Le Marquis ridicule ou la Comtesse faite à la hâte/Acte II


ACTE II


Scène I.

BLANCHE, LIZETTE.
Lizette.

Pour moi quand vos chevaux s’emportérent si fort,
Je dis mon in manus, et j’attendis la mort.
Si je ne l’avois vu, je croirois impossible
Que la peur fît en nous un effet si terrible ;
Car vous chûtes sur moi, sans pouls, sans sentiment,
Et j’en suis pâle encor d’y songer seulement.

Blanche.

Notre libérateur me vit-il de la sorte ?

Lizette.

Et craignit comme moi que vous ne fussiez morte.
Pourquoi garder aussi des chevaux si fringans
Et des chiens de cochers tous les jours s’enivrans ?

Blanche.

Comment se trouva-t-il en ce lieu solitaire,
Ce jeune cavalier, cet ange tutélaire ?

Lizette.

Je ne sais pas comment ; mais je bénirai Dieu,
Qui nous le fit trouver à telle heure, en tel lieu.

Blanche.

Qu’il me parut civil ! qu’il est bien fait, Lizette !

Lizette.

Je croirois bien aussi qu’il vous trouva bien faite.

Blanche.

Comme j’étois Lizette ?

Lizette.

Comme j’étois Lizette ? Oui, comme vous étiez,
Toute pâle, à ses yeux autant vous éclatiez,
Qu’il éclatoit alors aux vôtres par sa mine.

Blanche.

Mais de cet accident, qui fut donc l’origine ?

Lizette.

Votre malheur, le mien, un bourreau de cocher
Toujours saoul, des laquais qu’il faudroit écorcher.
Écoutez comme quoi nous l’échappâmes belle,
Dont, ma foi, nous devons une belle chandelle.
Nous passions sur le pont, sans beaucoup nous hâter,
Et sans avoir dessein de nous précipiter.
Votre cocher étoit, comme vous savez, ivre,
Et vos laquais s’étoient dispensés de vous suivre.
Nous regardions les eaux du clair Mansanarès,
Quand un chien, l’on eût dit qu’il l’eût fait tout exprès,
Fit peur à vos chevaux, dont l’ivrogne de guide
Accablé de sommeil ne tenoit plus la bride :
Du chien effarouchés, ils galopoient fougueux,
Vers où le bord du fleuve à voir même est affreux,
Lorsque ce Cavalier, ou plutôt ce bon ange,
Vola vers vos chevaux d’une vîtesse étrange,
Et coupa leur harnois de son acier tranchant,
Sur le point qu’ils s’alloient jeter dans le penchant.
Nous étions cependant, vous, dans mes bras pâmée,
Moi, de vous voir ainsi tout-à-fait alarmée.
Vous revîntes après de votre pâmoison,
Et lors vos yeux ingrats par grande trahison,
Firent au cavalier une amoureuse plaie.
Voilà de l’accident la relation vraie.

Blanche.

Folle, plains-moi plutôt, et ne me raille point.
Le plaisir qu’on m’a fait, m’inquiete à tel point,

Par la crainte que j’ai de ne le pouvoir rendre,
Que de m’en attrister je ne me puis défendre.

Lizette.

Je crois cette tristesse une naissante amour,
Qui paroît dans vos yeux claire comme le jour.

Blanche.

Amour ? moi ?

Lizette.

Amour ? moi ? Vous ? amour ? êtes-vous une souche ?

Blanche.

Non : mais j’ai de l’honneur.

Lizette.

Non : mais j’ai de l’honneur.Qui vous rend bien farouche.

Blanche.

Quand j’aurois répugnance à vivre sous ses loix,
Une fille prend-elle un époux à son choix ?
N’attends-je pas le mien aujourd’hui ?

Lizette.

N’attends-je pas le mien aujourd’hui ? Mais, madame,
S’il est mal fait de corps aussi-bien que de l’ame ?

Blanche.

Si mon pére me donne un époux odieux,
Pour de mieux faits que lui je fermerai les yeux.

Lizette.

Si quelqu’amour secret l’oblige à la dépense ?

