Le Messianisme chez les Juifs/Troisième partie/Chapitre 5

CHAPITRE V

LES TEMPS MESSIANIQUES.


I. — PRÉAMBULES DES TEMPS MESSIANIQUES.


Le Messie était attendu comme un sauveur ; c’était donc une loi de sa destinée de paraître dans des temps calamiteux : sa gloire serait plus grande à les changer, et c’est précisément quand l’oppression se faisait plus lourde qu’on appelait plus hâtivement le Libérateur. Cette situation d’angoisse antécédente à la joie était comparée, d’après une formule déjà familière aux prophètes[1], aux douleurs de la femme au moment d’enfanter. C’est le sens de l’expression presque technique « douleur du Messie », qu’il faut entendre non comme des douleurs personnelles au Messie, mais comme celle du temps qui doit lui donner le jour[2]. Aussi supposait-on que l’épreuve durerait neuf mois, le temps d’une grossesse. Elle devait être si terrible que plusieurs préféraient renoncer à voir ce Messie, plutôt que de s’y exposer.

Un texte du Talmud peint bien les perplexités des amoras de Babylone .

Rab dit : Le fils de David ne viendra pas avant que l’empire se soit étendu sur Israël pendant neuf mois, car il est dit (Mich. v, 2) : c’est pourquoi il les livrera jusqu’à ce que celle qui doit enfanter, enfante, et le reste de ses frères se joindront aux fils d’Israël. ‘Oulla dit : Qu’il vienne, et que je ne le voie pas ; [Rabba] dit aussi : Qu’il vienne et que je ne le voie pas. R. Joseph dit : Qu’il vienne, et que je sois digne de m’asseoir à l’ombre des crottins de son âne. Abaï lui dit (en parlant de Rabba) : Pourquoi opine- -t-il [ainsi] ? Peut-être à cause de la douleur messianique. Et on rapporte par tradition que les disciples de R. Éliézer lui demandèrent : Que pourra-t-on faire pour échapper à la douleur messianique ? il leur dit : S’attacher à la Loi et aux œuvres de miséricorde[3].

On a remarqué que ce texte se termine par une baraïtha attribuée à R. Éliézer ben Hyrkanos, antérieur à Hadrien.

Il indiquait à chaque individu le moyen d’échapper à la grande angoisse : Si l’on voulait observer le sabbat, on se préservait du jour de Gog et Magog, de la douleur messianique et du jour du grand jugement »[4], mais ces calamités, en elles-mêmes, étaient inéluctables[5].

La description des fléaux variait au goût de chacun ; il y avait cependant des traits généraux traditionnels : la disette, suivie de la famine, la dévastation du pays et la licence extrême des mœurs. La soumission des Juifs à une puissance étrangère est comme un postulat nécessaire, mais n’est pas toujours spécialement indiquée ; on veut marquer surtout une sorte de renversement des lois de la nature et de la société. C’est le caractère du tableau présenté par la Michna[6].

Avant la venue du Messie, l’audace criminelle augmentera, la cherté sera à son comble, la vigne donnera son fruit, et cependant le vin sera cher, et le règne sera gagné à l’hérésie judéo-chrétienne ; et il n’y aura pas de correction ; l’école servira à la prostitution, la Galilée sera couverte de ruines et ‘le Djôlân’ dévasté ; les gens de la frontière s’en iront de ville en ville sans qu’on en ait compassion, la sagesse des scribes sera en mauvaise odeur, ceux qui craignent de pécher seront méprisés et la vérité malmenée. Les jeunes gens feront pâlir les vieillards, les vieillards se tiendront debout devant des enfants ; un fils fera affront à son père, une fille se dressera contre sa mère, une bru contre sa belle-mère ; un homme aura pour ennemis les gens de sa maison ; la face de cette génération sera la face d’un chien, le fils ne rougira plus devant son père. Et sur qui nous appuyer ? sur notre père qui est dans le ciel.

On voit percer ici l’effroi qu’inspiraient aux Juifs les progrès du christianisme, même au sein de la nation[7]. Sans être aussi précis, d’autres rangeaient parmi les grandes douleurs l’oubli de la Thora. Une baraïtha anonyme, attribuée par quelques-uns à Simon b. Iokhaï[8], avait ce caractère particulier que l’anxiété n’était pas à son comble à l’avènement du Messie ; elle progressait jusqu’à un maximum pour diminuer ensuite graduellement.

Dans la semaine [d’années] où le fils de David doit venir, la première année s’accomplira ce qui est dit (Amos, iv, 7) : je ferai pleuvoir sur une ville, et je ne ferai pas pleuvoir sur une autre. La deuxième année les flèches de la famine seront tirées ; la troisième, une grande famine, les hommes, les femmes, les enfants succombent, les gens pieux et les hommes d’œuvres [sont en moins grand nombre], et la Loi est oubliée de ceux qui l’apprennent. Dans la quatrième, abondance sans abondance ; dans la cinquième, grande abondance, on mange, on boit, on se réjouit, et la Loi revient à ceux qui l’apprennent. Dans la sixième, des bruits [se répandent] ; dans la septième, des guerres ; à la fin de la septième, vient le fils de David[9].

Il est très important de noter avec M. Klausner que cet obscurcissement de la Loi fait partie des douleurs messianiques ; elle reprend son éclat avant l’avènement du Messie. Les Juifs, demeurés Juifs, ne pouvaient admettre que la Loi fût abrogée[10].

Dans la pensée d’un grand nombre de maîtres, les douleurs messianiques n’étaient sûrement pas destinées seulement à un effet de contraste. Les souffrances de la nation, depuis l’histoire des Juges surtout, étaient dans le dessein de Dieu des épreuves pour amener Israël à résipiscence. Il ne criait vers Dieu pour avoir un Sauveur que lorsqu’il était opprimé. Ces cris avaient été maintes fois entendus de Dieu. On devait espérer que le salut messianique, le plus éclatant de tous, suivrait à une épreuve plus dure, accompagnée de pénitence. D’où l’extrême importance de la pénitence pour amener le Messie. Ce principe admis, d’autres pouvaient penser que la fidélité à la Loi ou les œuvres de miséricorde n’auraient pas moins de poids dans la balance divine qui réglait les destinées. Et en effet, nous rencontrons chez les tannaïtes l’expression de ces diverses opinions, appuyées sur des textes scripturaires.

R. Iokhanan rapportait au nom de R. Siméon b. Iokhaï : Si seulement les Israélites observaient deux sabbats dans les règles, ils seraient aussitôt sauvés, car il est dit (Is. lvi, 4) : Voici ce que Dieu dit aux eunuques qui observent mes sabbats ; et il est écrit ensuite (Is. lvi, 7) : je les amènerai à ma montagne sainte, etc.[11].

Le sabbat était donc si difficile à observer dans toute sa rigueur, que l’observation parfaite de deux sabbats était regardée ici comme un idéal impossible à réaliser ; l’apophtegme de R. Simon b. Iokhaï était plutôt un paradoxe qu’une idée courante.

La bienfaisance ou l’aumône, plus facile, ne pouvait prétendre qu’à rapprocher le temps du salut, d’après R. Iehouda b. Ilaï[12] : « Grande est la valeur de l’aumône, qui rapproche la rédemption, car il est dit (Is. [13], 1) : Voici ce que dit Dieu : gardez le droit et pratiquez la justice, car mon salut est proche, et ma justice va se révéler »[14].

Mais le point principal était évidemment la pénitence. C’était elle qui avait toujours touché Iahvé et l’avait décidé à intervenir.

Aussi R. Eliézer b. Hyrkanos allait-il jusqu’à affirmer que c’était une condition absolument indispensable. Sans la pénitence, pas de salut.

La tradition avait conservé le souvenir d’une discussion très serrée entre ce maître et Josué ben Khanania, plus soucieux de réserver la liberté de Dieu et sa fidélité à tenir ses promesses au temps marqué, quelles que fussent les dispositions d’Israël. Chacun apportait des textes à l’appui de son opinion.

Voici comment le Talmud de Babylone exposait cette argumentation[15] :

R. Eliézer disait : Si Israël fait pénitence, il sera racheté, mais sans cela il ne sera pas racheté. Rabi Josué [b. Khanania] lui dit : Si donc ils ne font pas pénitence, iis ne seront pas rachetés ? R. Eliézer lui dit[16] : Dieu leur imposera un roi dont les décrets seront durs comme ceux d’Aman, de sorte qu’Israël fera pénitence, et reviendra au bien.

