Le Messianisme chez les Juifs/Deuxième partie/Chapitre 4

CHAPITRE IV

ESCHATOLOGIE MESSIANIQUE TRANSCENDANTE.


Les apocalypses que nous avons rencontrées jusqu’à présent se préoccupaient, les premières, du jugement moral sur les méchants et les justes, sans faire allusion au Messie, les autres, des destinées d’Israël où le Messie avait naturellement sa place marquée. Les premières avaient un aspect mondial, avec une eschatologie soudaine et définitive, les autres un caractère national, avec une eschatologie historique, assez souvent progressive. Les nouvelles vues s’expliquent assez bien par l’essor religieux et national du temps des Macchabées. Quand il fut définitivement brisé au moment où le dernier roi des Asmonéens succomba sous la hache du bourreau (37 av. J.-C.), depuis longtemps déjà l’accord était rompu entre la dynastie et les éléments les plus religieux de la nation. L’idéal messianique qui avait reparu aux yeux de tous dans son ancien éclat avait risqué d’être dévoyé. L’apocalyplique dédaigna la solution vulgaire qui l’eût remis dans la tradition ; elle le mit hors de la portée de tout événement humain en le transportant dans le ciel. On pouvait ainsi revenir à la grande eschatologie morale, en transformant hardiment le rôle du Messie qui y trouverait sa place, comme juge et comme chef du monde à venir. Que le Messie dût avoir une origine transcendante, ce n’était point précisément nouveau. Personne ne pouvait aller plus loin qu’Isaïe annonçant un sauveur qui serait un enfant-Dieu[1]. Mais alors une impulsion se produisit qui fit, pour ainsi dire, remonter le messianisme vers sa source, en dépassant même, sans s’y arrêter, le point marqué par l’ancienne prophétie, la descendance de David et une vie d’homme.

Cette phase correspond assez naturellement à la transformation qui s’était opérée dans l’eschatologie cosmique, devenue plus spirituelle. Si le Messie qui s’était imposé de nouveau à l’attention comme le chef de l’ordre futur avait à y jouer un rôle, il devait faire partie, lui aussi, de ce monde spirituel, déjà existant dans le ciel, en attendant d’apparaître à la fin des temps.

Cette exaltation du Messie résulta peut-être aussi de l’extrême tension des esprits et d’une suprême angoisse, dans l’état vraiment désespéré où se trouvèrent les Juifs après la mort d’Hérode et les exécutions sanglantes de Varus. Nous avons vu en parlant de Josèphe qu’entre les campagnes du grand Pompée et la ruine définitive sous Titus, il y eut en Judée une agitation plus courte, mais dont les Juifs ont gardé le souvenir comme d’une catastrophe atroce[2]. Josèphe cite trois aventuriers qui prirent le titre de roi, pendant qu’Archélaus négociait à Rome[3].

D’où leur venait cette audace, et sur quoi fondaient-ils leurs prétentions, si ce n’est sur une vocation surnaturelle ? La répression fut rapide et dure. Varus s’empara de Jérusalem et fit crucifier deux mille mutins[4].

Ainsi toute lutte à main armée était inutile. Les Macchabées avaient mis leur confiance en Dieu, mais n’avaient pas été moins bons politiques que braves guerriers. Recommencer des guerres dans ce style n’était plus possible. La puissance romaine, concentrée dans les mains d’Auguste, était un autre ennemi que l’empire branlant des Séleucides. Il fallait qu’elle fût abattue d’un coup, et ce ne pouvait être l’œuvre que de Dieu.

C’est alors qu’apparaît l’idée d’une intervention foudroyante, instantanée, d’une manifestation du règne de Dieu. En attendant que Dieu agisse, il n’y a qu’à se croiser les bras en se confiant au miracle. C’est dans cet esprit que fut écrite l’apocalypse connue sous le nom d’Assomption de Moïse[5]. Toute l’histoire du passé, développée par Moïse comme à venir, vient aboutir à la glorification surnaturelle d’Israël. Son vengeur est déjà prêt ; l’auteur le nomme l’ange ou le messager de Dieu, comme Moïse ; ce ne peut être, sans le nom, qu’un Messie personnel. Ces idées sont exprimées dans une sorte de psaume qu’il faut reproduire ici[6].

1.Alors paraîtra son règne sur toute sa création,
alors le diable aura son terme,
et la tristesse sera emmenée avec lui.

2.Alors on investira de sa charge l’ange[7]
qui est établi au sommet,
qui aussitôt les vengera de leurs ennemis.
3.Car le Céleste se lèvera du trône de son règne,
et sortira de sa demeure sainte,
avec indignation et colère en faveur de ses fils.
4.Et la terre tremblera et sera ébranlée jusqu’à ses extrémités,
et les hautes montagnes seront abaissées et secouées,
et tomberont [dans] les vallées.

5.
Le soleil ne donnera pas de lumière et se changera en ténèbres,

les cornes de la lune seront brisées et elle se changera toute en sang,

et le concert des étoiles sera troublé.
6.Et la mer descendra jusqu’à l’abîme,
et les sources d’eau manqueront,
et les fleuves seront dans l’effroi.
7.Car il se lève le Dieu suprême, seul éternel,
et il se manifestera pour punir les nations,
et il détruira toutes leurs idoles.
8.Alors tu seras heureux, Israël,
et tu monteras sur la nuque et sur les ailes de l’aigle,
et elles seront enflées [pour voler].
9.Et Dieu te haussera
et te fixera au ciel des étoiles,
au lieu où elles résident, et tu regarderas d’en haut,
10.Et tu verras tes ennemis sur la terre,
et tu les reconnaîtras et tu te réjouiras,
et tu rendras grâces et hommage à ton Créateur.


