Alphonse Picard et Fils (p. 1-5).
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I


Adonaï, Domine, Deus omnipotens ; qui fecisti ex solo verbo tuo cœlum et terram, mare et omnia quæ in eis sunt ; qui salvasti Noë servum tuum in diluvio aquarum, dum magnus furor tuus erat contra orbem terræ pro peccatis corum ; qui salvasti populum tuum Israel de manu Pharaonis regis Egypti per Moysen servum tuum ; qui humilias superbos et exaltas humiles ; qui non deficis sperantibus in te ; qui es cum magnâ misericordia innumerabilis omnibus creaturis tuis ; qui pro magnâ dilectione quam habeas humano generi et pro salvatione eorum voluisti Verbum hoc est Jesum Christum filium tuum mittere in terram, incarnari in benedicta Virgine Maria sine ulla labe et corruptione ; qui facis et fecisti et habes plenam potestatem faciendi tanta miracula quæ aures audire, nec lingua loqui, nec oculi cernere nequirent ; quia omnia in manu tua sunt. Ergo, meus Deus, per tuam magnam potestatem et tuam misericordiam magnam et propter nomen tuum sanctum tetragiamaton, ego indignus servus tuus Phœbus, tibi supplico et rogo humiliter quod tibi placeat parcere et misericordiam habere mihi cui tu, Domine, tanta fecisti miracula et bonitates ; sit Domine ut placeat tibi quod ego maneam in tuâ firma spe ; et administra mihi gubernare populum meum ad beneplacitam tuum ut in vita et in morte possim requiescere in tua gratia. Amen.

Miserere mei, Domine Deus, per tuam dulcem pietatem et tuam misericordiam magnam, quia nulla miserabilis creatura peccator plus quam ego fuit, nec qui minus debeat habere tuam gratiam. Verum tamen, Domine, quia tu fecisti tot bona quæ per humanum non posset dici, tamen aliquâ in parte ego dicam ut omnes persone habeant firmam spem in te. Primo quando fui natus, eram multa puer et frivolis, in tantum quod meus pater et mea mater verecundebantur ; et omnes gentes dicebant : “ Iste nil poterit valere et ve erit terre cujus erit dominus. ” Sed tu, Domine, jam illico expirasti tuâ bonitate et me fecisti habere in te spem, et pro malo quod dicebantur de me rogavi te qualibet die quod dares mihi vim et bonitatem. Et tu, Domine, plenus omni bonitate, audivisti cito preces meas et dedisti mihi plusquam alicui qui fuisset in meo tempore.

Deus Domine, tibi supplicam quod sensum et discretionem mihi dares sic quod terram meam et meas gentes possem gubernare ad beneplacitum tuum ; et tam cito tue benigne aures me audierunt, et aperuit Spiritus tuus sanctus meum intellectum ad intelligendum omnia.

