Le Lalita-Vistara, ou Développement des jeux/Chapitre VI

Traduction par Philippe-Édouard Foucaux.
Texte établi par Musée Guimet, Paris (Annales du Musée Guimet, tome 6p. 54-72).

CHAPITRE VI

Ainsi donc, Religieux, le temps froid étant passé, au mois Vâiçâka (avril-mai), quand est revenue la constellation Viçâkha, juste au moment du printemps, la plus belle des saisons, toute remplie des feuilles des plus beaux arbres, toute émaillée des fleurs les plus belles entre les plus belles, quand


Le Bodhisattva sous la figure d’un jeune éléphant entre dans le sein de Mâyâ-Dêvî (illustration du Lalita Vistara)
Le Bodhisattva sous la figure d’un jeune éléphant entre dans le sein de Mâyâ-Dêvî (illustration du Lalita Vistara)
Le Bodhisattva sous la figure d’un jeune éléphant entre dans le sein de Mâyâ-Dêvî.
il n’y a ni froid ni chaud, ni brouillard ni poussière, quand le sol de la terre est couvert d’un gazon vert, épais et doux, le Seigneur des trois mondes, révéré du monde, après avoir bien examiné, juste au moment marqué, au quinzième jour de la lune alors en son plein, lors de la conjonction de

l’astérisme Pouchva, le Bodhisattva étant descendu de l’excellent séjour du Touchita, ayant le souvenir et la science, entra dans le sein de sa mère ;

Le Bôdhisattva sous la figure d’un jeune éléphant entre dans le sein de Mâyâ-Dêvi (Mâyâ-Dêvî entourée de ses servantes)
Le Bôdhisattva sous la figure d’un jeune éléphant entre dans le sein de Mâyâ-Dêvi (Mâyâ-Dêvî entourée de ses servantes)
Le Bôdhisattva sous la figure d’un jeune éléphant entre dans le sein de Mâyâ-Dêvi.

par le flanc droit de sa mère livrée au jeûne, sous la figure d’un petit éléphant blanc à six défenses, à la tête couleur de la cochenille, ayant les dents comme une ligne d’or, ayant tous ses membres et leurs parties ainsi que des organes sans imperfection. Et y étant entré, il s’appuya à droite et ne s’appuya jamais à gauche. Mâyâ-Dêvi doucement endormie sur sa couche, vit en songe ceci :

1. Un éléphant blanc comme la neige et l’argent, à six défenses, aux beaux pieds, à la trompe superbe, à la tête bien rouge, est entré dans mon sein ; le plus beau des éléphants, à la démarche gracieuse, aux jointures du corps fermes comme le diamant.

2. Et jamais, par moi, pareil bonheur n’a été tu, entendu ni goûté ; de sorte que, dans un état de plaisir pour le corps, de bien-être pour l’esprit, j’ai été complètement absorbée par la contemplation.


Ensuite Màyâ-Dêvi s’étant bien parée d’ornements et de vêtements, ayant le corps et l’esprit dans le bien-être, remplie de joie, d’allégresse et de bonheur, après s’être levée de la couche excellente, entourée et précédée d’une troupe de femmes, étant descendue du haut du plus beau des palais, se rendit à l’endroit où était le bois d’Açokas. Assise dans le bois d’Açôkas, elle envoya un message au roi Çouddhodana, en ces termes : Que le roi vienne ; la reine désire le voir ?

Alors le roi Çouddhodana ayant entendu ces paroles, eut l’esprit rempli de joie et soulevant son corps et s’étant levé de son siège excellent, entouré et précédé dos conseillers, des habitants de la ville, de sa suite et de ses parents, se dirigea du côté où était le bois d’Açôkas, et y étant arrivé, il ne put entrer dans le bois d’Açôkas, et se sentit lui-même comme tout apesanti. Arrêté à la porte du bois d’Açôkas, après avoir réfléchi un instant, il récita cette Gâthâ :


3. Je ne me souviens pas d’avoir, quand je me suis trouvé en tête d’une bataille de braves, senti mon corps aussi pesant qu’aujourd’hui. Je ne puis pas même pénétrer dans le séjour de ma propre famille ; qu’est-ce donc qui m’arrive et qui interrogerais-je à ce sujet ?


Alors les fils des dieux Çouddhàvàsa kàyikas qui se tenaient dans l’étendue du ciel ayant fait voir la moitié de leur corps, adressèrent cette Gâthâ au roi Çouddhodana :


4. Riche d’austérités, de pénitences et de qualités, digne des hommages des trois mille mondes, ayant acquis la douceur et la mansuétude, consacré par les bonnes œuvres et la science, après être descendu de la demeure du Touchita, le Bodhisattva magnanime, ô maître des hommes, est, en qualité de ton fils, entré dans le sein de Mâyâ.

5. Alors, après avoir joint les dix doigts, et fait un mouvement de tête, le maître des hommes entra (dans le bois), rempli de respect ; puis, après avoir regardé Mâyâ, mettant de côté l’orgueil et la fierté, il dit : Que faut-il faire pour vous ? de quoi s’agit-il ? parlez !

6. La reine dit : pareil à la neige et à l’argent, surpassant le soleil et la lune, aux beaux pieds bien proportionnés, à six défenses, magnanime, le meilleur des éléphants, aux articulations solides comme le diamant et très beau, est entré dans mon sein. Écoutez-en le récit.

7. J’ai vu (en songe), dégagée des ténèbres et brillante, la réunion des trois mille mondes et des millions de dieux louant la reine (Mâyâ) endormie. Il n’y avait plus en moi ni haine, ni colère, ni trouble ; et j’ai connu le bonheur de la contemplation, ayant l’esprit apaisé.