Les circonstances nous expliquent le nationalisme aigu de cette apocalypse. Il n’y est pas question de la résurrection individuelle, et l’opposition n’y est pas marquée entre les justes et les pécheurs. C’est d’Israël qu’il s’agit, ce sont les destinées religieuses de la nation qui sont en jeu, c’est Israël qui sera sauvé par un coup de théâtre. Il est vrai qu’il sera transféré au ciel des étoiles, et la révolution qui le sauve a tous les caractères d’une révolution cosmique. Ce qu’il y a ici d’extraordinaire, c’est que l’avenir existe déjà avant de succéder au passé, et qu’il lui sera substitué d’un seul coup, comme un décor en remplace un autre ; ce sera la manifestation du règne de Dieu.

L’auteur de l’Assomption de Moïse est un croyant, on dirait presque un fanatique ; ce n’est point un théoricien. L’intervention de Dieu, l’ange ou le messager, sont des objets de foi sur lesquels il s’abstient de raisonner. Nous serions fort embarrassé de dire ce qu’on entendait par là dans les cercles apocalyptiques, si ces énigmes n’avaient été longuement agitées dans un ouvrage spécial, le Livre des Paraboles, la pièce la plus importante du Livre d’Hénoch[8]. C’est aussi le plus mystérieux de ces livres, et un des plus ardus à dater. Il paraît difficile de remonter au delà de l’an 40 avant Jésus-Christ, à cause d’une allusion à l’invasion des Parthes[9]. Non que l’auteur en soit nécessairement le contemporain. Mais, pour la première fois, ces hardis cavaliers pénétrèrent alors à Jérusalem et acquirent ainsi un titre à remplacer Gog et Magog dans les calamités de l’avenir. De plus les rois et les puissants, que l’auteur hait et réprouve, sont des idolâtres[10]. La haine des Pharisiens contre les Asmonéens ne pouvait guère aller jusqu’à les accuser formellement d’idolâtrie. On a cru que ce livre reflétait l’animosité des Pharisiens contre Alexandre Jannée ; mais tout ce qu’on peut alléguer dans ce sens s’applique encore mieux à Archélaüs, que les Juifs firent déposer par Auguste pour sa tyrannie et sa cruauté[11].

Donc si notre apocalypse ne peut guère remonter plus haut que 40 avant Jésus-Christ, elle peut descendre sensiblement plus bas. On a même soutenu qu’elle était toute entière d’origine chrétienne, à cause du Fils de l’homme qu’elle met en scène[12]. Cette opinion est rejetée à bon droit par la grande majorité des critiques : aucun chrétien ne pouvait songer à décrire un Fils de l’homme qui n’aurait jamais paru sur la terre avec les apparences de Jésus de Nazareth. Mais il serait plus aisé de soutenir que tous les passages relatifs au Fils de l’homme ont été interpolés[13], car ils introduisent sans nécessité un second aspect de la même figure, exclusivement nommée l’Élu dans la première des trois paraboles. Ces interpolations pourraient être d’origine juive. Un juif a pu être tenté d’introduire le Fils de l’homme dans le livre des Paraboles, pour empêcher les chrétiens d’argumenter du Fils de l’homme de Daniel en faveur de Jésus. Si le Fils de l’homme, assimilé à l’Élu, n’avait eu aucune existence terrestre, ce ne pouvait donc être le charpentier de Nazareth. Nous avons une preuve certaine que les Rabbins juifs ont argumenté dans ce sens. Rabbi Abahou de Césarée (vers 280 ap. J.-C.) disait : « si un homme dit : je suis Dieu ! Il ment ; s’il dit : je suis Fils de l’homme ! il finira par s’en repentir ; s’il dit : je monte au ciel, il ne fera pas ce qu’il a dit et ne pourra pas accomplir ce qu’il a énoncé ». La polémique anti-chrétienne est évidente[14].

Elle n’est guère moins claire dans ce même livre des Paraboles, lorsque Hénoch est enlevé auprès de l’ancien des jours qui déclare solennellement qu’il est le Fils de l’homme[15]. La contradiction est si flagrante avec ce qui précède qu’il est impossible d’attribuer ce passage à l’auteur principal. Ce ne peut être qu’une retouche intentionnelle pour reporter sur Hénoch les prédicats glorieux du Fils de l’homme. Or cette interpolation a pu être précédée d’autres retouches faites dans le même sens. Cette polémique très déguisée serait assez dans le goût des Juifs qui ont toujours préféré procéder contre les chrétiens par des allusions voilées.

D’autres pourraient estimer que ces interpolations — si ce sont bien des interpolations — sont d’origine chrétienne. Un chrétien n’eût pas eu l’idée d’écrire tout ce livre sans faire allusion à la vie de Jésus, mais voyant l’Élu investi de la qualité de juge suprême, il était assez naturel qu’il l’appelât de temps en temps Fils de l’homme, en supposant connues ses destinées telles qu’elles étaient racontées dans les Évangiles. L’Élu était ainsi assimilé à. Jésus qui avait pris le titre de Fils de l’homme ; le voyant antédiluvien était censé n’avoir décrit que sa gloire, non sa carrière mortelle. Ce qui confirme cette supposition, c’est que cette partie du livre d’Hénoch est la seule, parmi toutes les apocalypses[16], qui offre des rapprochements frappants avec les Évangiles. Sont-ce tous les évangélistes qui se sont inspirés de ce livre d’un commun accord, ou un chrétien, connaissant les Évangiles, qui l’a interpolé ?

