Le Lalita-Vistara, ou Développement des jeux/Chapitre V

Traduction par Philippe-Édouard Foucaux.
Texte établi par Musée Guimet, Paris (Annales du Musée Guimet, tome 6p. 40-53).

CHAPITRE V

Ainsi, Religieux, le Bôdhisattva ayant bien instruit cette grande assemblée de dieux par ce discours concernant la loi, la lui ayant bien fait comprendre, l’ayant bien exhortée, bien réjouie et rendue patiente, il parla ainsi à cette bienheureuse assemblée de dieux : Amis, j’irai dans le Djamboudvîpa. Autrefois, quand je pratiquais les pratiques d’un Bodhisattva, les êtres ont été par moi invités par les quatre sujets d’union : le don, les paroles affectueuses, l’accomplissement du but, la conformité du but. Amis, il ne serait pas convenable de ma part et ce serait manquer de reconnaissance si je ne me revêtissais pas de l’Intelligence parfaite et accomplie d’un Bouddha.

Cependant ces fils des dieux Touchitakâyikas tenant embrassés en pleurant les pieds de Bodhisattva, parlèrent ainsi : Noble Pouroucha, si tu n’y restes pas, ce séjour du Touchita ne brillera plus.

Alors le Bodhisattva répondit à cette grande assemblée de dieux : Celui ci, Mâitrêya Bodhisattva vous enseignera la Lui. Et le Bodhisattva ayant détaché de sa tête le bandeau et la tiare, les déposa sur la tête du Bôdhisattva Mâitrêya en disant : Noble Pouroucha, c’est toi qui, après moi, te revêtiras de l’Intelligence parfaite et accomplie d’un Bouddha.

Cependant, Religieux, le Bodhisattva ayant ainsi consacré le Bodhisattva Mâitrêya dans le séjour excellent du Touchita, s’adressa encore à cette grande assemblée de dieux : Compagnons, sous quelle forme puis-je entrer dans le sein d’une mère ? Alors quelques-uns dirent : Amis, c’est sous la forme humaine. D’autres dirent : sous la forme de Çakra. D’autres dirent : sous la forme de Brahmâ. D’autres dirent : sous la forme d’im grand roi. D’autreg dirent : sous la forme de Viiirravaiui. D’autres dirent : sous la forme de Ràhou. D’autres dirent : sous la forme d’un Gandharba. D’autres dirent : sous la forme d’un Kinnara. D’autres dirent : sous la forme d’un Mahôraga. D’autres dirent : sous la forme de Mahèçvara. D’autres diront : sous la forme de Tchandra. D’autres dirent : sous la forme de Soùrya. D’autres dirent : sous la forme d’un Garouḍa.

Alors un des fils des dieux Brakmakàyikas nommé Ougratèdjas qui, de Richi qu’il était dans une précédente naissance, avait transmigré et ne se détom’nait pas de l’Intelligence parfaite et accomplie, parla ainsi : Comme cela se trouve dans les livres des Brahmanco, Mantras, Vèdas et Castras, on sait sous quelle forme le Bôdhisattva doit entrer dans le sein d’une mère. Et quelli !’ est cette forme ? Ayant les grandes proportions du plus bel éléphant à six défenses, couvert d’un réseau d’or, très agréable, avec la tête très rouge et les tempes humides, beau et gracieux. En apprenant que telle est sa forme, un brahmane qui connait le sens des Vèdas et des Castras, prédira qu’il sera doué des trente-deux signes (du grand homme).

Ainsi, Religieux, le Bôdhisattva ayant examiné le temps de sa naissance, pendant qu’il était dans le séjour excellent du Touchita, fit apparaître huit signes dans la demeure pure du roi Gouddhodana. Lesquels (au nombre de) huit ? Les voici : Cette demeure fut sans herbe, sans troncs d’arbres morts, sans épines, sans gravier, sans sable, sans ordures, bien arrosée ça et là, bien purifiée de toute malpropreté, sans tourbillons poudreux, sans obscurité, sans poussière, sans mouches, sans guêpes, sans moustiques, sans papillons, sans serpents venimeux, remplie de fleurs, devenue unie comme la paume de la main. Tel est le premier signe précurseur.