Postquam domine fui fortis et sapiens, habui pejus quia omnes gentes dicebant : “ Magna perditio tanti hominis tam fortis et tam sapientis qui nil valet in armis ”. Et ego feci orationem tibi, omnipotens Deus, quod dares mihi honorem armarum et dedisti mihi multipliciter gaudere. In tantum quod in Sarracenis, Judeis, Christianis, in Ispania, Francia et Anglia, Alemania et Lombardia, citra omne mare et ultra latum nomen meum per tuam gratiam. In omnibus locis in quibus fui obtinui victorias et omnes meos inimicos tradidisti in manibus meis ex quo habeo perfectam noticiam de te. Omnia delectamenta et solatia et omnia bona, quæ in hac mortali vita unus homo potest habere, mihi dedisti quia tibi placuit absque ullâ ratione de me. Breviter de aliquo quod tibi petierim ut dares mihi, nullo tempore defecisti ; esset justum, vel non : et ab omnibus malis et tribulationibus me eripuisti. Ergo, Domine Deus pie, postquam tot gratias et miraculosas bonitates fecisti mihi et plusquam homo scribere posset ; erit facta tua justicia supra me sine tuâ misericordiâ. Et si est, non oportet mihi quod omnes demones sint parati et omnes pene profundorum infernorum stabilitate ad me vorandum. Et ultimum, plus corpus meum subjectioni omnium precor et omnia bona quæ mihi dedisti, quoniam gratia reducta in tuo odio et ira, tamen jam ex toto hoc, non satisfieretur justiciæ juxta mea multa peccata et imnumerabilia. Sed, Domine, spero in uno quia scio quod omnes creaturæ sentierunt tuam bonitatem et tuam misericordiam, quæcunque sint. Numquid velaverunt tuam bonitatem in cœlis angeli, archangeli, throni et dominationes, patriarche et prophete, sancti et sancte martyres atque confessores ? Et ultra nesciunt tuum posse, colles, luna, stelle, corpora, aera et momentum throni ? nesciunt ergo tua beneficia terra, herbe, bestie, volucres maris et omnes pisces, in abyssis, ubi non sunt mihi tormenta et obscuritates, non sentiunt tuam dulcedinem in aliquo casu ? Gentes facte ad tuam similitudinem infirme sane et mortue ; et in quocumque statu nesciunt aliquo tempore tuam misericordiam et amicitiam. — Et ego infelix ero solus quod in me deficiat tua misericordia. — Non… quia indignus supplico omnibus qui sunt in tua gratia ut dignentur rogare pro me peccatore. Et tu, misericors Domine, velis aures tuas dulces inclinare eorum precibus et meis ; et administra mihi facere opera tibi placentia et me tene in tuâ firmâ spe. Amen.


TRADUCTION

I


Adonaï, Seigneur Dieu tout-puissant, qui, d’une seule de vos paroles, avez fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment ; qui avez sauvé du déluge des eaux Noë votre serviteur, tandis que votre colère se déchainait contre l’univers à cause de ses péchés ; qui avez sauvé votre peuple d’Israël, de la main de Pharaon, roi d’Égypte, par Moyse votre serviteur ; qui humiliez les superbes et élevez les humbles ; qui ne manquez pas à qui espère en vous ; dont la grande miséricorde est sans borne envers toutes vos créatures ;
qui à cause de votre grand-amour pour l’humanité et pour son salut, avez voulu envoyer en terre le Verbe, c’est-à-dire Jésus-Christ, votre Fils ; qui avez voulu qu’il s’incarnât dans la bienheureuse Vierge Marie sans tache et sans souillure ; qui faites, qui avez fait et avez plein pouvoir de faire tant et de si grands miracles qu’il serait impossible aux oreilles de les entendre ; à la langue de les dire ; aux yeux de les discerner, parce que toutes choses sont en vos mains. Donc, mon Dieu, par votre-grande puissance et votre grande miséricorde et à cause de votre nom trois fois saint, moi, votre indigne serviteur, Phébus, je vous demande humblement et vous supplie qu’il vous plaise de me pardonner et de m’avoir en pitié, moi que vous, Seigneur, avez comblé de bienfaits si prodigieux et de bontés ; qu’il vous plaise, Seigneur, que je reste dans votre ferme espérance ; accordez-moi de gouverner mon peuple selon votre bon plaisir, afin que dans la vie et dans la mort je puisse reposer dans votre grâce. Ainsi soit-il.

Ayez pitié de moi, Seigneur Dieu, par votre douce pitié et votre grande miséricorde, parce que nulle misérable créature n’a été pécheresse plus que moi, ne méritant, moins que moi, d’obtenir votre grâce. Cependant, Seigneur, parce que vous n’avez fait tant de biens que les hommes ne pourraient les énumérer, je veux, néanmoins, les rapporter, en partie, afin que toute personne ait ferme confiance en vous. D’abord, dès que je fus né, j’étais, en tout, enfant et léger, à tel point, que mon père et ma mère en rougissaient ; et tout le monde disait : « Ce garçon ne vaudra jamais rien ; malheur à la terre dont il sera le maitre ! » Mais vous, Seigneur, vous êtes mort par votre bonté et m’avez fait avoir espoir en vous : en place du mal qu’on disait de moi, je vous ai demandé, un jour, de m’accorder force et bonté. Et vous, Seigneur, plein de toute bonté, vous avez promptement entendu mes prières et vous m’avez donné plus qu’à aucun autre de mes contemporains.