D’après un autre tanna, R. Éliézer dit : Si Israël fait pénitence, ils seront rachetés, car il est dit (Jér. iii, 22) : faites pénitence, fils infidèles, et je guérirai vos infidélités. R. Josué lui dit : N’est-il pas dit aussi (Is. li, 3) : vous avez été vendus pour rien, et vous serez rachetés sans argent ? Vous avez été vendus pour rien s’entend du culte des astres ; vous serez rachetés sans argent [veut dire] sans pénitence et sans bonnes œuvres. R. Éliézer répondit à R. Josué : Et n’est-il pas encore écrit (Mal. iii, 7) : Revenez à moi, et je reviendrai à vous ? R. Josué lui répliqua : Et n’est-il pas aussi écrit (Jér. iii, 14) : je suis votre maître, et je vous prendrai l’un d’une ville, et deux d’un clan, et je vous ramènerai à Sion ? R. Éliézer lui dit : Et n’est-il pas dit aussi (Is. xxx, 15) : vous serez sauvés si vous vous convertissez et demeurez tranquilles ? R. Josué dit à R. Éliézer : Et n’est-il pas dit aussi (Is. xlix, 7) : Ainsi parle Dieu, le rédempteur et le saint d’Israël, au méprisé, à l’horreur des nations, à l’esclave des souverains : Des rois verront et des princes se lèveront et adoreront[17] ? R. Éliézer lui dit : N’est-il pas dit aussi (Jér. iv, 1) : si tu te convertis, Israël, parole de Dieu, tu te convertis à moi ? R. Josué lui dit : N’est-il pas dit aussi (Dan. xii, 7) : et j’entendis l’homme vêtu de lin qui était au-dessus des eaux du fleuve et il leva sa main droite et sa main gauche vers le ciel, et il jura par celui qui vit éternellement que ce serait dans un temps, des temps, et une moitié [de temps], et que, quand la force du peuple saint serait entièrement brisée, toutes ces choses s’accompliront, etc. ? Et R. Éliézer garda le silence.

R. Eliézer s’avouait donc vaincu. Les textes qu’il avait cités étaient des appels à la pénitence ; ils n’excluaient pas l’intervention de Dieu à son heure. Dans le Talmud de Jérusalem, R. Josué découvre mieux sa pensée : Dieu aura pitié des Israélites et les délivrera, « cet acte de délivrance étant un de ses attributs, comme l’est la chute de la pluie ». Dieu donne la pluie aux pécheurs et aux justes, sa bonté ne dépend pas des actes de l’homme. Telle est la raison profonde que R. Josué avait su tirer des textes de l’Écriture.

Cependant on ne saurait affirmer qu’elle avait prévalu dans le judaïsme. Peu après l’endroit qui semblait donner raison à R. Josué, le Talmud de Jérusalem reprend les thèmes que nous connaissons déjà[18] :

Quand sera-ce ? — Quand vous voudrez, Dieu voudra aussi ; à vous de l’invoquer. — Quel obstacle y a t-il à notre salut ? — Il ne manque que le repentir, répondit-il[19]… R. Aḥa dit au nom de R. Tanḥoum b. Hiya : Si Israël se repentait un seul jour, aussitôt le Messie viendrait, selon ces mots (Ps. xcv, 7) : En ce jour, si vous écoutiez sa voix. R. Lévi dit : Si Israël observait un seul sabbat en règle, aussitôt le Messie viendrait, etc.

Mais Israël n’était jamais sûr de ses propres dispositions, et demeurait dans l’incertitude.

Ainsi donc le seul signe incontesté de la venue du Messie, c’était une extrême misère des temps. Il était loisible à chacun d’insister sur tel ou tel point particulier : la prédominance des traîtres, la diminution des écoliers, la pauvreté, le désespoir lui-même, lorsque Israël se serait vu sans chef et sans sauveur[20]. On avait connu tous ces maux, mais on pouvait craindre pire, et rien ne venait. Aussi quelques-uns demandaient des signes positifs, des symptômes avant-coureurs plus précis. La prudence des rabbins ne se prêtait guère à ces impatiences. Tout le monde convenait qu’il fallait que Rome fût vaincue, mais quelques-uns la jugeaient avec raison très solide. José ben Qisma était de ce nombre. Il avait conseillé à son ami Khanina ben Teradion d’obéir aux édits et de fermer son école ; il vivait en bonne intelligence avec les autorités de l’Empire, estimant que c’était folie aux Juifs de l’attaquer de front. La tradition a conservé le souvenir d’un de ses entretiens avec ses disciples sur le moment de la venue du Messie[21] :

Les disciples de Rabbi José ben Qisma lui dirent : Quand viendra le fils de David ? — Il leur dit : Je crains que vous ne me demandiez un prodige. — Ils lui dirent : Nous ne te demandons pas de prodige. — Il leur dit : Quand cette porte sera tombée et aura été rebâtie, et sera tombée [encore] et aura été rebâtie, et sera tombée et aura été rebâtie], et sera tombée et qu’on ne pourra plus la rebâtir, le fils de David viendra. — Ils lui dirent : Notre maître, donne-nous un signe (prodige). — Il leur dit : Et pourtant vous disiez que vous ne me demandiez pas de signe ? — Ils lui dirent : Quand il en serait ainsi ? — Il leur dit : Comme preuve qu’il en sera ainsi, que les eaux de la grotte de Panéas se changent en sang ! et elles se changèrent en sang. Au moment de sa mort, il leur dit : Placez mon sarcophage très profond, car il n’y aura pas de palmier en Babylonie où un cheval perse ne soit attaché, ni une auge dans le pays d’Israël où un cheval mède ne mange de la paille[22].

On peut négliger le miracle des eaux changées en sang, qui a cependant l’utilité de nous renseigner sur le lieu de cette scène ; on était près de la grotte de Banias, d’où sort une des sources du Jourdain. Il y avait sans doute là une forteresse romaine[23], et José voulait dire que Rome ne céderait qu’aux assauts répétés des Parthes. Vaincue, elle se relèverait trois fois, pour succomber enfin, du moins en Palestine.

En dehors de cette conjecture politique, on citera avec M. Klausner des présages tirés des songes : on pouvait attendre la venue du Messie quand on avait rêvé d’un âne, à cause de la prophétie de Zacharie (ix, 9) ou d’une vigne, à cause de la bénédiction de Jacob (Gen. xlix, 11)[24]. Ces puérilités montrent qu’à l’époque des tannas ces passages étaient couramment entendus du Messie.

D’autres préféraient fonder leurs prévisions sur l’Écriture, mais se gardaient de trop de précision. José ben Khalaphta pensait qu’on pourrait calculer l’arrivée du Messie, si l’on savait combien de temps Israël avait servi les faux dieux, car la servitude devait durer le même temps, d’après Osée (ii, 15), Zacharie (vii, 13) et Jérémie (v, 19)[25]. Des deux controversistes, Josué ben Khanania et Éliézer b. Hyrkanos, le premier fixait le grand salut au printemps, à l’instar de la délivrance d’Égypte, le second à l’automne[26]. Quelques-uns cependant prétendaient indiquer exactement l’année de la venue du Messie. R. Khanina la mettait quatre cents ans après la ruine du Temple ; une baraïtha anonyme disait : « Après quatre mille deux cent trente et un an depuis la création du monde, si un homme te dit : prends pour un dinar un champ qui en vaut mille ; ne le prends pas »[27]. On suppose que le Messie va venir et donner des champs pour rien.

Mais cette précision exposait à trop de mécomptes ; elle déplut, et R. José b. Khalaphta en vint à déclarer que ceux qui calculeraient « la fin », c’est-à-dire l’avènement messianique, n’auraient point de part au monde à venir[28]. Il fut donc entendu que le Messie viendrait sans être attendu, comme la mort, ou comme le scorpion qui pique à l’improviste, ou comme le trésor découvert par hasard.

S’il était difficile de savoir quand viendrait le Messie, on savait du moins que ce serait à la fin des temps, quel que fût le sens de ce terme. Quelques-uns pensaient-ils à la fin du monde ? C’est ce qui paraît résulter d’un axiome plusieurs fois répété. La tradition babylonienne l’attribuait soit à R. José[29], qui serait probablement R. José ben Khalaphta, disciple d’Aqiba, soit à R. Asi[30], un amora de la fin du iiie siècle. La formule était stéréotypée : « Le fils de David ne viendra que lorsqu’il n’y aura plus d’âmes dans le réceptacle, car il est dit (Is. lvii, 16) : car l’esprit attendra en ma présence et les âmes que j’ai faites[31] ».

Le réceptacle est une sorte de trésor où les âmes, créées depuis le commencement du monde, attendent le moment d’entrer dans les corps. Quand il sera vide, on touchera donc à la fin du monde. La même pensée est exprimée par la tradition palestinienne : « Le roi Messie ne viendra pas jusqu’à ce qu’aient été créées toutes les âmes qu’il est dans les desseins [de Dieu] de créer[32] ».

La conséquence rigoureuse, c’eût été que personne ne naîtrait plus au temps du Messie ; mais cette déduction est évidemment fausse, parce que contraire à la fécondité extraordinaire de cette heureuse époque. Il faut donc restreindre la proposition, en dépit de son aspect général. Le Messie ne viendra pas avant que soient créées ou pourvues de corps toutes les âmes qui doivent naître avant sa venue. Ce qui nous paraît une tautologie insipide avait un sens pour les Juifs. C’est ce que M. Klausner[33] explique bien. Désolés des persécutions auxquelles ils étaient en butte après la guerre d’Hadrien, empêchés de circoncire leurs enfants, de pieux Israélites préféraient s’abstenir du mariage ; mieux valait pour la race d’Abraham s’éteindre que d’augmenter le nombre des idolâtres[34]. D’autres, pour des motifs moins honorables, s’écartaient des fins du mariage[35]. Tous ceux-là retardaient la venue du Messie, qui ne pouvait paraître avant qu’un nombre déterminé d’âmes aient été introduites sur la terre.

