Le Mespris de la vie et consolation contre la mort/« La perte de nos jours qui plus grande se face »

Le Mespris de la vie et consolation contre la mort
Le Mespris de la vie et consolation contre la mortNicolas de Moinge (p. 62).

LXXVI.


La perte de nos jours qui plus grande se face
Procede du delay nous arrachant tousjours,
Sous l'espoir du futur, le plus beau de nos jours
En rendant du jour-d'huy la jouyssance basse :

Ce qui plus de travail, & d'empesche nous brasse
Pour amender sa vie, et d'attendre secours
Du douteus avenir, & mettre son secours
Au jour du l'endemain, qui le present efface.

Voila pourquoy je dis, & tiens que les humains
Ont bien peu de raison, de lascher de leurs mains
Ce qu'ils tiennent ferrez, pour mettre leur estude

A disposer des biens du fort aventureus
Ne considéerant pas, aveugle mal-heureus,
Que la chose à venir gist en l'incertitude.