Le Moine et le Philosophe/Tome 2/I/XXXI


Le Roi (2p. 211-236).


CHAPITRE XXXI.

Le Vieillard et le Moine.


Le vieillard parlait, les malades écoutaient, Florestan murmurait, le bon moine se démenait dans son lit ; tant de propositions hérétiques l’épouvantaient. Il roule des yeux égarés, grince des dents, et s’écrie :

Ô saint Pierre ! ô saint Paul ! apôtres de celui qui vint apporter le glaive et non la paix, ainsi qu’il le déclara lui-même ! ô saint prophète Samuel, qui découpâtes comme un poulet le roi d’Amalec ! ô saint prophète Élie, qui fîtes égorger dans le torrent de Cison, sans en laisser échapper un, les huit cent cinquante prophètes de Baal ! Ora pro nobis !!!

Délivrez-nous de ce démon d’hérétique, philosophe, déiste et athée, cet ennemi de notre sainte mère Église, cet antechrist, cet excommunié… Fuyons, chrétiens fidèles, fuyons ! la foudre va frapper cette maison abominable, le feu du ciel va la consumer, l’exterminateur va paraître, les anges de Sodôme sont là, je les vois !… Il les voyait. Il voulut s’échapper de son lit, on l’y retint.

Le vieillard, malgré son audace, avait toujours évité d’entrer en conversation théologique avec le moine. Mais ses cris ayant effrayé les chrétiens, l’hérétique crut devoir attaquer son adversaire, espérant le réduire à garder le silence ; le philosophe fut complétement battu, comme on va le voir.

le vieillard.

Vous m’injuriez, mon frère. Avez-vous manqué de secours ? Ai-je violé l’hospitalité envers vous ? Parlez.

le moine.

Jamais les prophètes n’ont daigné disputer avec les Philistins. Ils invoquaient le ciel vengeur, et la lune s’arrêtait sur Gabaon, en plein midi, pour laisser au peuple de Dieu le temps d’exterminer les infidèles. Jérusalem ne pactisait point avec Samarie.

le vieillard.

Savez-vous si je suis dans l’erreur ?

le moine.

Oui, puisque tu ne penses pas comme moi.

le vieillard.

Si mes opinions sont fausses, démontre-le moi ?

le moine.

Tu ne dois point avoir des opinions. Tu dois croire.

le vieillard.

L’Évangile n’est-il pas notre loi ?

le moine.

Oui et non. Non, pris à la lettre ; oui, expliqué par le Saint-Esprit. Je défie ta raison d’y trouver des évêques, des abbés, des cardinaux, des indulgences, le purgatoire, la dîme et l’infaillibilité du Pape ; et pourtant tout cela, c’est-à-dire, le christianisme, y est sans nul doute. L’Évangile n’est pas la loi, mais la loi est dans l’Évangile, et l’Église seule sait l’y voir. Voilà pourquoi tu ne dois pas le lire, et n’en dois savoir que ce que nous t’en disons. Ignores-tu que le Seigneur punit ceux qui levèrent les yeux sur l’Arche, savoir ; les Philistins, en leur faisant sortir les boyaux du fondement ; et les Hébreux, en en faisant mourir cinquante mille soixante-dix, et que si, moyennant des anus d’or[1], il fit rentrer le rectum des Philistins, à aucun prix il ne ressuscita les Israélites trépassés. Tu comprends : la loi était dans le coffre, si les Juifs n’avaient pas été exterminés pour l’avoir regardé, ils auraient, une autre fois, regardé dans le coffre même, ensuite ils auraient regardé dans le livre de la loi. La curiosité des infidèles était moins dangereuse ; et voilà l’explication de cette différence de traitement critiquée par de mauvais raisonneurs.

le vieillard souriant et se familiarisant.

Traite-moi comme un Philistin ; raisonnons. Si le rectum s’échappe, je te donnerai de l’or, et tu me guériras.

le moine.

