Le Mari embaumé/II/2. Brune et blonde

E. Dentu (Tome 2p. 13-26).


II

BRUNE ET BLONDE


Cette jolie Pola avait fait le voyage de Paris à petites journées, gardée par une forte escouade que commandait une de nos anciennes connaissances : le coquin de Mitraille.

Mitraille avait du plomb dans la tête maintenant ; il le disait au moins ; il avait servi dans les dernières guerres et bien des gens l’appelaient capitaine. Mais il n’y tenait point et préférait de beaucoup l’autre titre qui était sa renommée et sa noblesse. À son propre sens il était Coquin de Mitraille comme M. de Luxembourg était Bouchard de Montmorency.

C’était bien le plus honnête garçon du monde ; il faut cela pour ne point reculer devant le nom de coquin. M. de Vendôme le lui avait donné, le feu roi l’avait confirmé, en pleine tranchée, un jour de mauvaise humeur. Mitraille y tenait et personne ne se mettait à la traverse.

Mitraille avait gardé du temps passé deux impressions très vivaces, son attachement pour maître Pol et sa haine contre le bon Renaud de Saint-Venant. Il se souvenait de la mission fantastique que ce dernier lui avait donnée, près de M. le commandeur de Jars et de l’arrestation qui s’en était suivie. Le motif de ce mauvais tour était resté pour lui un mystère, mais sa rancune avait grandi en même temps que la fortune de Saint-Venant, qui était maintenant un personnage d’importance.

L’affection de Mitraille pour la famille de Pardaillan avait grandi aussi, et ce n’était pas sans motif. Bien que Mitraille fût loin d’être un Don Juan, il lui était arrivé d’avoir une intrigue galante avec une jeune personne qui n’avait point tabouret chez la reine. Cette jeune personne était un peu de race sauvage et vagabonde ; elle s’en alla un beau jour en lui faisant cadeau d’une charmante petite fille qui avait déjà des yeux de diablesse ou de bohémienne. Je ne sais pas ce que ce coquin de Mitraille fût devenu, en se voyant à la tête d’une pareille propriété, si madame Éliane, qui venait de mettre Pola au monde, n’eût prit Mélise au château de Pardaillan.

L’enfant de Mitraille et de la sauvage avait nom Mélise.

C’était maintenant une adorable jeune fille, dont Mitraille était fier plus que nous ne saurions le dire.

À cause d’elle il se serait fait hacher menu comme chair à pâté, pour son ancien compagnon maître Pol, comte de Pardaillan, si misérable dans sa haute fortune, pour madame la comtesse Éliane et pour la gentille Pola. Mélise aimait Pola mieux que la prunelle diamantée de ses propres yeux.

Ne pouvant rester avec Pola dans la maison de la béguine, Mitraille et sa fille avaient pris leur quartier à l’hôtel de Vendôme, où l’ancien écuyer avait gardé ses habitudes.

Dame Honorée, après le premier mouvement de surprise, avait fort bien reçu sa petite nièce, elle se regardait un peu comme la mère de M. le comte et de madame la comtesse : son Pol et son Éliane d’autrefois. Et d’ailleurs, faut-il le dire ? la présence de cette charmante enfant était pleine de promesses pour sa curiosité depuis si longtemps excitée. Il était impossible que Pola n’éclairât point, même à son insu, quelque côté du mystérieux drame qui se jouait au château de Pardaillan.

Dame Honorée n’avait pas mauvaise opinion de sa perspicacité. Sans interroger, sans se compromettre, elle comptait bien apprendre une foule de choses. Il ne s’agissait pour cela que de ne point hâter et de laisser bavarder l’enfant.

Dieu sait que l’enfant bavarda. Elle était tout cœur et laissait jaillir librement sa pensée. Néanmoins dame Honorée ne sut rien.

Par la simple raison que l’enfant ignorait tout.

Quand dame Honorée lui parla de sa mère, elle put voir des larmes dans les yeux de Pola, mais ces larmes souriaient. Quand dame Honorée lui parla de son père, Pola soupira et dit : « Pauvre père ! » mais ce soupir et cette exclamation exprimaient ce genre de tristesse que l’habitude unit et aplati en quelque sorte.

