ce qui a fait reculer Timide et Défiant. (Les lions étaient enchaînés, mais Chrétien ne voyait pas leurs chaînes.) Saisi de frayeur, et croyant voir la mort devant lui, il était sur le point de retourner aussi en arrière. Mais le portier du palais, dont le nom était Vigilant, s’apercevant que Chrétien s’arrêtait tout court, et faisait mine de s’en retourner, lui cria : Avez-vous donc si peu de courage ? N’ayez pas peur de ces lions, car ils sont enchaînés ; ils ne sont là que pour éprouver la foi des fidèles et pour manifester l’incrédulité de ceux qui ne croient pas : ayez seulement soin de marcher au milieu du chemin, et il ne vous arrivera aucun mal.

Alors je vis Chrétien s’avancer, quoique en tremblant de frayeur ; en passant, il entendit rugir les lions, mais comme il suivit exactement les directions qu’il venait de recevoir, ils ne lui firent aucun mal. Quand il eut traversé ce dangereux passage, il sauta de joie et continua sa route, jusqu’à ce qu’il fut arrivé devant la loge du portier, auquel il dit : Quelle est cette maison ? pourrais-je y passer la nuit ? — Cette maison, répondit le portier, a été bâtie par le Seigneur de la colline pour servir de retraite et d’abri aux pèlerins. Mais d’où venez-vous et où allez-vous ?

Chrétien. Je viens de la ville de Perdition et je vais à la montagne de Sion ; mais comme le soleil est couché, je voudrais, si possible, passer la nuit ici.

Le portier. Comment vous appelez-vous ?

Chrétien. Je me nomme maintenant Chrétien ; autrefois je m’appelais Sans-Grâce. Je suis de la race de Japhet, que l’Eternel veut faire habiter dans les tabernacles de Sem[1].

Le portier. Mais comment se fait-il que vous arriviez si tard ? le soleil est déjà couché.

Chrétien. Je serais arrivé bien plus tôt si je n’avais pas eu le malheur de m’endormir sous le berceau qui est de l’autre côté de la colline, et si je n’avais pas perdu mon passeport pendant mon sommeil ; je suis parvenu au sommet de la colline sans m’apercevoir que je ne l’avais plus ; quand j’ai découvert qu’il me manquait, j’ai dû retourner, la douleur dans l’ame, jusqu’à l’endroit où je, m’étais endormi, et où j’ai retrouvé mon rouleau. Voilà pourquoi j’arrive si tard.

Le portier. Puisqu’il en est ainsi, je vais appeler une des jeunes filles qui gardent ce palais. Si vos réponses la satisfont, elle vous introduira dans le palais. Le portier tira la cloche, et une jeune personne dont la figure était fort belle et sérieuse, et qui se nommait Discrétion, sortit de la maison et demanda ce qu’on lui voulait.

Le portier prit la parole : Cet homme, dit-il, est un voyageur qui se rend de la ville de la Perdition à la Cité céleste ; il est fatigué ; les ténèbres l’empêchent de continuer sa route, et il m’a demandé s’il pourrait passer la nuit ici. Je lui ai dit que je vous appellerais, et qu’après vous être entretenue avec lui vous en décideriez selon l’usage de cette maison.

La jeune demoiselle demanda alors à Chrétien d’où il était et où il allait, comment il s’était mis en route, qui il avait rencontré et ce qui lui était arrivé pendant son voyage ; elle finit par lui demander son nom. Il répondit qu’il s’appelait Chrétien, et je désire d’autant plus, ajouta-t-il, passer la nuit ici, que j’ai entendu dire que ce palais a été bâti pour l’agrément et la sûreté des pèlerins. À ces mots Discrétion, sourit ; les larmes lui vinrent aux yeux, et, après un moment de silence, elle dit : Je vais appeler deux ou trois de mes compagnes. Elle courut vers la porte, et appela Prudence, Piété et Charité, qui, après s’être entretenues quelques instants avec le pèlerin, le firent entrer. Sur le seuil de la porte il rencontra plusieurs autres personnes qui lui dirent : « Entrez, béni de l’Éternel : cette maison a été destinée par le Seigneur du lieu à servir de refuge à des voyageurs tels que vous. » Chrétien s’inclina et les suivit ; quand il fut entré et qu’il se fut assis, elles lui offrirent des rafraîchissements ; et, pour mettre le temps à profit, en attendant le souper, Prudence, Charité et Piété eurent avec lui la conversation suivante :

Piété. Venez, fidèle Chrétien ; puisque nous vous avons reçu chez nous, parlons, pour notre édification mutuelle, des choses qui vous sont arrivées dans votre voyage.