Je prendrai ton or, et tu guériras si tu peux. Je te donnerai des indulgences en payant, je ferai même un traité avec toi ; mais, indulgences ni traités ne te serviront. L’Église n’est jamais liée avec les philosophes. Pour rompre ou violer un traité, il suffit qu’elle en ait la force. Dieu pourrait-il être obligé d’épargner le démon ? La guerre entre nous est une guerre éternelle. La vérité ne peut souffrir le mensonge.

le vieillard.

C’est-à-dire, elle est le contraire du mensonge. Mais ceux qui la connaissent doivent-ils donc proscrire ceux qui l’ignorent ! La vérité est exclusive de l’erreur, parce qu’elles sont entièrement dissemblables ; les hommes doivent se tolérer, parce qu’ils se ressemblent en tout. D’ailleurs, qu’est-ce que la vérité ? où est-elle ? à quels signes doit-on la reconnaître ? Mais, dis-moi pourquoi vous avez tant de haine contre les philosophes ?

le moine.

Il faut que les paroles de Dieu s’accomplissent. Que deviendrait son Église si vous triomphiez ? Que seraient devenus les Hébreux, battus par les habitans de la terre promise ? Ils en auraient été chassés, et vous nous empêcheriez de dîmer les gerbes du vilain… Il extermina donc tous les naturels du pays ; il s’égorgea lui-même sur les marches de l’autel, quand le grand-prêtre l’ordonna pour la gloire de Dieu, témoin le massacre de la tribu de Benjamin, le massacre de ceux qui prononcèrent mal le mot schibolet ; témoins tant d’autres massacres, dont le récit chatouille si doucement les âmes pieuses. Il fallait tout cela pour assurer la possession de la terre promise à Israël en général ; il le fallait pour tenir Israël dans l’obéissance à Dieu, représenté par la tribu de Lévi.

L’ancien testament est le type, la figure du nouveau. Le sacerdoce a été transporté des Lévites aux prêtres et aux moines. Nous sommes la tribu gouvernante, et vous autres vous êtes les Philistins, ou les Hébreux, qui prononcez mal ; donc nous avons le droit ; que dis-je ? nous sommes obligés en conscience, soit pour obéir à l’Éternel, soit pour conserver le pouvoir et obtenir les biens promis par le divin époux de la mère Église, d’exterminer les infidèles, les hérétiques, les philosophes, c’est-à-dire, tous ceux qui nous refusent l’obéissance, ou, en d’autres termes, qui sont dans l’erreur, par conséquent hors de l’Église, enfin maudits, excommuniés, livrés en proie ; car il est écrit, hors de l’Église point de salut. Qu’as-tu à répondre, scélérat de philosophe ?

le vieillard.

Tu voudrais donc dépeupler la terre ?

le moine.

Je veux la convertir. D’abord il faudrait, j’en conviens, une grande et presque générale extermination. Mais une fois l’épuration du genre humain terminée, on n’aura plus qu’à assommer partiellement ; ce sera l’affaire des tribunaux, et nous avons des juges à la main. Moyennant la confiscation de vos biens, nous ne manquerons ni de délateurs, ni de grandes dames d’une foi vive et sincère, et de mœurs détestables, qui, en couchant avec les grands, les rois et les juges, les porteront à vous faire expédier pour obtenir d’eux vos dépouilles qu’elles garderont, ou dont elles acheteront des carrosses, des colifichets et des terres nobles (a). La confiscation et les tribunaux épurés (b) feront triompher les saines doctrines.

le vieillard.

Que gagnerons-nous à cela ?

le moine.

Nous n’aurons qu’un Dieu, une foi, une loi.

le vieillard.

Il n’y a qu’un Dieu : tous les peuples en conviennent.

le moine.

