Le Livre du Voir-Dit/Appendice

Société des bibliophiles français (p. 383-408).

APPENDICE.


NOTES ET CORRECTIONS.

Il n’y a pas un an…

Ainſi, Machaut commença le Voir-Dit près d’un an après avoir reçu le premier meſſage de Peronnelle d’Unchair dame d’Armentières : c’eſt-à-dire en 1363.

Unchair eſl un village de la préfecture de Châlons-ſur-Marne, à quatre lieues de Reims. « Le château ſubſiſte encore, & ſemble annoncer la puiſſance des anciens ſeigneurs du lieu. » (C. Leſage, Géographie du département de la Marne, 1839, p. 524.)

Amours or ne me maiſtrioit.

Il nous dira plus loin qu’il n’avoit pas eu de maîtreſſe depuis pluſieurs années. La mort, ou l’inconſtance de celle qu’il aimoit & chantoit, avoit fortement ébranlé ſa ſanté. Elle s’appeloit Jeanne & ſemble avoir appartenu aux premiers rangs de la ſociété. La première partie des lais, rondeaux & virelais de Machaut ſont faits pour elle.

Un mien eſpecial ami.

Il ſe nommoit Henry & devoit être à peu près de l’âge de Machaut, s’il eſt le Henry auquel, vingt ans auparavant, en 1340, Machaut avoit adreſſé en forme de complainte une épître curieuſe, ſur les ennuis qu’on lui faiſoit éprouver à Reims. Sans reſpect de ſa dignité de chanoine, on l’obligeoit à monter la garde ſur les murs de la ville ; on le forçoit à vendre fon cheval ; on le chargeoit de lourdes taxes. C’eſt que le roi Philippe de Valois avoit alors ordonné à tous les hommes en état de porter les armes de rejoindre l’oſt qu’il avoit en Cambreſis, terre d’Empire. Les échevins de Reims envoyèrent un des leurs vers le Roi, campé ſous les murs d’Eſcaudœuvres près Cambrai,[1] pour lui repréſenter que la ville, conſtamment menacée d’un ſiége, ne pouvoit ſans danger reſter privée de ſes défenſeurs. Comme on n’avoit pas de cheval à fournir au meſſager, on jeta les yeux ſur celui du chanoine Guillaume de Machaut, & l’un des échevins chargé de faire le meſſage fournit pour l’acheter une ſomme de vingt-quatre livres en neuf doubles d’or, valant alors ſeulement quarante-huit ſous l’un, en raiſon de l’affoibliſſement des monnoies. Quand il fallut rembourſer la dette, la valeur du double d’or étoit remontée à cinquante ſous, comme le prouvent deux articles du Compte des dépenſes de la ville de Reims, année 1340 & ſuivantes : « Item, .xxiv. livres, pour un cheval acheté à Guillaume de Machau pour ce qu’on ne péuſt recouvrer de cheval à louier, pour porter la malle H. le Large, quant il fu en l’oſt devant Eſcandeure pour parler au Roi, pour le cri qui fu fait en ceſte ville, que chaſcuns alaſt en l’oſt. » (Archives adminiſt. de Reims, an. 1340, t. II. p. 833.)

— « Item, xviii ſ. pour frais de neuf doubles d’or à H. le Large qu’il preſta pour un cheval acheté à G. de Machaut & ne valoient li double d’or que .xlviii. ſols quant li dis Henris les preſta, & il couterent .l. ſ. quant il furent rendu. » (Ib., p. 834.)

M. Tarbé avoit publié cette épître en la rapportant aux années 1356–1358 ; mais avec tant de négligence qu’on nous ſaura gré d’en reproduire exactement ſur les manuſcrits la partie la plus intéreſſante :


À toy Henri, dous amis, me complains,
Pour ce que mais ne cueur ne mont ne plain,[2]
Car à pié ſui ſans cheval & ſans ſelle,
Et ſi, n’ai mais eſmeraude ne belle,[3]

Ne Lancelot,[4] dont petit me deduit,
Quant la joie ai perdu de tel deduit…
Aſſervis ſui, qui m’eſt choſe trop vile,
Car il m’eſtuet mettre aus murs de la ville ;
Et ſi vuet-on que je veille à la porte,
Et qu’en mon dos la cote de fer porte.[5]
Or il convient qu’ailleurs demourer voiſe
Et laiſſier Reims, dont petit me r’envoiſe.
Encore i a choſe qui ne m’eſt belle,
C’eſt maletote, & ſubſide & gabelle,
Flebe monnoie & impoſition,
Et du Pape la viſitation.
Or faut paier pour huit ans les trentiſmes,
Et ſans delai pour le Roi .iii. deciſmes…
Et vraiement l’Egliſe eft ſi deſtruite
Que je ne pris ſa franchiſe une truite.
Et ſi, dit-on, que li rois d’Angleterre
Vient le ſourplus de ma ſuſtance querre.
Malades ſui & n’ay point de monnoie,
Et mes freres,[6] dont plus aſſez m’anoie.
Après je dout que ne ſoie en oubli
De mon droit dieu terrien qu’onc n’oubli,[7]
Ains le regret ſouvent en ſoupirant.
Mais ce qui plus va mon mal empirant,
C’eſt ce que bien à mon borgne œil perçoi
Qu’à court de roi chaſcuns i eſt pour ſoi…
Pour ce m’en voy demourer en l’empire,
À cuer dolent qui tendrement ſouſpire…
Mais j’aim trop mieus franchiſe & po d’avoir,
Que grant richeſce & ſervitute avoir.
Pleure avec moy & complain ma dolour,
Cuevre de plours ta face & ta coulour,
Et dis à tous qu’ainſi, ſans nul mefait,
Voy en eſſil quant je n’ay rien meffait,
Et que jamais ne feray chant ne lai ;
Adieu te di, car toute joie lai.