8. Il est bon, maître des hommes, que vous fassiez venir promptement ici des brahmanes habiles à expliquer le Véda et les songes, et connaissant les règles de l’astrologie, car ils pronostiqueront si ce songe à moi, est empreint de vérité, s’il y a quelque chose d’heureux pour moi ou de malheureux pour la famille.

9. Après avoir entendu ce discours, le roi lit, à l’instant même, venir des brahmanes savants dans le Vêda et la lecture des livres sacrés. Quand Mâyâ fut en présence des brahmanes, elle dit : De ce qui a (’té vu en songe par moi écoutez le récit.

10. Les brahmanes dirent : Racontez, ô reine, ce qui a été vu par vous en songe. Après l’avoir appris nous saurons (ce qu’il signifie).

11. La reine dit : Pareil à la neige et à l’argent, surpassant la lune et le soleil, aux beaux pieds bien proportionnés, à six défenses, magnanime, le meilleur des éléphants, aux articulations solides comme le diamant, très beau, est entré dans mon sein : le motif de cela, dites-le !

12. Après avoir entendu ce discours, les brahmanes parlèrent ainsi : Vous obtiendrez une grande joie ; il n’y a pas là de malheur pour la famille. Il vous naîtra un fils avec un corps paré de signes, noble descendant d’une famille de rois, Tchakravartin magnanime.

13. Si, après avoir abandonné l’amour, la royauté et le palais, il s’en va errer en religieux, exempt de passion, par compassion pour tous les mondes, il sera un Bouddha digne des offrandes des trois mondes, qui, avec la saveur excellente de l’Amĭrta, rassasiera tous les mondes.

14. Après avoir fait cette agréable prédiction, pris des aliments (dans le palais) du roi et avoir reçu des habits, les brahmanes se retirèrent.

Ainsi donc, Religieux, le roi Çouddhôdana avant entendu la réponse des Brahmanes connaissant les signes et les présages, habiles en astrologie et dans l’explication des songes, rempli de contentement, de plaisir, de joie et de ravissement, après avoir rassasié ces brahmanes en leur donnant eu abondance des mets bien préparés, agréables, délicats et savoureux et les avoir couverts d’habits qu’il leur donna, il les congédia.

Au même instant, dans la grande ville de Kapilavastou, aux quatre portes de la ville, dans tous les carrefours et les places, il fit distribuer des aumônes : des aliments à ceux qui désiraient des aliments, des breuvages à ceux qui désiraient des breuvages, des vêtements à ceux qui désiraient des vêtements, des chars à ceux qui désiraient des chars ; des parfums, des guirlandes, des onguents, des poudres parfumées, des lits, des asiles, des moyens de subsistance, autant qu’ils en désiraient, en vue de rendre hommage au Bôdhisattva.

Ensuite, Religieux, il vint à la pensée du roi Çouddhôdana : dans quelle demeure Mâyâ-Dêvî peut-elle rester agréablement et sans être troublée ? Et, à l’instant même, les quatre grands rois s’étant approchés du roi Çouddhôdana, parlèrent ainsi : Ne te mets pas en peine, ô roi ; reste en repos sans t’inquiéter, car nous préparons la demeure du Bôdhisattva. Alors Çakra, le maître des dieux, s’étant approché du roi Çouddhôdana, parla ainsi :

15. C’est une pauvre demeure, celle des (quatre grands rois) gardiens (du monde) ; celle des Trayastrimçats est supérieure. Je donne au Bôdhisattva une demeure pareille au Vâidjayanta.

Ensuite Souyâma, le fils d’un dieu, s’étant approché du roi Çouddhôdana, parla ainsi :

16. Après avoir vu ma demeure, dix millions de Çakras ont été remplis d’admiration ; la demeure fortunée de Souyâma, Je la donne au Bôdhisattva. Alors Santouchita le fils d’un dieu, s’étant approché du roi Couddhôdana, parla ainsi :

17. La demeure où a séjourné précédemment, chez les Touchitas, le très glorieux, cette demeure délicieuse je la donne au Bôdhisattva. Alors Sounirmita le fils d’un dieu, s’étant approché du roi Couddhôdana, parla ainsi :

18. Un séjour fortuné, rêve réalisé, formé de choses précieuses, je le présenterai au Bôdhisattva, pour lui rendre hommage.

Alors Paranirmitta Vaçavartin le fils d’un dieu, s’était approché du roi Çouddhôdana, parla ainsi :

19. Toutes tant qu’elles sont, ces demeures qui s’arrêtent à l’endroit qu’on désire, quoique belles, par les splendeurs de ma demeure sont complètement éclipsées.

20. Je l’offre, cette demeure fortunée formée de choses précieuses et splendide : pour rendre hommage au Bôdhisattva, je l’amènerai, ô roi.

21. Elle est toute remplie de fleurs divines, embaumée de parfums divins, la demeure spacieuse que j’offrirai et où la reine demeurera.

C’est ainsi, Religieux, que, par tous les maîtres des dieux Kâmâvatcharas, pour rendre hommage au Bôdhisattva, dans la première des cités, appelée Kapila, les demeures de chacun d’eux furent offertes. Mais le roi Çouddhôdana fit construire une demeure dépassant l’ouvrage des hommes sans égaler celui des dieux. Là, le Bôdhisattva, par la puissance du grand arrangement de la contemplation, fit paraître Mâyâ-Dêvî dans toutes ces demeures. Pendant le temps que le Bôdhisattva demeura dans le sein de sa mère, il resta assis les jambes croisées du côté du flanc droit. Et tous ces maîtres des dieux se disaient, chacun à part : C’est bien dans ma demeure que la mère du Bôdhisattva habite et pas ailleurs. Ici, il est dit :

22. En se tenant dans le grand arrangement de la contemplation, après que des choses incompréhensibles ont été faites par un pouvoir surnaturel, tous les dieux ont eu leur dessein accompli, et alors (aussi) le désir du roi a été rempli.