Tel paraît être le sens historique de cette sentence étrange ; s’il fallait la prendre à la lettre, nous aurions affaire à une opinion particulière dissidente, que le Talmud n’aurait pas enregistrée.

Ce qui le prouve bien, ce sont les spéculations très répandues sur la durée de l’époque messianique, spéculations et conjectures que nous retrouverons après avoir vu ce qu’il en était de cette époque elle-même.


II. — LA FÉLICITÉ MESSIANIQUE.


Tout ce qu’avaient annoncé les Prophètes de la prospérité réservée à l’avenir, de la fécondité du sol, de la délivrance d’Israël, de ses victoires, de la gloire de Jérusalem et du Temple, se résume pour les rabbins en un terme technique, le temps du Messie. R. Khiya b. Aba exprimait tout cela d’un mot : « Tous les prophètes n’ont prophétisé que des jours du Messie[36] ».

Certes, ce tableau prophétique était assez splendide. La nature transformée, le désert devenu fertile et les champs féconds à l’excès, des sources arrosant les gorges arides, les animaux sauvages dociles à l’homme et doux les uns aux autres, le peuple de Dieu reformé, Jérusalem enrichie des dépouilles des nations, leurs rois offrant des présents au Temple.

Fallait-il prendre ces images dans le sens symbolique, comme si le bonheur temporel n’était là que pour marquer une transformation des âmes, religieuse et morale ? C’est ce qu’ont fait les Apôtres, éclairés par l’évidence des réalités spirituelles dont ils étaient témoins et participants.

Les voyants des premières apocalypses ne se sont pas non plus souciés d’un accomplissement strictement littéral. C’est dans Esdras, dans Baruch surtout, parce qu’il est plus imbu des doctrines rabbiniques, qu’on prend plaisir à renchérir sur ces descriptions plantureuses. On ne pouvait exiger une intelligence tout à fait spirituelle des prophéties avant la révélation de Jésus, mais du moins on était en droit d’attendre une juste appréciation de la valeur si différente des divers éléments de la prophétie. À supposer qu’on dût prendre à la lettre la transfiguration de la nature, elle n’était dans les Prophètes qu’une conséquence de l’innocence reconquise, et un renouvellement embelli du cadre où avait été placé le premier homme. C’était donc sur la rénovation religieuse que les livres inspirés avaient mis l’accent : la connaissance et le service de Dieu, son règne auquel serait associée la nature.

Or on ne voit pas que les rabbins aient compris ce rapport. Sauf une ou deux exceptions très remarquables sur lesquelles il y aura lieu de revenir, ils ont donné libre carrière à leur imagination, grossissant comme à plaisir des descriptions déjà si extraordinaires, que leur outrance même avertissait de ne point tout prendre à la lettre.

Ce sont là débauches d’esprit sans agrément de style, divagations sur l’Île des plaisirs, ennuyeuses parce qu’elles sont sérieuses, pénibles au lecteur étranger, parce que ce sérieux vient de l’immense orgueil qui rendait plausibles à Israël toutes les extravagances ordonnées à sa gloire.

La terre devait produire des fruits abondants et merveilleux, qu’on n’aurait aucune incommodité à cultiver, et pas même la peine de cueillir. Assurément il y avait dans l’Écriture des points d’appui pour de semblables chimères, si on prétendait prendre les textes dans le sens littéral. Ézéchiel décrivait la source miraculeuse qui devait sortir du Temple : « Près du torrent, sur sa rive de chaque côté, croîtront toutes sortes d’arbres fruitiers, dont le feuillage ne se flétrira point… Chaque mois ils produiront des fruits nouveaux, parce que ses eaux sortent du sanctuaire ; leur fruit sera bon à manger, et leurs feuilles serviront à guérir »[37]. Naturellement on exploitait ce texte ; on se demandait seulement s’il ne fallait pas conclure, de la fécondité des arbres tous les mois, à la fécondité des céréales tous les quinze jours. Et on essayait de trouver la même annonce dans Joël, qui n’a rien de semblable[38]. Les promesses de la fécondité la plus luxuriante ne suffisaient pas. Si le psalmiste avait promis « abondance de blé dans la plaine et au sommet des montagnes »[39], on interprétait que l’orge serait aussi haut que le palmier, et monterait jusqu’au sommet des montagnes. Mais alors comment moissonner ? Le texte fournissait le remède : « et il fumera comme le Liban »[40], c’est-à-dire que Dieu fera sortir de ses réceptacles un vent qui répandra la fleur de la farine, de sorte que chacun recueillera en passant sa nourriture et celle de sa famille[41].

La récolte du vin ne pouvait rester en arrière : « Il n’y aura pas de grappe de raisin qui ne donne trente tonneaux de vin, car il est écrit : « tu boiras comme vin le jus de la vigne »[42]. Pour tirer sa conclusion, le commentateur se permet un changement dans les voyelles du texte, ce qui donne pour chaque vigne un khomer de vin, c’est-à-dire une mesure équivalant au kor pour les choses sèches, de la valeur de trente seas.

L’apocalypse de Baruch[43] a la même comparaison avec un kor, mais c’est le grain de raisin et non pas seulement la grappe qui donne cette quantité fabuleuse de liquide. Le bon Papias ne s’en contenta pas et multiplia tout par dix mille, aboutissant à faire rendre à chaque grain vingt-cinq mesures[44].

De la fécondité des plantes, on passait à celle des animaux et même de l’homme. Rabbi Gamaliel II qui vivait au temps de la guerre de Titus disait : « Il viendra un temps où la femme enfantera chaque jour, car il est dit (Jérémie, xxxi, 8) : Femmes enceintes et accouchées ensemble. Cependant un disciple se moqua de lui, et lui rappela le cours invariable des lois de la nature, attesté par l’Ecclésiaste : il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Gamaliel lui dit : Viens, je vais te montrer quelque chose en ce monde-ci, et il lui montra une poule »[45].

Le dialogue se poursuit, Gamaliel continuant à vanter les merveilles de l’avenir, le disciple opposant toujours le texte de l’Ecclésiaste, et le maître faisant appel à des analogies constatées comme pour bien marquer, même au sujet de ces exagérations prodigieuses, qu’il ne s’agissait que de développer et de transformer les énergies de la nature.

Cette transformation devait atteindre la stature de l’homme, désormais deux fois plus haut qu’Adam, auquel on attribuait cent coudées, ou du moins aussi haut que le Temple. Tout cela était prouvé par des textes de l’Écriture. N’était-il pas écrit des femmes : « Que nos filles soient comme les colonnes angulaires, dont les parures variées ornent nos palais »[46] ?

Il était certes beaucoup plus facile d’établir que les bêtes féroces deviendraient inoffensives, le célèbre texte d’Isaïe étant très clair là-dessus, si on ne se décidait pas à l’entendre au sens symbolique[47].

Toute cette merveilleuse transfiguration de la nature n’était que le cadre ou le point d’appui de la félicité d’Israël. Il fallait qu’il fût restauré, comme au plus beau temps de son histoire, et dans une gloire incomparable.

Le premier acte était le rassemblement d’Israël dispersé, et son retour dans la Terre sainte. Aussi la dixième demande du Chemoné-esrê supplie Dieu de sonner de la grande trompette de la délivrance, de faire un signe pour ramener les exiles dans leur patrie, de tous les bouts du monde.

D’autres pensaient que le Messie lui-même emboucherait la trompette[48]. De toute façon on s’accoutuma à nommer cette trompette la trompette du Messie, dans le sens général de trompette des temps messianiques.

Les dix tribus, quoiqu’elles aient depuis si longtemps disparu de l’horizon, ne pouvaient manquer au rendez-vous. Quelques-uns cependant les estimaient à jamais réprouvées ; c’était du moins le sentiment d’Aqiba :

Les dix tribus ne reviendront plus, car il est dit (Deutér. xxix, 28) : Il les rejettera dans un autre pays, comme en ce jour ; or, comme « ce jour » une fois écoulé ne revient plus, de même les dix tribus partiront et ne reviendront plus. Tel est l’avis de R. Aqiba. R. Éliézer au contraire dit : Comme le jour après avoir été sombre redevient clair, de même les dix tribus dont le sort aura été obscurci, brilleront d’une nouvelle clarté[49].

Évidemment c’est le sentiment qui a prévalu[50]. Cependant si la Michna elle-même n’a pas dédaigné de reproduire le sentiment d’Aqiba, c’est qu’il n’y avait pas sur ce point de dogme intangible.