Cette épître ne fait pas grand honneur au patriotiſme de Machaut. S’il s’éloigna de Reims comme il l’annonce ici, ce fut apparemment pour rejoindre le roi Jean de Bohême dans ſa dernière chevauchée aventureuſe en Pologne.

Car aſſez près d’une ſemaine
Vous avez chevauchié touſdis.

On pourroit conclure de là que Reims, où demeuroit Machaut, étoit aſſez éloignée du lieu où ſéjournoit Peronnelle. Mais peut-être Machaut avoit-il écrit d’abord : « Vous aurez chevauchié, » allée & retour. D’après la première réponſe de Machaut, on verra que Peronnelle devoit être alors à Paris.

Cette note n’eſt pas exacte. Machaut invite ſeulement le meſſager, ſon ami, à lui tenir lieu de ſecrétaire pour écrire le rondeau qu’il va lui dicter.

Car, par Dieu !…

Voici toutes les formules d’adjuration, employées dans le Voir-Dit :

Par Dieu. — Pour Dieu. — Par le dieu en qui je croy. — Par iceluy dieu qui me fiſt. — Se Dieus m’avoie. — Se Dieus me doinſt joie. — Se Dieus me doinſt Paradis. — Se Dieus me doinſt grace. — Se Dieus me ſequeure. — Se Dieus me gart. — Se m’aïſt Dieus. — Se Jheſus ne renoiſt mon ame, au jour du jugement. — Sur toutes les crois qui furent en Iheruſalem. — Saint Eſperit. — Par ſaint Anthoine. — Foy que je doy à ſaint Crapais. — Par ſaint Éloy. — Par ſaint Germain. — Foy que vous devez ſaint Gringoire. — Par ſaint Guillain. — Par ſaint Martin. — Par ſaint Nichaiſe. — Par ſaint Onoffre. — Par Saint Père. — Par ſaint Pierre. — Par ſaint Remy. — Par ſaint Seveſtre. — Par ſaint Simon. — Par ſaint Verain. — Par ſainte Yſabel. — Par ma foy. — Par m’ame. — Par ma ſanté. — Par mon ſerment.

Cette lettre eſt placée la quatrième dans tous les manuſcrits du Voir-Dit. C’eſt une tranſpoſition évidente, dont le premier copiſte aura donné l’exemple aux autres. Nous lui rendons ſa véritable place, ainſi que nous ferons pour les cinq qui ſuivront & qui avoient été également tranſpoſées.

Et pour ce qu’elle,
Ne ſai pourquoy, eſtoit alée
Demeurer en autre contrée.

D’après la première lettre de Machaut, nous avons préſumé que Peronnelle étoit alors à Paris : elle eſt maintenant apparemment revenue dans une des maiſons de ſa parenté, Armentières, Conflans ou Vielmaiſons en Brie. C’eſt aſſurément avec intention que le poëte laiſſe une grande incertitude dans l’indication des lieux où ſéjourne ſa dame, & dans le nom des perſonnes mentionnées dans le cours du récit. Les amoureux ſuppoſent toujours que, grâce à leurs petites précautions, on ne les reconnoîtra pas, & il eſt bien rare qu’ils ne ſe trompent.

Et ſi, eſtoit trop grans l’yvers,
Plains de gelées & pluvieus.

Jean de Venettes, continuateur de la Chronique de Nangis, garantit la vérité de ces vers : « Hoc anno, (1362) propter gelu & propter hiemem humidam & quaſi continuò pluvioſam, vincae, nuces… totaliter defuerunt. »

Cette forme de poéſie, toujours faite pour être chantée, demandoit trois couplets terminés par le même refrain. Elle diſſéroit peu de la coupe la plus ordinaire de nos chanſons, & n’étoit pas néceſſairement une choſe fade, comme l’eſtimoit Triſottin.

Le beau manuſcrit du duc de Berry, no 9221, porte plates au lieu de tacles, ce qui juſtifie ma conjecture.

Chanſon baladée.

On voit ici la différence de la Balade & de la Chanſon baladée. Celle-ci étoit le plus ordinairement de trois couplets formés de vers de deux meſures entremêlées, avec refrain, ou retour à chaque couplet, des deux, trois ou quatre premiers vers. Le chant pouvoit ſe bien trouver de cette coupe légère & variée.