Alors, dans cette assemblée de dieux, ceci vint à la pensée de quelques-uns des fils des dieux : puisque tous, tant qu’ils sont, les fils des dieux Tchàtour-Mahâràdja-Kâyikas eux-mêmes, le corps humain avant une mauvaise odeur, s’éloignent avec dégoût, à plus forte raison, les autres plus élevés qu’eux, (tels que) les Trayastrimçats, ou les Yàmas, ou les Touchitas ; comment donc le Bôdhisattva élevé au-dessus de tous les mondes, qui est pur et sans odeur désagréable, la perle des êtres, descendu du Santouchita le séjour des dieux, reste-t-il dans un corps humain à l’odeur mauvaise, pendant dix mois (lunaires) dans le sein d’une mère ?

En ce moment, par le pouvoir du Bouddha 1, Ananda parla ainsi à Bhagavat : Il est étonnant, Bhagavat, combien est sujet au blâme le sexe féminin, comme cela a été dit par Je Tathàgata, et combien il est travaillé par la passion. Mais ceci, Bhagavat, est encore plus étonnant : comment donc, en etïet, Bhagavat élevé au-dessus de tous les mondes, autrefois, quand il était un Bôdhisattva, étant ainsi descendu de la demeure divine du Touchita, dans un corps humain à l’odeur désagréable, s’est-il toujours tenu du côté droit dans le sein de sa mère après y être entré ? Je ne puis me résoudre à le dire, comme cela a été déclaré par Bhagavat.

Bhagavat dit : Veux-tu, Ananda, voir le Ratnavyoùha (arrangement des joyaux, qui fut la) propriété du Bôdhisattva, qui fut celle du Bôdhisattva entré dans le sein de sa mère ?

Ânanda dit : C’en est le temps, Bhagavat ! Sougata, c’en est le moment ! Que le Tathùgata nous montre la propriété du Bôdhisattva, et après l’avoir vue nous aurons de la joie.

Alors Bhagavat fit un signe tel, que Brahmâ, le maître des Sahas, avec soixante-huit mille Brahmâs, ayant disparu du monde de Brahmâ, se tint en présence de Bhagavat ; puis, après avoir salué les pieds de Bhagavat avec sa tête, et avoir fait trois fois le tour de Bhagavat en présentant le côté droit, les mains jointes et s’inclinant, se tint à côté.

Alors Bhagavat l’ayant reconnu, parla ainsi à Brahmâ, le maître des créatures (Sahâmpati) : Elle a été prise par toi, cette propriété de moi étant Bôdhisattva, laquelle a duré dix mois, pendant le séjour dans le sein d’une mère.

Brahmâ dit : Cela est ainsi, Bhagavat ; cela est ainsi, Sougata. Bhagavat dit : Où est-elle, maintenant, ô Brahmâ ? montre-la. Brahmâ dit : Elle est dans le monde de Brahmâ.

Bhagavat dit : Eh bien, toi, Brahmâ, montre-la cette propriété du Bôdhisattva, laquelle a été, pendant dix nmis, celle du Bôdhisattva. On connaîtra comment elle était construite.

1 Cette interruption d’Ananda est bien postérieure aux événements dont il est question ici. Elle eut lieu quand le Bouddha racontait sa vie à ses disciples, dans la ville de Çrâvasti, et pour amener un éclaircissement sur cette circonstance de sa descente parmi les hommes qui étonnait les dieux. C’est Ananda qui était chargé de la rédaction des Soûtras, dont le Lalitavistara fait partie, et il était naturel qu’il voulût bien connaître les événements qu’il était chargé de raconter aux fidèles.

Alors Brahmâ le maître des créatures, dit ceci aux (dieux) Brahmâs : Que vos seigneuries restent jusqu’à ce que j’amène la prospérité du Bôdhisattva. Et alors Brahmâ, le maître des créatures, ayant salué avec la tête les pieds de Bhagavat, disparut de sa présence et se rendit, à l’instant même, dans le monde de Brahmâ. Puis, Brahmâ, le maître des créatures dit à Soubralimâ, le fils d’un dieu : Ami, va ! À partir de ce monde de Brahmâ jusqu’à la demeure des Trâjastrimçats, élève la voix et fais entendre cette parole : Le Ratnavyoûha, propriété du Bodhisattva, nous l’apporterons en présence du Tathâgata. Quiconque d’entre vous est désireux de le voir, qu’il s’approche promptement !

Alors Brahmâ, le maître des créatures, avec quatre-vingt-quatre mille centaines de mille de Niyoutas de Kôṭis de dieux, ayant pris le Ratnavyoûha, propriété du Bodhisattva et l’ayant placé dans un palais mobile de Brahmâ, de l’étendue de trois cents yodjanas, après l’avoir fait entourer de tous côtés par plusieurs centaines de mille de Niyoutas de Kôtis de dieux, la fit descendre dans le Djamboudvîpa.

Et en ce moment il y eût une grande réunion de dieux Kâmâvateharas pour aller auprès de Bhagavat. Et ce Ratnavyoûha, propriété du Bodhisattva, fut bien orné de vêtements divins, de guirlandes divines, de parfums divins, de fleurs divines, de musiques divines, d’agréments divins, en même temps qu’il fut entouré par les dieux renommés pour leur grande puissance.

Le maître des dieux Çakra, se tenant sur le grand Soumêrou, au milieu de l’Océan, de loin, qui, après avoir donné sa main pour ombrelle à son visage, regardait avec la tête de côté, et en clignant de l’œil, ne put rien voir. Pourquoi cela ? C’est que les dieux Brahmâs sont renommés pour leur grande puissance, et que les Trayastrimçats, les Yamas, les Nirmânaratis et les Parinirmitavaravartins étant inférieurs, à plus forte raison, Çakra le maître des dieux ainsi qu’eux sont tout troublés.