Chaque peuple a le sien. Le mien est le Dieu fort et jaloux ; le Dieu d’Isaac et de Jacob, qui a fait le monde en six jours et s’est reposé le septième, parce qu’il y a sept étoiles errantes, sept étoiles dans la petite ourse, sept dans les pléiades ; parce que la lune change tous les sept jours, et que le septième est critique dans les maladies. Ce Dieu a trois personnes : le Père, le Fils et l’Esprit, et ces trois ne sont qu’un. Lactance, précepteur du grand Constantin, ne parle que du Père et du Fils, qui ne font qu’un, dit-il, le Père ne pouvant être sans son Fils, ni le Fils sans son Père ; mais l’Esprit fut reconnu au concile de Nicée, et depuis on a déterminé clairement sa nature. Le Fils naquit à Béthléem, des flancs d’une vierge, et cette naissance avait été prédite par les prophètes, soit expressément, si l’on prend les livres sacrés à la lettre, soit allégoriquement, en les considérant comme types ou figures. Origène démontre que, par la graisse des sacrifices, il faut entendre l’âme de Jésus-Christ ; et, par la queue des animaux sacrifiés, la persévérance dans les bonnes œuvres. La fente du rocher dans lequel Dieu plaça Moïse, afin de n’en être pas vu au visage, est Jésus-Christ, au travers duquel on voit Dieu le père par derrière. On a démontré aussi que le drap rouge mis à la fenêtre par la prostituée de Jéricho, signifie le sang de Jésus répandu pour nos péchés ; que Moïse, levant les mains au ciel, est la croix ; et Joseph, vendu par ses frères, est Jésus-Christ lui-même[3].

Un israélite l’interrompit. — Ce chrétien, dit-il, est un blasphémateur. Je sais bien mieux que lui ce que c’est que le Dieu d’Isaac et de Jacob, car je suis un enfant des patriarches : il est fort et jaloux, mais il n’a point d’enfant ; il n’y a pas un Esprit, procédant du Fils et du Père : autant vaudrait dire qu’il est leur enfant ; mais il est bien vrai que Dieu a donné la terre, non pas à l’Église, mais à Israël ; qu’il a défendu de manger du lièvre et du lapin, et a ordonné d’exterminer tous ceux qui en mangent.

Dieu, ajouta un Indien, je ne sais pas trop ce que c’est ; mais je sais bien certainement qu’il y a trois dieux : le plus grand s’appelle Vistnou, lequel s’est transformé en chien, en tortue, en cochon ; il a seize mille femmes : sa femme chérie est occupée à lui gratter la tête ; une autre lui frotte la plante des pieds. Il y a parmi nous des hérétiques, comme vous dites, qui élèvent Brama au-dessus de lui ; mais quand nous sommes les plus forts nous les tuons, et ils nous le rendent quand ils le peuvent.

Dieu, dit un Sarrazin, est tel que Mahomet nous le fait connaître ; il tient l’être de lui-même ; il n’engendre point et n’est point engendré. Gabriel apporta du ciel l’Alcoran feuille à feuille ; il soumit les infidèles[4] à nous payer le tribut, mais il ordonna de massacrer les hérétiques, et particulièrement les Persans[5].

Vous êtes tous différens, s’écria le vieillard, sur l’histoire de Dieu ; cependant vous vous accordez tous sur un point. Il a, prétendez-vous, ordonné le massacre des hérétiques : qui vous l’a dit ? — À cette question, mille voix répondirent tout-à-coup :

le mahométan.

Les Imans, le Muphti.

l’indien.

Les Bonzes, les Faquirs.

l’israélite.

Les Rabins.

florestan.

Les Prêtres et les Moines.

le moine.

Le vicaire de Jésus-Christ, et l’épouse du doux Sauveur, notre sainte-mère Église.

le vieillard.

Et qui le leur a dit, à eux ?

Cri général.

Dieu !

le vieillard.

Et qui vous a dit que Dieu le leur a dit ?

Cri général.

Les Prêtres !