Évidemment, Pola était faite à ce soupir et à cette parole.

Elle dit, comme on mentionne la circonstance la plus simple du monde, qu’elle n’avait jamais vu son père éveillé. Deux ou trois fois, sur ses instances enfantines, la comtesse avait entr’ouvert pour elle la porte de la chambre mystérieuse : la chambre tendue de noir.

Elle avait vu alors un homme endormi dans un des deux lits que contenait l’alcôve. Cet homme avait un voile sur le visage.

Elle lui avait envoyé un baiser en répétant cette plainte qui arrivait à être banale : « Pauvre père ! »

Pola ne s’étonnait de rien, parce qu’elle n’avait jamais vu les choses autrement. Elle acceptait comme parole d’évangile l’explication donnée. Son père ne pouvait pas voir de figures étrangères, cela sous peine de mort. Elle avait entendu répéter ces mots depuis sa plus petite enfance. Elle y croyait fermement.

La maladie de son père était ainsi. Cela lui semblait évident comme sa propre existence.

Sur la question de savoir pourquoi elle était venue à Paris, Pola répondit : Je n’en sais rien ; ma mère l’a voulu, et moi, j’ai été bien contente.

Le lendemain de son arrivée, ce coquin de Mitraille, habillé presque décemment, se présenta chez dame Honorée et lui dit :

— Tout est toujours de même au château de Pardaillan. M. le comte ne veut voir que son marchand de mort aux rats, Mathieu Barnabi, et le roi des hypocrites, le sieur Renaud de Saint-Venant. Madame la comtesse vous a parlé de danger dans sa lettre, il ne faut point que la jeune demoiselle sache cela. Voyons, n’ai-je rien oublié ? Non, j’ai tout dit. Serviteur.

Il voulut tirer sa révérence, la bonne dame le saisit par le bras ; elle l’eût aussi bien pris aux cheveux :

— Ah çà, mon brave soudard ! s’écria-t-elle n’allez-vous point m’expliquer un peu ce qui se passe dans cette maison-là ?

Mitraille se frappa le front.

— Je savais bien que j’oubliais quelque chose ! grommela-t-il ; la jeune fille ne doit ni sortir ni être vue par les gens du dehors. Quant à ce que vous me demandez, respectable dame, je suis plus pauvre que Job, mais je trouverais bien encore une pistole ou deux à donner à qui voudrait me fournir à moi-même une explication raisonnable.

Il se dégagea et s’en alla.

Deux mois s’étaient écoulés. On n’avait point reçu de nouvelles de la comtesse Éliane. La béguine avait repris peu à peu ses habitudes.

Notre belle petite Pola était un peu plus pâle que lors de son arrivée. Son rire était un peu moins fréquent, surtout moins éclatant, et parfois elle restait de longues heures, pensive, sur ce banc du clos Pardaillan où son père et sa mère avaient échangé les premières paroles d’amour, autrefois.

Elle ne sortait point. Elle ne voyait personne, et pourtant elle ne se plaignait point de son séjour à Paris.

Sans doute que la société de dame Honorée lui tenait lieu abondamment de tous les plaisirs qui enchantent la jeunesse. Dame Honorée était de cet avis-là.

Mais revenons à ce beau matin du mois de juillet 1643 où le clos Pardaillan était tout parfums et tout fleurs. Les corbeilles embaumaient, les clématites et les cytises, grimpant par-dessus le berceau, assiègeaient de leurs pousses envahissantes le logis de la vieille dame, qui semblait un vaste bouquet. Les oiseaux chantaient sous les feuillées, les papillons voletaient parmi les roses.

C’était tout. Nulle créature humaine ne paraissait dans le jardin. La messe de sept heures venait de sonner à la chapelle des Capucines, et dame Honorée, fidèle à ses vieilles coutumes, avait quitté la maison depuis dix minutes au moins, munie de son monumental missel.