On en jugera si l’on veut suivre la liste des passages fournie par M. Martin, et en notant surtout combien les ressemblances entre le Nouveau Testament et les autres parties d’Hénoch sont plus éloignées[17].

Une très grande réserve est donc imposée lorsqu’on entend argumenter du livre d’Hénoch, surtout lorsqu’il s’agit du titre de Fils de l’homme. Cependant il faut reconnaître que l’ensemble du livre s’explique assez bien comme inspiré uniquement par Daniel. Et quand bien même les passages relatifs au Fils de l’homme seraient interpolés, il resterait l’Élu qui marquerait à lui seul une importante transformation dans le concept du Messie, que le titre de Fils de l’homme ne fait que compléter en le rattachant plus expressément à une expression déjà connue. Or cette conception peut très bien se ranger comme date entre le passage déjà cité de la Sibylle (40 av. J.-C.) et l’Assomption de Moïse (6 ap. J.-C.), ou suivre de près cette apocalypse.

Nous nous plaçons dans cette opinion, pour analyser le livre des Paraboles.

Première parabole (xxxviii-xliv). Le premier mot est caractéristique : « Lorsque apparaîtra l’assemblée des justes, et que les pécheurs seront jugés ». Dès le début, c’est l’opposition de deux mondes : le monde d’en haut, celui des saints, présidé par l’Élu ; celui d’en bas, où dominent les pécheurs. Tout se terminera par le jugement, et le jugement, ce sera la manifestation du monde d’en haut qui est même nommé le royaume : « Ensuite je vis tous les secrets des cieux, et comment le royaume sera partagé[18] ».

Avant la grande crise, les justes de la terre prient et souffrent, et les saints du ciel intercèdent ; on savait tout cela au temps où a écrit l’auteur du second livre des Macchabées[19].

L’Élu habite le séjour des saints[20] :

Et dans ce lieu, mes yeux virent l’Élu de justice et de fidélité ; et la justice règne dans ses jours, et les justes et les élus sont innombrables devant lui, pour les siècles des siècles. 7 Je vis son habitation sous les ailes du Seigneur des esprits ; tous les justes et les élus brillent devant lui comme l’éclat du feu…

On dirait ici que le voyant passe insensiblement du tableau du ciel présent au tableau du ciel futur. Il n’y aurait aucun inconvénient, car c’est le même. On se sert ordinairement du terme de préexistence pour marquer l’existence de l’Élu dans son premier stade. Ce terme est très impropre, et emprunté à l’exégèse du Nouveau Testament. Il est justifié pour Jésus qui a pris en s’incarnant une nouvelle existence ou du moins une nouvelle nature. L’existence de l’Élu est toujours la même. Ses deux phases sont seulement séparées par le jugement. Comme il figure parmi des saints qui ont vécu sur la terre, on pourrait supposer qu’il a vécu lui aussi. Mais dans ce monde il y a aussi des anges, et le plus naturel est de supposer qu’il est un sur-ange.

La deuxième parabole (xlv-lvii) attribue d’abord le jugement à l’Élu[21] :

3 En ce jour, mon Élu siégera sur un trône de gloire, et il choisira parmi leurs actions (des hommes), et leurs lieux de repos seront innombrables[22] ; et leur âme s’affermira au dedans deux, lorsqu’ils verront mes élus et ceux qui ont eu recours à mon nom glorieux. 4 En ce jour, je ferai habiter mon Élu au milieu d’eux, et je transformerai le ciel… 5 Et je transformerai l’aride et je la ferai bénédiction ; et j’y ferai habiter mes élus…

Le ciel est devenu encore plus beau, la terre est transformée, les élus occupent et le ciel et la terre ; il n’y a plus de place pour les méchants dans ces lieux de bonheur.

Le Fils de l’homme n’a pas encore paru. Quand on le nommera, il sera évident qu’il n’est autre que l’Élu.

Tout d’abord il se présente tout à fait comme dans Daniel ; c’est un être surnaturel qui est comparé à un homme, ce n’est point encore le Fils de l’homme, comme s’il s’agissait d’un terme technique déjà connu.

1 Là je vis quelqu’un qui avait une « tête de jours », et sa tête était comme de la laine blanche ; et avec lui un autre dont la figure avait l’apparence d’un homme, et sa figure était pleine de grâce, comme un des anges saints. J’interrogeai l’ange qui marchait avec moi, et qui me faisait connaître tous les secrets au sujet de ce Fils de l’homme : « Qui est-il, et d’où vient-il ; pourquoi marche-t-il avec la Tête des jours[23] ? »

Entre les deux versets on saisit la nuance ; la comparaison employée par Daniel est devenue un nom propre. Il s’agit d’une personnalité distincte ; le nom qu’elle porte est toujours rattaché à la vision, « le fils de l’homme que tu as vu », « ce fils de l’homme » etc., mais c’est bien un nom propre et caractéristique, quoique mystérieux.

De toute façon c’est une individualité très marquée, ayant un rôle à jouer.

4 Le Fils de l’homme que tu as vu fera lever les rois et les puissants de leurs couches, et les forts de leurs sièges ; et il rompra les reins des forts, et il brisera les dents des pécheurs ; 5 et il renversera les rois de leurs trônes et de leur pouvoir, parce qu’ils ne l’ont pas exalté et qu’ils ne l’ont pas glorifié et qu’ils n’ont pas confessé humblement d’où leur avait été donnée la royauté[24].

