Le Livre des mille nuits et une nuit/Tome 12/Le Kadi et l’ânon

Anonyme
Traduction par Joseph-Charles Mardrus.
Librairie Charpentier et Fasquelle (Tome 12p. 230-241).


LE KÂDI ET L’ÂNON


Il m’est revenu, ô roi fortuné, qu’il y avait, dans une ville d’entre les villes, un homme et son épouse qui étaient de pauvres gens, marchands ambulants de maïs grillé, et qui avaient une fille comme la lune, en âge d’être mariée. Et Allah voulut qu’un kâdi la fit demander en mariage et l’obtint de ses parents, qui donnèrent avec empressement leur consentement, bien que le kâdi fût d’une grande laideur, avec des poils de barbe rudes comme les épines du hérisson, et louche d’un œil, et si vieux qu’il aurait pu passer pour être le père de la jeune fille. Mais il était riche et jouissait d’une grande considération. Et les parents de la jeune fille, ne visant qu’à l’amélioration que ce mariage devait apporter à leur état et condition, ne songèrent guère que si la richesse contribue au bonheur, elle n’en constitue pas le fond. Mais d’ailleurs c’était le kâdi qui devait bientôt en faire l’expérience à ses risques et dépens.

Il commença donc, pour tâcher de se rendre agréable malgré les désavantages attachés à sa personne de par la vieillesse et la laideur, par combler tous les jours de nouveaux présents sa jeune épouse et par satisfaire ses moindres caprices. Mais il oubliait que ni les cadeaux ni la satisfaction des caprices ne valent l’amour jeune qui éteint les désirs. Et il se plaignait en son âme de ne point trouver ce qu’il attendait de son épouse qui, d’ailleurs sans expérience, ne pouvait lui donner ce qu’elle ne connaissait pas par manque d’expérience.

Or, le kâdi avait sous sa main un jeune scribe qu’il aimait beaucoup, et dont il ne pouvait s’empêcher de parler parfois à son épouse. Et, également, il ne pouvait s’empêcher, bien que cela fût si contraire à la coutume, d’entretenir le jouvenceau de la beauté de son épouse et de l’amour qu’il éprouvait pour elle, et de la froideur de son épouse à son égard, malgré tout ce qu’il faisait pour elle. Car c’est ainsi qu’Allah aveugle la créature qui mérite la perdition ! Bien plus ! Pour que les décrets fussent accomplis, le kâdi poussa sa folie et son aveuglement jusqu’à montrer un jour l’adolescent, par la croisée, à sa jeune épouse. Et, comme il était beau et aimable, l’adolescente aima l’adolescent. Et, comme deux cœurs qui se cherchent finissent toujours par se trouver et s’unir, malgré tous les obstacles, les deux jeunes gens purent tromper la vigilance du kâdi et endormir sa jalousie en éveil. Et la jouvencelle aima le jouvenceau plus que la prunelle de ses yeux, et, lui donnant son âme, elle s’abandonna à lui de tout son corps. Et le jeune scribe le lui rendit bien, et lui fit éprouver ce que le vieux kâdi n’avait jamais réussi à produire. Et tous deux vécurent de la sorte à la limite du bonheur, se voyant fréquemment, et s’aimant tous les jours davantage. Et le kâdi se montrait satisfait de voir son épouse devenir encore plus belle de jeunesse, de santé et de fraîcheur. Et tout le monde était heureux à sa manière.

Or l’adolescente, pour pouvoir se rencontrer en toute sécurité avec son amoureux, avait convenu avec lui que si le mouchoir qui pendait à la fenêtre qui avait vue sur le jardin, était blanc, il pouvait, entrer lui tenir compagnie, mais si le mouchoir était rouge, il devait s’abstenir et s’en aller, car ce signal devait signifier que le kâdi était à la maison.

Mais le destin voulut qu’un jour, comme elle venait de déployer le mouchoir blanc, après le départ du kâdi pour le diwân, elle entendit des coups précipités à la porte et des cris ; et elle vit bientôt entrer son mari, appuyé sur les bras des eunuques, et bien jaune, et bien changé de teint et d’aspect. Et les eunuques lui expliquèrent que le kâdi avait été pris, au diwân, d’un malaise subit, et qu’il s’était hâté de venir à la maison se faire soigner, et se reposer. Et, en effet, le pauvre vieux avait l’air si pitoyable que l’adolescente, son épouse, malgré tout le contretemps qu’il apportait et le trouble qu’il jetait, se mit à l’asperger d’eau de roses et à lui prodiguer ses soins. Et, l’ayant aidé à se déshabiller, elle le coucha dans le lit, qu’elle lui prépara elle-même, et où, soulagé par les soins de son épouse, il ne tarda pas à s’endormir. Et l’adolescente voulut mettre à profit le loisir que lui apportait cette rentrée subite de son mari, pour aller prendre un bain au hammam. Et, dans la contrariété où elle se trouvait, elle oublia de retirer le mouchoir blanc des entrevues, et de déployer celui des empêchements. Et, ayant pris un paquet de linge parfumé, elle sortit de la maison et alla au hammam.

