Le Livre d’un père/L’Enfant grondé







II

L’ENFANT GRONDÉ




Je t’ai grondé !… trop fort peut-être !
Et je me sens tout soucieux
En voyant grossir dans tes yeux
Ces deux larmes que j’ai fait naître.


Je m’étais trop vite irrité
D’un tort pur de toute malice :
C’est oubli, c’est légèreté,
Et ton cœur n’était pas complice.


Je t’aurai dit, dans mon émoi,
Quelque vive et dure parole…
Mon bon enfant que je désole,
Va ! j’en souffre encor plus que toi.


Qu’il en coûte d’être sévère !
Tâche, ami, de te souvenir
Du chagrin que se fait ton père
Quand il faut gronder et punir.

Garde sa douloureuse image
Dans ton petit cœur bien aimant ;
Si tu songes à ce moment,
Tu seras toujours, toujours sage !

Oh oui ! c’est la dernière fois
Que tu fais mal et que je gronde.
Tu m’as bien compris, je le vois ;
Tu relèves ta tête blonde,

Tu t’élances sur mes genoux…
Viens, viens ! c’est moi qui te rappelle ;
Vite, oublions notre querelle,
Mon cher petit, embrassons-nous !


Mai 1875.