Chrétien. Je ne demande pas mieux.

Piété. Qu’est-ce qui vous a engagé à entreprendre ce long voyage ?

Chrétien. La perspective de l’inévitable destruction qui m’attendait, si j’étais resté dans mon pays natal, m’a déterminé à m’en éloigner.

Piété. Mais d’où vient que vous avez dirigé vos pas de ce côté ?

Chrétien. C’est Dieu qui l’a voulu ainsi ; car, tandis que, poursuivi par la crainte de périr et ne sachant de quel côté fuir, je répandais des torrents de larmes et tremblais à la pensée du danger qui me menaçait, un homme, nommé Évangéliste, vint à moi et me dit que je devais passer par la porte étroite ; il m’en indiqua le chemin, que je n’aurais jamais pu trouver sans lui, et c’est ainsi que je suis parvenu jusqu’ici.

Piété. Mais n’avez-vous pas passé par la maison de l’Interprète ?

Chrétien. Oui ; j’y ai vu des choses que je n’oublierai jamais. D’abord, comment Christ opère, en dépit de Satan, son œuvre de grâce dans l’ame ; ensuite comment l’homme peut se priver par ses péchés de tout espoir de miséricorde. J’ai rencontré aussi chez l’Interprète l’homme qui avait rêvé que le jour du jugement dernier était arrivé.

Piété. Vous a-t-il raconté son rêve ?

Chrétien. Oui ; c’était un rêve affreux ; j’ai frémi en le lui entendant raconter : cependant je suis bien aise qu’il m’en ait fait le récit.

Piété. Est-ce là tout ce que vous avez vu chez l’Interprète ?

Chrétien. Non ; il m’a encore montré un palais magnifique, dont les habitants avaient des vêtements d’or, et dans lequel j’ai vu pénétrer un vaillant homme qui s’est frayé un chemin au travers des soldats armés qui en défendaient l’entrée, et qui a ensuite obtenu une gloire éternelle. Si je ne m’étais pas rappelé que j’avais encore beaucoup de chemin à faire, j’aurais volontiers passé une année dans la demeure de ce brave Interprète.

Piété. Et qu’avez-vous encore vu pendant votre voyage ?

Chrétien. Un peu plus loin, j’arrivai devant une croix à laquelle était attaché un homme dont le sang coulait ; et à cet aspect, je sentis le pesant fardeau sous lequel je gémissais, tomber de dessus mes épaules. Jamais je n’avais vu ni éprouvé rien de semblable, et tandis que, dans mon étonnement, je considérais attentivement la croix, sans pouvoir en détourner mes regards, trois personnages resplendissants de lumière s’approchèrent de moi : le premier me déclara que mes péchés m’étaient pardonnés, le second me dépouilla de mes haillons et me donna les magnifiques vêtements que je porte ; le troisième mit sur mon front la marque que vous y voyez, et me remit ce rouleau de parchemin fermé d’un sceau. En disant ces mots, il tira le rouleau de son sein.

Piété. Mais ce n’est pas là tout ce que vous avez vu ?

Chrétien. Je vous ai parlé des choses les plus remarquables : j’ai rencontré encore trois hommes nommés Inconsidéré, Paresseux et Présomptueux, qui étaient endormis à côté du chemin, et qui avaient des fers aux pieds ; mais je n’ai pu réussir à les réveiller. J’ai aussi vu Formaliste et Hypocrite passer par-dessus la muraille, pour se rendre, disaient-ils, à Sion ; mais ils ne tardèrent pas à s’égarer comme je le leur avais annoncé, sans pouvoir les persuader. Ce que j’ai trouvé de plus difficile, c’est de gravir cette colline, comme aussi de passer devant la gueule des lions, et, sans le portier du palais, je crois vraiment que je serais retourné sur mes pas ; mais maintenant je rends grâces à Dieu de ce que je suis ici, et je vous remercie de m’avoir reçu chez vous.