Ce sont bien là des attributions messianiques, et le jugement s’exerce sur la terre, comme dans Daniel, mais ce jugement ne sera pas suivi d’un règne messianique terrestre ; tout ce qui suit se rapporte à la consommation définitive, et comme le livre date d’une époque où on distinguait très bien les promesses messianiques terrestres et les rétributions de l’au-delà, ce Fils de l’homme n’est point proprement un Messie.

On voit seulement qu’il sert pour ainsi dire de pierre de touche, et c’est de cette façon uniquement qu’il entre dans l’ordre du salut.

Non qu’il fasse quelque chose pour le procurer ; mais du moins la révélation du Fils de l’homme devient une force, une lumière, une espérance. Comment ? C’est ce que l’auteur n’explique pas, et c’est là surtout qu’on serait tenté de supposer une interpolation chrétienne[25].

2 Et à ce moment, ce Fils de l’homme fut nommé auprès du Seigneur des esprits, et son nom (fut nommé) devant la « Tête des jours ». 3 Et avant que le soleil et les signes fussent créés, avant que les étoiles du ciel fussent faites, son nom fut nommé devant le Seigneur des esprits. 4 Il sera un bâton pour les justes, afin qu’ils puissent s’appuyer sur lui et ne pas tomber, il sera la lumière des peuples, et il sera l’espérance de ceux qui souffrent dans leur cœur. 5 Tous ceux qui habitent sur l’aride se prosterneront et l’adoreront ; et ils béniront et ils glorifieront et ils chanteront le Seigneur des esprits. 6 Et c’est pour cela qu’il a été élu et caché devant lui (le Seigneur), avant la création du monde et pour l’éternité… 7 La sagesse du Seigneur des esprits l’a révélé aux saints et aux justes[26], car il a conservé la part des justes parce qu’ils ont haï et méprisé ce monde d’injustice et qu’ils en ont haï toute l’œuvre et les voies au nom du Seigneur des esprits ; car c’est par son nom qu’ils seront sauvés, et il est le vengeur de leur vie.

On comprend très bien comment des chrétiens sont sauvés par le nom du Christ[27], on le comprend moins bien de ces justes dont le Fils de l’homme se contente de conserver la part dans le ciel. Nos scrupules augmentent lorsque la fin de ce chapitre donne comme motif de la condamnation des pécheurs : « parce qu’ils ont renié le Seigneur des esprits [et son Messie] » [28]. Mais à supposer que tout cela soit antérieur au christianisme, tout le rôle du Fils de l’homme se borne à être révélé. Il n’a pas d’autre fonction active que celle de Juge. C’est à quoi se réduit la ressemblance, sur laquelle on a tant insisté, entre le Fils de l’homme du livre des Paraboles et celui de l’Évangile[29] : « Il (le Seigneur) s’est assis sur le trône de sa gloire, et la somme du jugement a été donnée au Fils de l’homme ». Ce passage rappelle singulièrement saint Jean[30], mais, à supposer qu’il fasse partie des interpolations chrétiennes, c’est constamment l’Élu qui juge[31], probablement sous la superintendance de l’ancien des Jours[32], et il juge même les mauvais anges, Azazel et toute son armée[33] :

« En ces jours, la terre rendra son dépôt, et le schéol rendra ce qu’il a reçu, et les enfers rendront ce qu’ils doivent » [34]. C’est donc la résurrection des bons et des méchants, générale, du moins dans l’horizon de l’auteur qui peut très bien y avoir compris les Gentils. L’Élu choisit les justes et les saints. Les montagnes de fer, de cuivre, d’argent qui symbolisent les royaumes se fondent à son aspect. Il y a là une réminiscence de Daniel[35] ; les montagnes remplacent la statue de différents métaux renversée par la pierre qui devient une montagne. Précisément ce passage nomme l’Élu oint ou Messie. L’auteur avait donc bien l’intention de remplacer le Messie traditionnel par l’Élu, intention qui paraît encore lorsqu’il le représente orné des dons de l’esprit, à la façon du rejeton de Jessé dans Isaïe[36]. C’est peut-être comme entraîné par ces souvenirs qu’il rend le Messie « fort et puissant sur la terre » [37]. Mais cela ne peut s’entendre que du temps du jugement ou du temps qui le suit. Le châtiment s’exerce sur la terre, dans la vallée de feu, et c’est aussi sur la terre qu’apparaîtra la maison de l’assemblée des saints.

Il semble que tout soit consommé, et cependant il restait à tenir compte de deux éléments traditionnels. Depuis Ézéchiel on admettait couramment qu’un dernier assaut serait livré à la cité dès élus et des justes avant qu’elle jouisse de sa définitive paix[38]. L’auteur n’a pas voulu se priver de ce trait. Les ennemis de Dieu sont nommés les Mèdes et les Parthes[39]. La tradition messianique était encore plus ferme sur un autre point : le retour des Israélites dispersés[40]. Ce retour est ici complètement surnaturel. Des chars emportés sur l’aile des vents ramènent des gens qui viennent de l’est et de l’ouest. « Telle est la fin de la seconde parabole » [41].

Il ne reste plus, après cette crise, dont les éléments sont assez confus, qu’à décrire cette consommation des choses qui remplace le règne messianique.

C’est le thème de la troisième parabole[42].

On nous a déjà dit que les élus « deviendront comme des anges dans le ciel » [43]. Ils sont dans le ciel[44], et dans la lumière du soleil[45], et dans le jardin de vie[46], et aussi, semble-t-il, sur la terre[47]. Les anges mesurent le séjour où « ils béniront et loueront, et exalteront et proclameront saint le nom du Seigneur des esprits » [48]. On dirait d’une scène de l’apocalypse de saint Jean. « Et le Seigneur des esprits demeurera sur eux, et avec ce Fils de l’homme ils mangeront, ils se coucheront et se lèveront pour les siècles des siècles » [49].