Quant Seigneurie ſaute en place, Amours s’en fuit.

Réflexion qui rappelle une épigramme da Martial, liv. II, 55.

Vis te, Sexte, coli ; volebam amare.
Parendum eſst tibi : quod jubes, coleris.
Sed ſi te colo, Sexte, non amabo.

À ſupprimer. En ce voiage, c’eſt-à-dire par la voie du meſſager de Gaſcogne, qui retournoit vers Peronnelle, & qui ſans doute étoit attaché à la maiſon de Conflans.

Celle qui là preſente eſtoit.

Apparemment la gentille Guillemette, confidente de Peronnelle ; elle reparaîtra plus loin.

Je vous verray dedens la Penthecouſte.

Durant la ſemaine de Pentecôte, vers le commencement de juin 1363.

Au poëme de Morpheus, Machaut avoit ajouté une balade en l’honneur de ſa dame. C’eſt cette balade dont il avoit fait le chant & qu’il faiſoit noter ; non la complainte de l’amant, comme je l’ai dit dans cette note.

Mais j’y fui près d’une quinzaine…
Car de là partir me convint…

La contradiction n’eſt ici qu’apparente. Machaut veut faire entendre qu’obligé d’aller rejoindre, à quinze jours de là, le duc de Normandie, il n’étoit pas retourné à Reims auſſitôt ſa neuvaine accomplie ; apparemment parce que l’égliſe où il faiſoit ſa neuvaine étoit aſſez rapprochée de Crécy-en-Brie, où ſéjournoit alors le duc de Normandie. Il devoit donc au mandement du prince la facilité de reſter à portée de voir ſa dame, cinq ou ſix jours de plus.

Au commandement d’un ſeigneur
Qu’en France n’a pas de greigneur.

Il déſigne ainſi Charles, duc de Normandie. Les deux vers ſuivans :

Fors un ; Dieus le gart où il maint,
Et à grant joie le ramaint !

déſignent le roi Jean, qui, ſix mois plus tard, c’eſt-à-dire le 5 janvier 1364, arrivoit en Angleterre, d’où Dieu ne devoit pas permettre qu’il revînt ; car il reſſentit dans les premiers jours de mars les atteintes de la maladie dont il mourut le 8 avril ſuivant. L’itinéraire recueilli par le marquis d’Aubaïs marque que le roi Jean étoit en juin à Crécy-en-Brie, où nous voyons que ſéjournoit également le duc de Normandie. Il faut ſupprimer la fin de la note 1, qui contient deux erreurs : 1o Jean n’étoit pas encore retourné en Angleterre, 2o nous ſommes en 1363.

Telement & à tel cantele.

Liſ. cautele (avec telle précaution).

Mais de ſa cointe veſtéure
Me tais ; dont je fais meſpreſure.

Il faut entendre, je crois, ainſi : « Mais je m’aperçois que je ne dis rien de fon coſtume ; c’eft à tort. »

Veſtie ot une ſourquanie.

Plus tard ſouquenille ou ſouquenelle. C’étoit une robe de deſſus ou ſurcot large du bas, mais ſerrée par le haut de manière à deſſiner le buſte. Voyez Jules Quicherat, Hijtoire du coſtume en France, p. 186.

M. Quicherat cite auſſi parmi les draps de grand luxe l’écarlate de Bruxelles.

Plus rien diray à ceſte fie.

J’aurois dû lire plutôt : Plus n’en diray…

Car ſe .x. mois devant li fuſſe

C’eſt-à-dire : « Si dix mois auparavant j’avois été devant elle. » Ce qui ſemble indiquer qu’il avoit reçu le premier meſſage dix mois auparavant, c’eſt-à-dire durant l’automne de 1362, & non 1361, comme le marque la dernière note de la même page. Machaut, qui commença le Voir-Dit pendant qu’il accompliſſoit ſa neuvaine, avoit dit au début : « Il n’a pas un an » &c. (vers 29).

Car Honte me vint aſſaillir.

Aujourd’hui, au lieu du débat qu’on va lire nous dirions, aſſurément d’une façon moins poétique : « En rentrant chez moi, je me ſentis honteux & confus d’avoir préſumé qu’une dame ſi accomplie pourroit s’abaiſſer juſqu’à moi : mais bientôt l’eſpoir d’être aimé me ranima. » À tout prendre, il eſt permis de préférer la façon dont notre poëte s’y eſt pris pour exprimer la même lutte intérieure.

Mon livre & mes Heures liſant.

On voit que le bon chanoine n’avoit pas oublié fon bréviaire & ſes Heures canoniales.

Et c’eſt la guiſe d’Alemaingne,
Qu’on gariſt la gent par paroles.

Machaut, qui avoit ſuivi en Allemagne le roi de Bohême, avoit ſans doute vu qu’on y pratiquoit ce ſortilége, & cela prouve aſſez bien qu’on n’y ajoutoit aucune foi dans notre France.

Là, fait .ix. jours ma demeure ay…

« Là j’ay fait ma demeure, je demeuray neuf jours. » Les neuvaines ne devoient pas être interrompues, & par conſéquent, les premiers jours paſſés dans l’égliſe ne devoient pas compter.

