Le Livre des masques/A.-F. Herold
A.-FERDINAND HEROLD
Le danger du vers libre, c’est qu’il demeure amorphe, que son rythme, trop peu accentué, lui donne quelques-uns des caractères de la prose. Le plus beau vers reste bien, il me semble, le vers formé d’un nombre régulier de syllabes pleines ou accentuées et dans lequel la place des accents est évidente et non laissée au choix du lecteur ou du déclamateur ; il n’y a pas que les poètes qui lisent les poètes et il est imprudent de se confier au hasard des interprétations. On pense bien que je ne m’amuserai pas à citer tels vers qui me paraissent mauvais ; et surtout je n’irai pas les chercher dans les poèmes de M. Herold, pour qui la préférence serait imméritée. Non pas que M. Herold possède à un haut point le don du rythme, mais il le possède assez pour que sa poésie ait la grâce d’une chose vivante, doucement et languidement vivante. C’est un poète de douceur ; sa poésie est blonde avec, dans ses blonds cheveux vierges, des perles, et au cou et aux doigts des colliers et des bagues, élégantes et fines gemmes. Ce mot est le mot bien aimé du poète ; ses héroïnes sont fleuries de gemmes autant que ses jardins sont fleuris de lys.
La blonde, la blanche, la belle Dame des Lys,
il l’aima, mais que d’autres, que de reines et que de saintes ! Liseur de livres oubliés, il trouve là de précieuses légendes qu’il transpose en courts poèmes, souvent de la longueur d’un sonnet. Lui seul les connaît, ces reines, Marozie, Anfélize, Bazine, Paryze, Orable ou Aélis, et ces saintes, Nonita, Bertilla, Richardis, — Gemma ! Celle-ci est la première à laquelle il ait pensé ; il lui donne sur le vitrail la plus belle place, heureux d’écrire une fois de plus ce mot dont il subit le charme.
M. Herold est l’un des plus objectifs, parmi les poètes nouveaux ; il ne se raconte guère lui-même ; il lui faut des thèmes étrangers à sa vie, et il en choisit même qui semblent étrangers à ses croyances : ses reines n’en sont pas moins belles, ni ses saintes moins pures. On trouvera ces panneaux et ces vitraux dans le recueil intitulé : Chevaleries sentimentales, la plus importante et la plus caractéristique de ses œuvres. C’est une lecture vraiment agréable et on passe de douces heures parmi ces femmes, ces lys, ces gemmes, ces roses d’automne.
Les roses d’automne s’étiolent,
Les roses qui fleurissaient les tombes ;
Lentement s’effeuillent les corolles
Et le sol froid est jonché de pétales qui tombent.
N’est-ce pas d’une mélancolie bien douce ? Et ceci :
Il y a des maisons qui pleurent sur le port,
Il y a des glas qui sonnent dans les clochers,
Où tintent des cloches vagues :
Vers quels fleuves de mort
Les vierges ont-elles marché,
Les vierges qui avaient aux doigts de blondes bagues ?
Ainsi, sans forcer son talent à une expression passionnée de la vie, œuvre à laquelle il serait sans doute malhabile, sans prétendre aux dons qu’il n’a pas, M. Herold s’est créé pour son plaisir et pour le nôtre une poésie de grâce et de pureté, de tendresse et de douceur.
Si l’on demandait tout au même poète, lequel répondrait ? L’essentiel est d’avoir un jardin, d’y mettre la bêche et d’y semer des graines ; les fleurs qui pousseront, œillets, violettes ou pivoines, auront leur prix et leur charme, selon l’heure ou selon la saison.