Puis on revient à la scène du jugement. C’est en vain que les puissants reconnaissent leur faute ; ils sont entraînés loin de ce Fils de l’homme avec les anges corrupteurs. Ceux qui ont maltraité les élus sont châtiés et les élus se réjouissent de la colère qui les frappe[50].

Et dès lors il n’y aura rien de corruptible, car ce Fils de l’homme a apparu et s’est assis sur le trône de sa gloire, et tout mal s’éloignera et s’en ira de devant sa face ; mais la parole de ce Fils de l’homme[51] restera devant le Seigneur des esprits. Telle est la troisième parabole d’Hénoch.

Chaque fois que reparaît ce Fils de l’homme, les termes eux-mêmes sont plus voisins de l’Évangile, ce qui ne s’explique bien que si ces passages ont été ajoutés par une inspiration chrétienne. Mais cette addition fût-elle prouvée, elle suppose nécessairement le rôle de l’Élu, le même dans les grandes lignes, et cet Élu est bien, lui, d’origine juive. Il est donc certain que dans le monde juif on a conçu cette idée hardie de transporter les espérances messianiques dans une sphère toute céleste. Ce Fils de l’homme existe avant la création du monde ; il jugera au moment fixé par le Seigneur des esprits et sera le chef de la société des élus. Et cependant cet Élu ou bien est celui qu’attendait l’ancien Israël, ou il est destiné à le remplacer et à le faire oublier. Or il n’y a, dans tout le livre des Paraboles, aucune trace de fusion. L’auteur n’a pas voulu combiner son Élu avec un Messie temporel ou le faire naître ou même paraître sur la terre ; il a donc plutôt entendu le remplacer.

On dirait qu’il a voulu faire plus grand qu’un Messie né de David, et pourtant, d’autre part, il a fait moins grand que dans Daniel. L’Élu ou ce Fils de l’homme, en se précisant, s’est un peu éloigné de la Tête des jours. Il est vrai que son nom a été nommé devant le Seigneur des esprits avant que le soleil et les constellations fussent créés[52], mais cette préexistence du nom, même chez les Sémites, n’est cependant pas synonyme d’une existence réelle. Ce qui est beaucoup plus fort, c’est qu’il a existé auprès de Dieu avant la création[53], et qu’il n’est jamais question de sa naissance.

Telle est cette eschatologie des Paraboles, assurément très confuse dans le détail, et altérée par des interpolations de toute sorte. On n’en peut méconnaître cependant le sens général et la haute spiritualité. Le nom même de Seigneur des esprits, qui ne reparaît presque nulle part ailleurs, lui donne son empreinte. L’existence actuelle des âmes auprès de ce Seigneur est nettement affirmée ainsi que leur capacité d’intercéder avec les justes de la terre. La fin de toutes choses sera l’apparition de ce monde céleste, et la transformation du monde actuel par cet envahissement de la lumière et de la justice. La résurrection marquera le passage de l’ordre corruptible du péché à l’ordre de la justice absolue. Un être mystérieux préside à ces changements ; il n’est pour rien dans le salut des justes, si ce n’est que sa figure, qui leur est révélée, les éclaire et les soutient. Le sentiment nationaliste est voilé sous les apparences du sentiment moral.il est sous-entendu que les justes et les élus sont la fleur d’Israël dont l’Élu est comme le prototype céleste. La nouveauté de cet ouvrage consiste dans le développement unilatéral de Daniel. Le Messie, — qu’il soit ou non nommé dans le texte primitif, — élevé à ces hauteurs, est désormais au niveau des conceptions eschatologiques les plus étendues et les plus spiritualisées. Il y pourra figurer beaucoup plus aisément que le Messie, fils de David, roi d’Israël et conquérant. Mais il faut constater aussi que ce n’est plus le même personnage. Ce n’est pas une solution du problème posé par des conceptions nouvelles et par la tradition sur l’homme-Messie ; c’est l’option exclusive d’un des deux éléments qu’il eût fallu concilier.

Ainsi nous ne doutons pas que ce messianisme céleste ait été créé par des Juifs sans qu’ils aient été provoqués à s’élever jusque-là par la concurrence du christianisme, mais il ne laissa pas de les embarrasser, lorsque les chrétiens eurent reconnu en Jésus le Fils de l’homme de Daniel.

Ils ne virent point d’autre solution, semble-t-il, que d’assimiler Hénoch lui-même au Fils de l’homme. Il monte au ciel et pénètre jusqu’à l’ancien des jours[54]. « 13 Et cette Tête des jours vint avec Michaël et Gabriel, Raphaël et Phanuel, et des milliers et des myriades d’anges innombrables. 14 Et elle vint à moi, et elle me salua de la voix et me dit : « Toi, tu es le fils de l’homme qui a été engendré pour la justice, et la justice demeure sur toi, et la justice de la Tête des jours ne t’abandonnera pas ». Ce sont précisément les prédicats accordés plus haut au Fils de l’homme[55]. Assurément tout ce chapitre est en contradiction avec ce qui précède et doit être regardé comme une interpolation d’origine juive. Mais l’idée elle-même n’est point une singularité du glossateur. Elle se retrouve, plus développée, dans le Livre des secrets d’Hénoch.

