Éditions Jules Tallandier (p. 21-41).


CHAPITRE II

Un bizarre message diplomatique


Le lendemain de ce jour, vers dix heures du matin, un auto-taxi s’arrêta devant la haute porte cintrée, dont les vantaux, ouverts au large, laissaient apercevoir la cour pavée et l’hôtel, précédé d’un large perron, de la légation de Corée.

Le général Uko et sa fille Sika en descendirent. Ils se rendaient à l’invitation contenue dans la lettre reçue la veille, au Mirific-Hôtel.

Tous deux traversèrent la cour, gravirent le perron du pavillon principal ; et à l’huissier de service, le général demanda :

— M. le secrétaire Arakiri ?

— Qui dois-je annoncer ? riposta l’interpellé, avec la dignité des fonctionnaires de son espèce.

Le visiteur tendit sa carte. L’huissier s’inclina, sortit pour reparaître un instant plus tard avec un empressement marqué.

— Si Monsieur le général veut bien me suivre ?

— Sika ! fit ce dernier en se tournant vers la jeune fille, attends-moi ici !

— Bien, mon père !

Et tandis qu’elle s’asseyait, le général, à la suite de son guide s’enfonça dans les détours d’un couloir, lequel aboutissait à une double porte, matelassée afin d’étouffer le bruit des conversations. L’huissier frappa, ouvrit et s’effaça pour laisser passer le visiteur.

Celui-ci se trouva dans un cabinet sévère, meublé d’une table-bureau, de plusieurs fauteuils de cuir et d’une énorme armoire à trois panneaux qui occupait tout un côté de la pièce.

Un petit homme sec, la moustache cirée, la tête trop grosse pour son corps grêle, s’avança, la main tendue :

— Général Uko !

— Monsieur Arakiri, sans doute ?

— Lui-même !

— J’ai reçu votre convocation…

Du geste, le secrétaire désigna un siège.

— Asseyez-vous, je vous prie, mon général. Nous avons à causer de choses graves.

— Si graves que cela ? Interrogea le général, avec un sourire.

— Jugez-en. Elles intéressent notre patrie, le Japon, et je vous reçois à la légation de Corée. Ces simples paroles doivent vous faire pressentir l’existence d’un mystère.

— En effet.

— Or, qui dit mystère dit confidence sérieuse.

Et le général Uko, acquiesçant du geste, l’attaché poursuivit d’un ton insinuant :

— Ne vous frappez pas. Personne ne saurait nous entendre, les portes étant closes et bien gardées, soyez-en sûr. Veuillez donc m’accorder votre attention.

— Je suis tout oreilles.

L’interlocuteur de l’officier japonais s’inclina, et sans autre préambule :

— Vous savez aussi bien que moi, dit-il, que l’Allemagne, la France, la Russie, l’Angleterre, tous les grands États européens, se sont entendus pour maintenir le statu quo en Extrême-Orient, ce qui signifie, en langage diplomatique clair, que ces puissances sont coalisées pour empêcher toute expansion nouvelle du Japon.

— La conclusion de cet accord a failli me faire mourir de rage.

— Or, le Japon veut être expansif…

— C’est son droit, par Bouddha !

— Il n’entend pas être astreint à conserver indéfiniment ses limites actuelles, alors que sa population va toujours croissant. Il lui faut sans cesse des frontières plus reculées pour n’être pas arrêté dans sa marche vers le progrès. Le Japon, entendez bien ceci, mon général, le Japon doit étendre sa suprématie sur le Pacifique et l’océan Indien.

— Il le doit, approuva Uko en se dressant à demi, seulement…

— Je sais ce que vous allez répondre. La réalisation de cette idée provoquera une guerre générale. L’Europe tout entière se lèvera contre nous.

— Précisément !

— Combien vous vous trompez, permettez-moi de vous le déclarer.

— Si vous me démontrez cela…

— Mais à l’instant, sans effort, le sourire sur les lèvres. La ruse nous a toujours réussi. Sans coup férir, sans effusion de sang, la ruse nous conduira au but ! Les vieilles nations s’agitent, crient, menacent, lorsqu’on étale bénévolement sous leurs yeux des projets ambitieux ; mais lorsqu’elles se trouvent en présence du fait accompli, elles s’inclinent toujours ; oh ! en murmurant ; mais notre empereur, notre mikado, est indulgent. Il admet les murmures. Eh bien, mon cher général, le vénéré souverain de l’empire du Soleil-Levant a trouvé le moyen de ne révéler nos desseins qu’après les avoir accomplis.

Le secrétaire Arakiri ponctua cette déclaration par un petit éclat de rire tout à fait ironique.

— Avec vous, je n’ai pas besoin de souligner l’importance de l’opération, reprit-il. Mais vous devinez que Sa Lumière Rosée, le mikado, a désigné, pour conduire l’action, un homme choisi parmi les plus sûrs, les plus éprouvés, les plus fidèles de ses sujets ! Vous, général Uko !