On se perd en conjectures sur ce qui a pu motiver la sévère réprobation des dix tribus par ce maître. Peut-être, jugeant éternelle la malédiction du Lévitique : « Vous périrez parmi les nations, et le pays de vos ennemis vous dévorera »[51], préférait-il la restreindre aux dix tribus qui semblaient bien en avoir subi l’étreinte ; peut-être, décidé à saluer Bar-Kokébas comme Messie, ne voulait-il pas attendre un retour fort hypothétique.

Quoi qu’il en soit, cette opinion demeura isolée. On admettait donc que toutes les tribus seraient réunies et se partageraient la Palestine. Même la tribu de Lévi devait avoir sa part comme les autres, puisque le nombre total est de treize, Ephraïm et Manassé étant maintenus au lieu de Joseph. L’opération menaçait d’être assez compliquée. Chacun devait posséder un lopin de terre en plaine aussi bien qu’en montagne, pour avoir en même temps un champ de blé et un verger. On ne voit pas bien après cela comment la répartition se faisait entre tribus[52].

Peut-être voulait-on marquer que dans les temps messianiques la fusion serait plus complète entre les tribus, pour effacer les dernières traces des anciennes rivalités.

Il allait de soi que Jérusalem serait rebâtie, plus glorieuse que jamais. Pendant que les autres maîtres pleuraient en contemplant les ruines de Jérusalem, R. Aqiba exaltait son espérance jusqu’au sourire et son ardeur fut si communicative que les autres s’écrièrent : « Tu nous as consolés, Aqiba, tu nous as consolés »[53]. Il avait fait faire à sa femme un ornement d’or, probablement un diadème, représentant la cité sainte, afin qu’elle n’en perdît jamais la mémoire[54].

Jérusalem devait alors s’agrandir outre mesure. D’après José « le fils de la damasquine », Jérusalem, sans quitter sa place, puisqu’elle devait être rebâtie au même lieu, s’étendrait jusqu’à Damas[55].

D’après Éléazar b. Iaqob, la cité sainte devait s’élever jusqu’au trône de Dieu pour lui dire : « Je suis à l’étroit ; fais-moi de la place, pour que je m’établisse »[56].

Elle pouvait être ainsi la capitale du monde, et contenir les peuples qui devaient s’y rassembler comme les eaux dans l’Océan[57].

Plus tard on trouva le moyen de consolider Jérusalem juchée à une si prodigieuse hauteur, en lui donnant pour base le Sinaï, le Thabor et le Carmel[58].

Dès l’époque des tannas on supposait que le Thabor et le Carmel avaient été transportés au Sinaï pour y recevoir la Loi ; à plus forte raison les synagogues et les écoles de Babylone seraient transportées en Palestine aux temps messianiques[59].

Quoi qu’il en soit de ces exagérations, la restauration de Jérusalem est une des principales espérances des Juifs, exprimées dans la prière Chemoné-esrê[60].

La reconstruction du Temple en fait naturellement partie. C’est un des points les plus avérés. On peut même dire que le soin des talmudistes de conserver intacte toute la tradition rituelle supposait une reconstitution intégrale du culte qui ne pouvait avoir lieu sans le Temple. Or, pouvait-on espérer désormais que le Temple serait rebâti avant l’époque messianique ? Peut-être cependant ne faut-il pas être trop affirmatif sur ce point. Les Juifs attendaient la restauration du culte avec une impatience beaucoup plus grande que les temps messianiques. La venue du Messie était remise à Dieu ; on ne pouvait observer la Loi sans avoir un temple. De là les souhaits passionnés de sa reconstruction prochaine[61]. D’après une baraïtha anonyme, attribuée par quelques-uns à Iokhanan b. Zakkaï, un prosélyte devait avoir toujours un quart de denier prêt pour les sacrifices du Temple, au cas où il serait rebâti de son temps[62].

Une fois rebâti, on espérait bien qu’il ne serait plus détruit ; de toute façon, au temps messianique, il devait être dans toute sa splendeur. C’est ce qu’il faut conclure d’un texte du Sifrê[63] où Raymond Martini a lu précisément la conclusion contraire, parce qu’il interprétait le monde à venir du monde de l’au-delà, du ciel, tandis que c’est un des cas où ce terme signifie simplement l’époque messianique.

Ce réalisme très concret n’excluait pas sans doute des spéculations plus ou moins imaginatives sur le temple construit par Dieu dans le ciel[64]. Mais on se représentait le Temple restauré sur la terre comme une quantité très précise, et il ne semble pas qu’il ait été l’objet, du moins à l’époque des tannas, des embellissements excentriques que nous avons constatés sur d’autres terrains. C’était une amélioration assez modeste que de donner huit cordes aux cithares dans le temple messianique, au lieu de sept dans les temples passés et dix dans le monde à venir[65].

Le Temple, construit déjà dans le passé sur un plan divin, serait assez beau en retrouvant ses proportions anciennes, avec les développements indiqués par Ézéchiel pour les cours et magasins avoisinants.

Le culte du Temple exigeait naturellement un grand prêtre. Le rabbinisme ne pouvait se contenter pour l’époque messianique d’un descendant quelconque d’Aaron. D’où la nécessité d’avoir un grand prêtre qui fût en quelque sorte le pendant du Messie, puisqu’on ne voulait pas admettre avec les chrétiens que le Messie avait rendu inutile le sacerdoce ancien. C’est du moins ainsi que j’entends la création du Cohen ṣédeq sur lequel l’épigraphie contemporaine jette peut-être une certaine lumière. La seconde série des inscriptions du temple d’Echmoun à Sidon fait mention d’un ben-ṣédeq, titre que M. Clermont-Ganneau[66] a reconnu comme équivalant à fils légitime, héritier présomptif, prince royal. C’est le sens du « Germe de justice » dans Jérémie[67]. Or ce germe était un des noms du Messie, employé spécialement par Zacharie[68]. Le même Zacharie avait vu deux oliviers plantés droits devant le maître de la terre[69] ; d’après l’exégèse courante, l’un était le Messie, que Jérémie nommait le « Germe de justice », l’autre était le prêtre. Comme pendant du Messie, on pouvait fort bien le nommer « le prêtre de justice », et c’est ce que fit R. Siméon fils de Gamaliel II, dont l’avis nous a été conservé dans les Aboth de R. Nathan :

Rabban Siméon b. Gamaliel disait : … Ce sont les deux fils de l’huile qui se tiennent devant le Seigneur de toute la terre (Zach. iv, 14) : c’est Aaron et le Messie. Et je ne saurais pas lequel est le plus aimé, mais, comme il est dit (Ps. cx, 5) : Dieu l’a juré, et il ne se repentira pas, tu es prêtre pour toujours ; je sais donc que le roi Messie est plus aimé que le prêtre de Justice[70].

On voit que, dans ce passage, loin d’identifier le Cohen ṣédeq avec Melkisédeq, R. Siméon met le Messie au-dessus du prêtre, parce que le Messie est prêtre éternel en vertu du serment divin. C’était, en que manière, concéder l’argument de l’épître aux Hébreux[71] sur la supériorité du Messie. R. Siméon y échappait en partie en maintenant un prêtre à côté de ce Messie auquel il reconnaissait une sorte de sacerdoce. Il nommait ce prêtre Aaron pour bien marquer qu’il représentait le sacerdoce lévitique. C’était exactement l’interprétation de Iehouda b. Ilaï, qui nommait les deux oints de Zacharie David et Aaron, entendant naturellement le grand héritier de David et le grand héritier d’Aaron. Dans ce texte, Iehouda supposait donc l’existence d’un grand prêtre, mais il était dispensé d’onction au temps messianique, sûrement à cause de l’onction surnaturelle à laquelle Zacharie semblait faire allusion[72].

On rencontre encore ce Cohen ṣédeq plus tard, à l’époque des amoras, formant un quatuor avec Élie, le Messie fils de David et le Messie fils de Joseph. Ce sont alors les quatre cornes de Zacharie[73].

Une condition essentielle des temps messianiques, c’était la paix dont devait jouir Israël, régnant sur les nations soumises. On s’appuyait sur Isaïe[74], annonçant que les armes seraient changées en instruments pacifiques. Suivant une opinion qui se fait jour au livre d’Hénoch[75], les armes avaient été inventées par le diable. R. Éliézer b. Hyrkanos pensait qu’aux jours du Messie, comme dès à présent au jour du sabbat, on pourrait les porter comme ornements[76]. Mais il s’écartait en cela de l’opinion commune, appuyée sur le texte du prophète. A quoi bon cet ornement, dans une époque si glorieuse ? ne serait-ce pas une lampe en plein midi[77] ?