Alors Bhagavat fit cesser les accords de la musique des dieux. Pourquoi cela ? C’est qu’en les entendant les hommes du Djamboudvîpa deviendraient fous.

Alors les quatre grands rois étant aller trouver Çakra, le maître des dieux, parlèrent ainsi : Comment ferons-nous, maître des dieux ? Nous ne pouvons parvenir à voir le Ratnavyoûha, propriété du Bodhisattva.

Çakra leur dit : Que ferai-je moi-même, amis, car moi aussi, je ne puis parvenir à le voir. Mais cependant, amis, quand il sera apporté en présence de Bhagavat nous le verrons.

Ceux-ci dirent : Eh bien, maître des dieux, fais donc en sorte que vite on puisse le voir.

Çakra dit : Amis, attendez un instant que ces fils des dieux, les plu ? éminents entre les plus éminents, réjouissent Bhagavat (par leurs discours). En conséquence, se tenant d’un seul côté, ils regardaient Bhagavat.

Eu ce moment Brahmâ, le maître des créatures, avec quatre-vingt-quatre centaines de mille de Niyoutas, de Kôtis de dieux, ayant pris le Ratnavyoûlia (qui fut la) propriété du Bôdhisattva, le fit arriver à l’endroit où était le Tathâgata.

Et en ce moment encore, le Ratnavyoûha, propriété du Bôdhisattva, est d’une belle forme, agréable, beau à voir, quadrangulaire, appuyé sur quatre piliers, en dessus bien orné d’un étage, dont la proportion est, en hauteur, celle d’un enfant né depuis six mois. Et de plus, au milieu de cet étage, le siège préparé est comme le tabouret pour asseoir un enfant de six mois.

Et, de plus, ce Ratnavyoûha, propriété du Bôdhisattva, est d’une couleur et d’une forme telles que, dans le monde réuni à celui des dieux, à celui de Brahmâ, à celui du démon, il n’y a rien de pareil pour la forme etla couleur.

À sa vue les dieux furent remplis d’admiration, et leurs yeux furent éblouis. Amené en présence du Tathâgata, il brillait, éclairait et resplendissait. Comme, par exemple, l’or fondu par un ouvrier habile, mis en état de pureté complète, est exempt de tout défaut ou souillure, de même, en ce moment, brille l’étage (du Ratnavyoûha). Et de plus, Religieux, dans (cet étage qui est) la propriété du Bôdhisattva, un siège est préparé dont il n’existe pas, dans le monde des dieux, de pareil par la couleur ou la forme, excepté le cou du Bôdhisattva, aux plis pareils à ceux d’une coquille. Et le vêtement du grand Brahmâ qui fut déployé, auprès du siège du Bôdhisattva ne brilla plus, comme par exemple, la peau d’une gazelle noire battue par les vents et la pluie.

Et cet étage, fait de l’essence de sandal des Ouragas, est tel, qu’un seul grain de sa poussière est égal à la valeur de mille mondes, tellement il est enveloppé de tous côtés de l’essence de sandal des Ouragas.

Exactement pareil, un second étage est construit dans le premier auquel il n’adhère pas et n’est pas attaché. Dans ce second étage même, un troisième étage exactement pareil se trouve, et c’est dans ce troisième étage des parfums que le siége est placé et bien abrité. Et de cette essence de sandal des Ouragas la couleur est telle, par exemple, que celle du lapis-lazuli le plus pur. De plus, au-dessus et autour de cet étage des parfums, tout ce qu’il y a de Heurs surpassant les autres, naissaient là, obtenues par la maturité complète de la racine des mérites antérieurs du Bôdhisattva.

Et encore, ce Ratnavyoûha, propriété du Bôdhisattva, d’une essence solide, indestructible, pareille au diamant, est doux au toucher comme un vêtement de Kâtchilindi. Et encore dans ce Ratnavyoûha, propriété du Bôdhisattva, quels qu’ils soient, les arrangements des demeures des dieux Kâmâvatchàras s’y voient tous.

Et la nuit même où le Bôdhisattva entra dans le sein de sa mère, cette même nuit, s’élevant de la masse des eaux inférieures, en ouvrant la grande terre dans une étendue de soixante-huit millions de Yôdjanas, un lotus s’éleva jusqu’au monde de Brahmâ. Et personne ne vit ce lotus, excepté le meilleur des hommes leur guide, ainsi que le grand Brahmâ qui commande à un million d’êtres. Et tout ce qu’il y a ici-bas, dans la substance élémentaire des trois mille grands milliers de mondes de force, d’essence, ou de quintessence, tout cela fut rassemblé dans le grand lotus en goutte de miel. Le grand Brahmâ, Tayaut mise dans un beau vase de lapis-lazuli la présenta au Bôdhisattva. Le Bôdhisattva l’ayant prise, la but par bonté pour le grand Brahmâ. Il n’y a pas un être dans la multitude des êtres, par lequel cette goutte d’élixir étant bue, elle puisse être aisément digérée, à l’exception d’un Bôdhisattva qui en est à sa dernière existence et qui a rempli toutes les (conditions des) terres d’un Bôdhisattva.