Mouroit de faim. Ajoutez : ou de ſoif : car le mot Aquarius avoit pu donner l’idée de faire du ſaint le patron des altérés.

Que la voy à trop grant dangier.

Peut-être le manuſcrit auroit-il dû porter : Que la voie a trop grant dangier…, c’eſt-à-dire : parce que c’eſt une voie trop dangereuſe.

Qu’il ne vous vueil defplaire.

Vueil pour vueille. C’eft une faute du no 1584 que j’aurois dû corriger avec le manuſcrit du duc de Berry.

Ma ſuer & moy.

Ce qui m’a perſuadé que cette ſœur n’étoit que la femme de Jean II de Conflans né du premier mariage de Jean I, c’eſt que nous la verrons plus loin aller en Brie viſiter les maiſons de ſon mari. Or les maiſons de Vielmaiſons en Brie, Étoges, Vezilly étoient des fiefs de la maiſon de Conflans. On étendoit autrefois plus qu’on ne fait aujourd’hui ce titre de frère : nous verrons plus loin Peronnelle dire du frère aîné de Guillaume : « votre frère & le mien. »

Triſte peuſis & enuieus.

Peut-être aurois-je dû écrire : envieus, contrarié, ſynonyme du vieux mot : à envis.

On pourra s’étonner de la facilité avec laquelle Peronnelle répond en vers aux vers de ſon ami. Mais elle ne fait guère que des bouts-rimés qui lui ſont fournis par les vers auxquels elle répond.

Briesment. Liſ. briefment.

À dieu, liſ. À Dieu !

Dont on n’eust grigneur mestier
Que de gens de ſi vil mestier.

Liſ. n’éuſt. Meſtier, au premier vers, a le fens de beſoin, & dans le ſecond, le ſens qu’il conſerve encore.

Sil puelent. Liſ. s’il puelent.

Unchère. Liſ. Unchair.

Mais chaſcune avoit un chapel
Floreté d’or, ainſi l’appel,
De roſes doubles & vermeilles…

« Nos pères (dit M. Quicherat, dans ſa belle Hiſtoire du coſtume) ont appelé chapeaux de fleurs des couronnes qui lse faiſoient en fleurs de la ſaiſon… Les jardiniers fleuriſtes jouiſſoient de pluſieurs immunités, en conſidération de ce que leur induſtrie avoit été d’abord établie pour le ſervice des nobles. »[8] Il me ſemble que la définition ne répond pas exactement à nos trois vers. Le chapel de Peronnelle n’étoit pas ſeulement une couronne de fleurs, mais un cercle ou bandeau orné de fleurs & de feuilles d’or. C’eſt plutôt au chapelet de fleurs que peut convenir la définition de M. Quicherat.

À une ville qu’on appelle
Partout à Paris La Chapelle.

La Chapelle Saint-Denis.

Et vous eſveilleray à nonne.

L’office de Nonnes devoit ſe dire à trois heures ; mais on le réuniſſoit ordinairement à celui de vêpres, qui devoit ſe dire à ſix heures.

Qu’il croyait avoir le mieus fait. Lif. faits.

Helas ! se ceavoie oï.

Liſ. Se ce avoie oï. (L’e du pronom s’élide & ſe prononce çavoie.)

Commencie. Liſ. commencié.

Et ne cuide mie que ſe Deſirs y vient qu’il nous puiſt en riens grever.

On voit que Péronnelle ne redoutoit pas l’arrivée de ce perſonnage autant que Guillaume le ſuppoſoit.

Le couvrechief & le touret.

Le couvrechef, comme le dit fort bien M. Quicherat, étoit une ſorte de guimpe flottante qui couvroit ou découvroit le viſage à volonté. C’étoit ordinairement un tiſſu de lin ou de ſoie extrêmement délié, & qu’on tiroit en général des fabriques de Reims. Peronnelle envoie ici les trois principaux élémens de ſa coiffure : la coiffe, le couvrechief, & le touret dont elle étoit affublée quand elle avoit reçu la dernière lettre de ſon ami. Il ne faut pas confondre ce touret avec le touret de nez qui en a procédé. Le nôtre, comme je l’ai dit, ſervoit à retenir gracieuſement les cheveux ſous le chapel de fleurs. Et ce chapel n’étoit peut-être pas éloigné de la forme des prétendus chapeaux que portent nos dames, en cette année de grâce 1875.

Dans la même page, lig. 11. Il faut noter que l’&c n’eſt pas dans le manufcrit du duc de Berry.

Je vous iray querre à la porte Saint Anthoine.

Cette porte étoit conſtruite au delà de la charmante égliſe de Saint-Nicaiſe, abattue par les libres penſeurs de 1792, « afin, » ainſi que le dit le Sr Prudhomme, « de nettoyer tout ce qui pouvoit rappeler la féodalité & le fanatiſme. » (Dictionn. de la République franç. An Ier de la liberté.)

Ce devoit être une demoiſelle de Conflans.