Des troupes d’oiseaux qui demeurent sur rllimaat, le roi des montagnes : Patragouptas, perroquets, geais, Kôkilas, cygnes, hérons, paons, oies, Kounâlas, Kalabingkas, faisans, et bien d’autres aux ailes bariolées de belles couleurs, au chant agréable et doux, étant venus là dans hi demeure jiure du roi Çouddhodana, se posent sur les terrasses, les balustrades, les arceaux, Les œils-de-bœuf, les galeries et les toits du palais ; et pleins de joie et s’ébattant, ils témoignent leur allégresse, chacun par son chant. Tel fut le second signe précurseur.

Et ce qu’il y a, dans tous les jardins de plaisance, les parcs et bois de plaisance du roi Çouddhôdana, d’arbres divers à fleurs et à fruits et de saisons diverses, tous à la fois se couvrent de fleurs épanouies. Tel fut le troisième signe précurseur.

Et les étangs, dont l’eau sert à l’usage du roi Çouhdhôdana, tous tant qu’ils sont, sont remplis de lotus à mille feuilles, de la grandeur de la roue d’un char. Tel est le quatrième signe précurseur.


[Image à inclure]
Le roi Çouddhôdana au milieu de sa cour. (Bas-relief d’Amravati.) Ce bas-relief et les deux suivants sont sculptés sur la même pierre ; ils appartiennent au Muséum de la Société asiatique du Bengale, à Calcutta.


Et ce qu’il y a, dans la demeure pure du roi Çouddhôdana, d’espèces de mets : Beurre clarifié, huile, miel, jus de canne, sucre, quels qu’ils soient, quoique employés en abondance, ne s’épuisent pas. Tel est le cinquième signe précurseur.

Et ce qu’il y a, dans la demeure excellente et pure du roi Çouddhôdana, au milieu des grands appartements des femmes, de gros tambours, de tambours de terre (cuite), de tambours d’airain, de luths, de harpes, de flûtes, de théorbes, de cymbales, tous les instruments sans exception, rendent d’eux-mêmes, et sans être touchés, un son doux et mélodieux. Tel est le sixième signe précurseur.

Et ce qu’il y a, dans la demeure pure et excellente du mi Çouddhôdana de réceptacles où sont l’or, l’argent, les diamants, les perles, les lapis-lazulis, la nacre, le cristal, le corail et le reste des trésors, sans exception, s’étant ouverts, apparaissent purs, brillants et tout pleins. Tel est le septième signe précurseur.

Cette demeure fut éclairée de tous les côtés par une lumière parfaitement pure, effaçant les clartés du soleil et de la lune, et produisant le bien-être dans le corps et l’esprit. Tel est le huitième signe précurseur.

Mâyâ Dêvî s’étant baignée, ayant frotté son corps avec des onguents, couvert ses bras de divers ornements et revêtu les habits de fête ? les plus beaux et les plus fins ; remplie de contentement, de joie et de bonheur, entourée et précédée de dix raille femmes, s’étant approchée de la personne du roi Çouddhôdana assis à l’aise au milieu de la salle de concert, et s’étant assise à sa droite sur un siège d’honneur orné d’un réseau précieux, avec un visage riant et sans froncement de sourcils, parla au roi Çouddhôdana en ces Gâthâs :

1. Écoutez-moi, excellent Seigneur, protecteur de la terre ; la grâce que je vous demande aujourd’hui, accordez-la-moi. L’intention qui fait la joie de mon cœur apprenez-la de moi ; ayez le cœur joyeux et satisfait.

2. J’entreprends, Seigneur, la pratique d’une conduite austère, du jeûne et de la prostration des huit membres, avec une pensée de compassion pour le monde. Évitant de nuire aux êtres animés, ayant une pensée toujours pure, de même que je suis bonne pour moi-même, je fais de même pour les autres.

3. Ayant l’esprit bien éloigné du vol, ayant mis de côté l’orgueil et la convoitise, 6 roi, je n’obéirai pas, à tort, aux désirs. Demeurant dans la vérité, sans méchanceté, sans rudesse, je ne prononcerai jamais de vaines paroles opposées à la vertu.