Et par la maturité complète de quelle œuvre cette goutte d’élixir fut-elle le partage du Bôdhisattva ? C’est que, pendant le long espace de temps où, antérieurement, il avait mené la conduite d’un Bôdhisattva, des médecines avaient été données aux malades par le Bôdhisattva, des êtres remplis d’espoir l’espoir avait été complètement rempli ; c’est que ceux qui étaient [venus en refuge n’avaient pas été abandonnés ; c’est que toujours, [après avoir donné les prémices des fleurs, les prémices des fruits, les prémices des mets aux Tathâgatas, aux Tchâityas des Tathâgatas et aux assemblées de Çrâvakas, à ses pères et mères, ce n’est qu’après cela qu’il en avait joui lui-même. Par la maturité complète de cette œuvre, le grand Brahmâ offrit au Bodhisattva cette goutte de miel.

Et de plus, dans cet étage, tout ce qu’il y a de plus éminent entre les plus éminents de rassemblé (comme) : qualités de l’illusion, plaisirs et jeux, on voit tout cela y apparaître par la maturité complète de l’œuvre antérieure du Bodhisattva.

Et encore, dans ce Ratnavyoûha, propriété personnelle du Bodhisattva, est apparu un assortiment de vêtements nommé Çatasahasravyoûha (arrangement de cent mille) ; et il n’y a pas un être, dans la multitude des êtres, pour lequel il se produise, excepté pour un Bôdhisattva qui en est à sa dernière existence.

Et il n’y a, excellents entre les excellents, ni forme, ni son, ni odeur, ni goût, ni contact qui ne se trouve dans cet étage.

Et la propriété de cet étage est tellement accomplie que, à l’intérieur et à l’extérieur, elle est faite de manière à être douce comme, par exemple, un vêtement de Katchilindi doux au toucher. Et aussitôt qu’on l’a vue, il n’y a plus de comparaison à faire avec elle.

Et ceci est vraiment la condition de la loi, laquelle est remplie par l’effet de l’intention exprimée par une prière antérieure. Il faut que le Bodhisattva Mahâsattva naisse dans le monde des hommes ; puis, après être sorti de la maison (paternelle) et s’être revêtu de la qualité parfaite et accomplie d’un Bouddha, il faut qu’il fasse tourner la roue de la loi. Et dans le sein de la mère où il a fait son entrée, au côté droit même de ce sein, est élevé un Ratuavyoùha et un étage y est élevé. Après que le Bodhisattva est descendu du Touchita, il se tient assis, les jambes croisées, car le corps d’un Bodhisattva qui en est à sa dernière existence, n’apparaît pas comme un embryon faible et inerte, mais c’est au contraire doué de tous ses membres et parties des membres avec les lignes (du grand homme) qu’il se présente assis. Et la mère du Bôdhisattva, Màyà-Dèvi, vit en songe venir à elle le plus excellent des grands éléphants.

Et pendant qu’il (le Bodhisattva) était assis de cette manière, Çakra, le maître des dieux, les quatre grands rois, les vingt-huit chefs de l’armée des Yakchas, celui qui a nom Gouhyakâdhipati, duquel est issue la race des Yakchas Vadjrapâṇis, ayant appris que le Bôdhisattva était entré dans le sein d’une mère, furent toujours et sans cesse attachés à sa personne. Il y a aussi, pour être les servantes du Bôdhisattva quatre déesses : Celle qui a nom Oastkhoulî, celle qui a nom Moutkkoulî, celle qui a nom Dkvadjavatî et celle qui a nom Prabhâvati. Ayant appris que le Bôdhisattva était entré dans le sein d’une mère, elles le gardaient toujours et sans cesse. Çakra aussi, le maître des dieux, avec des fils des dieux, au nombre de cinq cents, ayant appris que le Bôdhishttva était entré dans le sein d’une mère, toujours et sans cesse s’est attaché (à sa personne).

Du Bôdhisattva, entré dans le sein de sa mère, le corps était, comme, par exemple, est, sur le sommet d’une montagne, pendant la nuit noire et ténébreuse, une grande masse de feu qu’on voit (de la distance) d’un yôdjana, qu’on voit même de cinq yôdjanas, de même aussi, du Bôdhisattva entré dans le sein de sa mère, la personne était accomplie. Lumineux, beau, gracieux, agréable à voir, assis les jambes croisées dans cet étage, il brillait comme l’or pur incrusté de lapis-lazuli. Et la mère du Bôdhisattva voyait le Bôdhisattva entré dans son sein. Comme, par exemple, des éclairs en jaillissant d’un grand amas de nuages produisant une grande lumière, de même, le Bôdhisattva entré dans le sein de sa mère, par la majesté, l’éclat et la splendeur et la couleur, illumina ce premier étage des joyaux tout entiers ; et après l’avoir illuminé illumina le troisième étage des parfums et des joyaux ; et après avoir illuminé celui-ci, il illumina le corps tout entier de sa mère. Et après l’avoir illuminé, il illumina le siège où il était assis ; et après l’avoir illuminé, il illumina toute la demeure. Et, après avoir illuminé toute la demeure et être sortie par-dessus la maison, cette lumière illumina la région de l’est ; et, de même, les régions du midi, du couchant, du nord, du zénith, du nadir, chacun des dix points de l’espace, jusqu’à la distance d’un Krôça, le Bôdhisattva entré dans le sein de sa mère, les illumina par la majesté, la splendeur et la couleur.

Religieux, les quatre grands rois vinrent alors, ainsi que les vingt-huit grands chefs d’armée des Yakchas avec cinq cents Yakchas, au temps de la matinée, pour voir le Bôdhisattva, pnur le louer, le servir et entendre la loi. Alors le Bôdhisattva s’étant aperçu qu’ils étaient venus, étendit la main droite et avec un doigt leur montra des sièges. Ces gardiens du monde et les autres s’assirent donc sur les sièges préparés. Ils virent le Bôdhisattva entré dans le sein de sa mère avec un corps comme de l’or, remuant la main, l’agitant, l’étendant. Et remplis de joie, d’allégresse et de bien -être, ils adressèrent leur hommage au Bôdhisattva. En les voyant assis, le Bôdhisattva les instruisit par un discours de la lui ; il la leur lit comprendre, les encouragea et les remplit de joie. Et quand ils ont le désir de partir, le Bôdhisattva ayant alors, par la seule pensée, connu leur pensée, il leur donna le signal du départ en étendant la main droite ; après l’avoir étendue il la retira et ne blessa pas sa mère.