L’officier s’inclina et, curieusement :

— Expliquez-vous car, je l’avoue, je ne vois pas comment je puis assurer la domination du Japon sur les océans Pacifique et Indien. Le désir ne me manque pas, certes, mais la force.

— On vous la donnera.

— Oh ! alors… qu’attend de moi Sa Grandeur sereine le mikado ?

— Le mikado attend de vous, général, la première victoire… pacifique.

Uko se passa la main sur le front, en homme qui comprend mal.

— Une victoire pacifique ! Ah ! ah !… Enfin, notre souverain sait mieux que moi… Je suis prêt à obéir. Que me faut-il faire ?

— Je n’en sais rien !

À cette réplique inattendue, l’officier se dressa d’un bond :

— Comment ! Vous n’en savez rien ?

— Reprenez place, je vous en prie.

— Voilà… Mais, de par le Tigre et le Dragon, ne continuez pas à me retourner sur un rébus incompréhensible.

— Vous êtes bouillant comme le dieu de la guerre lui-même, général. Je vous ai convoqué pour vous transmettre les ordres qui m’ont été adressés.

— Je vous en serai reconnaissant

— En ce cas, écoutez-moi avec calme. Et si mes paroles vous semblent étranges, songez que je suis simplement le porte-voix du mikado.

Le petit homme salua dans l’espace, puis continua :

— Quelques mots sur ce qui se passe à l’ordinaire… À l’ordinaire, mon général, un ambassadeur reçoit de son gouvernement des instructions sous pli cacheté ; et régulièrement, il arrive que les chancelleries des puissances rivales sont informées du contenu de ces plis, avant que le plénipotentiaire se soit mis en route.

— Trop exact, hélas ! Ah ! si l’on était seul à entretenir des espions à l’étranger !…

— Oui, mais on n’est pas seul ; il faut donc songer à dépister les curieux ; or, notre souverain (nouveau salut) me semble avoir assuré le secret de l’ambassade qui vous est proposée. Il n’y aura rien d’écrit.

— Bravo !

— Et, continua imperturbablement Arakiri, ni le sommeil, ni le vin, ni les tortures ne réussiront à vous faire révéler le but de votre mission.

— Cela, j’en fais serment…

— Vous le pouvez d’autant mieux, général, que vous-même l’ignorerez.

Du coup, Uko trépigna :

— Mais c’est une gageure. Je dois accomplir une mission et je ne la connaîtrai pas ?

— C’est tout à fait ça.

— Ah ! prenez garde ! rugit l’interlocuteur de l’attaché, je n’ai jamais souffert que l’on se moquât de moi…

Arakiri l’interrompit vivement :

— Personne n’y songe, général ; je vous en donne ma parole. Soumettez-vous comme moi-même aux décisions de notre vénéré souverain.

— Vous affirmez que c’est lui ?

— Lui, en personne.

— Mais de quelle façon puis-je remplir une mission que l’on ne me confie pas ?

— Vous agirez sans savoir où tendent vos actes, mais vos actes vous seront prescrits.

— Ah bien ! bien… grommela le général. On me dira ce que je dois faire, et j’ignorerai pourquoi je le fais ?

— Juste.

— L’obéissance est la première vertu militaire. Quels sont les ordres ?

— Faciles, général… Prendre le paquet que vous voyez sur ma table.

— Bon. Je le prends, consentit Uko en saisissant le paquet désigné, lequel était enveloppé de papier gris et mesurait environ vingt centimètres sur trente.

— Parfait ! Ce paquet, je vous le dis pour éviter de l’ouvrir, maintenant, ce paquet contient un pantalon…

— Un… pantalon ? répéta le général, ahuri.

— Un pan-ta-lon, prononça l’attaché en accentuant les syllabes.

— Mais, de par tous les démons de la nuit !…

— Mon général, supplia Arakiri, du calme. Encore une fois, c’est le mikado, dans sa sagesse, qui…

— Qui me charge d’un pantalon, comme un vulgaire tailleur.

— Un tailleur de la grandeur japonaise, affirma l’attaché d’un ton si pénétré que son interlocuteur s’apaisa.

Ce fut d’une voix redevenue calme que le général poursuivit :

— Soit ! J’admets le pantalon… Après ? Que signifie-t-il ?

— Après ? Ma foi, je ne saurais vous dire ce qu’il exprime. Est-ce un symbole, une formule matérielle de langage convenu ?… Je l’ignore. Mais au certain, il exprime un secret d’État.

Uko éclata d’un rire nerveux.

— Ce pantalon ? Un secret d’État ? Ah ! fichtre non, les espions ne le devineront pas, celui-là.

— Voilà l’appréciation juste, général. Conséquences : pas de complications diplomatiques ; certitude du succès pacifique de l’empire du Soleil Levant.

