Le Mari confident/Conclusion

Michel Lévy frères, libraires éditeurs (p. 318-320).


CONCLUSION


Le bonheur est plus long à venir qu’à raconter ; aussi dirons-nous en peu de mots comment, revenue deux fois à la vie, le premier soin de Clotilde, avant même d’avoir béni d’un regard le retour d’Adalbert, fut de calmer le ressentiment de Sosthène.

— C’est moi seule qu’il faut accuser, dit-elle en lui tendant la main. Oh ! s’il vous a trompé tous, c’est par mon ordre ; il m’avait juré de respecter mon secret, j’espérais le garder éternellement…

— Mon amour m’a trahi, interrompit Adalbert en tombant aux pieds de Clotilde. Ah ! laisse-le assouvir sur moi sa juste colère, ajouta-t-il en montrant Sosthène, que sa vengeance expie mes torts, et dussé-je succomber sous ses coups, ils ne me feront jamais autant souffrir que j’ai souffert de ses confidences.

Dès que la santé de Clotilde fut assez rétablie pour braver les fatigues d’un voyage, elle revint, avec Adalbert, à Paris, où il obtint bientôt une mission diplomatique qui les fixa tous deux pendant plusieurs années à Madrid.

Apaisé par la confiance de Clotilde, Sosthène se résigna à n’être que son ami et à rester celui d’Adalbert. La princesse Ercolante, redoutant avec raison le châtiment qui lui était dû, s’enfuit cacher, dans les déserts de l’Orient, sa honte et ses remords.

Ricardo fut arrêté au moment où il s’embarquait sur un bâtiment qui allait mettre à la voile pour se rendre à la Nouvelle-Angleterre. On entama son procès, mais la marquise de Bois-Verdun se refusa constamment à soutenir l’accusation.

— Ce serait une trop grande ingratitude de ma part, disait-elle, que de faire pendre un homme à qui je dois le bonheur de ma vie.

Mais, comme il faut que justice se fasse, Ricardo, ne soupçonnant pas un tel excès de générosité et voulant échapper à une mort infâme, se fit justice lui-même ; on le trouva pendu dans son cachot.

Pour savoir le prix des choses, on doit les acheter, soit par de l’or, des épreuves ou des sacrifices, et l’amour dans le mariage étant la plus grande félicité du monde, Adalbert et Clotilde, loin de regretter les peines qu’il leur avait fallu dévorer avant de l’atteindre, prétendaient ne l’avoir point encore assez payée. Mais en se rappelant les torts légers qui avaient failli les séparer à jamais, ils se promirent d’en faire une leçon à leurs enfants, pour leur apprendre qu’il n’est point de fraude innocente, ni de violent dépit, dont on n’ait à se repentir.


FIN