Alors il vint à la pensée des quatre grands rois : Nous sommes congédiés par le Bôdhisattva. Et tournant trois fois, en présentant la droite, autour du Bôdhisattva et de sa mère, ils se retirèrent.

Voilà la cause, voilà l’effet produits parce que le Bôdhisattva, pendant la nuit tranquille, après avoir étendu la main droite la retira. Et après l’avoir retirée, ayant le souvenir et la science, il la tint immobile.

De plus, lorsque d’autres, quels qu’ils fussent, s’approchèrent pour voir le Bôdhisattva, femme ou homme, jeune garçon ou jeune fille, le Bôdhisattva, tout d’abord, les remplit de joie, et ensuite ce fut la mère du Bôdhisattva (qui les réjouit).

Ainsi, Religieux, le Bôdhisattva, étant entré dans le sein de sa mère, était habile à faire plaisir à tous les êtres ; pas un être, Dieu ou Nâga ou Yakcha, homme ou non homme, qui ait pu le premier dire une parole agréable au Bôdhisattva ; au contraire, c’est le Bôdhisattva lui-même qui, tout le premier les réjouit, et, ensuite la mère du Bôdhisattva.

Cependant, le temps de la matinée étant passé et l’heure de midi arrivée, Çakra, le maître des dieux, et parmi les fils des dieux Trayastrimçats, les plus éminents entre les plus éminents, s’approchèrent pour voir le Bôdhisattva, pour lui rendre hommage, pour le servir et pour entendre la loi. Le Bôdhisattva les ayant vus venir de loin, après avoir étendu son bras droit couleur d’or, remplit de joie Çakra, le maître des dieux et les dieux Trayastrimçats, puis, avec un doigt, il leur montra des sièges. Et, Religieux, Çakra ne put refuser l’invitation du Bôdhisattva ; il s’assit ainsi que les autres fils des dieuSsur les sièges ainsi préparés. Le Bôdhisattva, après avoir vu qu’ils étaient assis, les instruisit par un discours sur la loi ; il la leur fît comprendre, les encouragea et les remplit de joie. Et du coté où le Bôdhisattva étendait la main, était tournée la mère du Bodhisattva. Alors il vint à la pensée de ceux-ci : Le Bôdhisattva s’entretient agréablement avec nous. Et chacun à part se disait : C’est avec moi que le Bôdhisattva converse, c’est avec moi-même qu’il s’entretient agréablement.

De plus, dans cet étage, se voit l’image réfléchie d’Indra et des dieux Trayastrimçats. Et il n’y a certainement nulle part un domaine d’un Bôdhisattva comme celui du Bôdhisattva entré dans le sein de sa mère. Et, Religieux, lorsque Çakra, le maître des dieux, et les fils des dieux autres que lui, eurent le désir de s’en aller, le Bôdhisattva ayant alors, avec sa pensée, reconnu le fond de leur pensée, ayant levé la main droite, l’étendit. Après l’avoir étendue et retirée, ayant le souvenir et la science, il la tint immobile, et ne blessa pas sa mère.

Alors il vint à la pensée de Çakra le maître des dieux, et des autres dieux Trayastrimçats : Nous sommes congédiés par le Bôdhisattva ; et, après avoir fait trois fois le tour du Bôdhisattva et de sa mère, ils se retirèrent.

L’heure de midi étant passée. Religieux, et l’après-midi étant venue, Brahmâ, le maître des créatures, entouré et précédé de plusieurs centaines de mille de fils des dieux, ayant la goutte divine d’élixir, s’approcha de l’endroit où était le Bôdhisattva, pour le voir, pour lui rendre hommage, pour le servir et entendre la loi.

Religieux, le Bôdhisattva ayant connu que Brahmâ, le maître des créatures, s’approchait avec sa suite, étendit de nouveau la main droite de la couleur de l’or, les remplit de joie par ses paroles, et avec un doigt leur montra des sièges. Et il n’y eût pas, Religieux, possibilité pour Brahmâ, le maître des créatures, de refuser l’invitation du Bôdhisattva. Religieux, Brahmâ, le maître des créatures, s’assit donc avec les autres fils des dieux Brahmalvâyikâs sur les sièges préparés. Le Bôdhisattva ayant vu qu’ils étaient assis, les instruisit par des discours sur la loi, il la leur fit comprendre, les exhorta et les combla de joie. Et du côté où le Bôdhisattva étendait la main droite, Màyâ-Dèvî était aussi tournée de ce côté. Alors il vint à la pensée de chacun d’eux : C’est avec moi que le Bôdhisattva converse ; c’est moi-même qu’il réjouit par ses paroles.

Et lorsque Brahmâ, le maître des créatures, et les autres fils des dieux Brahmakàyikas eurent envie de s’en aller, le Bôdhisattva, ayant alors connu par la pensée quel était le fond.de leur pensée, ayant levé le bras droit pareil à l’or, retendit ; et, après l’avoir étendu, le retira. En l’étendant et en le retirant, en l’étendant pour le signal du départ, il ne blessa pas sa mère.

Alors il vint à l’esprit de Brahmâ, le maître des créatures, et des autres fils des dieux Brahmakàvikàs : Nous sommes congédiés par le Bôdhisattva. Et après avoir tourné trois fois autour du Bôdhisattva et de sa mère, en présentant le côté droit, ils s’éloignèrent. Le Bôdhisattva ayant le souvenir et la science, tint sa main immobile.