— Si vous le voulez ! Ai-je au moins le droit de m’enquérir de ce que je ferai de ce vêtement ?

— Certes.

— Renseignez-moi donc, je vous prie.

Arakiri leva la main comme pour donner plus d’autorité à ses paroles :

— Vous le garderez précieusement jusqu’au moment où l’on vous désignera la personne à qui vous devrez le remettre !

— Et le nom de cette personne ?

— Je l’ignore, général.

— Ah ! vous aviez cent fois raison tout à l’heure. Pas de danger de trahir le secret.

— Cependant, il peut être pénétré.

— Celui qui y réussirait serait perspicace, permettez-moi de le jurer.

— C’est aussi mon avis. Mais la possibilité de pareille occurrence semble ressortir de ce que je suis encore chargé de vous confier.

— Confier ! Ah ! cher monsieur, le mot est charmant !

L’attaché daigna sourire, puis, toujours calme :

— On m’a enjoint d’insister auprès de vous sur l’importance exceptionnelle de l’objet en question. Ce pantalon… diplomatique, s’il arrive à bon port, contient les honneurs, la fortune, la gloire pour son porteur ; si, par contre, il vous était enlevé, je craindrais pour votre existence.

— Et allez donc ! Une culotte de vie ou de mort.

— Ne riez pas, général ; c’est très sérieux. Sous quatre jours, vous recevrez l’ordre de quitter Paris.

— Pour aller où ?

— Je n’en sais rien ! La première escale de votre mission ne vous sera révélée qu’au moment du départ Parvenu en ce point, vous attendrez de nouveaux ordres.

— Pour aller plus loin ?

— Probablement. Je vous le répète, général, je ne sais rien.

— Drôle de mission, en vérité, grommela Uko ; si ce n’était le mikado qui commande, je la déclarerais ridicule.

— Non, non… Rien n’est ridicule dans tout ceci, s’écria l’attaché. Vous allez travailler à la grandeur de la patrie japonaise ; qu’importent les moyens, pourvu que l’on réussisse ! Et puis qui donc pourrait plaisanter ? Vous voyagerez… Vous serez porteur d’un pantalon… soigneusement plié dans votre valise, avec vos autres vêtements. Quoi de ridicule à cela ? Est-ce que le ridicule existe en ce cas ? Vous traitez cette partie de l’habillement comme tous ses congénères. Dans la valise. Au besoin, vous le portez sur vous !

— Pour cela, il faudrait qu’il fût à ma taille.

— Je crois que l’on a veillé à cela.

— Et vous l’avez vu ?

— Oui ! c’est un pantalon qui n’appelle pas l’attention. Un pantalon de touriste, gris fer avec doublure de satin noir, boucle cuivre, poche revolver. Un million de pantalons semblables se promènent annuellement autour du globe.

Le général s’était levé.

Il tendit la main à son interlocuteur.

— Vous devez avoir raison, monsieur Arakiri. Je me conformerai à vos instructions, si insuffisantes qu’elles me paraissent. Je vais attendre l’ordre de départ, car je suppose que vous n’avez plus rien à me dire.

— Plus rien, mon général.

Arakiri se reprit vivement :

— Pardon ! excusez ma distraction. J’ai le devoir de vous donner le titre qui vous appartient désormais : M. le Ministre plénipotentiaire et ambassadeur extraordinaire.

— Extraordinaire est le mot le plus juste de ce titre, soupira Uko en se dirigeant vers la porte.

Mais l’attaché le retint encore.

— Un instant, général ! Voulez-vous avoir l’obligeance de me signer ce reçu ?

— Un reçu ?

— Certifiant la remise du pantalon. Simple décharge pour moi.

Un grincement de plume sur le papier. Le général a donné la signature demandée. Il sort, reconduit jusqu’au seuil par M. Arakiri, et, cinq minutes plus tard, il rejoint la blonde Sika, qui, dans l’antichambre, feuillette des revues illustrées.

— Tiens ! fait-elle, que portes-tu dans ce petit paquet ?

Le général tressaille. Il se penche à son oreille :

— Mignonne, c’est… un secret.

— Un secret !… Alors tu me le diras ?

— Impossible !

— Les militaires de ce pays prétendent que le mot impossible n’est pas français… J’espère que tu ne le naturaliseras pas japonais ?

Il sourit à l’enfant gâtée :

— Non, ma chérie. Mais je serai discret, uniquement parce que j’ignore le mystère.

— Quel mystère ?

— Je ne sais pas.

— Mais enfin, qu’est ce paquet ?

— Un pantalon !

— Un… tu dis ?.… Un pan… Ah ! Ah !…

— Chut ! Sika ! Ne ris pas. Ce pantalon, ce vêtement grotesque, représente, paraît-il, la suprématie du Japon sur l’océan Indien et sur le Pacifique.

Sika rit plus fort :

— Voyons, papa ! Tu te moques…

— Pas le moins du monde.

