Alphonse Picard et Fils (p. 17-19).
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XIV

Ma force sire mon fermement Dieu mon refuge et mon liberateur tu mentourme que ie cogite en toy et menseigne que ie te devray prier et me donne faire les euvres plaisanz a toy. Deux choses say sires que tu ne desprises cest lesperit en tribulation et cuer contrit et humble. De ceulz deux sire Dieu fay ie mon trésor en marme contre lennemy. Fay moy sires sil te plaist que ie ne soye de ceulz qui croyent et ont contriction en temps, et en tems sen departent. Sires ne tennuye ce ie tay prié des choses don ie suy fraytureux. Maiz ta souveraine pitié me donne grant fiance, et ie sais bien quand ie fais iniure a toy de demander grace que suis dignes de recevoir tous les maulx que on sauroit deviser. Et quand vray père et mon créateur reçoit mes euvres, ie say bien que ie suy dignes de mort et ie demande vie, iay escommen mon seigneur, car ie demande senz nulle vergoigne aide de ce dont ie devroye estre condempné, ie suy navré de diverses playes, car ie nay cescié de adiouster pechiez sur pechiez ; car pechiez trespassés par nouvelles coupes ay retournés ; de ceulx de quoy ie avoye pris médecine estoye guéri, ma ardeur frenatique a fait récalmation, car ye say que en quelque iour que le droiturier pechera, toutes les iustices seront oubliées.

Et moy las qui suy tant de foys retourne à pechie. Comme chien quant remengue ce qu’il vomit, et comme une truye dedans la boe, suy tant de foys retourne en mes pechiez que ne me souvient ! quantz hommes qui ne savoient ai ie enseigné à pechier. À ceulx qui ne vouloient en ai ie prié et contrains. Mais tu droiturier et miséricors Seigneur ne mas encore puni. Tu tes teu et as esté pacient iusques ici. Male aventure est por moy. Car finablement tu parleras comme courroucie. Dieu des diex, sire des seigneurs ie cognois bien que tousiours ne te tayras et ce par ta miséricorde tu me deportes iusques au iour du jugement. Lors au moins ! verront tous les saincts et toute autre gent tous mes mauvaiz pechiez. Non tant seulement des œuvres maiz des cogitations pensées. Mon doulz Seigneur ie ne say que ie die, car ie suy présent en tel péril, ma conscience me remort et me traveuille les secrez de mon cuer, avarice me contraint, luxure mien ordist, gloutonnie me deshonneure, yre me perturbe, inconstance mabat, peresse me oppraint, ypocrisie mengeingne. Vecy sires aquielz compaignons iay vescu dès ma iouvente, et ceulz qui iay ame si me dampnent, et ceulz qui iay loe si me font vituperation. Ce sont les amis que iay eus, ce sont les seignours que iay servis. Halas que feray-ie mon roy et mon Dieu tant mal est à moy, ma illumination car iay habité en ténèbres, et se ce nest par ta grant miséricorde ne sera ia trouvé nul iuste, especialment moy, maiz doulz sires ie croy et say que ta doulceur ne tamour sires nest pas passable maiz durable ; tamour nest pas occieuse, ta memoise est plus doulce que miel, ta contemplation est plus savoureuse que viande. Parler de toy est droitte refection, toy cognoistre est parfaite consolation, de toy aprouchier vie pardurabie, de toy esloignier mort eternable, fontainne vive à ceulz qui ont soyf de toy, gloire à ceulz qui te creignent. Ta oudeur suscite les morts, ton regart fait sains les malades. Ta lumiere oste toute obscurité, ta visitation giete hors toute tristece, en toy na nulle tastour ne nulle douleur.

Ô glorieux Sires, comme tu es veritable, ô ma doulce vie mon Dieu ie te prie pour toy mesmes quil te plaize que tu me faces en toy estre, et sire mon Dieu ne me veuilles retarder de donner pour ce que tu menseignes de demander, car tu promes à chacun, maiz cilz na riens qui bien ne sert. Ceulz qui sesloignent de toy periront, mais ceulz qui ont espérance en toy ne seront pas confondus, ceulz qui te creignent ont en toy espérance et tu leur aides, et es leur protecteur, et par cremir vient-on en amour, comme Seigneur on te doit craindre, et comme piteux père, amer. Il ne fault riens à ceulx qui te aiement, car tes oyelx sont sur eulx et tes oreilles à leurs prières. Ma miséricorde et mon refuge, mon suscepteur et mon libérateur ainsi que donne sil te plaist ta tremeur qui dedans moy metes tamour, et ainsi met en moy tamour et ta tremour que en moy croisse le tien désirer, et ainsi me faces être participant de ceulx qui te creignent et gardent tes commandemens que par timour de servitude ie merisse avenir a grace damour, par laquelle finablement ie vieigne a ta gloire.