Ou plutôt, la jeune femme de Jean II de Conflans que Peronnelle traitoit de frère. — Il ne faut pas ajouter grande foi à l’initiale T, par laquelle Machaut ſemble déſigner le frère de Peronnelle. On a vu que nos deux amoureux tenoient également à donner le change ſur les véritables noms des perſonnages cités dans les lettres, & ſur les lieux où Peronnelle ſéjournoit.

Nous devons partir… pour doubte de la mortalité.

On peut préſumer de ce paſſage & de la lettre précédente de Machaut que Peronnelle alloit s’éloigner de Paris. La peſte, en effet, y faiſoit, dans la dernière moitié de cette année 1363, de cruels ravages, comme nous l’avons dit dans la Notice. Ainſi c’eſt à Paris que Machaut étoit allé la trouver, dans un moment où la ville étoit remplie de mouvement & de noiſe. C’eft de là qu’ils auroient fait l’agréable pèlerinage de Saint-Denis, & où Machaut avant de retourner à Reims auroit commandé un bijou à un orfèvre que la mortalité devoit atteindre.

Rajovenir. Liſ. rajouenir, comme aux vers 4839 & 4860.

Car de mon cuer mille fois n’iſt.

Liſ. nulle fois.

Lors me priſt trop à avoier.

Je crois qu’il eût mieux valu lire : anoier (ennuyer).

Si m’enbati en une place…

Il ne faut pas oublier que Machaut continue à raconter un ſonge.

Sur une coutepointe.
Bien croy qu’elle fu faite à liche.

Liche ſemble être ici pour liſte, frange.

Et par tel guiſe au Roy parlay.

Il ſemble bien que, dans les conſeils donnés au roi du Jeu, Macbaut ait en vue, ſoit d’exprimer les vrais ſentimens du duc de Normandie, ſoit de les lui repréſenter comme une ſage règle de conduite que le roi Jean avoit trop rarement ſuivie.

Ains doit tes cuers eſtre ententis
À ſouſmettre & donter la force
De ton anemi s’il t’esforce.

C’eſt, en moins beaux vers, rendre celui de Virgile :

Parcere ſubjectis & debellare ſuperbos.

Armé de ſes cornes, & mieux de ſes cors ou andouillers. À l’imprimerie, on a ſubſtitué cornes à cors, & la correction n’a pas été heureuſe.

Et ſe trop longuement parole
Mon ſonge…

On pourroit croire que Machaut, dans ce petit alinéa, fait une parenthèſe pour demander excuſe à ſon lecteur & non pas au Roi qui ne ment : mais celui-ci lui reprochera bientôt avec raiſon de parler tour à tour en rêveur & en homme éveillé :

Tu dors & paroles enſemble
Et ſi, m’eſt avis que tu ſonges.

Et encor parle-on du deuſieſme,
Voire par Dieu & du centieſme.

Apparemment le centieſme ſur ce qui avoit échappé à toutes les demandes précédentes. La France s’impoſoit alors pour racheter le roi Jean, comme aujourd’hui nous ſommes contraints de le faire, pour payer l’éloignement des nouveaux hommes du Nord auxquels le ſort des armes avoit livré la patrie.

« Anno domini M. CCC. LXIII. » dit le continuateur de Nangis, « fuerunt multae preſſurae & oppreſſiones in populo… per totum, de Pariſius uſque Pictaviam & Britanniam ; tum propter praedones & latrones nimium abundantes per itinera & villas ruſticas, quant propter graviſſimas exactiones & nihilominus impoſitiones, & multa homicidia per villas & nemora. » (Éd. Geraut, t. II, p. 324.)

… « Eodem anno ſub praetextu & colore patriam defendendi & inimicos offendendi, maximae talliae & impoſitiones atque graves exactiones inconſtuetae ſuper vinis & aliis mercanciis, levabantur. » (Ib., p. 328.)

Li diables atiſe la guerre,
Ainſi fait li rois d’Engleterre.

Édouard III ne faiſoit plus la guerre depuis le traité de Brétigny, mais paſſoit pour l’atiſer en encourageant les Grandes Compagnies à continuer leurs ravages.

Et Sillon de Lacedomoine,
Fu…

Suppr. la virgule.

Dès le xxe jour d’aouſt.

Le mſc. 22545 porte : le xe jour… Peronnelle fait une courte excurſion en Brie dix-ſept jours plus tard (lig. 8), c’eſt-à-dire le 27 août ou le 5 ſeptembre. Cette viſite la retient quinze jours entiers, ce qui nous conduit à la mi-ſeptembre. Elle s’arrête enſuite dans une ville où elle étoit « à hoſtel ». Quelle étoit cette ville qui renfermoit une égliſe de Saint-Pierre, comme on verra Lettre XXXII ? Troyes ou Châlons-ſur-Marne. Auſſitôt ſon arrivée, c’eſt-à-dire le 17 de ce mois ou le 27, ſuivant le mſc. 22545, Peronnelle écrit à Machaut. Les dates que portent pluſieurs des lettres ſuivantes ne ſont pas auſſi faciles à vérifier. — P. 234, lig. 5. La veille de Sainte-Croix eſt, comme on ſait ou du moins comme on doit le favoir, le 7 feptembre. — P. 235, lig. 7. Mieux vaudroit ſupprimer la note 1 ; nous ne découvrons pas aſſez nettement d’où partoit le frère & où ſe trouvoit le roi Jean. — Les craintes de Machaut ſur la fidélité de ſa maîtreſſe ſont de nouveau réveillées par les précautions que Peronnelle lui recommande : pourquoi devoit-il maintenant diſſimuler avec ſon ami qui, juſqu’alors, avoit approuvé leurs amours ? Pourquoi lui faire entendre qu’il ne s’étoit jamais agi entre eux que de vers & de chanſons ? — P. 236, lig. 17. Le lieu où vous ſavez que nous irons eſt Saint-Nicaife de Reims. (Voy. Lettre XXVII.)