Pola, moins matinale, l’avait suivie à cinq minutes d’intervalle, et tout dormait, assurément, dans l’hôtel de Vendôme, où M. le duc, un peu échauffé, n’était rentré qu’au petit jour.

Chose singulière et qui rajeunit tout à coup notre histoire de vingt ans, une voix claire, une voix douce et charmante qui semblait sortir des bosquets, se prit à chanter dans la solitude.

Et cette chanson était celle de notre Éliane, quand elle éveillait maître Pol de Guezevern, endormi par la fatigue et l’orgie.

Après tout, Pola était la fille de notre Éliane, et sans doute qu’on l’avait bercée avec cette chanson qui ravivait tant de chers souvenirs.

Car c’était bien Pola qui chantait. Pola avait dû s’arrêter à moitié chemin de la chapelle, pour changer de route et se diriger vers le clos Pardaillan.

Et maintenant que nous regardons mieux, nous pourrons deviner sa frêle et gracieuse silhouette, là-bas, sous l’ombre épaisse des tilleuls. Pendant qu’elle chante, elle a le visage tourné vers l’hôtel de Vendôme, dont son regard brillant interroge les fenêtres closes.

Elle a déjà dit le premier couplet :

Nous étions trois demoiselles,
Toutes trois belles
Autant que moi,
Landeriguette,
Landerigoy !
Un cavalier pour chacune
Courait fortune
Auprès du roi,
Landerigoy,
Landeriguette !

Était-ce un signal comme autrefois ? Un blond maître Pol allait-il sauter des croisées ou entrer par la porte ?

C’était l’heure propice et Pola avait ses quinze ans. Le monde a beau vieillir, chaque année revient le printemps d’amour, et les tendres rendez-vous ne chôment jamais, partout où il y a des fleurs, de l’ombre et de la jeunesse.

Mais s’il vous en souvient, maître Pol se faisait attendre autrefois. Éliane était forcée non seulement de chanter tous les couplets de la chanson, mais encore de lancer des grains de sable aux carreaux de la croisée.

On se couchait si tard chez M. de Vendôme !

M. de Vendôme était justement aujourd’hui en son hôtel. M. de Vendôme, malgré son âge qui devenait respectable, et malgré la rare constance de sa colique, seule maîtresse qui lui fût jamais restée fidèle, avait couru la prétentaine toute la nuit. Ce diable de page qui faisait attendre Pola était-il, comme jadis maître Pol, vautré sous la table ?

Pola, en vérité, n’avait pas l’air trop impatient, et ce fut le sourire sur les lèvres qu’elle entama son second couplet :

Jeanne aimait un gentilhomme,
Annette un homme,
Berthe, ma foi,
Landeriguette
Landerigoy,
Aimait un fripon de page,
Sans équipage
Ni franc aloi,
Landerigoy,
Landeriguette !

Il y avait un beau pied de vigne, contemporain de la fondation de l’hôtel, qui ne donnait pas de raisins, cause du voisinage des tilleuls, mais dont le feuillage tapissait dix toises de muraille. Il était planté à gauche des fenêtres de M. le duc, et ses pousses vigoureuses cachaient presque entièrement la petite porte basse par où maître Pol s’introduisait jadis dans le clos Pardaillan.

C’était vers cette porte masquée que les regards de Pola se tournaient le plus souvent quand ils cessaient d’interroger les fenêtres.

Et pourtant ce ne fut point la porte qui s’ouvrit. Au moment où Pola achevait son second couplet, elle s’interrompit en un petit cri de terreur. Une croisée avait grincé au premier étage derrière les branches, tout au bout du corps de logis dont la chambre à coucher de M. le duc formait le centre, un objet rose et blanc avait glissé le long de la vigne, ravageant les pauvres belles feuilles qui tombaient çà et là, comme si c’eût été déjà l’automne.

Puis l’objet était resté immobile, au pied du mur.

— Mélise ! s’écria Pola en s’élançant, folle que tu es ! es-tu blessée ?