Et ensuite, Religieux, de l’orient, du midi, du couchant et du nord, du zénith, du nadir, de partout des dix points de l’espace, plusieurs centaines de mille de Bôdhisattvas vinrent pour voir le Bôdhisattva, pour lui rendre hommage, pour le servir, pour entendre la loi et chanter les cantiques de la loi. Pendant qu’ils venaient, le Bôdhisattva ayant fait jaillir de son corps des rayons de lumière, les changea eu trônes, et après ce changement, fit asseoir les Bôdhisattvas sur ces sièges. Et ayant vu qu’ils étaient assis, il les interrogea, les fit (lui) adresser des questions, après avoir pris pour sujet le développement du grand véhicule. Et personne ne le voyait excepté les fils des dieux ayant une destinée égale. Voilà la cause, voilà l’effet, produits parce que le Bôdhisattva, pendant la nuit tranquille, fit jaillir de la lumière de son corps.

Et, Religieux, Màya-Dèvî, pendant que le Bôdhisattva était dans son sein, ne sentit pas de pesanteur en son corps, mais au contraire de la légèreté, du bien-être, du plaisir, et n’éprouva pas de douleurs d’entrailles. Ni la souffrance de la passion, ni la souffrance de la haine, ni la souffrance du trouble ne la fit souffrir. Elle ne fut pas aux prises avec la délibération du désir ou la délibération de la malveillance ou la délibération de la méchanceté.

Ni froid, ni chaud, ni faim, ni soif, ni passion, ni corruption naturelle, elle n’éprouva et ne vit rien de pareil. Et rien de désagréable comme forme, son, odeur ou contact, ne se présenta à elle. Elle n’eut pas de rêves répréhensibles, Elle ne fut sujette ni à la coquetterie féminine, ni à la ruse, ni à l’envie, ni à la corruption naturelle féminine. Et de plus, en ce moment, la mère du Bôdhisattva, adonnée aux cinq règles de la discipline, ayant une bonne conduite, était affermie dans la voie des dix actions vertueuses. Et jamais la mère du Bodhisattva n’eut la pensée d’un désir pour aucun homme, pas plus qu’aucun homme n’en eut à l’égard de la mère du Bôdhisattva.

Et, quels qu’ils fussent, dans la grande ville nommée Kapila, la meilleure des villes, et les autres pays habités, femmes, hommes, jeunes gens ou jeunes filles, de l’esprit desquels s’était emparé un dieu, un Nâga, un Yakcha, un Gandharba, un Asoura, un Garoudas ou un Bhoiita, tous aussitôt qu’ils curent vu la mère du Bôdhisattva, revenant à eux, recouvrèrent la mémoire.

Et ceux qui n’étaient pas hommes, changèrent promptement de condition (d’existence). Et tous les êtres qui étaient atteints de diverses maladies nées de l’union du vent, de la bile et du flegme, tourmentés par le mal d’jeux, ou le mal d’oreille, ou le mal du nez, ou le mal de la langue, ou le mal des lèvres, ou le mal de dents, ou le mal de gorge, (ju l’enflure du cou, ou l’enflure de la poitrine, la lèpre, la gale, la consomption, la folie, l’épilepsie, la fièvre, le mal d’estomac, les maladies de la peau, etc., tous, aussitôt que la mère du Bôdhisattva eût étendu la main droite sur leur tête, ayant été délivrés de leurs maladies, s’en retournèrent chacun dans sa demeure. Enfin, Màyà-Dèvî, ayant enlevé une touffe d’herbe du sol de la terre la donna aux êtres languissants. Aussitôt qu’ils l’eurent touchée, ils furent délivrés de leurs maux sans qu’il en restât trace. Et quand Màyà-Dèvî regardait sou côté droit, elle voyait alors le Bôdhisattva entré dans son sein, comme, par exemple, sur le cercle bien pur d’un miroir, s^^ voit le contour du visage. Et à cette vue, satisfaite, contente, ravie, elle avait le cœur rempli de joie et d’allégresse.

Et aussi, Religieux, par la bénédiction du Bôdhisattva entré dans le sein de sa mère, toujours et sans cesse, nuit et jour, les instruments de musique des dieux se faisaient entendre, et des fleurs divines tombaient eu pluie. Les dieux produisaient la pluie en temps favorable ; en temps favorable aussi soufflaient les vents. En temps favorable les astres et les saisons accomplirent leurs révolutions ; le royaume fut dans l’abondance et le bien-être et sans aucun trouble. Et tous, dans la grande ville appelée Kapila, les Çâkyas et les autres êtres, mangeaient, buvaient, se réunissaient, s’amusaient, faisaient des aumônes et de bonnes œuvres, et, comme pendant une fête de quatre mois, passèrent agréablement leur vie dans les plaisirs. Quant au roi Çuuddhôdana, vivant en Brahmatchari, ayant mis de côté les affaires, parfaitement pur comme celui qui est allé vivre en pénitent dans la forêt, il ne s’occupait qu’à observer la loi.

Religieux, c’est doué de la manifestation d’une pareille puissance surnaturelle que le Bôdhisattva demeura dans le sein de sa mère.

Et alors Bhagavat dit à Âyouclimat Ananda : Vois-tu, Ananda, le Ratnavyoùha qui est la propriété du Bôdhisattva, et où le Bôdhisattva entré dans le sein de sa mère demeurait ? Ananda dit : Je le vois, Bhagavat, je le vois, Sougata. Le Tathâgata le fit voir à Ajonchmat Ananda, à Çakra, le maître des dieux, aux quatre gardiens du monde et à d’autres qu’aux dieux et hommes, et, à cette vue, tous furent satisfaits, contents, ravis, et leur cœur fut rempli de joie et d’allégresse. Et Brahmâ, le maître des créatures, ayant de nouveau emporté dans le monde de Brahmâ ce RatnavyoCdia, l’y déposa pour lui bâtir un Tchâitya.