Le vieillard, un peu déconcerté, se tut, et laissa couler quelques larmes. Le moine, triomphant, se leva debout sur son lit et s’écria :

« Quel triomphe pour l’Église catholique et militante ! Ses dogmes sont adoptés par toutes les nations de la terre ; toutes rendent témoignage de la divinité de la foi. En effet, qu’est-ce que la vérité, sinon, une chose tellement certaine que tous les peuples en conviennent ? Il y a deux choses incontestablement vraies sur la terre comme au ciel : Il est jour, partout où frappent les rayons du soleil ; l’autre vérité est une vérité morale, révélée, attestée par les acclamations générales des peuples qu’elle doit effacer un jour de dessus la terre ; (ce qui est à considérer, car, est-il rien de plus démonstratif de la justice d’un arrêt, que l’aveu du criminel qui a la tête dans la corde ou les pieds sur le bûcher ?) cette vérité, pour la manifestation de laquelle le divin Agneau est mort sous Ponce-Pilate, est celle-ci… Écoutez, Chrétiens, mes frères ! écoutez, race du diable, Sarrazins, Brames, Juifs maudits, vous tous, Gentils, livrés en proie ; et toi, qui es le diable même, scélérat de philosophe ! cette vérité, c’est : « Dieu ordonne de vous exterminer, d’exterminer les païens, les idolâtres, les hérétiques, les schismatiques, les athées, les déistes, les philosophes ; en un mot, toutes les nations qui ne sont pas chrétiennes, et parmi les nations chrétiennes, tous les hommes qui, commençant par raisonner, finiraient par ne pas payer la dîme. » Je dis que tous les peuples conviennent de la vérité de l’ordre divin d’extermination ; je dis que, vous tous, criminels condamnés aux flammes du bûcher et de l’enfer, aux tortures des bourreaux et du démon, vous convenez de la justice de votre arrêt, car vous avouez que Dieu veut l’extirpation des hérétiques, c’est-à-dire de ceux qui ne croient pas ce qu’il veut qu’on croie ; or, ce qu’il veut que l’on croie, c’est précisément ce que nous autres moines, abbés, évêques, diacres, docteurs en théologie, en droit canon, directeurs de consciences, Pères et Frères composant la sainte-mère Église, avons décidé qu’il fallait croire ; nous avons le droit de lier et de délier ; c’est pourquoi nous vous lierons sur le bûcher dès que nous serons assez puissans ; nous ferons descendre le feu du ciel, pour consumer vos corps, et nous enverrons vos âmes rôtir au feu d’enfer. L’Église est l’organe du ciel, et les sociétés religieuses qui lui sont opposées sont les trompettes du mensonge. »

Tu mens, s’écrièrent les malades, ou tu es dans l’erreur ! — Vous êtes dans l’erreur et vous mentez ! riposta vivement le bon moine : vous êtes dans l’erreur, car l’Église le dit ; vous mentez, car vous êtes les enfans du démon. La preuve que Dieu ne vous a pas parlé, c’est que vous tronquez ses paroles. Il veut, dites-vous, l’extermination des hérétiques, et non pas des infidèles ; l’Éternel peut-il transiger avec l’ange des ténèbres ! Vous le faites transiger, donc vous croyez et pratiquez ce qu’il ne faut ni croire ni mettre en pratique ; vous êtes donc dans l’erreur, par conséquent maudits ; donc, vous devez être extirpés, demandez à cet enfant de Jacob.

Il est vrai, répondit l’Hébreu ; l’ordre de Jehovah est de tout passer au fil de l’épée ; ou bien, selon l’occasion, d’exterminer, en sciant les infidèles et les hérétiques avec des scies de fer ; en les découpant avec la hache, avec la herse ; en les brûlant dans des fours à cuire les briques (c).