La veille de ſaint Michel tombe le 28 ſeptembre, un ſeul jour ou onze jours après la date de la lettre de Peronnelle. — P. 242, lig. 12. Teneure & contreteneur. Nous difons aujourd’hui ténor & baſſe-taille, parce que nous avons préféré à la forme françoiſe la forme italienne, comme ſi nous devions aux Italiens le premier emploi de ces tons. Dans un compte des ducs de Bretagne de l’année 1413, reproduit par Dom Lobineau (Hiſt. de Bretagne, II, p. 962), figure « Jehan Tromelin, teneur de la chapelle Monſeigneur, lxx liv. par an. »

Dont il eſt moult.

Cette mauvaiſe rime ſe retrouve dans tous les mſs. Mais Peronnelle devoit avoir écrit mont, ſouvent employé, au lieu de moult.

La date du 5 mai eſt évidemment inexacte. La lettre doit avoir été écrite au mois d’octobre 1363.

Le manuſcrit 158. Liſ. 1584.

Un dragme. Liſ. une dragme.

L’initiale T eſt pourtant dans le mſc. du duc de Berry, & n’eſt omiſe que dans le no 22545. J’ai mis le lecteur en garde contre toutes ces déſignations locales ou perſonnelles.

Un chevalier. Les deux autres manuſcrits portent uns clers, & je penche à croire maintenant qu’ils doivent être préférés. Ce clerc ſera le même qui avoit précédemment engagé Machaut à ne pas trop compter ſur l’amour excluſif de Peronnelle ; peut-être encore celui qui recevra la confeſſion de la demoiſelle.

Vous ne m’avez eſcript… ne de mes deux balades jugié. Il vaut peut-être mieux entendre : « Vous ne m’avez écript ne jugié de mes deux balades. »

Si envoiez par devers moy en l’oſtel ma mere.

C’eſt la première fois que la mère de Peronnelle eſt mentionnée. On voit que la demoiſelle tenoit à ce que la dame de Conflans, ni même ſon frère, ne s’aperçuſſent des viſites de Guillaume. Il faut ſupprimer la note qui confond, je crois maintenant à tort, Henry & le frère de Peronnelle.

Il a des ans plus de ſoixante
Que li tans ne fu ſi divers…

C’eſl ce que juſtifie le continuateur de Nangis : « Eodem anno M. CCC. LXIII. fuit hyems horrida valdè atque longa : & factum eſt aſperum gelu quod duravit uſque ad finem martii. » (P. 333.)

À plus don tour dune paviere.

Liſ. d’une paviere. Pavois.

Achemenides qui le vit.

Ovide avoit emprunté au 3e livre de l’Énéide (v. 590 & ſuiv.) le récit d’Achemenides, un des compagnons d’Ulyſſe, abandonné ſur la côte de Sicile & recueilli par Énée.

Galathée. Liſ. Galatée.

Comment li ancien entailloient
L’image d’Amour…

Il eſt à remarquer que dans le Moyen âge & juſqu’à la Renaiſſance, les peintres & imagiers, d’accord en cela avec l’inſtinct naturel du genre humain, n’admettoient jamais de nudités dans leurs compoſitions. Ils donnoient un vêtement même au petit dieu d’Amour. Dans leurs peintures du Jugement de Paris, Vénus étoit encore à demi vêtue ; à plus forte raiſon Junon & Pallas qui devoient y perſonnifier : Junon la puiſſance & la richeſſe, Pallas la ſageſſe & la vertu. Les artiſtes anciens eux-mêmes étoient beaucoup moins prodigues de nudités que ceux de nos jours ; ils n’enlevoient leurs vêtemens qu’à certaines divinités, ſymboles plus ou moins directs de l’acte de la génération. On diroit fait pour la Vénus pudique ce charmant diſtique d’Ovide :

Ipſa Venus pubem, quoties velamine ponit,
Protegitur laeva ſemireducta manu.

(De Arte amator., lib. II, v. 613.)

Il eſt aſſurément plus aiſé de faire une belle femme nue qu’une belle femme vêtue : mais combien la draperie ajouteroit, par exemple, à la juſte expreſſion des Trois Grâces, qu’on s’obſtine à nous repréſenter entièrement nues ! Belles aſſurément ſous le pinceau de Raphaël ou de Rubens, mais gracieuſes non. Auſſi les nudités devroient-elles être rarement étalées dans les expoſitions publiques ; elles ont, dans l’intimité, aſſez d’occaſions de prendre leur revanche.

