Librairie Fischbacher (p. Grav.-46).
Dans l’enclos des poules, Jeanne donne du grain aux poussins. Elle puise le grain dans son tablier qu’elle a relevé.
Les petits poulets

Chapitre V

Les petits Poulets.

« Maman, » dit Jeanne, « je n’ai pas vu Grisette depuis plusieurs jours. J’espère qu’elle n’a pas été mangée par un chat. »

— « Je ne le pense pas, » dit Maman. « Viens avec moi, et nous allons voir si elle n’est pas cachée quelque part dans le poulailler. »

Maman et Jeanne cherchent Grisette partout, mais ne la trouvent pas.

Tout à coup Jeanne s’écrie :

« Ah ! la voici, dans ce petit coin noir ! Elle est couchée sur de la paille. Oh ! Maman, je crois qu’elle est morte ! elle ne bouge pas, et sa tête est cachée dans ses plumes. »

Mais Maman dit :

« Non, elle n’est pas morte. Elle est en train de couver. »

— « Qu’est-ce que cela veut dire, Maman ? »

— « Cela veut dire qu’elle est couchée sur ses œufs pour les tenir au chaud, jusqu’à ce que les petits poulets en sortent. »

— « Est-ce qu’il va y avoir des petits poulets ? »

— « Oui, dans quelques jours. »

— « Quel bonheur ! » dit Jeanne, en sautant de joie.

— « Maintenant, » dit Maman, « il faut donner à manger à Grisette, parce qu’elle ne voudra pas quitter ses œufs, même pour déjeuner. Apporte-lui un peu de grain. »

Jeanne court chercher du blé noir dans son tablier.

Elle en met un peu dans le creux de sa main et la tend vers la poule.

Grisette mange volontiers dans la main de Jeanne.

« Regarde, Maman : elle n’a pas du tout peur de moi, » dit Jeanne, très contente.

Elle veut caresser la poule tout doucement ; mais Grisette se retourne et lui donne un coup de bec.

« Oh ! la méchante ! » s’écrie Jeanne : « Elle m’a donné un coup de bec. »

— « Elle n’est pas méchante, » dit Maman ; « mais elle n’aime pas qu’on la touche pendant qu’elle couve. Elle a sans doute peur que tu prennes ses chers œufs. »

Jeanne est très impatiente de voir sortir les petits poulets ; mais Maman dit qu’il faut attendre encore dix jours, au moins, pour cela.

Dix jours, c’est bien long, n’est-ce pas ?

Tous les jours, Jeanne va donner à manger à Grisette.

Enfin, un matin, elle entend un tout petit bruit :

« Piou ! piou ! »

Qu’est-ce que c’est ?

Elle court vite, vite, appeler Maman.

« Maman ! Maman ! J’entends un si drôle de bruit sous Grisette ! Viens vite voir ce que c’est. »

Maman va au poulailler avec Jeanne et se penche sur Grisette pour écouter.

« Piou ! piou ! » on entend le même petit bruit.

« Ce sont les petits poulets qui font ce bruit, » dit Maman. « Il y en a deux ou trois qui sont sortis de l’œuf. Mais il ne faut pas déranger Grisette jusqu’à ce qu’ils soient tous sortis. »

Jeanne est presque folle de joie.

Elle voudrait que tous les petits poulets soient sortis pour les voir.

Mais Maman dit :

« Allons-nous-en maintenant. Nous reviendrons voir Grisette quand nous aurons fini nos leçons. »

Quand la classe est finie, Jeanne court au poulailler.

Jean, Pierrot et Louisette courent après elle, car eux aussi veulent voir les petits poulets.

Jeanne pousse un cri de joie en entrant dans le poulailler.

Elle voit un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit petits poulets, qui courent tout autour de Grisette en faisant : « Piou ! piou ! »

Et Grisette répond :

« Glouck ! glouck ! »

— « Oh ! les jolis petits poulets ! » dit Jeanne : « Où est Maman ? Appelez-la vite ! »

Maman arrive bientôt.

« Maman, viens voir mes chers petits poulets. N’est-ce pas qu’ils sont gentils ? Ils sont comme de petites boules. Regarde celui-là qui est tout jaune, comme un canari. Celui-ci est gris, et celui-là a des taches brunes sur la tête et sur les ailes. Comme ils ont de drôles de petites ailes ! »

— « Il faut leur donner à manger, » dit Maman.

« Jean, veux-tu demander à Julie de faire cuire un œuf pour les petits poulets. Apporte un peu de mie de pain que nous leur donnerons, en attendant que l’œuf soit cuit. »

Jean revient bientôt avec la mie de pain.

Maman l’émiette et en tend un peu aux poulets.

Les petits poulets n’ont pas peur de Maman.

Ils sautent dans sa main pour mieux saisir les miettes.

« Oh ! les petits gourmands ! » dit Jeanne.

Comme ils mangent vite ! Maman, donne-moi un peu de pain, s’il te plaît, pour que j’en donne aux poulets. »

— « Moi aussi, » dit Jean, « je voudrais bien leur en donner. »

— « Et moi aussi, » dit Pierrot.

— « Et moi aussi, » dit Louisette.

— « Non, » dit Jeanne ; « les petits poulets sont à moi, et c’est seulement moi qui dois leur donner à manger. »

Mais Maman dit :

« Ma petite Jeanne ne voudrait pas priver ses frères et sa sœur du plaisir de donner à manger aux poulets. Ce serait très égoïste. »

Jeanne est bien fâchée d’avoir été égoïste, et elle donne du pain à Jean, à Pierrot et à Louisette, pour que tout le monde puisse donner à manger aux petits poulets.

Lorsque Papa rentre de ses visites, Jeanne le mène voir ses petits poulets.

« N’est-ce pas qu’ils sont gentils, Papa ? » demande-t-elle.

— « Ils paraissent très bons, » dit Papa. « J’ai envie de les manger au dîner. »

— « Oh ! Papa ! Tu ne voudrais pas manger mes jolis petits poulets ! » s’écrie Jeanne, très effrayée.

— « Tu ne savais donc pas que je plaisantais ? » dit Papa en riant et en pinçant la joue de Jeanne. « Ne crains pas, ma petite chérie : je ne voudrais, pour rien au monde, faire de mal à tes poulets. »

Jeanne rit de sa peur, et Papa la met sur son épaule et la porte ainsi jusqu’à la maison.

Tous les matins, Jeanne va donner à manger à ses chers petits poulets.

Elle ne les oublie jamais.

Aussi ils commencent à la connaître si bien, qu’ils courent à sa rencontre dès qu’ils l’aperçoivent, en criant de toutes leurs forces :

« Piou ! piou ! piou ! »