L’objet blanc et rose se releva d’un bond. Ce n’était pas un maître Pol. C’était un lutin bizarre et charmant, qui restait bien un peu pâle de sa chute, mais qui déjà souriait et qui se prit à chanter gaillardement :

Le seigneur acheta Jeanne,
L’homme prit Anne ;
Berthe dit : Moi,
Landeriguette,
Landerigoy,
Il me faut bel apanage,
Et le blond page
Devint un roi,
Landerigoy,
Landeriguette !

— Es-tu blessée, Mélise ? répéta Pola.

Mélise lui planta sur le front un de ces baisers rapides qu’échangent si gracieusement les jeunes filles, et qui sont jolis comme le becquetage des oiseaux.

— Jamais ! répliqua-t-elle. Il n’y avait qu’un étage.

— Et pourquoi es-tu venue par ce chemin ?

— Ah ! pourquoi ? fit Mélise, qui s’occupait déjà à recueillir les feuilles tombées et à effacer sur le sable les traces de sa chute. Pourquoi ne suis-je pas venue du tout hier ? Pourquoi messieurs les pages ne deviennent-ils rois que dans les chansons ? Pourquoi n’avons-nous pas trente ans bien sonnés ? Pourquoi ne sommes-nous pas maîtresses de nos actions ?

Elle s’arrêta pour regarder Pola dans les yeux.

— On a pleuré murmura-t-elle.

Pola rougit, mais elle répondit :

— Tu rêves !

Mélise se mit à rire et lui donna un second baiser.

— Oh oui ! fit-elle, et bien souvent encore ! C’est si bon de rêver !

Elle prit sa compagne par la taille, et l’entraîna vers la partie la plus touffue du bosquet, disant :

— Tu peux bien m’interroger, va, j’en ai long à te raconter ; et je gage que je vais oublier au moins moitié de ce que je devrais te dire ! Mais c’est égal, il en restera encore deux fois trop.

— Vas-tu me parler de lui ? prononça tout bas Pola dont la voix s’adoucit et dont les longues paupières se baissèrent.

— Vous voyez bien qu’il y avait un maître Pol !

Mélise, au lieu de répondre, sembla se recueillir.

Elle était plus attrayante encore, cette singulière enfant, quand la réflexion descendait par hasard sur son front mutin et sérieux.

Certes, Pola était plus belle, Pola, svelte et fière dans sa taille, comme nous avons vu autrefois Guezevern, ce splendide jeune homme, Pola qui réunissait dans ses traits angéliques la noble franchise de son père et les grâces exquises de sa mère ; il était impossible de rien voir qui fût plus charmant que Pola, la vierge suave et hautaine avec ses grands yeux bleus au regard limpide, son brave sourire et les délices de son front encadré de merveilleux cheveux blonds.

Mais cette Mélise était un démon. Son aspect dégageait je ne sais quel attrait imprévu qui remuait et qui attirait. Elle n’était pas grande ; sa taille, modelée hardiment, avait des souplesses infinies. On eût dit parfois qu’elle allait bondir comme une biche ou s’envoler comme un oiseau. Ses traits fins et sculptés avec une délicatesse étrange se rapetissaient encore par le contraste d’une prodigue chevelure, non pas crépue, mais solide dans sa soyeuse abondance, et qui entourait son front éclatant d’une sombre auréole.

Elle ne ressemblait à personne, celle-là ; du moins n’avait-elle rien de cet excellent Mitraille, son père. Quant à sa mère qui s’en était allée, Dieu sait où, nul ne l’avait connue.

Quelques-uns savaient pourtant que ce coquin de Mitraille avait été, pendant un an, autrefois l’amoureux battant et battu d’une reine du pays d’Égypte, une bohémienne demi-barbare dansant sur la corde, ayant pour tout vêtement sa ceinture de gaze dorée et ses pendants d’oreille de cristal.

Il portait encore au-dessus de l’œil droit une cicatrice profonde et triangulaire gardant, bien marquées, les trois arêtes d’un poignard roumi, et qui était, assurait-on, la trace d’une des dernières caresses de la dame.