« Et monſtre, nés à la carole. »

« Qu’elle montre à tous ceux qui l’approchent ; comme nous diſons familièrement aujourd’hui : à la ronde ou à la cantonade. La Carole étoit la ronde aux chanſons que les petits enfans ſeuls pratiquent encore.

Car mainte dame amy clamé
A maint, ſans eſtre d’elle amé.

C’eſt préciſément ce que la reine Genievre avoit dit à Lancelot dans une première entrevue : « Par ma foi, ce mot ami fut dit de bonne heure ! Mais je ne le prenois pas tant au ſérieux. Souvent je l’ai dit à d’autres chevaliers par ſimpie courtoiſie. Vous l’avez entendu autrement ; bien vous en eſt venu, puiſqu’à vous en croire, il a fait de vous un prud’homme. Ce n’eſt pourtant pas la coutume, parmi les chevaliers, de prendre telle parole à cœur, & d’imaginer qu’ils ſoient, à compter de là, retenus par une dame. » (Romans de la Table-Ronde, t. III, p. 264.)

… Il eſt un advocas.

Peut-être le grand ſeigneur qui venoit d’engager Machaut à ne faire aucun fonds ſur l’amour de Peronnelle ; mais plutôt encore le prétendu, le fiancé de Peronnelle, celui qui fera compter les premières amours « parmi les péchés oubliés. »

Et, ſitoſt come je ſeray partie de vous.

Ainſi dans les manuſcrits ; il eût fallu : parti.

Ponctuez ainſi :

Se ſignifié li éuſſe,
Et ſi, l’éuſſe fait plourer.

Qui malvaises nouvelles apporte.

Ainſi dans les trois manuſcrits. Il eût fallu : mauvaiſe nouvelle apporte.

Une chaiſne. Liſ. un chaiſne.

Ponctuez ainſi :

Li cuers li fault, & la véue
Li trouble en chief, & de la plaie
Li ſans juſqu’à la terre raie.

Liſez :

Son dons regart qui trop meſprit
Quant onques de s’amour m’eſprit.

C’eſt-à-dire : « Son doux regard qui a très-mal agi quand il me rendit épris d’amour. »

On doit croire qu’il entend parler de Gaſton Phebus. Ou plutôt du comte de Tancarville, auquel il avoit déjà adreſſé une Épitre, & qui donnoit la préférence au vol ou chaſſe aux oiſeaux, ſur la chaſſe aux bêtes fauves. Jean de Melun comte de Tancarville étoit grand chambellan de France. On lit, vers la fin du curieux Livre du roi Modus & de la reine Ratio, une longue pièce de vers ſur le Jugement rendu par ce comte de Tancarville, à l’avantage de la Chaſſe au vol.

Et ma vertu affoiblie,
Eſt…

Supprimez la virgule.

Puis que vous méiſtes & envelopaſtes mon cuer en fin azur, & l’enfermaſtes en tréſor dont vous avez la clef…

Ce précieux gage, enfermé dans un écrin dont l’amant avoit reçu la clef, figuroit un cœur, comme en portent encore à leur cou bien des villageoiſes, pour y retenir une croix d’or. Le don de ce cœur pouvoit garantir le don de tout le reſte, mais encore y auroit-il loin de là aux ſuppoſitions de M. Tarbé.

1362. Liſ. 1363.

Pour adoucir la grant rigueur
De la déeſſe & ſa fureur.
Les vierges…

Une virgule, au lieu du point.

Si vous amez ma pais… que jamais ne vous avengne.

Pour expliquer le mécontentement & le dépit de Machaut en recevant enfin ce qu’il avoit demandé avec tant d’inſtance, il faut admettre que le préſent arrivoit aſſez mal à propos ; juſtement comme le prêtre-confeſſeur venoit de lui faire comprendre qu’il devoit déſormais ſe contenter de l’amitié de Peronnelle.

C’eſt la première fois…

Liſez : Le manuſcrit no 1584 porte mon intention, & c’eſt la première fois que je remarque ce ſoléciſme, &c.

La Colombelle doit être la même que la Guillemette. Remarquons que le frère, la ſœur de Peronnelle & Henry étoient bien inſtruits de la correſpondance amoureuſe, mais ignoroient les rendez-vous du Verger & le pèlerinage de Saint-Denis. Peronnelle, qui juſque-là ne trouvoit jamais les lettres de ſon ami aſſez longues, lui recommande maintenant de ne plus envoyer que des chanſons ; ou, s’il écrit, de charger un homme bien ſûr de lui remettre les lettres. Toutefois les nouveaux liens qu’elle alloit former ne rompirent pas entièrement ceux qui l’engageoient avec Machaut. J’en trouve la preuve & dans la balade d’Euſtache Deſchamps citée dans la Notice, & dans deux autres balades : l’une, apparemment de Peronnelle d’Armentiéres ; l’autre, aſſurément de Guillaume de Machaut. Placées, dans les Œuvres complètes, parmi les dernières compoſitions du même genre, elles ſemblent avoir été faites dans les premiers temps du mariage de Peronnelle. Nous ne pouvons mieux finir notre volume qu’en les reproduifant toutes les deux.