4. Ayant abandonné la malveillance, la méchanceté, la haine, le trouble et l’orgueil, poignée de toute convoitise, satisfaite de ma fortune, agissant avec pureté, n’ayant pas un langage trompeur, sans envie, je marcherai dans la voie de ces dix œuvres vertueuses.

5. Seigneur des hommes, ne faites pas de moi un objet de désir, de moi qui me plais à observer les devoirs d’une conduite austère. Qu’il n’y ait rien de vous, ô roi, qui ne soit méritoire ; permettez-moi d’observer longtemps les devoirs d’une conduite austère et le jeune.

6. C’est mon désir, Maître des hommes, après être entrée promptement dans les appartements les plus élevés du palais où se perchent les cygnes, toujours entourée de mes amies, de me réjouir agréablement sur une couche semée de fleurs, douce et parfumée.

7. Qu’il n’y ait ni eunuques ni jeunes gens, qu’aucune femme vulgaire ne se tienne en ma présence ; qu’il n’y ait, pour moi, ni figure, ni son, ni odeur désagréables, mais que j’entende des sons doux et mélodieux.

8. Ceux qui sont arrêtés et liés, qu’on les délivre ; tous les hommes dépourvus de biens, faites-les riches. Donnez des vêtements, de la nourriture, des breuvages, des chars attelés et des chevaux pour manture, pendant cette semaine et pour la joie du monde.

9. Qu’il n’y ait ni dispute, ni querelles, ni paroles dures, mais de l’un à l’autre un esprit bienveillant, des pensées bienveillantes et charitables. Dans cette ville, que les hommes, les femmes et les enfants se réjouissent ensemble comme les dieux qui sont allés dans le Nandana :

10. Qu’il n’y ait pas de châtiment (par ordre) du roi, ni pour les grands, ni pour les petits ; ni oppression, ni menaces, ni coups ; avec un esprit calme, avec des pensées de bienveillance et douceur, ô roi, regardez toutes les créatures comme un fils unique.

11. Le roi, après avoir entendu ce discours très agréable, dit : Que tout cela soit, exactement suivant ton désir. Ce qui a été résolu par toi dans ta pensée, la grâce que tu demandes, je te l’accorde.

12. Et le meilleur des rois, ayant commandé, dit à sa propre suite : Au sommet du plus beau des palais, faites l’ornementation composée d’une profusion de belles fleurs, de parfums et de fumigations choisies, d’ombrelles et de banderoles, embellie par une rangée de Tâlas.

13. Que vingt mille hommes courageux dans les combats et diversement armés, tenant des flèches, des lances, des javelots et des épées, se tenant attentifs (à l’endroit) où l’on entend la voix des cygnes, fassent la garde, afin que la reine soit sans crainte.

14. Entourée de femmes, comme une fille des dieux, après s’être baignée et frottée d’onguents, le corps paré des plus beaux vêtements, au son des milliers d’instruments divins qui réjouissent le cœur, que la reine, étant montée, s’asseye comme une fille des dieux, sur la couche qui réjouit le cœur, aux pieds incrustés de divers joyaux de grand prix et toute couverte de fleurs variées.

15. Qu’elle reste sur sa couche après avoir détaché son diadème de pierres précieuses, comme une fille des dieux qui est allée dans le (jardin) Miçraka.

Cependant, Religieux, les quatre grands rois, Çakra le seigneur des dieux, Soujàma le fils d’un dieu, Santouchita, Sounirmita, Parinirraitta, Vaçavartin, Sàrthavàha le lils de Mâra, et Bralima le maître des créatures, et le Pourôhita Brahmôttara, et le Pourôhita Soubrahmà, Prabhâvyoùha et Abhâsvara, Mahèçvara Çouddhâvàsakàyika, Nichthâgata, Akanichtha et bien d’autres dieux par centaines de mille, s’étant rassemblés, se parlèrent ainsi l’un à l’autre : Amis, ce serait indigne de nous et manquer de reconnaissance, si nous laissions le Bodhisattva tout seul, sans second. Quel est celui de nous, amis, qui est capable de s’attacher au Bodhisattva toujours et sans cesse, quand il descendra (sur la terre), quand il demeurera dans le sein (de sa mère), quand il naîtra, lorsque, dans sa jeunesse il se livrera aux divertissements du jeune âge, quand il demeurera dans l’appartement des femmes et regardera leurs jeux, quand il s’en ira par le monde, quand il pratiquera des austérités, quand il s’approchera de Bôdhimanda, quand il vaincra le démon et se revêtira de l’Intelligence parfaite et accomplie d’un Bouddha, quand il tournera la roue de la loi, et cela, jusqu’à ce qu’il entre dans le Mahâ Parinirvâna, avec la pensée de lui être utile, avec une pensée d’affection, une pensée de bienveillance, une pensée d’amour, une pensée de sympathie, une pensée de mansuétude. Et en ce moment, ils prononcèrent cette Gâthâ :