La soumission des empires était regardée comme une sorte d’hommage rendu au Messie. Les députés des peuples venaient le trouver et lui portaient des présents comme à un monarque quelconque, le plus puissant de tous. C’est ainsi qu’Ismaël décrivait la situation d’après les idées de son père José, disciple d’Aqiba[78] :

Lorsque les Égyptiens apporteront leur présent, au Messie, il se demandera s’il ne doit pas le refuser. Mais Dieu dira au Messie : Reçois-le de leur part, car les Égyptiens ont donné l’hospitalité à mes fils en Egypte ; et alors : Les principaux d’Égypte viendront (Ps. viii, 32). L’Éthiopie se croira autorisée à plus forte raison, se disant : Si ceux-ci qui ont assujetti les Israélites sont ainsi traités, n’en sera-t-il pas ainsi de moi qui ne les ai pas assujettis ? Dieu dira au Messie : Reçois leur présent ; et alors : l’Éthiopie tendra ses mains vers Dieu (Ps. lxviii, 32). [Ceux du] royaume d’Ismaël se croiront autorisés à plus forte raison, et diront : Si ceux-ci qui n’étaient pas leurs frères sont ainsi traités, n’en sera-t-il pas ainsi de nous qui sommes leurs frères ? Dieu dira à Gabriel : Menace la bête des roseaux (Ps. lxviii, 31)… car il est écrit : Le sanglier de la forêt la dévore, et les bêtes des champs en font leur pâture (Ps. lxxx, 14).

On admire ici la sagacité avec laquelle ces anciens tannas savaient reconnaître dans les textes les allusions aux temps du salut. Cependant ils entendaient d’un hommage temporel rendu au Messie ce qu’il eût fallu entendre de la conversion des peuples. On sourit de la naïveté des Romains. Les rabbins avaient pris l’habitude de les désigner sous le nom d’Édom ou d’Ésaü, quelquefois d’Ismaël ; les Romains s’appuient sur cette fraternité qui leur est reconnue, sans soupçonner la haine qu’elle dissimule, la vieille haine fraternelle contre Ésaü ou Ismaël. Dieu, pour ne pas troubler la paix du Messie, ordonne à Gabriel de les chasser et les compare au sanglier malfaisant ; on sait que les Romains avaient placé l’image du sanglier, un des insignes de la Xe légion, sur une des portes d’Aelia, fermée aux Juifs après la guerre d’Hadrien[79].

Les Romains confus et soumis, apportant au Messie leurs dons, en seront pour leur courte honte, repoussés et humiliés. Naturellement les Israélites seront associés à la gloire de leur roi, et goûteront les délices de l’oisiveté. Éliézer, fils de José le Galiléen, a eu la singulière idée de comparer ce bonheur à celui de prêtres-rois qui n’auraient rien à faire. C’était peu qu’ils fussent des princes, car cela pourrait s’entendre de princes commerçants comme ceux de Tyr (Is. xxiii, 8) ; ils devaient être rois. Mais un roi est exposé à la nécessité de faire la guerre. Ils seraient donc aussi prêtres, et, comme on se rappelait certains prêtres errants, assez mal en point, ils seraient des prêtres princes, des prêtres oisifs[80]. Voilà ce qu’on avait fait du beau texte de l’Exode (xix, 6), que l’Apocalypse de saint Jean sut entendre dans un sens tout autre et vraiment spirituel[81].

Ainsi rien ne paraissait trop extraordinaire pour les temps messianiques. Dans cette surenchère de bonheur inouï, on n’est pas peu surpris d’entendre une voix discordante qui a cependant trouvé beaucoup d’écho dans le Talmud de Babylone. C’est celle d’un amora de Babylone, R. Samuel. Il affirmait qu’il n’y aurait « entre ce monde et les temps messianiques d’autre différence que l’assujettissement des royaumes [à Israël], car il est dit : il ne cessera pas d’y avoir des pauvres dans le pays » (Dt. xv, 11)[82].

Et l’on regardait comme une confirmation de cet avis la sentence de R. Khiya, déjà citée, qui distinguait nettement le temps messianique et le monde futur. Si le temps messianique n’était qu’un épisode de l’histoire humaine, les conditions de la vie et de la nature ne devaient donc point être changées. Seulement au lieu d’implorer un changement religieux, R. Samuel n’attendait qu’une péripétie politique favorable à Israël, et cette opinion a eu tant de crédit qu’elle a été reproduite six fois dans le Talmud de Babylone[83].

L’avis de Samuel n’est pas isolé. Parmi les conditions des temps messianiques, nous n’avons pas rencontré la parfaite innocence, même des Israélites. Elle n’était pas une condition préalable indispensable de leur prospérité, du moins d’après l’opinion d’un grand nombre. Bien plus, si l’on consultait l’histoire, on y voyait que la prospérité avait souvent amené la révolte. Et une baraïtha anonyme n’hésite pas à la croire possible au temps du Messie :

De même tu trouves au temps du Messie que les Israélites ne seront indociles, que parce qu’ils auront beaucoup à manger et à boire et beaucoup de tranquillité ; car c’est d’eux qu’il a été dit (Dt. xxxii, 15) : mais Iechouroun est devenu gras et a frappé[84].


III. — DURÉE DES TEMPS MESSIANIQUES.


Que pensaient les tannaïtes de la durée des temps messianiques ? ou plutôt, pour nous en tenir à leurs termes propres, qui ont ici leur signification, combien devaient durer les jours du Messie ? Ce qu’il faut noter tout d’abord, et c’est ce qui importe le plus, c’est qu’il n’existait point de tradition sur ce point : chacun se faisait une solution en argumentant d’après l’Écriture.

Les diverses vues des tannas ont été bloquées dans deux baraïthas du Talmud de Babylone et dans un passage de la Pesiqta rabbathi qui représente la tradition du midrach palestinien.

Nous les mettons successivement sous les yeux du lecteur. Dans le traité Sanhédrin, on lit[85] :

On a dit d’après la tradition : R. Éliézer (ben Hyrkanos) dit : Les jours du Messie sont de quarante ans, car il est dit (Ps. xcv, 10): pendant quarante ans, j’ai eu cette génération en dégoût : R. Eléazar b. ‘Azaria dit : Soixante-dix ans, car il est dit (Is. xxiii, 15) : il arrivera en ce temps là que Tyr sera oubliée pendant soixante-dix ans, comme les jours d’un roi. Quel est ce roi unique ? Dis : c’est le Messie, Rabbi [ou José le Galiléen] dit : Trois générations, car il est dit (Ps. lxxii, 5) : ils te craindront aussi longtemps que le soleil durera, et autant que la lune, génération et générations.

Autre tradition, R. Eliézer [ben Hyrkanos] dit : Les jours du Messie sont de quarante ans ; il est écrit (Dt. viii, 3) : il t’a affligé et t’a fait souffrir la faim et t’a fait manger [pendant les quarante années du désert], et il est écrit sur ce sujet (Ps. xc, 15) : nous nous sommes réjouis aussi longtemps que tu nous as affligés, au temps où nous avons éprouvé des maux. R. Dosa dit : Quatre cents ans ; il est écrit (Gen. xv, 13) : et ils les feront servir et les affligeront pendant quatre cents ans, et il est écrit sur ce sujet (Ps. xc, 15) : nous nous sommes rejouis aussi longtemps que tu nous as affligés. Rabbi dit : Trois cent soixante-cinq ans, autant que le nombre des jours du soleil, car il est dit (Is., lxiii, 4) : j’ai dans le cœur un jour de vengeance, et l’année de ma rédemption approche.

Voici maintenant le texte de Pesiqta rabbathi[86] :

Et combien dureront les jours du Messie ? R. Aqiba dit : Quarante ans, car il est dit (Dt. viii, 3) : il t’a affligé et t’a fait souffrir la faim, et il est écrit (Ps. xc, 15) : nous nous sommes réjouis aussi longtemps que tu nous as affligés ; cette affliction dont il est dit plus loin qu’elle fut de quarante ans doit aussi ici s’entendre de quarante ans. R. Abin dit : Que veut dire R. Aqiba ? comme au temps où tu sortis du pays d’Égypte, je lui ferai voir des prodiges (Mich. vii, 15). R. Éliézer [ben Hyrkanos] dit : Quatre cents ans, car il est écrit (Gen. xv, 13) : et ils les feront servir et les affligeront pendant quatre cents ans, et il est écrit (Ps. xc, 15) : nous nous sommes réjouis aussi longtemps que tu nous as affligés. R. Berekia, au nom de R. Dosa le Grand, dit : Six cents ans, et R. Éliézer, fils de José le Galiléen, dit : Mille ans, car il est écrit (Ps. xc, 4) : mille ans [devant tes yeux sont comme le jour d’hier], et il est écrit (Is. lxiii, 1) : j’ai dans le cœur un jour de vengeance [et l’année de ma rédemption approche], or un jour de Dieu, c’est mille ans. Et R. Josué dit : Deux mille, car il est dit (Ps. xc, 15) : aussi longtemps que tu nous as affligés ; car ces jours ne sont pas moindres que deux jours, et un jour de Dieu, c’est mille ans. Et R. Abahou dit : Sept mille, car il est dit (Is. lxii, 5) : comme l’épousée fait la joie de l’époux, tu feras la joie de ton Dieu, or la joie de l’époux au sujet de l’épousée est de sept jours, et le jour de Dieu est de mille ans. Rabbi a dit : Tu es incapable de [les] compter, car : j’ai dans le cœur un jour de vengeance, et l’année de ma rédemption approche (Is. lxiii, 4) : tels sont donc les jours du Messie ; trois cent soixante-cinq mille ans sont les jours du Messie.