Eh bien ! interrompit le moine tout radieux, nous sommes venus dans la Palestine, nous, nouveau peuple de Dieu, pour exécuter, contre son ancien peuple, les lois qui lui furent données ; nous sommes venus pour te scier, te découper, te faire cuire dans les fours à briques, toi, ta femme, tes enfans, ton père et ta mère, et ton bœuf et ton âne, et ton serviteur et ta servante, et le lévite qui est dans tes portes, et toute la race maudite d’Isaac et de Jacob ; nous vous avons déjà, en beaucoup d’endroits, sciés, découpés, et cuits, nous continuerons de la même manière, et ne nous reposerons, nous et nos neveux, qu’après avoir scié, découpé ou cuit tous les peuples qui nous refuseront la dîme et les offrandes, l’obéissance et le respect ; afin que, par la soumission des uns et l’extirpation des autres, se vérifie, à l’égard de l’Église, la prophétie de saint Jérémie, de lamentable mémoire : Je t’ai établi sur les nations et les royaumes (d), afin que tu arraches et démolisses ; que tu ruines et détruises, que tu bâtisses et que tu plantes. Pour planter nos bannières, et bâtir nos monastères, dans vos royaumes, nous arracherons, nous démolirons, nous détruirons tout ce qui nous déplaira, nous incommodera, nous résistera ; et cette sainte démolition et destruction durera jusqu’à la fin des siècles, ad majorem Dei gloriam, comme de raison, et jusqu’à ce que son règne advienne.

Ici le saint homme oubliant, dans la joie de son cœur, ses douleurs et sa misère, voulut chanter un alleluia, et faire un saut d’allégresse ; mais il retomba lourdement sur son lit, en poussant des cris déchirans. Il y eut bientôt, dans toute la salle, des pleurs et des grincemens de dents. Les paroles du moine avaient irrité les infidèles ; les malades qui en eurent la force (les autres se contentèrent de vomir des injures), se levèrent de leurs lits, nus, en chemise, entortillés dans les draps, et se jetèrent sur le moine, dont la grande âme et le faible corps firent également tête à l’orage ; l’une, en inspirant au théologien les plus sublimes imprécations contre les ennemis de la foi orthodoxe ; l’autre, en recevant, sans en être fracturé, tous les coups dont les Sarrazins l’accablaient : il était là, invectivant contre les hérésies et les hérétiques, et couvert de meubles jetés sur lui, comme ce géant de la fable, dont la bouche terrible lance des flammes à travers les montagnes qui pèsent sur son vaste corps ; ou bien, comme le sage d’Horace, bravant dans la voie de la sagesse la chute de l’univers ; ou bien encore, comme le bienheureux saint Denis, prêchant la vérité à ses bourreaux du haut de la potence. Cette comparaison me paraît plus théologique, et je la préfère aux deux premières, quoique ces deux premières ne soient pas sans mérite.

Le moine fut vengé ; ses ennemis ne pouvant plus frapper son corps, protégé par les meubles, tournèrent leurs armes contre eux-mêmes, et ce fut une bénédiction du ciel de voir les enfans d’Israël, de Mahomet, de Mithra, se battre avec une rage toujours croissante ; sans le vieillard il y aurait eu extermination. Malheureusement il était là pour sauver les enfans du diable, comme Cadmus ceux du dragon. Il prit la parole.


fin du deuxième volume.