PERONNELLE.

Deux choſes ſont qui me font à martire
Vivre & languir ; dont mes cuers trop ſouſpire :
La première eſt que mes tres-dous amis,
Qui ſa proeſce & tout ſon cuer a mis
En moy ſervir & amer loiaument,
Ne peut, ne veult, ou ne ſcet nullement
Géhir[9] à moy ſa doulour ne ſa paine,
Ne que je ſuis ſa dame ſouveraine.

Et ſi, voy bien qu’il vit à grant doulour,
Dont il a taint ſon viz & ſa coulour.
Et vraiement moult volentiers querroie,
À mon honor, ſon bien, ſa paix, ſa joie.

La ſeconde choſe eſt qu’il n’affiert mie
Que, de ma bouche ou par ſemblant li die
Que mes cuers eſt tous ſiens, où que je ſoie ;
Qu’en ce faiſant, contre m’onneur feroie.
Et jà ſoit ce que mon cuer grief mal porte
Pour lui amer, mieus vourroie eſtre morte
Que de bonté, par regart ou par chiere,
Lui déiſſe que ſuis ſa mie chiere,
Et qu’en mon cuer porte celeément
L’amour de lui, trop plus couvertement
Que li charbons n’eſt par deſſous la cendre.
Et ne m’en puis, ne ſçay ne veul deffendre.

Si ne voy goûte en moy n’en ſon affaire :
Car il nous faut & l’un & l’autre taire,
Et tout adés plus fort riens amerons
Que jà ſemblant ne chiere n’en ferons.
Et que pourra ceſt amour devenir,
Nous en lairons bonne Amour convenir,
Pitié, Franchiſe & Douçour la courtoiſe
Qui ſevent bien que telle choſe poiſe ;
Et ſagement & toſt porvoieront
Quant, en ce point, pour amer nous verront.
Mais jà par moy ceſte amour ne faura,
Tant que Pitié ou Amour li dira.


Cette balade eſt irrégulière, elle n’a pas le refrain exigé, les rimes des trois couplets ne ſont pas uniformes. Mais malgré un certain embarras d’expreſſion, elle eſt dictée par un ſentiment paſſionné que la nouvelle épouſe ne pouvoit encore étouffer. Écoutons maintenant Machaut :


Se je vous aim de fin loial courage,
Et ay amé & ameray toudis,
Et vous avés prins autre en mariage,
Doy-je pour ce de vous eſtre en ſus mis,
Et de tous poins en oubly ?
Certes nenil, car puis que j’ay en my

Cuer ſi loial qu’il ne ſauroit meffaire,
Vous ne devés vo cuer de moy retraire.

Ains me devés tenir en vo ſervage,
Come vo ſerf qu’avés pris & acquis,
Qui ne vous quiert vilenie n’outrage.
Et ſi, devés amer, j’en ſuis tous fis,
Vo mari com vo mary
Et voſtre ami com voſtre dous amy.
Et quant tout ce povés par honneur faire,
Vous ne devés vo cuer de moy retraire.

Et s’il avient que cuer avés volage,
Onques amans ne fu ſi fort trahis
Com je ſeray ; mais vous eſtes ſi ſage,
Et s’eſt vos cuers ſi ſagement nouris,
Qu’il ne daigneroit ainſi
Moy decevoir pour amer ; & ce di :
Puis que ſur tout aim voſtre dou viaire,
Vous ne devés vo cuer de moy retraire.

(Mſc. du duc de Berry, no 9221, fo 15.)
  1. Voyez les Grandes Chroniques de Saint-Denis, année 1340, t. V, p. 382 de mon édition. Elles conſtatent l’arrivée du roi Philippe de Valois devant ce château & ajoutent beaucoup au récit de Froiſſart.
  2. Pour ce que je ne cours plus par monts ni plaines.
  3. Peut-être pour « pelle » ou perle.
  4. Ni le roman de Lancelot du Lac, dont Machaut faiſoit ſes délices.
  5. Apparemment durant l’éloignement des bourgeois convoqués par le Roi.
  6. Et mon frère eſt auſſi dépourvu que moi de monnoie.
  7. Il entend ainſi déſigner la dame qu’il aimoit alors.
  8. Depping, éditeur & annotateur du Livre des métiers, va plus loin : de ce que les chapeliers de fleurs ne devoient point le guet, « pource que leur meſtier eſt franc & qu’il fu eſtabli pour ſervir les gentins hommes. » Il conclut que « les bons bourgeois de Paris ne ſe permettoient pas une parure auſſi éclatante. » Un chapeau de fleurs ! En réalité, tout le jeune monde, bergères, bourgeois, bourgeoiſes & gentilshommes uſoient de la liberté grande d’en porter.
  9. Confeſſer.