Alphonse Picard et Fils (p. 21-23).
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XIX

Sire Dieu le mien créateur ie ay en toy espérance, fay moy sires leur de tous ceulz qui me poursuivent, et men delivre, car en toy ay toute mespérance, playse toy que ie ne soye confondus perdurablement, et en ta iustice me delivre et defent. Sire vray Dieu mon créateur et mon gouverneur ainsy que iay dit et tousiours diray, en toy est et a esté et sera mespérance, et tant que ie vive de ta misericorde ne me desparay, de moi meismes par certain quant ie regarde diligemment tous mes pechiez ie suy en desperation, car tousiours et mauvaises euvres et ordes iay commises maiz regardant le très doulz createur et mon souverain seigneur qui voist tousiours ma mauvaise vie, et encore à tent pouvoir si ie me corrigeray attendant souffrant et escoutant si en aucune manière ie vouldroye amander ma vie, ie regarde a la misericorde de Dieu mon createur qui si doulcement me sueffre. Maiz, maiz certes iay de toutes pars mes ennemis qui masaillent et navrent violemment les secrets de mon cuer, et se ce nestoit le mien souverain et piteux seigneur qui ma de neant fait qui me secourt et en secourant espovante mes ennemis qui ainsi me triboulent et me gietent leurs loyens miserablement, légièrement lyre servit, marme est menee en chetivoison.

Donc sires delivre moy de touz mes persécuteurs et pour ce sires que ie ne suy dignes que par moy le faces, plaise toy de le faire au moins par ta bonté, car ie confesse souverain doulx sires que tu nas nulle rayson de moy delivrer, car tout mon temps me suy delite en mal et en mauvaises euvres ay usé ma vie, maiz par toy me délivre, car cest vergoigne a toy que tes ennemis se trufent de ta facture qui est ainsi escharnie et de très puans vices tachiée laquele tu feis si honneste, et tant de honneur et de rayson tu a ournée que a lymage tienne et semblance tu fourmée. Vecy très-doulz Dieu mon meschant et chetif esperit par males euvres de toutes pars demiengie des dens de ses ennemis, par les quielx miserablement est desciré, si que a painnes est eschappé, il appelle sires taide, il souspire à la vision de ta grace, car sil ne te plaist a ly tost aidier, ia ne pourra à toy venir, trop dennemis aye comme tu vois très-piteus mon créateur par la fureur des quielx griefment feru et batu et escharné sueffre grans et griefs douleurs, maiz un entre les autres tousiours sefforce de mettre moy à mort, car quand touz se sont laissié de moy aussi comme sils feussent las. Celluy qui plus est hardi de touz me court sus, cest vainne gloire qui non seulement en mauvaises euvres tache les gens ainçois es bonnes, sil ne si garde, le fait cheoir, vaine gloire en semblant de faire bien fait eslever en orgueil et orgueil par son mortel conseil oste la vertu davoir la cognoissance de l’amour de nostre seigneur. Car supposé que leuvre que on fait soit bonne, par la vaine gloire que on en a, n’est pas plaisant a nostre seigneur, et que puest estre donc plus mauvaise que soy enorgueillir de faire bonne euvre. Car quand il cuide essaucier par le bien qu’il fait, il tombe bas par l’orgueil et par la gloire qu’il a. Orgueil certes et vaine gloire naturellement gisent au plus parfont denfer et humilité tousiours habite es cieulx. Je confesse donc, très benigne dieu, pour ce dessus dit, estre abatu et près de la mort mené, et en larme navre et ce ainsi est que ta souverainne misericorde et pitié ne me vueille secourre, ie seray dampné. Elas doulent, helas chétif, touz temps et en touz lieux : quante chaitivité et maulx as en ton corps.

Ô Dieu, mon refuge, ô mon doulz createur, ô toute ma vertu que feray-ie, se tu me laisses par mes péchiez perdu suy, car tousiours ay-ie necessité de tayde et de ta misericorde, et si par mes péchiez me desprises car en trop de pechiez mas trouvé, retourne a moy les yeulx de ta misericorde, car ie suy ta creature, et aussi scay-ie bien que tu es mon vray créateur. Aussi te plaise que ie sente que tu es mon vray deffendeur, par quoy en la présente vie tousiours par toy deffendu et aydé soye et feni le corps temporel a toy créateur mien et sires parfaitement vieigne absoult et monde de touz mes péchiez.