Blanche.

Je réglerai la mienne, et prendrai patience.

Lizette.

S’il est jaloux, avare, impertinent, railleur ?
S’il est fâcheux, mal-propre, ivrogne, ou grand parleur ?
S’il est joueur, s’il perd ses terres et les vôtres ?
Si, cagot, jour et nuit il dit ses patenôtres ?
S’il est chauve, gaucher, rousseau, louche, ou cagneux ?

Blanche.

Le Ciel ne sera pas pour moi si rigoureux ;

Mais quand il seroit tel que le fait ta peinture,
L’ennemi du bon-sens, l’horreur de la nature,
Un injuste tyran, de son ombre jaloux,
Pour l’aimer, il suffit qu’il seroit mon époux.

Lizette.

Madame, si l’époux que le ciel vous destine,
A de ce Cavalier le visage et la mine,
S’il est d’esprit, de biens et de vertus pourvu,
On peut tout espérer devant que l’avoir vu.
Que sait-on ?

Blanche.

Que sait-on ? Ha Lizette ! il faudroit être heureuse.

Lizette.

Ha ! madame, ma foi, vous êtes amoureuse.

Blanche.

Tais-toi, je vois mon pére.



Scène II

DOM COSME, BLANCHE, LIZETTE.
D. Cosme.

Tais-toi, je vois mon pére.Hé bien ! votre accident,
De la faveur du ciel est un signe évident.

Blanche.

Si vous saviez, monsieur, par quel bonheur étrange
Sans le secours d’un homme, ou plutôt d’un bon ange…

D. Cosme.

L’on m’a de point en point conté ce grand malheur,
Dont je vous voie sauvée, et quitte pour la peur.
Comment vous portez-vous ?

Blanche.

Comment vous portez-vous ? De ma peur étourdie,
Je me sens foible encor ; mais c’est sans maladie.



Scène III

MERLIN, DOM COSME, BLANCHE, LIZETTE.
Merlin, surpris de voir Dom Cosme.

Madame, de la part. Mais…

D. Cosme.

Madame, de la part. Mais…Que demandez-vous ?

Merlin, à part.

Je suis pris. Un laquais étoit venu chez nous.
Demander un julep pour votre fille morte ;
Je suis apothicaire, et c’est ce que j’apporte.

D. Cosme.

On n’en a pas besoin.

Lizette, à part.

On n’en a pas besoin.Peste de l’étourdi.

Blanche.

Mon ami, je vous trouve à mentir bien hardi.
Vous feriez soupçonner, surpris comme vous êtes,
Qu’il se passe entre nous des affaires secretes,
Monsieur, c’est le valet, ou je me trompe fort,
Du Cavalier sans qui vous pleureriez ma mort ?

Merlin.

Je ne suis pas à lui, mais je suis à son frére.

D. Cosme.

Comment s’appelle-t-il ?

Merlin.

Comment s’appelle-t-il ? Ô le curieux pére ! à part.
Puisqu’il vous faut parler sans feintise et sans dol,
Mon maître est un seigneur nommé dom Blaize Pol.

D. Cosme.

Marquis de la Victoire ?

Merlin.

Marquis de la Victoire ?Oui, monsieur.

D. Cosme.

Marquis de la Victoire ? Oui, monsieur.C’est mon gendre.
Est-il ici ?

Merlin.

Est-il ici ? Lui-même.

D. Cosme.

Est-il ici ? Lui-même.Et me veut-il surprendre ?
Que ne m’écrivoit-il qu’il venoit ? et pourquoi
A-t-il voulu descendre autre part que chez moi ?

Merlin.

Il est d’un naturel surprenant.

Lizette.

Il est d’un naturel surprenant.Ah, madame !
Vous allez donc bientôt être marquise et femme ?

D. Cosme.

Tu sais où le trouver ?

Merlin.

Tu sais où le trouver ? Oui, monsieur.