Il y a là beaucoup de répétitions, sans parler des arguments tout à fait en l’air, comme le plus souvent, mais ces répétitions même ont leur intérêt. On voit que la tradition était plus d’accord sur les textes allégués que sur les autorités qui les avaient commentés. Il est inutile d’insister sur ce dernier point. Que ce soit Rabbi Iehouda le Saint ou Rabbi José le Galiléen, R. Éliézer ou R. Aqiba qui se soient prononcés pour tel comput, on ne saurait le décider, et ce serait de peu de conséquence. Le nom de R. Dosa le Grand, c’est-à-dire l’Ancien, prouve, d’accord avec le latin de l’apocalypse d’Esdras[87], que dès une époque reculée, avant Hadrien, on tenait pour une période assez longue. On peut dire que deux principes dominent tous ces calculs. Le premier, c’est que la prospérité durera autant qu’a duré l’épreuve : l’épreuve était, soit les quatre cents ans en Égypte, soit les quarante années dans le désert. Le second, c’est que la période messianique, étant une période divine, pouvait fort bien se mesurer à la mesure de Dieu, pour lequel un jour égale mille ans. Indépendamment de ces deux considérations, on s’appuyait sur le psaume lxxii, où le roi attendu demeure « de génération en générations », en comptant les générations indéterminées pour deux générations. Cette exégèse est très étrange ; on serait tenté de penser qu’elle ne sert qu’à confirmer une opinion déjà existante, à savoir que Jes jours du Messie devaient durer autant que trois générations. C’est l’opinion attribuée à R. Éliézer ben Hyrkanos par la source la plus ancienne, le midrach de l’Exode[88]. Peut-être même se contentait-il de deux générations, qui répondraient au chiffre de quarante ans exprimé dans l’autre tradition[89] sur le même maître.

Un temps très court est aussi supposé dans l’opinion attribuée à Éliahou, disant à R. Iehouda, frère de Séla le Pieux : « le monde ne doit pas avoir moins de quatre-vingt-cinq jubilés, et le fils de David viendra dans le dernier[90] » ; encore ne savait-il pas si ce serait au commencement ou à la fin du jubilé, période qui dure cinquante ans, comme chacun le sait d’après la Bible.

A côté de ces calculs très artificiels, nous rencontrons une baraïtha d’une singulière envergure qui divise toute l’histoire du monde en trois périodes : deux mille ans de chaos, c’est-à-dire de dérèglement moral, deux mille ans de Loi, deux mille ans de temps messianiques. Le total était évidemment fourni par les six jours de la création, transformés suivant le principe connu en « jours de Dieu » de mille ans. Il était donc invariable. D’après les computs ordinaires, Abraham avait inauguré la Thora à cinquante ans ; depuis ce moment jusqu’en 70 après Jésus-Christ, date de la ruine du Temple, il y avait deux mille ans moins cent soixante-douze ans. Le Messie eut donc dû paraître en l’an 242. Le rédacteur de la tradition, vers 974, ajouta alors que, les péchés d’Israël retardant la rédemption,la seconde période se prolongerait au détriment de la troisième. On aboutit par conséquent à cette rédaction :

Tradition de la maison d’Éliahou : le monde doit durer six mille ans ; deux mille ans de Chaos, deux mille ans de Loi, deux mille ans les jours du Messie ; et à cause de nos péchés qui se sont multipliés, il en est sorti ce qui est sorti[91].

A prendre ce texte à la rigueur, l’empire de la Loi devait donc cesser à la venue du Messie. Il va sans dire que les Rabbins ne l’entendaient pas ainsi, mais plutôt que les victoires du Messie donneraient plus d’éclat à la loi. Cette tradition n’en est pas moins remarquable, et la grande période de six mille ans a dû la rendre populaire.

D’autres devaient être tentés d’ajouter aux six jours le jour du sabbat, de façon à obtenir sept mille ans avant la grande rénovation du monde. Après l’opinion d’Éliahou que le monde devait durer quatre-vingt-cinq jubilés, soit quatre mille deux cent cinquante ans, le Talmud de Babylone ajoute l’étrange tradition suivante, attribuée à des amoras, mais qui peut remonter plus haut[92] :

R. Khanan b. Takhlifa écrivit à R. Joseph : Je rencontrai un homme qui avait à la main un rouleau, écrit en caractères assyriens (carrés) et en langue sacrée (hébreu) ; je lui dis : D’où te vient cela ? il me dit : J’étais mercenaire dans les armées perses, et je l’ai trouvé dans les cachettes des Perses et il y a écrit : Après quatre mille deux cent quatre-vingt-onze ans depuis la création du monde, le monde deviendra orphelin ; ensuite les combats des dragons, ensuite les combats de Gog et de Magog, et le reste sera le temps du Messie, et Dieu ne renouvellera pas son monde si ce n’est après sept mille ans.

Tout est remarquable ici : l’appui prêté par la tradition rabbinique au principe de l’écriture apocryphe, dissimulée dans une cachette, l’origine persane des périodes, le chiffre de sept mille ans pour la durée du monde. De 4291[93] à l’an 7000, même en retranchant les guerres du dragon et de Gog et Magog, il reste une longue période messianique.

Malgré le chaos apparent de ces différents computs, on aura peut-être remarqué qu’il n’y en a aucun entre 70 et 354 ou 365. En d’autres termes, il y a une courte période, 40, 60, 70, soit deux ou trois générations, et une longue période de 365, 400, 1000, 2000 ans…

A vouloir harmoniser, on conclurait que la période courte vise le règne actuel du Messie, et la période longue l’ensemble des temps inaugurés par son règne. Si l’on a pu en effet supposer que le Messie devait vivre quatre cents ans, ou même mille ans, pour dépasser la longévité des patriarches, il est peu vraisemblable qu’on lui ait donné deux mille ans ou plus. On pouvait très bien admettre qu’après sa mort les choses resteraient sur le pied où sa venue les aurait mises.

De toute façon on ne saurait reconnaître dans ces différentes traditions une opinion qui s’imposât. Elles marquent bien que les temps messianiques étaient distincts du monde à venir qui ne doit pas avoir de fin, elles ne prévoient rien entre les temps messianiques et le monde à venir, mais elles ne disent pas avec l’autorité d’une tradition ferme combien de temps doit vivre le Messie, ni si le monde doit se terminer à sa mort.

    immédiatement. וְהַגַּבְלָן ne peut guère signifier la Gébalène, ou pays au nord d’Édom, dont les Juifs ne se souciaient guère ; nous avons traduit comme s’il y avait הגולן. Cet ensemble est détaillé en trois baraïthôth, attribuées à R. Néhémie (Sanh. 97a), à R. Iehoudah (ib.) à R. Nehoraï (ib.) ; cf. Klausner, l. l., p. 50 s.

