Le Nouveau chatouilleur des dames/Préface

Le Nouveau chatouilleur des dames traduction de New Ladies tickler
Traduction par Anonyme.
Imprimerie de la société cosmopolite (p. 1-4).

PRÉFACE


L ’éditeur des pages qui vont suivre a pensé qu’il y aurait peut-être quelque intérêt pour le lecteur à savoir comment le manuscrit original a pu tomber en ses mains.

Il y a quelques années, une vieille lady, appartenant à la haute société, vint à mourir subitement à la campagne, dans la maison d’une amie auprès de laquelle elle était en visite.

Elle avait, depuis longtemps, survécu à tous ses parents et amis et n’ayant pas de famille, le peu qu’elle laissait revenait a des collatéraux assez éloignés.

Comme il était notoire qu’elle n’avait pas d’autre fortune que son douaire, dont elle avait l’habitude de dépenser jusqu’au dernier centime, personne n’eut l’idée de retirer quelque profit de sa succession, en sorte que, personne n’y prenant le moindre intérêt, l’éditeur fut chargé d’examiner les meubles de la défunte et de détruire les lettres et les papiers qui lui paraîtraient sans importance.

En procédant à ce travail, il découvrit un ancien et curieux cabinet qui semblait avoir été destiné à recevoir toute sorte de vieux souvenirs ; en effet, les tiroirs étaient remplis de miniatures, de tabatières, de cheveux et d’une quantité de colifichets sans valeur intrinsèque, tout cela mêlé à des billets, des lettres et des copies de pièces de vers.

Lorsqu’il eût vidé les tiroirs, l’éditeur fut frappé de la manière dont ils étaient disposés et de la forme singulière du meuble lui-même ; quelques minutes d’examen lui suffirent pour reconnaître qu’il existait un double-fond dont il n’avait pas visité le contenu. Il eut beaucoup de peine à en trouver le secret, mais réussit enfin à l’ouvrir. Au premier abord, son désappointement fut assez grand de constater qu’il ne renfermait qu’un paquet de lettres dans une enveloppe, avec une suscription de la main de la vieille lady pour en ordonner la destruction, après sa mort, sans ouvrir le pli.

Comme il n’existait plus personne à qui la révélation d’un secret dont la défunte aurait été dépositaire, pût porter préjudice, l’éditeur prit la liberté d’ouvrir le paquet et d’en parcourir le contenu. C’était une collection de lettres écrites par des mains différentes, mais évidemment toutes par des personnes jeunes. L’une de ces écritures était manifestement celle de la vieille lady elle-même, bien qu’elle différât quelque peu de celle de ses dernières années. Ces pages portaient, non seulement les traces de l’âge, mais encore celles d’une lecture fréquente ; on voyait que leur propriétaire n’avait pu résister à la tentation de revenir, de temps en temps, à ces tendres souvenirs des joies de sa jeunesse, et qu’elle les avait conservées dans ce but. Une note ajoutée à l’une des lettres indiquait que les siennes lui avaient été retournées par son amie, morte longtemps avant elle, en sorte que la collection était complète.

Le contenu de cette correspondance intéressa si fort l’éditeur, qu’avant de la détruire, comme le demandaient les instructions qui s’y trouvaient jointes, il se permit d’en prendre une copie pour son propre usage, et ce sont ces lettres qu’il présente maintenant au public dans l’espoir que d’autres y trouveront autant de plaisir qu’il en a trouvé lui-même.

La vieille lady avait eu soin d’effacer les noms des personnes et des lieux dont il est question dans cette histoire, de manière à ne pas mettre sur la trace des véritables acteurs de ces scènes de plaisir. Le seul changement apporté par l’éditeur a consisté dans le choix de celles de ces lettres qui avaient trait au même sujet, en ayant soin de les placer les unes à côté des autres, de manière à présenter une narration continue, sans distraire l’attention du lecteur, comme c’eut été le cas s’il avait dû passer d’une suite d’aventures à une autre.

Si la présente série reçoit un accueil favorable, comme l’éditeur ose l’espérer le reste pourra, sans doute, paraître quelque jour.