D. Cosme.

Tu sais où le trouver ? Oui, monsieur.C’est assez.
Ajustez-vous ma fille, et vous réjouissez ;
Je prétends dès ce soir achever votre noce.
Qu’on mette vîtement les chevaux au carrosse.
Lizette, et vous, ma fille, obtenez dessus vous,
De paroître plus gaie aux yeux de votre époux.

Il sort.
Blanche.

Notre avanture hélas ! m’a bien moins étonnée,
Que ne fait le penser de mon proche hyménée.

Lizette.

Passer de fille à femme est sans doute un grand saut.
Mais quelque grand qu’il soit, on le franchit bientôt.

Blanche.

Ô dieu ! que vois-je encor ?



Scène IV

DOM SANCHE, BLANCHE, LIZETTE.
D. Sanche.

Ô dieu ! que vois-je encor ? Après vous avoir vue
De tant de dons du ciel si richement pourvue,
Je ne puis m’empêcher de revoir vos beaux yeux,
Pour leur offrir encor mon cœur comme à mes dieux.
Déjà de leurs regards la menace sévére
Fait craindre à mon amour leur injuste colére ;
Leur dédain redoutable est prêt de châtier
Un crime que ma mort seule peut expier :
Mais que leur cruauté contre moi tout emploie,
Tout supplice m’est doux, pourvu que je les voie.

Blanche.

Quand mon père m’amène un Époux que j’attends,
Me venir voir encor, c’est mal prendre son tems.

D. Sanche.

Je venois m’informer de l’état où vous êtes.

Blanche.

Si vous saviez, monsieur, la peur que vous me faites,
Ou plutôt à quel mal vous m’exposez ici,
Vous ne me viendriez pas rendre visite ainsi.
Il est vrai, je vous dois la vie, et je confesse,
Que mon cœur généreux me le redit sans cesse ;
Mais dans le même tems qu’il m’apprend mon devoir,
Il m’avertit aussi que j’ai tort de vous voir.

D. Sanche.

Vous ne m’avez rien dû, dont vous ne soyez quitte ;
Mais j’ai cru vous devoir au moins une visite,
Ou plutôt je l’ai cru devoir à mon repos,
Puisqu’éloigné de vous j’endure mille maux.

Blanche.

Bien que j’aie pour vous toute sorte d’estime,
Je ne puis plus long-tems vous écouter sans crime ;

Vous revoir, c’est manquer à ce que je me dois,
Et peu faire pour vous, mais beaucoup contre moi.
Emméne-le, Lizette.

Lizette.

Emméne-le, Lizette.Allons, allons, mon brave !
Et si vous devenez notre amoureux esclave,
Comme vous en avez tout-à-fait la façon,
Sachez qu’un jeune cœur n’est pas toujours glaçon,
Que Lizette vous peut servir, et que Lizette
A pour vous dans son ame une estime parfaite.

D. Sanche.

Si c’était l’offenser que l’aimer ardemment,
Elle m’auroit traité trop peu cruellement ;
Mais si c’est de l’amour que les dieux nous demandent,
Si c’est par nos respects qu’à nos vœux ils se rendent
Doit-elle recevoir d’un œil si rigoureux,
Et mes respects soumis, et mes soins amoureux ?

Blanche.

Lizette ! hâte-toi, veux-tu donc que mon pére
Le trouve ?

Lizette.

Le trouve ? Allons, monsieur.

D. Sanche.

Le trouve ? Allons, monsieur.Ô dieu, qu’elle est sévére !

Lizette.

J’entends monsieur qui vient ; vîte, cachez-vous là.

Blanche.

Lizette ! quel malheur !

Lizette.

Lizette ! quel malheur ! Ne craignez rien.



Scène V

DOM BLAIZE et ses gens, DOM COSME, ORDUGNO, BLANCHE, LIZETTE.
D. Blaize.

Lizette ! quel malheur ! Ne craignez rien.Holà !
Ne vous dispensez pas, ma sotte valetaille,
En un jour important comme un jour de bataille ;

En un tems où l’amour mon ennemi cruel
Contre un fier basilic me suscite un duel ;
Car ma belle en est un dont la mortelle vue,
Fait d’un homme vivant un mort à l’imprévue :
Ne vous dispensez pas, dis-je, mes sottes gens,
D’être au moindre clin d’œil, à ma voix diligens,
Afin que la déesse à qui mon cœur encense
Juge de mon esprit par votre obéissance.
M’entendez-vous ?