  1. Is. lxvi, 7 ; Os. xiii, 13.
  2. Exprimées ordinairement חֶבְלֵי הַמָּשִׁיחַ, mais M. Dalman a montré depuis longtemps que celle expression est moderne, apparaissant pour la première fois dans Qalir, Thariq Chanith. Les seuls endroits anciens connus b. Sanh. 98b, Chabbat 118a, Pesakhim 118a, Mekilta 58b, Midrach sur Prov. ii, 1, Ialqouṭ Chimeôni II, 132a ont חבלו של משיח, c’est-à-dire le singulier, répondant moins exactement au grec ὠδῖνες. Dans b. Kethubot 111a, on lit חבלי משיח, mais le vrai texte (l’ensemble est araméen) doit être חבלה דמשיח, ce qui revient exactement à l’expression hébraïque ancienne. On trouve aussi le sing. I Th. v, 3. La remarque de M. Dalman (Der leidende…, p. 42 et notes), qui est à retenir pour l’exactitude philologique, est d’ailleurs sans grande importance pour le sens.
  3. x
  4. x
  5. x
  6. x
  7. L’ensemble est donc postérieur à Hadrien ; cependant le noyau peut remonter à Gamaliel II (Bacher, Tannaïten, I2, p. 92).
  8. Par Dérek éreṣ zuṭa, c. 10.
  9. b. Sanh. 97a : שבוע שבן דוד בא בו שנה ראשונה מתקיים מקרא זה והמטרתי על עיר אחת ועל עיר אחת לא אמטיר שניה חיצי רעב משתלחים שלישית רעב גדול ומתים אנשים ונשים וטף חסידים ואנשי מעשה ותורה משתכחת מלומדיה ברביעית שובע ואינו שובע בחמישית שובע גדול ואוכלין ושותין ושמחין ותורה חוזרת ללומדיה בששית קולות בשבישית מלחמות במוצאי שביעית בן דוד בא.
  10. Cependant il s’agit bien d’une amélioration dans Sifrê Dt., § 160 (éd. Friedm. 105b) ; cf. les textes cités par de Voisin dans le Pugio fidei, fol. 122 s.
  11. b. chabbath, 118L : Sx’lU” ’H’.zSx TiT’ p î""2w ^2*1 □’XJO pmi V’X n.X -rrz’à’I ’n -"zx -j "NJC C^XJJ -VZ pzbnz mnzu ? *irrù’ và"îp in Sx cTnx’zni .Timz zinzi TTiiur
  12. D’après HACHER, l’ami… II, p. 2l’8 ; d’après Klaustier, R. losc.
  13. lvi
  14. ô. Bababalhra, 10* : l’IX ~ ”5’XXII MX nr’pCC ribtU T21X 1"l nih2"5 •>np-XI xr> "XIIp tj leyi -csarz ’rt. Le mot,ipi :sr n*a pas le mCme sens chez le prophète et dans le Talmud,
  15. b. Sanh. 97L et W (dans le Talmud de Jérusalem, Ta’aIIIth, trad. Schwab, t* VI, p. 142 s.). Le texte hébreu de S an h. est trop long pour être reproduit ici.
  16. D’après le Talmud de Jêr. ; celui de Babylone porte « mais et attribue ce qui suit à Josué* La leçon moins bonne, a pu naître d*uuc fausse lecture de rabrévîatîon ŸK (Lét’I, Rucher, Klausner),
  17. R. Josué suppose que si Israël est abaissé, c’est donc qtTil était pécheur : sans Iransition, les rois se prosternent, étonnés de sa gloire.
  18. Talmud Jér., trad. Schwab, t. VI, p. 144.
  19. Siméon b. Iokhaï, enseignant ses disciples.
  20. Sur ces différentes opinions, cf. Klausner, l. l., p. 40 ss.
  21. Bien expliqué par Bacher, Tann… I2, p. 398.
  22. b.Sanh. 98’ : T2N N2 Tl" p lîlU’ïî NUD’p p 1DT Z1X* TTO^n VîXU ms “uu ptt’psa 12N px ib TTON mx icpin xuu jiT’nu imaib ppison pxi bis’l [ruTn nzz’I bisn n :^ rm -IÏU.I □nx pxïs ’6 nmuN xSi S"N mx p ’ir’iz.I TIEN* XS VII pu -y o’I’OE mrn 1 :2 WT “p nx on1 ? lux p E"yXII ib Trex mx pupuu SpT 4s pxu (98’’) WN ib iptuyn p’S invuD nan n~S SNIUI yixyu pal pix 5a pxi 12 nup : SU D*D pxw Ssnzu bpn .pn 12 llïlX 1~D DlD pXU Sï Il en élait sans dou(e alors comme aujourd’hui, où plus d’un sarcophage sert d’auge auprès des fontaines ou dans les écuries. Les mots entre parenthèses d’admettre que !e scribe s’est fatigué de la répétition, que de supposer qu’il a encore ajouté les mêmes mots.
  23. A Césarée de Philippe, maïs le gouverneur romain résidait à Césarée sur le bord de la mer (contre AL KLUISMEH, l.l,, p. 40).
  24. b. Jïerakolh, 56b> et 57.
  25. BACHER., Tann„> II, p. 187, d’après Eka r., prologue, n° 21.
  26. D’après Ps. LXIXI, 4. BACIULB, Tami. P, p. 138 s.
  27. x
  28. x
  29. x
  30. x
  31. x
  32. Gen. r., c. 24 (cf. Lev. r. c. 15) : אין מלך המשיח בא עד שיבראל כל הנשמות שעלו במחשבה להבראות (Bacher, l. l.).
  33. Op. laud., p. 36 ss.
  34. b. Baba bathra, 60b.
  35. b. Nidda, 13b : « Les prosélytes et ceux qui jouent avec des jeunes filles retardent le Messie ».
  36. b. Chabbath, 63a : כל הנביאים לא נתנבאו אלא לימות המשיח.
  37. Éz* XLVii, 12.
  38. Joël, H, 23 ; KLAUSNERJ l, p. 11 h
  39. P,ç. I.XXII, Î6.
  40. Lire toute cette strophe un peu autrement que le texte massorétique ; voy.ÆlL, 190ô> p. 45.
  41. BaraTtha anonyme, b. Kelhubotk, 111\
  42. b. Keihuboth, nih : psw nixr Ss "S pNI nn-in xbn von vipn Sx non rin^n 3 :7 on (DI. XXXH, I*J.
  43. .ipoG. Baruch^ XXIX1 5 ; eliatn terra dabil fruetns sues mm in decem miUîa* eJ in vite itnfi erunt mille pahnite^ et unus palmes faciet mille boiras* et bolrtis unus faciet mille aeinos, et unvs acinus facîet conim vini.
  44. Venient diex in quibus vineae naseentnr singula dena miUia palmüum habenles, et in unu palmite dena milita brachiorîtm, et in nno brachio pahnitis dena nilllia flagellorwn, et in nnoquoque flagella dena niillia bnfruv.m : et unumquodque acinnm expressem, dubit vîginti quinque metretas vint (apnd ïren. V, 33).
  45. b. Sabbath, 30b : מאי היא כי הא דיתיב רבן גמליאל וקא דריש עתידה אשה שתלד בכל יאם שנא׳ הרה ויולדת יחדו ליגלג עליו אותו תלמיד אמר אין כל חדש תחת השמש א״ל בא ואראך דוגמתן בעוה״ז נפק אחוי ליה תרנגולת.
  46. Ps. cxliv, 12 ; b. Baba bathra, 75a.
  47. Is. xi, 6-9. Siphra, éd. Weiss, 111a ; cf. Klausner, l. l., p. 113.
  48. Ps. Sal. xvii, 28 ; Targ. Ps.-Jon. sur Dt. xxx, 4 et Jer. xxxiii, 13.
  49. Mickna San/t. X, 5, traduction Schwab.
  50. Un célèbre a inor a du tu” s., R. lokhanan, déclarait même qu’à cette occasion Aqiba avait perdu sa piété ordinaire ; b. Satih. 110h.
  51. Leu. XXVIT 38,
  52. Baraïtha anonyme dans / ?. Baba bathva, 122" : SfrT’W’ yist rn’Tl" "TF1 î"nTfn Ï’.-ITJ npi^n bu np^ns XHÏ ensae pbnnnu pN ï"nvb pb ntu T ? px CTE me ms mu T ? ^X pb mir ib ut "SEWZI ïil pKu ; 7HX* Sz. Le monde à venir est ici le temps messia-nique, □S’En", Champs blancs sont des champs de céréales oîi il ify a point d’arbres qui donneraïeiit de L’oinbre ; la division de la Palestine en trois parties » montagne » Chéréla et vallée, suppose que chacun aurait trois propriétés.
  53. BACHER, Tann* I-, p. 87 S. d+aprè$ Sifrê sur DcuL S 43. Voir plus bas, p* 30 I.
  54. BÂCHER » Z* Z,, p. 383 s.
  55. BACHER, L/., p. 391, parce que le Messie, sous le no n de *1", devaîL avoir son lieu de repos à Damas [Zaeh. IX » 1J*
  56. BACHER, TTmjk II, p* 291. BaraïLha d’après Pesiqta^ t43lp.
  57. D’après Simon b, Gamaliel ; BACHER, 7’ann. Il, p, 327* D’après Abolh dl II. NalhaUi c. 35 (Un).
  58. IL MARTINI, foL 341, d’après Atidrack TckUl. sur Fs. LJAXVJI, 1 : CFCS pSi 5)21201 mnSl ’’rob n"2pn "in>. te savant domini¬cain citait encore d’après b. Baba balkra, section FIN : Mxd B. locha- nau, Futur um est qttod ZJcus xanctw et beuedictus elevet Jérusalem tribus teucis, slcut dictum est Zaefi, uv, 19. Et CXaltabitur et sedebît sub se* Quernadmodum stib ipsa 1res leucas ita sutsum quvqw très leucas habebiL Pixd Jiabba, senex quidam ad mihi qui viderai Jérusalem lu statu suo et erit Irium leucarum, El forsau dices quod diflicuUas erit iti asceudendo ad eam ; docemur antem quod non, ubi dictum est Is, txt 6t qui suiit isti qui ni nubes volant, et aient columbae ad fenesLras suas.