Avant d’être définitivement enlevé à la terre, Hénoch était monté au ciel. Arrivé au terme de son ascension, il est investi de sa mission par une onction divine[56] :

Et le Seigneur Dieu dit à Michel : Prends Hénoch et dépouille-le de ses [habits] terrestres, et oins-le d’une onction belle et habille-le d’habits de gloire. 9 Et Michel me dépouilla de mes habits et m’oignit d’une onction belle ; et l’aspect de cette onction était plus [brillant] qu’une grande lumière, et son onction était comme une belle rosée, et son parfum comme la myrrhe, et comme les rayons éclatants du soleil. 10 Et je me considérais me contemplant moi-même, j’étais comme un des glorieux et il n’y avait aucune différence. El la crainte et le tremblement me quittèrent.

Si ces termes ont quelque sens, Hénoch fut donc alors consacré Messie. Dieu lui révèle les secrets du ciel ; il redescend sur la terre pour y prêcher. Au moment où il allait remonter au ciel, et cette fois pour toujours, le peuple, groupé autour de lui, lui adresse cette prière[57] :

4 Et maintenant bénis tes fils et tout le peuple, afin que nous soyons aujourd’hui glorifiés devant ta face, parce que tu es glorifié pour l’éternité devant la face du Seigneur ; 5 car le Seigneur t’a choisi plus que tous les hommes sur la terre et t’a établi comme celui qui décrit ses créatures, les visibles et les invisibles, et qui enlève les péchés des hommes et qui aide les enfants de sa maison.

Ne dirait-on pas qu’Hénoch est ici un véritable rédempteur[58] ? Cependant, depuis son onction, le patriarche ne pouvait goûter aucune nourriture[59]. Ses exhortations terminées, des ténèbres se produisent, et les anges l’élèvent au plus haut du ciel, là où est le Seigneur.

Puis la lumière réparait, et le peuple s’aperçoit qu’Hénoch a disparu[60]. Mathusalem et ses frères offrent un sacrifice ; les anciens du peuple leur font des cadeaux, et la fête se prolonge pendant trois jours[61].

La même tradition se retrouve dans le Targum du Pseudo-Jonathan, où Hénoch est identifié avec le Métatron, cette création étrange de l’imagination théologique, qui représente Dieu auprès d’Israël et Israël auprès de Dieu. Comme on ne veut pas placer Hénoch sur le même trône que Dieu (σύνθρονος), on le place sur le trône inférieur (μετάθρονος), et cela rappelle bien ce trône du livre des Paraboles réservé à l’Élu ou Fils de l’homme : Hénoch « monta au ciel par le Verbe devant Dieu, et il le nomma Métatron, le grand scribe » [62].

Voilà donc à quoi aboutit en définitive, dans l’apocalypse juive, ce Messie céleste et transcendant. Ce n’est autre qu’Hénoch lui-même. Enlevé de terre sans avoir connu la mort, il avait eu le temps de connaître les secrets du ciel ; il jouissait ainsi d’une sorte de préexistence ou plutôt de survivance céleste qui laissait espérer son avènement au dernier jour. On s’écartait ainsi de plus en plus de la tradition prophétique dont les grandes images se réduisaient à une conception bizarre, destinée à tomber dans l’oubli.

  1. Is. ix, 5.
  2. Schürer, Geschichte…, I, p. 418 ss. et plus haut, p. 17 s.
  3. Judas en Galilée (Ant. XVII, x, 5 ; Bell. II, iv, 1) ; Simon en Pérée (Ant. XVII, x, 6 ; Bell. II, iv, 2) ; Athrongès en Judée (Ant. XVII, x, 7 ; Bell. II, iv, 3).
  4. Ant. XVII, x, 9-10 ; xi, 1 ; Bell. II, v, 1-3.
  5. RB., 1905, p. 481-486.
  6. Cf RB., 1905, p. 484 s.
  7. Tunc implebuntur manus nuntii qui est in summo constitutus. D’après Clemen, Luecken, Volz, il s’agit d’un ange, par exemple Michel. Mais Moïse lui-même, qui est un homme, est magnus nuntius, xi, 17, et il faut se souvenir du magni consilii angelus des LXX, Is. ix, 6. L’image de « remplir la main » (cf. Ex. xxviii, 41) conduit à l’idée d’onction. Il s’agit donc ici d’un Messie existant auprès de Dieu, à la façon du Livre des Paraboles, qu’on identifiait peut-être avec le Male’ak de Iahvé. Son rôle consiste uniquement à vaincre les ennemis.
  8. Hén. xxxvii-lxxi.