Mélise n’avait encore donné de coup de poignard à personne, elle était bonne, avenante, généreuse et fidèle surtout, fidèle comme l’or, mais il y avait parfois dans ses grands yeux un rayon fauve et ardent qui sortait comme la griffe aiguë cachée sous le velours de la patte d’une panthère.

Il n’eût pas fait bon s’attaquer à cette petite Mélise, ni surtout à ceux qu’elle aimait.

Aujourd’hui son regard était doux et calme plus que celui d’un agneau. Elle travaillait de bonne foi à mettre de l’ordre dans ses idées un peu confuses, et cela lui donnait cette ravissante gravité des chers lutins qui essaient un moment d’être bien sages.

Les toilettes des deux jeunes filles ne présentaient pas, du reste, un moindre contraste que leurs figures. Pola, simplement vêtue, avait, de par la volonté de dame Honorée, une apparence presque monacale ; la parure de Mélise, au contraire, quoiqu’elle n’eût certes pas coûté bien cher, était gaie, brillante, et d’un goût qui, chez toute autre, aurait pu paraître douteux.

Mélise la portait admirablement. Il semblait que la coupe étrange de son corsage fût justement l’uniforme qui convenait aux délicieuses proportions de sa taille, et l’œil ne se blessait point des vives couleurs de sa cotte relevée.

— Écoute, fit-elle après que Pola eut pris place sur un banc et qu’elle se fut elle-même demi-couchée sur le gazon, à ses pieds, je te parlerai de ton chevalier errant, c’est bien sûr, et du mien aussi, je suis venue pour cela. Mais il y a temps pour tout. Laisse-moi commencer par le commencement. Je crois que c’est le More qui a mis ces idées-là dans la tête de mon père…

— Le More ! répéta Pola étonnée.

— C’est vrai, tu ne sais pas ce que je veux te dire. Je ne t’ai pas encore parlé du More. Vois-tu, mon pauvre cher cœur, nous n’en finirons jamais. J’en ai tant et tant à te dire !

Elle joignit ses belles petites mains, légèrement dorées sur les genoux de Pola, tandis que celle-ci demandait :

— Qu’est-ce que c’est que le More ?

— Je ne sais pas, répliqua Mélise d’un air pensif. Il est beau comme un archange sous le bronze de sa peau, mais son regard a parfois des lueurs qui me font frémir… surtout quand il est question de vous autres, les Pardaillan.

— Il nous connaît ?

— Il dit que non.

— Eh bien, alors ?

— Je ne sais pas ! prononça pour la seconde fois la fille de Mitraille dont le regard était fixe et tout chargé de méditations. Que veux-tu que je te dise, moi, je ne sais pas s’il faut l’aimer ou le haïr. La chose certaine, c’est que maître Roger est cruellement jaloux de lui.

— Ah ! fit Pola en souriant.

— Maître Roger est jaloux de tout le monde, ajouta Mélise.

— Est-ce que tu ne l’aimes plus ?

— Oh ! si vraiment. Et puis le More n’est pas un jeune homme, pense donc !

— Quel âge a-t-il ?

— Je ne sais pas. Et je te répondrai toujours de même, quand tu me parleras de lui : je ne sais pas, je ne sais pas. Mais voyons ! ne m’interromps plus ! Il ne s’agit pas du tout du More… quoique ce fou de Gaëtan soit fort occupé de lui.

— Ah ! s’écria encore Pola, rose comme une fraise à ce nom, il est l’ami du chevalier ?

— Bon ! soupira Mélise d’un accent découragé, nous voici au chevalier maintenant ! et tu grilles de savoir si j’ai appris enfin quelque chose sur ce beau ténébreux qui passait comme un fantôme sous tes fenêtres, au château de Pardaillan.

— Dame ! fit Pola sans relever ses grands yeux, je ne suis pas curieuse, mais…

— Mais, il nous a suivies depuis le château jusqu’à Paris, l’interrompit Mélise, et cela vaut bien la peine qu’on songe un peu à lui. Mon cœur, nous n’en sommes pas encore là. Il faut mettre de côté le chevalier Gaëtan et me prêter, s’il vous plaît, toute votre attention : je vais vous parler de votre mère !