  59. b.
  60. Demande quatorzième ; cL aux appendices, texte IV.
  61. Quand on cite le Temple on ajoute assez souvent : « puisse-t-il être vite rebâti de notre temps ! » שיבנה במהרה בימינו. Klausner, l. l., p. 116, citant par exemple Michna Ta‘anith, iv, 1 ; Tamid, vii, 3 etc.
  62. KLAUSNER, L l., p. citant b. Jtoch ha-chanah) 3lh.
  63. C’est à propos de DL XXIur, 12 : TEFC □1\’1 5^ ’pSï HÏÏZS ptf’ï babitabit super ipsum : protegens super eum tota die, et inter scapulas eîus habitans * Je cite seulement h Iréduction de Martini : Protegens super eum illud est aedi/lciiun primum : Iota die hoc est aedificium ultimum : et inter scapulas eius habitans aedificatum et confummatam in future saeculo. Il est vrai qu’une autre exégèse s’exprimait ainsi : Protegens super eum in saeeulo I*de ; tota die, « rf dies Messiae ; et inter scapulas eius habitans et perfection ad saeculunt fuluruni, mais dans cette seconde tradi¬ tion les mots aedificuluin et eonsanwiatwn sont superflus, Il ne s’agit plus du Temple, Dana toute la série des textes qui suivent, la comparaison est simplement entre le Temple détruit et le Temple relevé dans le monde à venir.
  64. Telles qu’nn les trouve par exemple pour une époque postérieure dans Bereekilh rabba sur Gex, XXVui, 17* Mais déjà dans les Testaments des douze patriarches, Lévi, V, 1 et dans I’Apucahpse de S. Jean, XI, XVI, 17, en contraste avec XXr, 22.
  65. lehouda b. Haï, disciple d’Aqiba, dans b. Arakhin, 13l’. Cf. pl us haut, p, 171.
  66. CLtnMûNT-GANNEAU, ttecucil (Pardi. or., VI, p. 1G2 ; cf. 1905* p. 307 : pli* p,
  67. Jér. XksIII, 15 I np“ï
  68. Zacfi. ni, G ; VI, 12.
  69. Zach. I¥, M.
  70. Abotk dijt. Nathan, c. 34 ; é<L Sciiechler, p. 99 s. : p p* “’X PT’ ’rx* rues* pnx nynXII pix ouaw •’-j’n iw nbx ÿv* rn …ESW pz nnx EH :’ Xl’’, ’H yzc : TEZX NWC’Z ZTEFI pi •pis T;’ ; -T-’ marin
  71. x
  72. Sifrâ, section *IÏ, § 18 ; p. 4o êd. J. Weiss : pnx IHtl 5l2’ "IQ1N îlVTP ’Zt nncoi p-s nnrs nXV nciS TzSr szb rrr/b nnu’^n 11 :21 prix ni px5 : ’TJ nns’ï.I ’inï’n 1 :2 nhx c”pn I :X no X.t 11 :2 « Rabin lehouda dit : On pourrait supposer que Aaron et 30$ fils auront besoin de L’huile de l’onction au temps à venir ; aussi explique-t-on (Aen. vu, 35) ; Ceci est ïoiw* lion d’Aaron ci rcnction de ses (ils. Et je le confirme, car I ce sont ta deux fils de l’huile qui se tiennent devant le Seigneur de toute la terre (Zach. II) c’est Aaron et David ».
  73. b. Soukka, 52b ; T" p rPtTO ’p’C’à’ N2*’Q 12 X2FI 21 "ION ni :ipnbx 2iî>ji I :II,I I ;n IX TIÏÏJIÜ 22 ira pis p :I imSxl qcv p nx’ci Messie fils de David, cl le Messie fils de Joseph, et Elle, et le prêtre de justice. IL Chechet lui répliqua : NesLco pas ce qui est écrit [ZCLCIK r, 21) : Ce sont tes cornes qui ont dis¬persé Juda ? M
  74. /.< II, 4.
  75. iléïK VJII, 1 : ti Et Azazel apprit aux hommes à fabriquer les épées et les glaives, le bouclier et la cuirasse de la poitrine, et il leur montra les métaux, et l’art de les travailler » (Trad. Martin).
  76. Discussion assez confuse dans b. Sabb« 63“. Eliézer qui admettait qu’on portât les armes le jour du sabbat était conséquent en les admettant aussi au temps du Messie ; c’est ainsi qu’une tradition, qui paraît pour cela meilleure, termine la discussion : TÏÏ2N qx p5 T2x n-cart pboz p 12 p pûnwm mx’2 ’zi l’înbx P 2122 pu ïlX’On ïlTOiS. Puisque les armes peuvent, être considérées comme ornement,
  77. x
  78. x
  79. Ch rai). d’Eusèbe » traduite par S, Jérome r Ae/ia ab Aelio Hadriano condi£a, et. ùi (renie ejus portât, qua BeUilr&n egrediniur, sus sculptus in marmore, stgnificans Komanae polestati subjacere Judaeos (/\ L., L XXVII, 619*622). M. Klausner (L L,p. W5 s.) pense que les Romains ont placé cet emblème pour humilier les Juifsen réalité le sanglier est simplement un des insignes de la legio X* fretensis ; et même « il se trouve comme emblème sacré des étendards de la plus ancienne armée romaine » (Micrionr, I960, p. 103).
  80. KLAUSNEU, L L ; p. H4, daprès MtkiUa, éd. Friedman nt p. 63“. On comparait ces prêtres actifs aux fils de David qui étaient princes, et, dans Topinion des rabbins, sans véritables fonctions sacerdotales (il vin, 18).
  81. Apoc. î, 6.
  82. Chabbath, « 3: ntean ITO’S yç-jyn pn bxlDSJ ION7 bxTOÜI NJ’bsi .y7XII p’IX Hrr >6 " nbz n’I’jbc Tzr/’f NSN
  83. Berak. 34b ; Sabbat, 63a et 151b ; Pesakhim, 68a ; Sanh. 91b et 99a. Ce Samuel est le grand amora de Babylone, mort en 254. Il pensait que la période messianique durerait un temps égal à celui qui se serait écoulé depuis la création du monde jusqu’au Messie (cf. b. Sanh. 99 a).
  84. Sifrê Dt., § 318 ; éd. Friedm. 136a ; de Wilna (1866), p. 210.
  85. b. Sanh. 99a : HHHHHHHHHH.
  86. (1)0. [ vers la fin ; éd. Friedm, p. 1 ; D’Ï31X KZ*p7 ïTtf ’Zrî PITJZÏ CH n ?z n :n^y rrcz* : irïTztr zrz1 ! "z,,y’I’’I * :y^ TZ^ri- K-^y ’! .TZ p VII n :c’ cryz^ TZINH ^ry nrr zi^rzyi 2F !0“ nix’Z yzriN TZÏN ’n ’ZKna CHivz yit^z “n^ acTï ’n ccz rrz"iz ’î rro-z iwi n :ur mx :z yz-w zmx 1 :71 ZTFDÏ evr TZIN *6^- mXVz tru TZIX bmn [-NZ ’•S’isü rce’I] ^bz Dp : HT [’D] z*n :l [blDriN ci’z -%• :] c\X* *]Sx pxi I :ri’’ :y m :’ : TZNZÏÜ QISSN ’2 naiN IX,1"’| ’"il *]bN ~"jpn bu ? n ?2i’’’I D’ESN ryzï ? ’TDIN IHZN ’T ttts ? nbs jï’zpn bc ion ’ :£ ?2 rrins nV2> D’"2’1 nVIIu ? riba b’j pn s ?W : HIDZI -I.V’N ~■’b ? e’® ? nb : 57 pn nços k® ÏI :Ï7*I 1^2 Dp : DY 13 niDzb biDt PN ^N " » ;ZIN ’*n n™ ^bx n"zpn bt ? TC-TT on Di>r □■’sbx nran □*u ?,1rn mx^ u ?be îYtran rmi nn rrzzi .INZ tbiNS n’icnn DTZ^ (é<L de Varsovie, t893, p25 sJ. Bâcher ajoute (Tann. I, p. 139, n. les va¬riantes du Sch. lob sur Ps. xc : il attribue 40 ans à Aqîba^ 60 ans à José le Galiléen, 35i ans, soit une année lunaire, aux maîtres, 10û0 ans à Êliézcr, 2000 à Josué.
  87. 400 ans d’après R. Dosa et d’après IV Esdr. vii, 28 ; cf. plus haut, p. 106 s.
  88. Mekilta, éd. Weiss, p. 65a sur Ex. xvii, 16.
  89. Bacher, Tann. I2, p. 140, note 2.
  90. b. Sanh. 97b : אין העולם פחות משמונים וחמשה יובלות וביובל האחרון בן דוד בא.
  91. b. sanh. ’ijj » inin O’’B5M NOTJ ’in mu ? nu’U’ inibx ’a~ iNïiir aa onc INX’ ’niw n :’>n*i5i“I*I nW CE-bw min EPBSN. B. .MARTIN, l’ugio, fol, 315, avait déjà soupçonné la glose ; cf. b. ’Àbndà zara, 9*, où il est dit qu’on a enlevé 714 ans, ri5u ? ÎTlWJf 733 N iïlNC CîlC * !NX1 d’après le texte de Raymond Martini. Le texte imprimé est semblable à celui de Sanli.
  92. b. sa »h. <w : -mx OT » iFiswra qoT> 2*I5 *13 prr tri nbû’ Ss mSnnb *6 -h ■pjn iS TON unp pwbi ’incs HIITIS nns □Wnï DinNOi ’T “inxb .-3 3*1115*1 ninXXII DIS ^3*1 ’rrptsjj DIB j*ij nicnb’o nicnbc pic D’in* » □bw bü TiN’nzb nzu.^nxi OIBSK nyzu ? NSX inbiy nx t »irra n"3pn px*I rr^nn riiü*) ittturiï rusi
  93. Ou 4231 d’après M. Klausner, pour coïncider avec ‘Aboda zara, 9b (l. l., p. 29).