    En corrigeant les épreuves, je suis heureux de signaler l’article de M. Léon Gry, dans le Muséon (1908, p. 27-71), sur La composition littéraire des paraboles d’Hénoch. Après M. Appel (Die Komposition des aethiop. Henochbuches, dans les Beiträge z. Forder. d. christl. Theol., 1906, III), mais avec plus de modération et de tact, et en faisant d’expresses réserves sur la certitude des résultats, M. Gry distingue dans le livre des Paraboles, outre les fragments noachiques déjà reconnus de tous les critiques : 1) quelques fragments du Livre des Secrets célestes, xli, 3-9 ; xliii, 1-3 ; xliv ; lix; — 2) une source I qui aurait fourni les chap. xxxix, 12-xli ; xliii, 3 ss. ; xlvi ; lii, 1-5 ; lxi, 1-3 ; peut-être aussi xxxviii ; xlv, 1-3 ; lviii ; xlviii, 8-xlix ; — 3) une source II contenue dans les chap. lii, 5-liv, 7 ; lv, 3-lvi, 6 ; lvii, 3-lxiii, 2…, 11 et 12 ; — 4) une source III, ou source de Sagesse, xxxix, 3-12 ; xlviii, 1 et xlii. L’intérêt messianique de cette analyse est que M. Gry croit reconnaître dans la source I un Messie qui « emploie les moyens naturels d’action. C’est lui qui jette à bas le trône des rois (xlvi, 4) : il se sert des métaux cachés que connaît Hénoch, et il devient puissant sur terre (lii, 1-3). En un mot, il reste roi vainqueur. En II, le Messie est, avant tout, un juge, doué, il faut le dire, de qualités surnaturelles, puisque les métaux qui sont la ressource des pécheurs fondent à son approche » (lii, 5) (p. 55). — S’il nous est permis de dire ici notre sentiment, la distinction de ces deux sources, qui paraît surtout fondée sur la présence de deux anges, « l’ange de paix » et « l’ange qui était avec moi », n’est guère probable, d’autant qu’il faudrait supposer que le rédacteur a identifié ces deux anges pour cacher son jeu, car ils sont identifiés dans le livre que nous possédons. Quant à attribuer à deux sources les deux allusions, qui se suivent, aux montagnes des métaux, cela est tout à fait invraisemblable, et M. Gry nous indique lui-même, après M. Martin, comment on peut concilier l’opposition apparente des versets 4 et 6 du chap. lii. Les métaux dont les méchants comptaient se servir sont anéantis à l’arrivée du Messie. Le v. 4 est le seul indice d’un Messie se servant des moyens naturels. « Il me dit : « Tout ce que tu as vu servira au pouvoir de son Messie pour qu’il soit fort et puissant sur la terre ». Mais M. Martin nous avertit que le sens de l’éthiopien peut être aussi bien « sera au pouvoir », en harmonie avec le v. 6 : « Les montagnes que tes yeux ont vues, la monfagne de fer, la montagne de cuivre, la montagne d’argent, la montagne d’or, la montagne d’airain et la montagne de plomb, elles seront toutes devant l’Élu comme la cire devant le feu... ». A supposer que le v. 4 n’ait pas été interpolé, comme le pense M. Martin, l’allusion à la terre n’implique pas l'emploi de moyens naturels pour obtenir la victoire. El il en est de même au chap. xlvi, 4 : le Fils de l’homme est un vainqueur, cela va de soi, mais un vainqueur céleste. Il renversera ses ennemis de leurs trônes (v. 4 et 5), mais aussitôt les ténèbres seront leur demeure et les vers leur couche (v. 6). Il s’agit donc encore ici uniquement du dernier jugement, quoique la scène en soit sur la terre, d’ailleurs comme dans Daniel, et non point du Roi Messie à l’instar des Psaumes de Salomon.

    Signalons encore une divergence entre les idées exprimées dans ce livre et l’opinion très autorisée de M. Gry. Dans le chap. lxxi où Hénoch devient fils de l'homme, il pense qu’il faut parler de la prédestination d’Hénoch, non de vocation messianique. « Pour le rédacteur ou l’interpolateur de Hén. éth. lxxi, 14, le « Fils de l’homme serait donc, non point le Roi-Messie qui est ainsi désigné dans le document I, non point l’homme même que l’on apostrophe comme il en va dans le fragment noachiqne indiqué, mais celui-là spécialement qui est prédestiné à la gloire et sait qu’il l’est » (p. 64, note). Avant de juger trop sévèrement notre hypothèse d’une atténuation de parti pris du titre de fils de l’homme, dérivé sur Hénoch pour éviter Jésus, nous demandons qu’on se souvienne des nombreuses falsifications de textes si audacieusement perpétrées par les Juifs dans la littérature grecque et présentées par eux avec une audace encore plus surprenante dans un but apologétique.