— Pourtant ?…

— Ordre du mikado.

Elle le regarda, incrédule encore ; mais elle le vit si grave, que le rire s’effaça de ses lèvres.

Et devenue très sérieuse à ton tour, elle quitta la légation de Corée, au bras du général lequel lui contait à voix basse l’étrange ambassade dont il venait d’assumer la charge.

Comme ils traversaient le trottoir pour remonter dans l’automobile, qui les attendait, un passant s’arrêta net, à trois pas d’eux, avec cette exclamation :

— Oh ! l’imprévu dans la beauté !

C’était un jeune homme, de taille moyenne, la physionomie ouverte, intelligente, agréable plutôt que régulière.

Son costume, modeste, mais rigoureusement propre, attestait à la fois des finances voisinant avec la pauvreté et le sentiment vivace de la dignité de la tenue.

Il regardait Sika avec une admiration non dissimulée, ses yeux allant du charmant visage de la jeune fille à sa couronne de cheveux blonds.

En dépit de l’incorrection évidemment involontaire de cet examen, l’attitude de l’inconnu demeurait parfaitement respectueuse.

Un regard du général Uko le rappela sans doute à lui-même, car d’un geste machinal il leva son chapeau, s’inclina profondément et s’éloigna.

Tout en prenant place dans l’auto-taxi, Uko marmonnait :

— Ces Occidentaux sont inexplicables !… Quels barbares ! Et ils se targuent de leur civilisation !

Ce à quoi Sika répondit :

— Tiens ! Il était surpris de rencontrer une Japonaise blonde. Il ne pouvait deviner que je tiens mes cheveux de ma mère qui était Anglaise.

— On est plus maître de son étonnement quand on est poli.

— Mais il m’a semblé poli. Son salut exprimait le regret d’une faute involontaire… Une faute vénielle, en somme.

Uko fronça les sourcils mais ne répondit pas.

Il avait la perception confuse que la jeune fille subissait inconsciemment le charme de se savoir admirée.

Au surplus, l’auto démarrait, laissant en arrière l’importun.

Cependant, si les promeneurs avaient regardé dans le sillage du véhicule, ils eussent aperçu le passant, immobilisé au bord du trottoir, suivant d’un regard trouble la voiture qui s’éloignait.

Et l’inconnu murmurait, sans se rendre compte à coup sûr qu’il formulait sa pensée d’une voix perceptible :

— Adorable ! En vérité, adorable !

Il eut un geste rageur.

— Ah ! te voilà bien, mon brave Marcel Tibérade ! Incorrigible rêveur, qui, avec des titres de docteur ès sciences physiques, de docteur en droit et ès lettres, as tant de peine à gagner ta vie et celle de ta mignonne cousine Emmie. Monsieur possède un dernier louis, et monsieur pense encore à regarder une inconnue qu’il aperçoit sans doute pour la première et la dernière fois. Stupide bonhomme ! Docteur idiot ! Ah ! il est joli, ton sens pratique de la vie.

D’un mouvement brusque, il pivota sur lui-même, et se mit en marche à grands pas dans une direction opposée à celle qu’avait suivie l’automobile.

Ainsi, il ne vit par M. le conseiller Arakiri sortir de la légation coréenne.

Celui-ci, la porte à peine refermée sur le général, s’était frotté joyeusement les mains.

— Par le Soleil Levant ! s’écria-t-il, ce brave général Uko me tire une rude épine du pied ! Ah ! ce pantalon ! Ce pantalon ! Par quelles transes il m’a fait passer ! Enfin, j’en suis délivré. Finie l’effroyable responsabilité que je devine enclose en cet ajustement. Mon reçu bien en règle dans ma poche, je suis tranquille, et ma foi, je me mets en vacances. Allons terminer une journée si bien remplie dans ma petite maison du Vésinet

Il riait, découvrant ses dents blanches. Sa main s’appuya sur la sonnerie électrique et, l’huissier aussitôt apparu, il dit, affectant une gravité bien éloignée de son esprit :

— Imo, je pars ! Les affaires ne m’accordent pas un instant de répit. Leur grand nombre, leur importance, leur multiplicité m’accablent. Si l’on me demande, vous ferez repasser demain. Aujourd’hui, un service… commandé m’absorbera, je ne sais jusqu’à quelle heure…

— Soyez assuré, monsieur le conseiller…

— Je suis assuré de votre zèle, Imo ; ne nous dépensons pas en affirmations oiseuses. Le temps vole sans avoir besoin d’aéroplane, ce vieux temps. Ma canne, mon chapeau… Je n’oublie rien ? Non. À demain, Imo.

Sur ce, M. Arakiri s’élança hors de son bureau, absolument comme s’il courait à un devoir dont dépendit la grandeur nippone.