Alors Prudence prit la parole à son tour. Ne pensez-vous pas quelquefois, dit-elle, au pays que vous avez quitté ?

Chrétien. Oui, mais c’est avec un sentiment de honte et d’horreur[2]. Si j’avais eu le moindre désir de retourner dans ma patrie, j’en aurais facilement trouvé l’occasion ; mais maintenant je désire une meilleure patrie, une patrie céleste.

Prudence. N’avez-vous emporté avec vous aucune des choses qui remplissaient votre cœur ?

Chrétien. Je n’en ai que trop emporté, mais Lien malgré moi. Je gémis surtout de retrouver encore en moi tant de ces mauvaises pensées dans lesquelles je me plaisais autrefois, et qui ne sont aujourd’hui pour moi que des sujets de douleur. Si j’en étais le maître, je les bannirais à jamais de mon esprit[3] ; mais lorsque je voudrais faire le bien, le mal est attaché à moi.

Prudence. Ne vous semble-t-il pas quelquefois que vous êtes parvenu à vaincre entièrement ces mauvais sentiments qui, dans d autres moments, sont pour vous un sujet d’affliction et d’angoisse ?

Chrétien. Oui ; mais, hélas ! ce bonheur m’arrive bien rarement.

Prudence. Vous souvenez-vous comment vous parvenez à triompher de ces sensations ?

Chrétien. Oui ; j’y parviens quand je réfléchis à ce que j’ai vu au pied de la croix, ou quand je regarde le magnifique vêtement qui m’a été donné, ou aussi quand je lis dans le rouleau de parchemin que je porte dans mon sein, ou enfin quand la pensée du lieu où je vais m’anime et m’encourage.

Prudence. Qu’est-ce qui vous inspire un si vif désir de parvenir à la montagne de Sion ?

Chrétien. L’espérance d’être avec celui que j’ai vu suspendu à la croix, et qui maintenant est vivant, et celle d’être à jamais débarrassé de tout ce qui entrave maintenant mon voyage : on dit que sur la montagne de Sion la mort ne sera plus, et que j’y habiterai avec ceux dont j’apprécie le plus la société[4] ; et, pour dire vrai, j’aime celui qui m’a délivré de mon fardeau ; je suis fatigué de la maladie de mon ame ; je voudrais être déjà dans ce séjour où je ne mourrai plus, et au milieu de ceux qui chantent continuellement : « Saint, saint, saint est l’Éternel des armées.

Charité demanda ensuite à Chrétien s’il était marié et s’il avait des enfants.

Chrétien. J’ai une femme et quatre enfants.

Charité. Et pourquoi ne les avez-vous pas amenés avec vous ?

Alors Chrétien répandit quelques larmes et dit : Oh ! quelle joie j’aurais éprouvée si j’avais pu les prendre avec moi ; mais ils désapprouvaient tous hautement mon projet de voyage.

Charité. Mais vous auriez dû leur parler et leur représenter le danger auquel ils s’exposaient en demeurant en arrière ?

Chrétien. C’est ce que j’ai fait. Je leur ai dit que Dieu m’avait déclaré que notre ville serait détruite ; mais ils ont traité de folie tout ce que je leur disais, et n’ont pas voulu me croire[5].

Charité. Et avez-vous prié Dieu de bénir les exhortations que vous leur avez adressées ?

Chrétien. Assurément, de tout mon cœur ; car ma femme et mes pauvres enfants me sont bien chers.

Charité. Mais leur avez-vous exprimé votre douleur et la crainte que vous aviez de la destruction qui vous menaçait ? Car je suppose que, quant à vous, vous n’aviez aucun doute sur le sort auquel vous étiez exposé ?