  9. lvi, 5:« En ces jours, les anges reviendront et se jetteront vers l’Orient, chez les Parthes el les Mèdes ; ils secoueront les rois, et un esprit de trouble les envahira (les rois); et ils les renverseront de leurs trônes et (ces rois) s’enfuiront comme des lions de leurs tanières au milieu de leurs troupeaux » (Trad. Martin).
  10. xlvi, 7:« Leur puissance réside dans leur richesse, et leur confiance (va) aux dieux qu’ils ont fait de leurs mains ; ils renient le nom du Seigneur des esprits ; et ils persécutent ses assemblées et les fidèles qui sont attachés au nom du Seigneur des esprits » (Trad. Martin).
  11. Josèphe, Ant. XVII, xiii, 2; cf. Bell. II, vii, 3.
  12. C’est encore l’opinion de M. Nathanaël Schmidt, dans Encyclopaedia biblica : Son of man.
  13. xlvi, 2. 3. 4 ; xlviii, 2 : walda sab’e, filius hominis ; lxii, 7. 9. 14 ; lxiii, 11 ; lxix, 26. 27 ; lxx, 1 : walda ’eguâla ’emaḥayâw, équivalent de ὁ υἱὸς τοῦ ἀνθρώπου dans le N. T. ; lxii, 5 ; lxix, 29 (bis) : walda be’esî, filius viri, changé dans les moins bons manuscrits en walda be’esît, « fils de la femme » ; cf. F. C. Burkitt, dans The journal of theological studies, 1907, p. 446 s.
  14. Reconnu par Bacher, Die Agada der Pal. Amoräer, II, p. 118. Ce passage qui se trouve dans Michna Ta’anith a été mal compris par Schwab, Talmud de Jérusalem, vi, p. 156. Avec son radicalisme accoutumé, M. Schmidt (Enc. bibl., loc. laud.) suppose une altération du texte du Talmud et voudrait faire accroire que, d’après R. Abahou, Jésus se donnait seulement pour un homme. Nous reviendrons sur ce texte ; cf. p. 226 s.
  15. lxxi, 14 : « Et elle (la tête des jours) vint à moi, et elle me salua de la voix et me dit : « Toi, tu es le fils de L’homme qui a été engendré pour la justice, et la justice demeure sur toi, et la justice de la tête des jours ne t’abandonnera pas » (Trad. Martin). Cela est bien différent du titre de fils de l’homme donné à Hénoch (lx, 10) sans affectation spéciale, comme à Daniel lui-même (viii, 17) ou à Ézéchiel (passim).
  16. Sauf bien entendu les Testaments des XII Patriarches, qui ne sont pas proprement une apocalypse, et où les interpolations chrétiennes sont admises de tout le monde.
  17. Sauf pour le ch. cviii d’Hénoch qui est précisément très interpolé dans le sens chrétien. Nous citons seulement les rapprochements les plus évidents : Mt. xix, 28 : « Lorsque, au jour du renouvellement, le Fils de l’homme sera assis sur le trône de sa gloire » ; Hén. lxii, 5 : « Quand ils verront le Fils de l’homme assis sur le trône de sa gloire ». — Mt. xxvi, 24 : « Mieux vaudrait pour lui que cet homme-là ne fût pas né » ; Hén. xxxviii, 2 : « Il eût mieux valu pour eux qu’ils ne fussent pas nés ». — Mt. xxviii, 18 : « Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre » ; Hén. lii, 4 : « Tout ce que tu as vu servir au pouvoir de son Messie, pour qu’il soit fort et puissant sur ta terre ». — Mc. xii, : « Ils seront comme des anges dans le ciel » ; Hén. li, 4. « Tous deviendront des anges dans le ciel », — Lc. i, 52 : « Il a renversé de leur trône les potentats » ; Hén. xlvi, 5 : « Il renversera les rois de leurs trônes ». — Lc. xxi, 28 : « Votre délivrance approche » ; Hén. li, 2 : « Il est proche le jour où ils seront sauvés ». — Joa. v, 22 : « Il a donné au Fils le jugement tout entier » ; Hén. lxix, 27 : « La somme du jugement a été donnée au Fils de l’homme ».
  18. xli, 1.
  19. II Mac. xv, 14.
  20. xxxix, 6 s. (Trad. Martin).
  21. xlv, 3 ss. (Trad. Martin).
  22. Jo. xiv, 2 : « Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon père ».
  23. Hén. xlvi, 1 et 2 (Trad. Martin).
  24. Eod. loc. (Trad. Martin).
  25. xlviii, 2 ss. (Trad. Martin).
  26. Eph. iii, 5 : aliis generationibus non est agnitum filiis hominum, sicuti nunc revelatum est sanctis Apostolis eius…
  27. Cf. I Cor. vi, 11 ; Actes, iv, 12. Dans Hén. l, 2, les justes sont sauvés par le nom du Seigneur des esprits, ce qui est beaucoup plus normal.
  28. xlviii, 10. Dalman (Die Worte Jesu, p. 221) propose de retrancher « et son Messie ». Cela est très bien vu, mais ces mots ne sont guère plus spécifiquement chrétiens que d’autres. C’est toute une série d’interpolations qu’il faudrait reconnaître, avant tout lii, 4.
  29. lxix, 27.
  30. Jo. v, 22 : « Le Père ne juge personne, mais il a donné au Fils le jugement tout entier… »
  31. xlv, 3 ; li, 3 ; lv, 4 ; lxi, 8 ; lxii, 2.
  32. xlvii, 3.
  33. lv, 4.
  34. li, 1. (Trad. Martin).
  35. Dan. ii, 31-45.
  36. Hén. xlix, 3 : « En lui habite l’esprit de sagesse, et l’esprit qui éclaire, et l’esprit de science et de force, et l’esprit de ceux qui se sont endormis dans la justice », ce qui veut dire qu’il est orné de tous les dons des justes, y compris sans doute les Patriarches ; cf. Is. xi, 1 s.
  37. lii, 4.
  38. Ez. xxxviii s, (Gog et Magog) ; Joël, iv ; Zach. xii et xiv ; Sibyl. iii, 652 ss. ; IV Esd. xiii.
  39. lvi, 5.
  40. Is. xi, 10 ss. ; xxvii, 12 s. ; Zach. i, 11 ss. etc.
  41. lvii, 3.
  42. lviii-lxix.
  43. li, 4.
  44. lviii, 5.
  45. lviii, 3.
  46. lxi, 12.
  47. lviii, 5 ; lxii, 15.
  48. lxi, 9.
  49. lxii, 13. Cf. Luc, xxii, 29-30.
  50. lxix, 19 (Trad. Martin).
  51. Mc. xiii, 31 et parallèles.
  52. Hén. xlviii, 3 ; cf. xxxix, 6 ; xlix, 2 ; lxii, 7.
  53. Hén. xlviii, 6.
  54. lxxi, 13 s. (Trad. Martin).
  55. xlvi, 3.
  56. Texte B, xxii, 8 ss.
  57. lxiv, 4 s.
  58. Il est vrai que le patriarche a protesté d’avance : « Mes enfants, ne dites pas : Notre père est devant Dieu et priera pour nos péchés, car personne n’est là pour secourir un seul homme s’il a péché » (liii, 1).
  59. lvi, 2.
  60. lxvii.
  61. lxviii.
  62. Ps.-Jon. sur Gen. iv, 24 : וסליק לרקיעא במימר קדם ה׳ וקרא שמיה מיטטרון ספרא רבא. On a proposé aussi comme étymologie de מיטטרון μετατύραννος. Il est sûr que la transcription de θ par ט n’est pas normale, mais le son ט a pu être amené par le ט précédent.