L’huissier attendit que le bruit de ses pas se fût éteint, puis hochant la tête, avec un sourire narquois :

— Moi, je ne suis qu’un modeste huissier. On ne me met pas au courant des manigances politiques. Aussi n’ai-je qu’un devoir : conserver en bonne santé un père aux enfants que j’aurai un jour ou l’autre, et pour cela me reposer toutes les fois que j’en trouve l’occasion. M. Arakiri absent, je ne sers à rien ici, je rentre chez moi.

À son tour il sortit, apparemment ravi de sa détermination.

Le cabinet d’Arakiri demeura un instant désert et silencieux. Soudain, un craquement se produisit. Un des panneaux de la vaste armoire de chêne, cachant une des murailles, tourna lentement sur ses gonds, démasquant un homme. Celui qui se montrait ainsi, regarda autour de lui, puis prit pied sur le tapis. De haute taille, le visage anguleux, complètement rasé à l’américaine et troué par de petits yeux bleu faïence aux regards mobiles, l’homme eût été certainement reconnu par le personnel du Mirific-Hôtel, comme le client du second étage, répondant au nom de Midoulet.

Celui-ci plaisanta :

M. le secrétaire est charmant ! Il me laisse le champ libre. Profitons-en… Ah ! petit Japon ! Tu seras donc toujours gourmand ! Attends un peu : entre la coupe et les lèvres se dresse Midoulet, Célestin Midoulet, du service des Renseignements, de la République française.

Tiens, tiens, il prononçait Midoulet. Son nom du Mirific n’était donc pas un déguisement. Il continuait cependant :

— Ah ! on prétend jouer la diplomatie avec un pantalon, façon originale d’indiquer qu’on la traite par-dessous la jambe ! Eh bien, Midoulet se met de la partie. J’y perdrai mon nom, ou, avant peu, le Japon sera sans culotte.

Très gai, en homme qui savoure le sel de ses plaisanteries, Midoulet, puisque lui-même se donnait ce nom, referma soigneusement le panneau de l’armoire, ouvrit à l’aide d’un rossignol les tiroirs du bureau de M. le conseiller Arakiri, prit connaissance des papiers qu’ils renfermaient, traça quelques notes rapides sur un carnet et remettant toutes choses en ordre, effaçant toute trace de son passage, il grommela entre ses dents :

— Ce conseiller a dit la vérité. Pas d’autres instructions que celles dont il a réjoui les oreilles du général Uko. Bah ! celui-ci ne doit quitter Paris que sous quatre jours. Quatre jours, c’est-à-dire quatre fois quatorze cent quarante minutes. Une seule suffit pour enlever le pantalon mystérieux. Donc, en route !

— À son tour, il quitta la salle, parcourut le couloir avec la tranquillité d’un visiteur certain de ne rencontrer aucun indiscret, et gagna la rue.

Sur le trottoir, il parut hésiter, mais son indécision fut de courte durée. Il eut un sourire et prononça ces étranges paroles :

— Ils sont évidemment rentrés à l’hôtel. Ils n’en ressortiront qu’après le déjeuner. Donc rien à faire jusque-là. Je puis m’accorder le charme de la promenade à pied.

De fait, il se mit en marche à une allure de flâneur, parcourut plusieurs voies et déboucha enfin sur l’avenue des Champs-Élysées qu’il remonta, le nez au vent, semblant s’intéresser au mouvement des voitures et des piétons.

À le voir, on l’eût pris pour un étranger prenant contact avec Paris.

Quelques instants, il se planta devant l’Arc de Triomphe, comme s’il déchiffrait les noms glorieux qui tapissent les massifs piliers, puis il reprit son chemin.

Bientôt, il entrait au Mirific-Hôtel. Consultant sa, montre, il murmura :

— Midi vingt. À table, ami Midoulet.

La spacieuse salle à manger s’ouvrait à l’extrémité de la large galerie bordée par la succession des petits salons de conversation.

L’agent y parvint et s’assit à une table sise très près de l’orchestre tzigane, chargé de distribuer la nourriture musicale aux oreilles des clients dont les cuisines se réservent de satisfaire l’estomac.

Et, tout en attaquant les hors-d’œuvre, il promena autour de lui un regard investigateur.

À l’autre extrémité de la salle, le général Uko et sa fille Sika déjeunaient. Ils devisaient gaiement sans soupçonner la surveillance dont ils étaient l’objet.

— Tiens, se confia Midoulet. Ils ont dû déposer leur paquet dans leur appartement. J’aurais dû y faire un tour.

Mais il secoua la tête.

— Non : Leur nouvelle domestique doit être là. Le premier jour de son engagement, une fille de chambre est toujours zélée. Elle ne se promènera certainement que cet après-midi, alors qu’elle saura ses maîtres dehors jusqu’au dîner.

Sur ce, sans s’occuper davantage de ses… adversaires, ainsi les nommait-il en son for intérieur, il se prit à dévorer avec l’appétit d’un homme qui a eu une matinée mouvementée.