Chrétien. Je ne cessais de leur en parler. D’ailleurs, l’expression de ma figure, mes larmes, et le tremblement qui me saisissait à la pensée des jugements qui nous menaçaient, leur montraient assez combien j’étais alarmé ; mais rien de tout cela n’a pu les engager à me suivre.

Charité. Mais quelles raisons ont-ils alléguées pour s’excuser de ne pas vous accompagner ?

Chrétien. Ma femme ne pouvait se résoudre à renoncer au monde, et mes enfants étaient retenus par leur goût pour les vains plaisirs de la jeunesse, de sorte que, sous un prétexte ou sous un autre, ils ont tous refusé de me suivre.

Charité. N’auriez-vous point détruit par votre conduite l’effet des paroles par lesquelles vous cherchiez à les engager à vous suivre ?

Chrétien. Pour dire la vérité, je ne puis, je l’avoue, faire l’éloge de ma conduite ; car je sens qu’à plusieurs égards elle n’était pas ce qu’elle aurait dû être. Je n’ignore pas non plus qu’il est bien facile de détruire par sa manière de vivre l’influence des exhortations qu’on adresse au prochain pour son bien. Cependant, j’ose affirmer que je craignais beaucoup de faire quoi que ce soit qui pût détourner ma famille de partir avec moi ; au point qu’ils m’accusaient d’une trop grande rigidité, et disaient que je me refusais des choses auxquelles ils ne voyaient aucun mal. Je crois même pouvoir dire que, si quelque chose dans ma conduite leur a été en scandale, c’est surtout le soin que j’ai mis à ne pas offenser Dieu et à ne faire aucun tort à mon prochain.

Charité. Caïn haïssait son frère[6], « parce que ses propres œuvres étaient mauvaises, et que celles de son frère étaient justes. » Si c’est par une raison semblable que votre femme et vos enfants se sont scandalisés de vous, ils ont montré par là l’endurcissement de leur cœur, et leur sang ne vous sera pas redemandé[7].

Ils s’entretinrent ainsi ensemble jusqu’à l’heure du souper. Lorsqu’il fut prêt, ils se mirent à table : on leur servit un banquet de choses exquises et de vins délicieux. Leur conversation, pendant le repas, roula tout entière sur le Seigneur du lieu, sur ce qu’il avait fait, sur les raisons qui l’avaient déterminé à agir comme il lavait fait, et sur celles qui l’avaient porté à bâtir cette maison ; je compris, par ce que j’entendis dire, que ce Seigneur avait été un grand guerrier ; qu’il avait combattu et vaincu celui qui avait l’empire de la mort[8], mais non sans courir lui-même de grands dangers, ce qui augmenta encore mon amour pour lui ; car je suis persuadé qu’il a, comme on l’assure, versé son sang dans cette lutte ; et, ce qui rehausse sa gloire et sa miséricorde dans tout ce qu’il a fait, c’est qu’il n’a eu d’autre mobile que l’amour le plus pur et le plus désintéressé pour son pays. D’ailleurs, quelques personnes de sa maison, qui m’ont dit l’avoir vu et lui avoir parlé, depuis sa mort sur la croix, affirment lui avoir entendu dire à lui-même qu’il a pour les pauvres pèlerins le plus grand amour, un amour qui n’a jamais eu d’égal ; tellement qu’il s’est dépouillé de sa gloire par charité pour eux, et qu’il a déclaré ne vouloir pas habiter seul sur la montagne de Sion. Aussi a-t-il élevé au rang de princes plusieurs pèlerins de la plus humble et de la plus basse extraction[9].

Chrétien s’entretint de la sorte avec ses hôtes jusqu’à une heure fort avancée de la nuit ; et, après s’être recommandés à la protection de leur Seigneur, ils allèrent se livrer au repos : on conduisit le pèlerin à une chambre haute, dont la croisée donnait du côté de l’Orient ; le nom de cette chambre était la Paix, et il y dormit jusqu’au point du jour ; puis il se leva, et chanta une hymne.