Alors Bhagavat adressa de nouveau la parole aux Religieux : C’est ainsi que, par le Bôdhisattva, entré pour dix mois dans le sein de sa mère, trente-six Ayoutas (mille millions) de dieux et d’hommes furent complètement mûris dans les trois véhicules.

Et ici il est dit :

23. Quand le Bôdhisattva, le premier des êtres, fut entré dans le sein d’une mère, cette terre, avec ses forêts, fut ébranlée de six manières.

24. Une lumière de couleur d’or s’étant répandue, toutes les mauvaises voies furent purifiées ; remplies de joie les troupes des dieux (dirent) : Il sera le roi de la loi,

25. Bien posé dans le grand char orné d’un grand nombre de choses précieuses, c’est là, après y être monté, que se tient le héros, le meilleur des guides.

26. Rempli de sandal au parfum le plus suave brille (ce char) ; les trois mille mondes remplis de choses précieuses n’ont pas la moitié de sa valeur.

27. Dans les demeures des régions des trois mille grands milliers de mondes après les avoir traversées, s’est élevé le lotus de Gounâkâra, contenant la goutte d’élixir.

28. Ce (lotus) qui a l’éclat de la pureté, s’étant, le septième jour, élevé au monde de Brahmâ, Brahmâ, après l’avoir pris, on retira la goutte d’élixir, pour la porter au Bôdhisattva.

29. Et il n’y a pas, dans la collection des êtres, un seul qui l’ayant bue la digérât, excepté le Bôdhisattva à la belle conduite.

30. Formée de l’éclat des mérites de plusieurs kalpas, cette goutte d’élixir quand on s’en est nourri, le corps des êtres, leur pensée et leur connaissance deviennent purs.

31. Çakra, Brahmâ et les gardiens du monde, pour rendre hommage au guide (du monde), étant venus trois fois en présence du Bôdhisattva, 32. Et l’ayant loué et honoré, ont écouté la loi excellente ; après avoir fait trois fois le tour de sa personne, en présentant le côté droit, ils s’en vont tous comme ils étaient venus.

33. Les Bôdhisattvas, désireux d’entendre la loi, viennent de toutes les régions du monde ; assis sur des sièges lumineux, ils se voient

34. L’un l’autre, et, après avoir entendu la loi excellente du meilleur véhicule, s’en vont tous, le cœur joyeux, récitant une guirlande de louanges.

35. Et les femmes et les enfants qui alors étaient souffrants, hantés par les Bhoûtas, avaient l’esprit troublé, étaient nus et couverts de poussière,

36. Tous ceux-là aussi, à la vue de Mâyâ, reprenant possession de leurs esprits, doués de souvenir, de jugement et de conduite s’en vont, chacun dans sa demeure.

37. Et ceux qui, par l’union du vent, de la bile et du flegme, ou par le mal d’yeux, ou par le mal d’oreille, ont le corps et l’esprit tourmentés ;

38. Ceux qui sont frappés de maladies, d’espèces et d’origines diverses, quand la main de Mâyâ est imposée sur leur tête, sont délivrés de la fièvre.

39. Et de même, après que Mâyâ a pris à terre une touffe d’herbe et l’a donnée aux malades, tous sont délivrés de la fièvre.

40. Revenus à la santé, sans être changés, ils s’en vont, chacun à sa demeure, parce que, devenu le remède, le roi des médecins est entré dans le sein d’une mère.

41. Et lorsque Mâyâ-Dêvî regarde son corps, elle aperçoit le Bôdhisattva qui se tient dans son sein.

42. Comme la lune dans le ciel entourée des étoiles, c’est ainsi (qu’elle voyait) le guide (du monde), le Bôdhisattva orné de tous les signes (du grand homme).

43. Il n’y a, pour lui, ni affection, ni haine, ni trouble qui le tourmente ; ni amour, ni désir, ni envie, ni malveillance.

44. L’esprit satisfait, l’esprit joyeux, fixé dans le contentement et la quiétude, la faim, la soif, le chaud et le froid ne le tourmentent pas.

45. Sans être touchés, les instruments divins résonnaient sans cesse : il tombait une pluie de fleurs divines aux parfums les plus doux.

46. Les dieux regardent, ainsi que les hommes et ceux qui ne sont pas des hommes ; ils ne se heurtent ni ne se blessent l’un l’autre.

47. Les êtres se réjouissent et s’amusent ; ils donnent de la nourriture et des breuvages ; ils font entendre des cris de joie, joyeux et satisfaits qu’ils sont.

48. Tout le royaume est rempli do bien-être et sans trouble, car les dieux versent la pluie en temps favorable ; herbes, fleurs et plantes médicinales croissent en ce moment.

49. Dans la demeure du roi, pendant (sept jours et) sept nuits, il tomba une pluie de choses précieuses ; et tout ce qu’un être pauvre en prend, on le lui donne et il en jouit.

50. Il n’y a pas un être qui, après avoir été pauvre on souffrant, ne soit dans la joie comme un être qui serait dans le bois de Nandana, au sommet du Mérou,

51. Et le roi des Çâkyas, livré à la pratique du Jeûne, ne fait pas les affaires du royaume, occupé seulement de pratiquer la loi.

52. Entré dans le bois de la pénitence, il interroge Mâyâ-Dévi : Quelle espèce de bien-être éprouves-tu dans ton corps, toi qui portes le premier des êtres ?

Chapitre appelé : Descente dans le sein d’une mère, le sixième.