  1. Samuel, chap. 6.
  2. (a) et (b) On ne peut refuser au moine un esprit de prophétie. Notre histoire atteste que les confiscations ont été un des plus grands moyens de purger les hérésies ; l’auguste Diane de Poitiers paraît avoir été particulièrement prédite par notre théologien. Les ministres de Henri II, dit Mézerai, employaient des dénonciateurs qui mettaient les riches criminels (pour fait de religion) en justice, afin d’avoir leurs dépouilles par confiscation ou par composition. — On connaît la lettre de l’illustre veuve Scarron ; elle se conjouit avec son frère des bonnes affaires qui vont se présenter, les biens des protestans allant se donner pour rien. L’épuration des tribunaux, prédite également par le moine, eut lieu pour la première fois le 10 juin 1559, par le même Henri II. Le Parlement hésitait entre deux avis : pendra-t-on, ou ne pendra-t-on pas les protestans ? Le Roi entre pendant le débat, il écoute, et décide la question en faisant arrêter les magistrats qui n’étaient pas d’avis de pendre ; on en brûla un, les autres furent menés à la Bastille ; et les purs, les dévoués, les orthodoxes demeurés maîtres du champ de bataille, firent pendre et confisquèrent tout à leur aise. Nous n’avions pas l’inquisition, mais nous avions les Parlemens ; il est douteux que l’inquisition eût fait périr Calas et Labarre. Dans un État bien réglé, tous les tribunaux doivent être composés de juges de circonstances. Alors cela va bien.
  3. Il y a bien d’autres preuves que Jésus-Christ a été annoncé et figuré par les prophètes. Saint Augustin en trouve une multitude dans l’arche de Noé ; par exemple, la longueur et la largeur de l’arche sont dans la même proportion que la longueur et la largeur du corps humain de Jésus-Christ. La porte de l’arche est la blessure qu’il reçut au côté ; les bois carrés signifient la stabilité de la vie des saints. Saint Ambroise ajoute que les nids de l’arche sont nos yeux, nos oreilles, notre bouche, la moëlle de nos os ; quant à la porte de l’arche, c’est…

    Le pape Grégoire VII prouva fort bien que les deux glaives signifient l’autorité des Papes sur les Souverains ; et les défenseurs de l’empereur Henri IV ne le contestèrent pas. Tout cela embarrasse fort les philosophes.

  4. Quand vous vous rencontrerez avec des infidèles, coupez-leur la tête et tuez-les ; prenez-les prisonniers, liez-les, enchaînez-les, etc… jusqu’à ce que vous jugiez à propos de leur donner la liberté, ou de leur faire payer rançon ; et ne cessez point de les persécuter jusqu’à ce qu’ils aient mis bas les armes, et qu’ils se soient soumis à vous. Koran, chap. des batailles, etc., etc…

    Les Grecs ne sont point persécutés par les Turcs à cause de la religion.

  5. « En vertu de l’autorité que j’ai reçue de Mahomet même, je prononce : qu’il est permis à chacun des croyans de vous tuer, de vous détruire, de vous exterminer. Celui qui tue un chrétien rebelle, fait une action agréable à Dieu ; celui qui tue un Persan, fait une action soixante-dix fois plus grande, et… au jour du jugement, vous (les Persans) servirez d’ânes aux juifs, et ces misérables, mépris du monde, vous mèneront au trot en enfer. »

    Sentence d’un mufti.

  6. (c) C’est ainsi que le grand roi David traita les Ammonites.

    Samuel, chap. 12, v. 31.

  7. (d) Chap. 1er, v. 10. Ce passage est cité dans la Décrétale de Boniface VIII, unam sanctam, où le Pape prouve par ces paroles de Jérémie, et par d’autres raisons aussi fortes, qu’il est le maître des Rois. « Sous la puissance de l’Église, dit-il, sont deux glaives, le spirituel et le temporel ; l’Église emploie l’un par la main du Pontife, l’autre est employé pour elle par la main des Rois, suivant l’ordre et la permission du Pontife. » Les communes assemblées dans les états-généraux appelèrent sa sainteté B… ce qui n’est pas honnête du tout.

    Cette Décrétale fournit un moyen précieux de persécuter tous les cultes non catholiques, sans violer la Charte ; on n’a qu’à ordonner, par mesure de police, de faire ou de ne pas faire ; alors la police défendant, par exemple, aux protestans de se rassembler, ou leur ordonnant de tapisser à la Fête-Dieu, leur culte resterait libre d’après la Charte ; mais les sectaires seraient réprimés par la police ; ils ne pourraient pas se plaindre, car ils ne feraient pas des actes contraires à leur fausse religion, mais des actes ordonnés par les magistrats. Ce serait bien là le glaive temporel dans la main des Rois pour le service de l’Église. On était sur la voie en 1815.