Or le jeune scribe, voyant à la fenêtre le mouchoir blanc, gagna d’un pied léger la terrasse voisine d’où, selon son habitude, il sautait sur celle du kâdi, et pénétra dans la chambre où d’ordinaire il trouvait son amoureuse qui l’attendait toute nue sous les couvertures du lit. Et comme les croisées de la chambre étaient complètement fermées et qu’une grande obscurité régnait dans la pièce, précisément pour favoriser le sommeil du kâdi, et comme souvent l’adolescente, pour jouer, le recevait en silence et ne donnait pas signe de présence, il s’approcha du lit en riant et, soulevant les couvertures, il porta vivement sa main, comme pour la chatouiller, sur l’histoire présumée de l’adolescente. Et holà hé ! voici que sa main tomba — éloigné soit le Malin ! — sur quelque chose de flasque et de mou qui nageait au milieu d’un buisson, et qui c’était autre que le vieil outil du kâdi. Et, à ce contact, il retira sa main avec horreur et épouvante, mais pas assez rapidement pour que le kâdi, réveillé en sursaut, et soudain remis de son malaise, ne saisit cette main qui lui avait fourragé le ventre, et ne se précipitât avec fureur sur son propriétaire. Et, la colère lui donnant des forces, tandis que la stupeur clouait dans l’immobilité le propriétaire de la main, il le renversa d’un croc-en-jambe, au milieu de la chambre, et se saisissant de lui et le soulevant à bras-le-corps, dans l’obscurité, il le jeta dans la grande caisse où l’on renferme les matelas pendant le jour, et qui se trouvait ouverte et vide par suite de la sortie des matelas. Et il abaissa vivement le couvercle, et ferma la caisse à clef, sans prendre le temps de reconnaître la figure de l’enfermé. Après quoi, cette excitation, qui lui avait fait tourner rapidement le sang, ayant produit sur lui une réaction salutaire, il retrouva complètement ses forces, et, s’étant habillé, il s’informa auprès de l’eunuque de l’endroit où son épouse était allée, et courut attendre sa sortie devant le seuil du hammam. Car il se disait : « Avant de tuer l’intrus, il faut que je sache s’il est de connivence avec mon épouse. C’est pourquoi je vais attendre là qu’elle soit sortie, et je l’amènerai à la maison, et, devant les témoins, je la confronterai avec l’enfermé. Car il faut, puisque je suis le kâdi, que les choses se fassent légalement. Et je verrai bien alors s’il y a un coupable seulement, ou s’il y a deux complices. Dans le premier cas j’exécuterai l’enfermé, de ma propre main, devant les témoins ; et, dans le second cas, j’étranglerai les deux avec mes dix doigts ! »

Et, réfléchissant ainsi et se répétant dans sa cervelle ces projets de vengeance, il se mit à arrêter, à tour de rôle, les baigneuses qui entraient au hammam, en disant à chacune d’elles : « Par Allah sur toi ! tu diras à ma femme une telle, de sortir sur l’heure, car j’ai besoin de lui parler ! » Mais il leur disait ces paroles avec tant de brusquerie et d’excitation, et il avait les yeux si flamboyants, et le teint si jaune, et les gestes si désordonnés, et la voix si tremblante, et l’air empreint de tant de fureur, que les femmes, terrifiées, se sauvaient en poussant des cris aigus, le prenant pour un fou. Et la première d’entre elles qui fit tout haut la commission, au milieu de la salle du hammam, rappela soudain à la mémoire de l’adolescente, épouse du kâdi, le souvenir de sa négligence et de son oubli au sujet du mouchoir blanc laissé à la fenêtre. Et elle se dit : « Pour sûr ! je suis perdue sans recours ! Et Allah seul sait ce qui est arrivé à mon amoureux ! » Et elle se hâta de finir de prendre son bain, pendant que, dans la salle, les commissions des baigneuses qui entraient se succédaient rapidement et que son mari, le kâdi, devenait le seul sujet de conversation des femmes effarées. Mais, heureusement, aucune d’elles ne connaissait l’adolescente, qui d’ailleurs faisait semblant de ne point s’intéresser à ce qui se disait, tout comme si la chose ne la concernait pas. Et lorsqu’elle se fut habillée, elle alla dans la salle d’entrée où elle vit une pauvre marchande de pois chiches qui était assise devant son tas de pois chiches, dont elle vendait aux baigneuses. Et elle l’appela et lui dit ; « Ma bonne tante, voici un dinar d’or pour toi, si tu veux me prêter, pour une heure, ton voile bleu et le panier vide qui est à côté de toi ! » Et la vieille, heureuse de cette aubaine, lui donna le panier d’osier et le pauvre voile en étoffe grossière. Et l’adolescente s’enveloppa du voile, prit le panier à la main, et ainsi déguisée, sortit du hammam.