Seigneur Dieu, je vous ai supplié de me donner sens et discernement de façon que je puisse gouverner ma terre et mes sujets à votre bon plaisir ; et tout aussitôt vos oreilles favorables m’ont entendu et votre Saint-Esprit n’a ouvert l’intelligence pour comprendre toute chose.

Après, Seigneur, que je suis devenu fort et sage, pire m’est advenu, tout mon peuple disant : « C’est grand malheur qu’un tel homme, si fort et si sage, ne vaille rien dans les armes. » Et moi je vous ai fait ma prière, Dieu tout-puissant, pour que vous me donniez honneur à la guerre, et vous m’avez accordé joie de toute manière. Si bien que chez les Sarrazins, chez les Juifs et chez les Chrétiens, en Espagne, en France, en Angleterre, en Allemagne, en Lombardie, en deçà et au-delà des mers, mon nom a été porté par votre grâce. Dans tous les lieux où je suis allé, j’ai remporté des victoires ; vous avez livré en mes mains tous mes ennemis ; d’où j’ai une parfaite connaissance de vous-même. Tous les agréments, toutes les consolations, tous les biens que, dans cette vie mortelle, un même homme peut avoir, vous me les avez donnés parce que cela vous a plu, sans aucun mérite de ma part. Bref, tout ce que je vous ai demandé de n’octroyer, juste ou non, vous ne me l’avez en aucun temps refusé ; et de tous les maux et tribulations m’avez toujours délivré. Donc, Seigneur, Dieu miséricordieux, après m’avoir comblé de tant de grâces, de tant de merveilleuses bontés, au-delà de ce qu’un homme en pourrait écrire, votre justice sur moi s’exercera sans pitié. Et s’il en est ainsi, il ne faut pas que tous les démons, que tous les êtres infernaux sortent du profond de leurs abîmes prêts à me dévorer. Finalement, mon corps, tous les biens que vous m’avez donnés, je les livre à l’indulgence de tous, parce que si votre grâce se change en colère et en haine, il ne serait plus possible de satisfaire complètement à la justice, vu la multitude innombrable de mes péchés[1]. Mais, Seigneur, ce qui me donne espoir c’est ceci : que je sais que toutes les créatures, quelles qu’elles soient, ont éprouvé votre bonté et votre miséricorde. Est-ce que les Anges dans les cieux ont voilé votre bonté, et les Archanges, et les Thrônes, et les Dominations, les Patriarches et les Prophètes, les Saints et les Saintes, martyrs et confesseurs ? Ne connaissent-ils pas aussi votre puissance, les monts, la lune, les étoiles, le monde terrestre, le monde des airs, escabeau de votre trône ? ne connaissent-ils pas aussi vos bienfaits, la terre, les herbes, les bêtes, les oiseaux de mer et tous les poissons ? Dans les abimes où il n’y a pour moi problèmes ni obscurités, ne ressent-on pas votre douceur, en toute occasion ? Les générations faites à votre image sont infirmes certes et mortelles ; mais dans tout état n’éprouvent-elles pas, un jour, votre miséricorde et votre amitié ? — Et moi, malheureux, je serais le seul en qui votre miséricorde se serait épuisée. — Non… parce que, dans mon indignité, je supplie tous ceux qui sont en votre grâce qu’ils daignent se faire solliciteurs pour moi pécheur. Et vous, miséricordieux Seigneur, qu’il vous plaise incliner vos douces oreilles à leurs prières et aux miennes : accordez-moi de faire des œuvres qui vous plaisent et conservez-moi dans la ferme confiance en vous. Ainsi soit-il.

  1. Le texte latin de cette phrase est obscur. Nous en donnons une traduction qui nous semble plausible.