De toute évidence, les Japonais étaient moins affamés que lui, car ils se levèrent de table avant que lui-même fût arrivé au dessert. Il ne s’en émut pas, et les laissa quitter la salle, avec cette réflexion :

— Il leur faut une demi-heure pour se préparer à déambuler comme à l’ordinaire. J’ai le temps.

En dépit de l’affirmation, il expédia la fin du repas, puis au serveur, il dit :

— Vous m’apporterez le café dans le hall, la table à l’intersection de la galerie en T.

Après quoi, parcourant la galerie des salons de conversation en sens inverse, il s’en fut s’asseoir à la table indiquée et sembla s’enfoncer dans la lecture d’un journal.

Le moka servi, il le dégusta à petites gorgées, consultant de temps à autre l’horloge artistique, soutenue par une Cariatide et un Télamon, qui décore le hall, où les milliardaires cosmopolites se donnent rendez-vous au five o’clock tea.

Son calcul se justifia. Trente-trois minutes exactement après leur sortie de la salle à manger, le général Uko et sa fille parurent. Il les entendit commander à un boy de service :

— Faites avancer une auto, je vous prie.

Et le gamin s’élançant vers la porte, au tambour rotatif, Midoulet murmura :

— Bien… Les voici en route. J’aurai mes coudées franches.

Il attendit que les Japonais fussent sortis, que le ronronnement du moteur l’eût averti de leur départ.

Alors, il huma d’une lampée le contenu de sa tasse, puis lentement, de l’allure indifférente d’un personnage se déplaçant sans but déterminé, il s’engagea dans l’escalier à double évolution qui dessert les étages, concurremment avec les ascenseurs, le gravit sans hâte et ayant atteint enfin sa chambre, portant le numéro 106, il s’y enferma.

À l’abri des regards, son attitude changea tout à coup. Ses mouvements s’accélérèrent.

De sa poche, il tira une feuille, de papier teinté en jaune et portant ces lignes :

« Note de service.

« Le mikado, après une longue conférence avec les bonzes du monastère de Fusi-Yama, a expédié un messager en Europe. Les instructions de ce courrier ont pour destinataire le général comte Uko, lequel villégiature à Paris avec sa fille Sika, tous deux descendus au Mirific-Hôtel. Le mystère qui entoure la nature de ces instructions en démontre l’importance. Tout acte du gouvernement japonais doit inquiéter les États européens. Il faut donc à tout prix savoir de quoi il est question. Ne ménager ni temps, ni argent. Charger un agent de première valeur de l’affaire. »

Au-dessous, d’une autre écriture, on lisait :

« Ordre à l’agent 14, Célestin Midoulet, de s’occuper de ceci, toute affaire cessante. »

Le locataire du 106 eut un sourire narquois :

— Je m’en occupe. Je me suis installé ou Mirific, obtenant la chambre 106, voisine de l’appartement du général comte. Je sais que le flair de mes chefs ne les avait pas trompés ; l’entretien à la légation de Corée fut plutôt suggestif. Maintenant, il s’agit de cueillir le message baroque.

Tout en parlant, il s’approchait d’une porte se découpant dans la cloison, séparative de son logis et de celui des Japonais.

Des pattes de fer, maintenues par des vis, condamnaient cette ouverture.

Mais au-dessous de la serrure, un trou minuscule avait été foré ; Midoulet y appliqua l’œil.

Ainsi il voyait parfaitement chez ses voisins. Il marqua un geste mécontent.

— Allons bon, cette Véronique est là. Est-ce qu’elle va y passer son après-midi !

Comme pour répondre à son exclamation, un maître d’hôtel pénétra dans la pièce où se tenait la pseudo-fille de chambre, et à travers le léger obstacle le séparant des causeurs, l’agent perçut ces répliques :

— Mademoiselle Véronique, vos nouveaux maîtres ont oublié de donner des ordres pour vos repas. Alors, si vous le voulez bien, vous déjeunerez encore une fois avec le personnel.

— Très volontiers, monsieur Édouard. Ce me sera une occasion de remercier nos camarades de leurs bons procédés à mon égard.

— Trop aimable, alors vous descendez, on se met à table.

— Je vous suis.

Midoulet se frotta les mains. Les circonstances étaient pour lui. Durant un laps de temps appréciable, l’appartement du général Uko serait désert. Il aurait le temps de perquisitionner et de s’emparer du pantalon mystérieux.

Véronique sortit avec le maître d’hôtel.

Sans perdre une minute, l’agent dévissa les pattes, maintenant la porte de communication ; la voie libre désormais, il courut à sa valise, s’affubla d’une perruque noire, se grima en un tour de main, puis d’un pas délibéré se glissa chez ses voisins.

Armoires, malles, valises furent fouillées méticuleusement. Un rossignol passe-partout, manié avec une dextérité qu’eût enviée maint cambrioleur, permettait à Célestin Midoulet de se rire des serrures les plus compliquées.