Et, dans la rue, elle aperçut son mari qui allait et venait en gesticulant, devant la porte, et qui maudissait à haute voix les hammams et celles qui allaient aux hammam, et les propriétaires des hammams et les constructeurs des hammams. Et les yeux lui sortaient de la tête et l’écume de la bouche. Et elle s’approcha de lui et, déguisant sa voix, et imitant celle des vendeuses ambulantes, elle lui demandé s’il voulait acheter des pois chiches. Et alors il se mit à maudire les pois chiches et les vendeuses de pois chiches et les planteurs de pois chiches et les mangeurs de pois chiches. Et l’adolescente, riant de sa folie, s’éloigna dans la direction de sa maison, sans être reconnue sous son déguisement. Et elle entra, et monta rapidement à sa chambre, et entendit des gémissements. Et, ne voyant personne dans la chambre dont elle s’était hâtée d’ouvrir les fenêtres, elle prit peur, et se disposait déjà à appeler l’eunuque afin qu’il la tranquillisât, quand elle entendit distinctement que les gémissements sortaient de la caisse aux matelas. Et elle courut à cette caisse, dont la clef n’avait pas été enlevée, et l’ouvrit en s’écriant :

« Au nom d’Allah le Clément, le Miséricordieux…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.

MAIS LORSQUE FUT
LA HUIT CENT TROISIÈME NUIT

Elle dit :

… Et elle courut à cette caisse, dont la clef n’avait pas été enlevée, et l’ouvrit en s’écriant : « Au nom d’Allah le Clément, le Miséricordieux ! » Et elle vit son amoureux qui était prêt d’expirer par manque d’air. Et, malgré toute l’émotion qu’elle ressentait, elle ne put s’empêcher d’éclater de rire en le voyant affaissé sur lui-même, avec les yeux de travers. Mais elle se hâta de l’asperger d’eau de roses et de le revivifier. Et lorsqu’elle le vit bien remis et à son aise, elle se fit rapidement expliquer ce qui était arrivé ; et aussitôt elle arrêta son plan pour tout arranger.

Il y avait, en effet, dans leur écurie, une ânesse qui venait, depuis la veille, de mettre bas un petit ânon. Et l’adolescente courut à l’écurie, prit le gentil petit ânon dans ses bras et, le transportant dans sa chambre, elle le plaça dans la caisse où avait été enfermé son amoureux, et ferma le couvercle à clef. Et, après avoir embrassé son amoureux, elle le congédia, en lui disant de ne revenir qu’en voyant le signal du mouchoir blanc. Et, de son côté, elle se hâta de retourner au hammam, et vit son mari qui continuait à se promener de long en large, en maudissant les hammams et tout ce qui s’en suit. Et, en la voyant entrer, il la héla et lui dit : « Ô vendeuse de pois chiches, dis à ma femme une telle que, si elle tarde encore de sortir, je jure Allah que je la tuerai avant ce soir, et que je ferai crouler le hammam sur sa tête ! » Et l’adolescente, riant en son âme, entra dans le vestibule du hammam, remit le voile et le panier à la vendeuse de pois chiches, et sortit aussitôt après, avec son paquet sous le bras, en mouvant ses hanches.

Or, sitôt que le kâdi, son mari, l’eut aperçue, il s’avança vers elle et cria : « Où es-tu, où es-tu ? Je t’attends ici depuis deux heures de temps ! Allons, suis-moi ! Viens, ô maligne, ô perverse ! Viens ! » Et l’adolescente, s’arrêtant de marcher, répondit : « Par Allah ! qu’as-tu ? Le nom d’Allah sur moi ! Qu’as-tu, ô homme ? Es-tu devenu subitement fou, pour faire ainsi du scandale dans la rue, toi le kâdi de la ville ? Ou bien ta maladie t’a-t-elle obstrué la raison et perverti le jugement, pour manquer d’égards en public, et dans la rue, à la fille de ton oncle ? » Et le kâdi répliqua : « Assez de paroles inutiles ! Tu diras ce que tu voudras à la maison ! Suis-moi ! » Et il se mit à marcher devant elle, en gesticulant, en criant et en épanchant sa bile au dehors, sans toutefois s’adresser directement à son épouse, qui le suivait silencieusement, à dix pas de distance.

Et lorsqu’ils furent arrivés à leur maison, le kâdi enferma son épouse dans la chambre du haut, et alla quérir le cheikh du quartier et quatre témoins légaux, ainsi que tous ceux qu’il put rencontrer en fait de voisins. Et il les amena tous dans la chambre au coffre, où se trouvait enfermée son épouse, et où il voulait qu’ils fussent témoins de ce qui allait arriver.

