Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 2/3-LLDA-Ch13
Ernest Leroux, éditeur, (2, p. 275-276).
371. Sahadeva dit : La perfection, (et par suite le salut), ne consiste pas seulement à renoncer aux choses (situées) à l’extérieur (de notre corps). On y arrive, ou l'on n’y arrive pas, (selon les cas), en renonçant aux objets des sens.
372, 373. Que ce qui serait le devoir, ou ce qui serait le bonheur, pour celui qui renonce aux objets (situés) à l’extérieur (de son corps), mais qui reste vivement attaché aux objets des sens, soit le devoir et le bonheur de nos ennemis. Que ce qui serait le devoir ou le plaisir, pour celui qui gouverne la terre après avoir renoncé aux objets des sens, le soit aussi pour nos amis et pour nous.
374. Or, un mot de deux syllabes est la mort, un mot de trois syllabes est l’éternel Brahma. Dire : « mama (pour moi) », (c’est la formule de l’égoïsme), et c’est la mort ; dire : « na mama (non pour moi) » (c’est la formule de l’abnégation), et c’est l’éternité heureuse.
375. Par suite, ô roi, Brahma et la mort sont entrés en nous-même, et ont établi une lutte invisible au sein des créatures.
376. Ô Bharatide, s’il est certain que cet être, (l’âme), est indestructible, on ne lui cause aucun dommage quand on détruit le corps des créatures.
377. Mais si le fait de naître implique celui de mourir, quand le corps est détruit, (l'âme) l'est aussi, et la suite des œuvres est vaine.
378. C’est pourquoi la voie qui a été suivie par les gens de bien anciens, et très anciens, doit être (suivie) par l’homme intelligent, en abandonnant (l’idée) d’un but unique, (recherché exclusivement par les ascètes).
379. Le roi qui, après s’être emparé de la terre entière, avec ce qui est mobile et ce qui est immobile, n’en jouit pas, mène vraiment une vie infructueuse.
380. Ô roi, celui qui, habitant les bois et vivant de la vie forestière, conserve de l’égoïsme (et de l’affection) pour les objets des sens, est dans la bouche de la mort.
381. Apprends à connaître la nature interne et externe des créatures ; ceux qui possèdent une telle connaissance, sont exempts du grand danger (de ne pas obtenir la délivrance dans l’autre vie).
382. Tu es mon père, tu es mon frère, tu es mon protecteur, tu es mon gourou. Le chagrin a ouvert la bouche d’un affligé. Pardonne-moi.
383. Ô protecteur de la terre, que ce que j’ai dit soit vrai ou faux, sache que je l’ai dit par affection, ô le plus excellent des Bharatides.