Mais, hélas ! son habileté s’exerça en pure perte.

Aucune trace du pantalon gris de fer décrit par M. Arakiri. Sans doute, le général avait des vêtements analogues, mais nul ne répondait au signalement.

À mesure que se prolongeait l’infructueuse perquisition, l’agent s’énervait.

Il recommençait ses fouilles inutiles, bouleversait le contenu des bagages.

Au plus fort de ce… travail, il bondit brusquement sur ses pieds.

Un cri avait retenti derrière lui :

— Ciel ! Un voleur.

Il fit face à la personne qui le surprenait ainsi, sans qu’il l’eût entendue venir, et reconnut Véronique Hardy, du moins la personne qu’il décorait de ce nom.

La camériste d’emprunt courait déjà vers la porte, afin d’appeler du secours. Si elle atteignait le corridor, l’agent serait brûlé comme on dit aux renseignements. Sa filature se trouverait terminée, et tout ce qu’il avait appris, adroitement, il se rendait cette justice, bénéficierait à un successeur que le « Service » désignerait incontinent.

La pensée le galvanisa. En deux bonds, il rejoignit Véronique, l’empoigna, la jeta sur un fauteuil, en grondant les dents serrées, jetant l’épouvante dans l’âme timide du doux Pierre :

— Si tu te tais, tu n’as rien à craindre ; mais au moindre appel, tu es morte, ma fille.

Et comme son… interlocutrice demeurait immobile, terrifiée par l’aventure, Midoulet, reconquérant son sang-froid, se déclara in petto :

— Une domestique a toujours quelque chose à cacher. En la traitant en coupable, on ne risque pas de se tromper.

Puis à haute voix, grave autant qu’un juge :

— Je sais tout, ma belle, dit-il ; si tu n’obéis pas, tant pis pour toi.

Je sais tout ! Ces trois mots pétrifièrent la fausse Véronique. Pour elle, ils signifiaient fausse monnaie, assassinat, travaux forcés, échafaud.

Aussi Midoulet, parfaitement ignorant de ces choses, car il avait simplement parlé, en visant la grivèlerie, ce vol qui sévit sur les gens de maison, fut-il surpris de l’effet produit.

La fille de chambre était devenue livide, ses dents claquaient, et ses yeux exprimaient l’angoisse.

— Oh ! oh ! grommela Midoulet, il parait que l’on en a pour une somme sur la conscience.

Puis avec un sourire :

— Tant mieux. Cela te démontre la nécessité de plier et me dispense de tout préambule. Es-tu disposée à obéir ?

Pierre affirma de tout son être.

— Parfait ! En ce cas, nous serons bons amis, je ne me souviendrai pas de ce que je sais sur ton compte.

La camériste travestie respira. Cet inconnu, évidemment attaché à la police, semblait décidé à l’épargner. Qu’exigeait-il en échange ?

La curiosité lui donna la force de questionner.

— Que faut-il faire ?

Ce qui lui valut un geste d’approbation de son interlocuteur.

— À la bonne heure, mon enfant ; vous êtes une personne sensée. Ce qu’il faut faire ? Bien simple. Demeurer tranquillement au service de Mlle  Sika, après m’avoir donné un renseignement dont j’ai besoin.

Ouf ! Ce policier était un homme pondéré, modéré dans ses exigences.

Dans sa joie, Véronique murmura :

— Tous les renseignements qu’il vous plaira.

— Eh bien, ma chère, je vais droit au but. Ce matin, le général et sa fille sont sortis.

— C’est vrai.

— Où sont-ils allés ?

— Je l’ignore ; mais si cela vous intéresse, je tâcherai de le savoir.

Midoulet plaisanta :

— Inutile, je le sais.

Puis sans prêter attention à l’ahurissement peint sur les traits de son interlocutrice :

— Ils sont revenus avec un paquet…

— Ah ! s’exclama Pierre, enchanté de pouvoir affirmer quelque chose. Un paquet, parfaitement… l’enjeu d’un pari énorme, que le général regrette bien de s’être laissé entraîner à engager.

— Un pari ?

C’était an tour de Midoulet d’être étonné ; mais il se frappa le front.

— C’est Mlle  Sika qui vous a dit cela.

— En effet.

— Bien. Très bien. Va pour le pari. Et où ont-ils fourré le paquet ?

— Dans le coffre-fort de l’hôtel, car ils craignaient, paraît-il, qu’il ne leur fût dérobé.

À cette réponse, l’agent étouffa avec peine une exclamation de colère.

Le pantalon diplomatique était hors de sa portée.

À la rigueur, on peut cambrioler le coffre-fort d’un particulier. Mais celui du Mirific, incessamment gardé par des surveillants éprouvés, il n’y fallait pas songer.

Un hôtel de cette importance est tenu de porter au maximum les précautions contre les voleurs.