Quand il eut rejoint ses compagnes de la veille, elles lui dirent qu’elles ne le laisseraient pas partir sans lui montrer les curiosités du lieu. D’abord elles le conduisirent dans un cabinet d’étude, où elles lui firent voir des objets de la plus haute antiquité, entre autres la généalogie du Seigneur de la colline, fils de l’Ancien des jours ; elles lui montrèrent aussi le registre de toutes les actions qu’il a faites, et les noms d’une multitude de personnes qu’il a prises à son service et qu’il a placées dans des demeures impérissables à l’abri des ravages du temps.

Elles lurent ensuite à Chrétien le récit de quelques-unes des actions mémorables des serviteurs du maître de la colline, et lui apprirent « qu’ils ont conquis des royaumes, exercé la justice, obtenu l’effet des promesses, fermé la gueule des lions, éteint la force du feu, échappé au tranchant des épées, qu’ils ont été guéris de leurs maladies, se sont montrés vaillants dans la guerre, et ont mis en fuite des armées ennemies[10]. »

Elles lui firent voir encore, dans une autre partie des registres de la maison, que le Seigneur est toujours disposé à faire grâce même à ceux qui l’ont le plus grièvement offensé, et qui se sont le plus ouvertement opposés à ses desseins. Elles lui lurent une foule de documents remarquables, contenant le récit d’événements anciens et d’événements modernes, et des prédictions dont l’accomplissement a porté la terreur dans l’ame des adversaires et la consolation et la joie dans celle des pèlerins.

Le jour suivant, elles conduisirent Chrétien dans l’arsenal de la maison, où elles lui montrèrent toutes sortes d’armes dont le Seigneur a accoutumé de pourvoir les pèlerins, telles que des épées, des boucliers, des casques, des cuirasses, des chaussures qui ne s’usent point, et enfin une arme appelée la Prière continuelle. Cet arsenal était si bien fourni, qu’on aurait pu armer, pour le service du Seigneur, autant d’hommes qu’il y a d’étoiles dans le ciel.

Elles lui montrèrent aussi les divers objets avec lesquels ses serviteurs ont opéré de merveilleux exploits, tels que la verge de Moïse, les flambeaux et les trompettes au moyen desquels Gédéon mit en fuite les Madianites, la fronde de David et la pierre avec laquelle il tua le géant Goliath, et enfin l’épée avec laquelle le Seigneur du lieu tuera l’homme de péché au jour qu’il se lèvera pour se jeter sur sa proie. Toutes ces choses intéressèrent vivement Chrétien, qui les examina avec soin ; après quoi ils se séparèrent de nouveau, et chacun alla se livrer au repos.

Le lendemain, il se leva de très-bonne heure pour continuer son voyage ; mais ses hôtesses l’engagèrent à passer encore ce jour-là dans le palais. Si le temps est beau, lui dirent-elles, nous vous montrerons la Montagne des Délices, dont la vue vous réjouira ; car cette montagne est plus près encore du port du salut que l’endroit ou nous sommes. Chrétien consentit à rester. Au milieu du jour, elles le conduisirent au haut de la maison, et lui dirent de regarder du côté du midi : il découvrit alors, à une grande distance, un pays montagneux, dont l’aspect était tout-à-fait agréable, et où l’on apercevait des forêts, des vignes, des fruits de toute espèce et même des fleurs : on y voyait aussi des ruisseaux et des chutes d’eaux[11]. Alors Chrétien demanda quel était le nom de ce pays-là. Elles lui répondirent qu’il s’appelait le Pays d’Emmanuel, et que l’accès en était ouvert à tous les pèlerins. Quand vous y serez arrivé, ajoutèrent-elles, les bergers qui l’habitent vous montreront la porte de la Cité céleste.

  1. Gen. IX, 27.
  2. Heb. XI, 15, 16.
  3. Rom. VII, 21.
  4. Es. XXV, 8. Apoc XXI, 3, 4.
  5. Gen. XIX, 14.
  6. 1 Jean III, 12.
  7. Ezech. III, 19.
  8. Heb. II, 14, 15.
  9. 1 Sam. II, 8. Ps. CXIII, 7.
  10. Heb. XI, 33, 34.
  11. Es. XXXIII, 16, 17.