Lorsque le kâdi et tous ceux qui l’accompagnaient furent entrés dans la chambre, ils virent la jeune femme, encore couverte de ses voiles, qui s’était retirée tout au fond, dans un coin, et qui se parlait à elle-même mais de manière à être entendue de tous. Et elle disait : « Ô notre calamité ! hélas ! hélas ! mon. pauvre époux ! Cette indisposition l’a rendu fou ! Certainement il faut qu’il soit devenu tout à fait fou, pour me couvrir ainsi d’injures, et pour introduire, dans le harem, des hommes étrangers ! Ô notre calamité ! Des étrangers, dans notre harem, qui vont me regarder ! Hélas ! hélas ! il est fou, complètement fou ! »

Et, en effet, le kâdi était dans un tel état de fureur, de jaunisse et de surexcitation qu’il avait tout l’air, avec sa barbe qui tremblait et ses yeux qui flamboyaient, d’être atteint de fièvre chaude et de délire. Aussi, quelques-uns de ceux qui l’accompagnaient cherchaient-ils à le calmer et lui conseillaient de rentrer en lui-même ; mais leurs paroles ne faisaient que l’exciter davantage, et il leur criait : « Entrez ! entrez ! N’écoutez pas la coquine ! Ne vous laissez pas attendrir par les doléances de la perfide ! Vous allez voir ! Vous allez voir I C’est son dernier jour ! C’est l’heure de la justice ! Entrez ! Entrez ! »

Or, lorsque tout le monde fut entré, le kâdi ferma la porte et se dirigea vers le coffre aux matelas, et en enleva le couvercle ! Et voici que le petit ânon sortit sa tête, agita ses oreilles, regarda tout le monde avec ses grands yeux noirs et doux, respira bruyamment et, soulevant sa queue et la tenant toute droite, se mit à braire, dans sa joie de revoir le jour, pour appeler sa mère.

À cette vue, le kâdi arriva à la limite extrême de la rage et de la fureur, et fut pris de convulsions et de spasmes ; et soudain il se précipita sur son épouse, cherchant à l’étrangler. Et elle se mit à crier, en courant à travers la pièce : « Par le Prophète ! il veut m’étrangler. Arrêtez le fou, ô musulmans ! À mon secours ! »

Et les assistants voyant, en effet, l’écume de la rage sur les lèvres du kâdi, ne doutèrent plus de sa folie, et s’interposèrent entre lui et son épouse, et le saisirent dans leurs bras et le maintinrent de force sur les tapis, tandis qu’il articulait des mots inintelligibles, et cherchait à leur échapper pour tuer sa femme. Et le cheikh du quartier, extrêmement affecté de voir le kâdi de la ville dans un tel état, ne put tout de même s’empêcher, en voyant sa folie furieuse, de dire aux assistants : « Il faut hélas ! le garder à vue, immobile comme il est, jusqu’à ce qu’Allah le calme et le fasse rentrer dans sa raison ! » Et tous s’exclamèrent : « Qu’Allah le guérisse ! Un homme si respectable ! Quelle mauvaise maladie ! » Et quelques-uns disaient : « Comment peut-on être jaloux d’un ânon ! » Et d’autres demandaient : « Comment cet ânon est-il entré dans ce coffre à matelas ? » Et d’autres disaient : « Hélas ! c’est lui-même qui a enfermé là-dedans cet ânon, le prenant pour un homme ! » Et le cheikh du quartier ajouta, pour conclure : « Qu’Allah lui vienne en aide ! et qu’il éloigne le Malin ! » Et tous répondirent : « Éloigné soit le Malin ! » Et tout le monde se retira, à l’exception de ceux qui tenaient le kâdi immobile sur les tapis. Mais d’ailleurs ils ne restèrent pas longtemps là, car le kâdi fut tout d’un coup pris d’une crise si violente de fureur, et se mit à crier si fort des paroles inintelligibles, et à se débattre avec tant d’acharnement, cherchant toujours à s’élancer sur son épouse qui, de loin, lui faisait en secret des grimaces et des signes de moquerie, que les veines de son cou se rompirent et, crachant un flot de sang, il mourut. Qu’Allah l’ait en sa compassion ! car non seulement il était un kâdi intègre, mais il laissa à son épouse, l’adolescente en question, assez de richesses pour qu’elle pût vivre à son aise et se marier avec le jeune scribe qu’elle aimait et qui l’aimait !

Et, ayant ainsi raconté cette histoire, le pêcheur, mangeur de haschisch, voyant que le roi l’écoutait avec ravissement, se dit : « Je vais lui raconter autre chose encore ! » Et il dit :