Fréquentée en effet par la plus riche clientèle, la maison est responsable de toutes les valeurs et bijoux qui lui sont confiés. Combien d’élégantes clientes déposent leurs parures dans le coffre-fort, quitte à les reprendre pour se rendre au théâtre, aux réceptions, et à les replacer ensuite dans cet asile inviolable.

Le coffre-fort contient généralement pour plusieurs millions de valeurs et de joyaux.

— Cela vous ennuie, murmura Pierre, qui, nonobstant son trouble, ne put s’empêcher de remarquer le mécontentement de son interlocuteur.

La question rappela l’agent à lui-même.

— Non, cela n’a aucune importance. Je vous reverrai quand je le jugerai convenable. Vous me tiendrez au courant de tout ce que feront ou se proposeront de faire vos maîtres.

— Oui, monsieur.

— Et, retenez bien ceci : Ils doivent ignorer notre entente, sans cela…

Pierre l’interrompit vivement :

— Ne menacez pas, c’est inutile. Je comprends bien la nécessité de vous contenter.

L’autre inclina la tête. Il fut sur le point d’interroger, la pseudo-soubrette, afin d’apprendre quelle lourde faute fendait sa conscience si maniable. Heureusement, il se rappela à temps qu’il avait ouvert l’entretien par cette affirmation : « Je sais tout. » Il fallait avoir l’air de ne rien ignorer, sous peine de perdre son prestige.

Il se dirigea donc vers la porte de communication, ouverte par lui une demi-heure plus tôt, adressa un dernier geste impératif à Véronique, qui le suivait obséquieusement, puis rentra dans la chambre 106 dont il referma la communication.

Et, séparés par le panneau de bois, les deux personnages s’abandonnèrent aux douceurs du monologue.

Celui de Midoulet aboutit, à cette conclusion :

— Ce satané Japonais pourrait m’échapper en route. Ici, ma filature est plus commode que partout ailleurs. Il faut donc l’empêcher de quitter Paris et le contraindre à reprendre ce damné vêtement qu’il a si malignement mis hors d’atteinte.

Pierre, de son côté, gémissait :

— Me voilà à présent avec deux maîtres, qui ne me semblent pas du tout amis. Je vais trahir Mlle  Sika, qui a été si bonne pour moi.

« Cela m’attriste, et cependant je ne saurais faire autrement.

Dans son émoi, la camériste quitta la chambre 105 dans laquelle elle modulait ces réflexions, passa dans la salle 104 et ouvrit la porte du numéro 103, sans réfléchir, traversant l’appartement des Japonais en un mouvement de fuite.

Il y a de ces gestes irraisonnés que guide un instinct obscur.

Le philosophe explique ces choses inexplicables, en termes incompréhensibles ; c’est là le caractère admirable de la philosophie. En réalité, on ne sait à quoi attribuer certaines manifestations impulsives. Il faut se borner à les constater.

Pierre obéissait à une impulsion.

Or, sur le seuil de la chambre 103, il s’arrêta avec une clameur d’étonnement.

La salle qui logiquement devait être vide, était occupée par une jeune dame blonde, au teint rosé, élégante et maniérée, au demeurant tout à fait charmante.

— La dame du 102, bégaya la fausse camériste : mistress Honeymoon.

Et apercevant la porte de communication, ouverte comme tout à l’heure celle de Midoulet, elle reprit :

— Ah çà ! tous les voisins se sont donc donné le mot pour se promener chez mes patrons.

Elle avait prononcé la phrase à haute voix. Mistress Honeymoon eut un délicieux sourire, et, avec un imperceptible accent anglais, qui assurait à son langage un charme de plus, elle expliqua d’une voix douce, musicale :

— Non, non, pas donné le mot. Le monsieur de l’autre côté, il doit ignorer notre entente.

— Notre entente ? répéta Véronique au comble de l’ahurissement.

— Oui, j’ai entendu votre conversation avec lui.

— Ah bah !

— Et vous me direz toutes les actions du général et de sa fille, avant de les dire à l’autre personnage.

— Avant, avant… ça ne sera pas toujours facile.

— Il faut que cela soit. Lui ne sait pas l’histoire que votre ami vous a contée l’autre soir dans le couloir. Moi je sais, de ma chambre avec un microphone, je n’ai pas perdu un mot : fausse monnaie, assassinat de Véronique…

Pierre poussa un gémissement de détresse.

Mais son interlocutrice posa sur son bras sa main fine, aux ongles roses :

— Ne vous jetez pas dans l’émotion. Je sais aussi votre innocence. Et je la proclamerai le jour où je n’aurai plus besoin de vos services.

— Oh ! madame.

— Alors renseignez-moi… pour l’Angleterre.

Sur ce, elle rentra au 102, tandis que le jeune homme se prenait la tête à deux mains en gémissant :

— Trois patrons ! J’ai trois patrons à satisfaire !