D. Cosme.

M’entendez-vous ? Monsieur, vous commandez ici
Comme maître absolu.

D. Blaize.

Comme maître absolu.Je l’entends bien ainsi.
Mon beau-pére, notez que vous avez la droite,
Notez de la façon qu’avecque vous je traite,
Je ne la donne pas à tous, en bonne foi,
Et ce rencontre ici ne fait pas une loi.
Mais allons de plus près déployer la faconde,
Devant cette merveille à nulle autre seconde.
Mieux vaut un oisillon qu’on tient dessus le poin,
Qu’un grand oiseau de prix volant dans l’air bien loin.
Vous méritiez un roi, merveille sans égale,
Vous n’aurez qu’un marquis sous la loi conjugale.
Ordugno, que dis-tu de l’application ?

Ordugno.

Qu’elle est digne de vous.

Lizette.

Qu’elle est digne de vous.Elle est d’invention,
Et sans-doute elle aura la donzelle attendrie.

Ordugno.

Il n’en faut point douter.

Lizette.

Il n’en faut point douter.Quelle pédanterie !
Madame !

Blanche.

Madame ! Ha tais-toi donc, Lizette !

D. Cosme, à part.

Madame ! Ha tais-toi donc, Lizette ! Avec le tems
La Cour pourra changer le style et l’air des chams.

D. Blaize.

Vous êtes un long tems, me semble, à me répondre,
Devroit-on là-dessus avoir à vous semondre ?

Blanche.

Quand bien on m’offriroit, ce qui ne se peut pas,
Un époux plus que vous à mes yeux plein d’appas,
Et dont la qualité fût plus considérable,
Ce qui n’est pas possible, encore moins croyable ;
Quand au lieu de marquis, vous seriez un grand roi,
Le pouvoir que mon pére a toujours eu sur moi,
Qui n’ai jamais songé qu’à l’aimer, à lui plaire,
M’auroit fait consentir au bon choix de mon pére.
Ainsi pour deux raisons j’aime un si digne époux,
Et parce qu’il le veut, et parce que c’est vous.

D. Blaize.

Ordugno ! qu’en dis-tu ? la Sibylle Cumée,
M’eût moins par son discours l’ame enthousiasmée.
Ordugno ! l’artisan qui peignit son portrait
N’a pu, le fat qu’il est, la rendre trait pour trait.
Ordugno ! j’ai grand’peur qu’une femme si belle
De moi son papillon deviendra la chandelle,
Ordugno !

Ordugno.

Ordugno ! Quoi, monsieur ?

D. Blaize.

Ordugno ! Quoi, monsieur ? Elle en tient.

Ordugno.

Ordugno ! Quoi, monsieur ? Elle en tient.Sûrement.

D. Blaize.

Mais à bon chat bon rat, j’en tiens pareillement.
Ordugno ! la maison me choque en sa structure,
Il en faudroit changer toute l’architecture,
La chambre est en bicoin, tout au moins il faudroit
Abattre l’angle aigu, pour en refaire un droit.
Ordugno !

Ordugno, d’un ton chagrin comme ennuyé d’être tant appelé.

Ordugno ! Monseigneur !

D. Blaize.

Ordugno ! Monseigneur !Quelle façon maudite
De répondre ! Est-ce point que le faquin s’irrite

D’entendre si souvent Ordugno répéter.
Sais-tu que c’est ainsi qu’on se fait maltraiter ?
Sais-tu que qui t’a fait, te pourra bien défaire ?

Ordugno.

Je crois n’avoir rien fait qui puisse vous déplaire.

D. Blaize.

Je l’ai fait favori, de page fort galeux,
Dont un meilleur que lui se tiendrait fort heureux.
Et le gredin qu’il est, se fait tirer l’oreille,
À cause que parfois à lui je me conseille.
Tous valets sont valets.

Ordugno.

Tous valets sont valets.Mais, Seigneur…

D. Blaize.

Tous valets sont valets. Mais, Seigneur…Il suffit.
Ne me va point chercher dans ton mauvais esprit
De mauvaises raisons, ou nous aurons querelle.
Viens à moi sans gronder alors que je t’appelle ;
Ne me parle jamais qu’étant interrogé,
Et jamais sans respect, ou bien prends ton congé.

D. Cosme.

Ne trouvez-vous pas bon, monsieur, que j’aille faire
Préparer une chambre à monsieur votre frére ?
Car je ne prétends pas qu’il loge hors de chez moi.

D. Blaize.

C’est fort mal prétendu, mon beau-pére.

D. Cosme.

C’est fort mal prétendu, mon beau-pére.Et pourquoi ?

D. Blaize.

Parce qu’en un logis où dormira ma femme,
De mon consentement ne dormira corps d’ame ;
Par corps d’ame j’entends tous parens, tous amis,
Tous valets : même aussi, s’il m’est ainsi permis,
Tous chiens, chats, et chevaux mâles, toute peinture
Qui représente au vif masculine figure.
Sans doute vous direz, et vous direz bien vrai,
Que je suis fort jaloux ; mais je m’en sais bon gré.

D. Cosme.

On ne sauroit faillir par trop de prévoyance.

D. Blaize.

Vous me parlez ainsi par pure complaisance.
Vous êtes un adroit, dom Cosme, et je vois bien
Que vous accordez tout et ne contestez rien.
Ces maudits esprits doux sont personnes à craindre ;
Mais jusqu’ici de vous je n’ai pas à me plaindre.
Ordugno ?

Ordugno.

Ordugno ?Monseigneur ?

D. Blaize.

Ordugno ? Monseigneur ?Dis-moi quelle heure il est ?

Ordugno.

Il est déjà bien tard.

D. Blaize.

Il est déjà bien tard.Le souper est-il prêt ?

Ordugno.

Il le sera bientôt.

D. Blaize.

Il le sera bientôt.Qu’on me méne à ma chambre ;
Qu’on ne m’y brûle point de pastilles à l’ambre ;
Que le repas aussi soit sobre et limité ;
Car je ne puis souffrir la superfluité.
Ordugno ?

Ordugno.

Ordugno ?Monseigneur !

D. Blaize.

Ordugno ? Monseigneur !Fais bien la sentinelle.
Furette bien par-tout.

Ordugno.

Furette bien par-tout.Je vous serai fidelle.

D. Blaize.

Allons, dom Cosme, allons, montrez-moi le chemin.

Il sort.

Adieu jusqu’au souper, belle au teint de jasmin !

Blanche.

Ha Lizette !

Lizette.

Ha Lizette !Ha madame ! à quelle destinée
Vous réduit votre pére avec son hyménée !
Avoit-il de bons yeux quand il vous a choisi
Ce marquis campagnard, fantasque en cramoisi ?

Blanche.

Ha ! ne m’en parle point qu’avec respect, Lizette,
Je te l’ai déjà dit, encor qu’il me maltraite.
Quelques cruels tourmens qu’il me fasse endurer,
Il ne m’est pas permis même d’en murmurer.
Fais vîtement sortir ce cavalier. Je tremble
Que quelqu’un du logis ne vous rencontre ensemble ;
Dis-lui que je l’estime autant que je le doi,
Et que de l’action qu’il a faite pour moi,
La mémoire en mon cœur par le devoir tracée,
Par la longueur du tems ne peut être effacée ;
Et que je n’aurois pas refusé de le voir,
Si je l’avois pu faire et suivre mon devoir.

Lizette.

On va bientôt souper. Tous nos gens vont et viennent,
Et ceux de ce marquis tous les passages tiennent,
Je crois qu’ils sont payés pour en user ainsi :
Mais je prendrai mon tems, et pour vous, hors d’ici,
Allez dans votre chambre, et cependant Lizette
Tirera le captif de sa noire cachette.