16. Lequel de vous est capable de s’attacher à celui qui a la plus belle forme, avec un cœur toujours affectionné. Quel est celui qui désire augmenter beaucoup lui-même la splendeur de ses mérites, sa force et sa renommée ;

17. Celui dont le désir, dans la ville des dieux Tridaças, est de jouir sans cesse, par les qualités du désir, de plaisirs divins avec les plus belles Apsaras, s’attache à celui qui a le visage pareil à la lune sans tache :

18. Et veut aussi se réjouir dans la ville des dieux, dans le Mirraka, le plus beau et le plus agréable des jardins, où abondent les choses divines, rempli de fleurs, semé de poussière d’or, qu’il s’attache à celui qui a une splendeur sans tache. 10. Et celui dont c’est aussi le désir de se réjouir, en compagnie des femmes des dieux, dans un char superbe, dans le Nandana rempli de feuilles et de fleurs de Màndàrava, s’attache au grand homme.

20. Ou bien, s’il d’sire la souveraineté sur les (dieux) Yàmjas, ou être le seigneur des (dieux) Touchitas et digne des hommages du monde entier, qu’il s’attache à celui-ci dont la gloire est infinie.

21. Que celui qui désire dans la ville des (dieux) Nirraittas ou dans le séjour des (dieux) Vaçavartins, jouir de toute chose imaginée par l’esprit, qu’il s’attache à celui qui possède les qualités les plus élevées.

22. C’est le maître de Mâra (le démon), son esprit est sans tache ; il a de beaucoup dépassé toute science ; maître absolu du désir, il est parvenu à surpasser toute puissance. Que celui-là (qui a les désirs droits) s’en aille avec celui qui vient en aide.

23. Et aussi, celui dont le dessein est de dépasser la région du désir (Kâmadhâtou) et d’habiter la ville de Brahmâ, s’attache aujourd’hui au grand homme qui a la splendeur des quatre immensités.

24. Ou bien encore, que celui qui, parmi les hommes, a en vue le domaine excellent et étendu d’un (roi) Tchakravartin, s’attache à celui qui est une mine de joyaux, qui donne séeurKé et bien-être et possède d’abondants mérites.

25. Que même celui qui est un seigneur de la terre, fils de la plus noble race, ayant une grande quantité de grands biens, une "suite nombreuse, et qui est vainqueur des troupes de ses ennemis, aille avec celui qui vient en aide.

26. (Que celui qui désire) la beauté, les jouissances, la souveraineté, la gloire et la renommée, la force et les qualités, et les discours dignes d’être retenus quand on les a compris, aille auprès du savant qui a la voix de Brahmâ.

27. Que celui qui désire l’accomplissement des désirs divins et humains et tout le bonheur des trois mondes ; bonheur dans la contemplation, bonheur dans la solitude, s’attache au service du Seigneur de la loi.

28. Que celui qui désire abandonner la passion ainsi que le péché, et aussi mettre de côté la corruption naturelle, aille promptement auprès de celui dont l’esprit est calme, très calme, parfaitement calme, et dont l’esprit est dompté.

29. Que disciples ou non disciples, ainsi que les Pratyêka-Djinas, pour obtenir complètement la science de celui qui sait tout, et faire, avec les dix forces, entendre une voix comme celle du lion, s’en aille trouver le sage qui est un océan de qualités.

30. Que celui dont c’est le désir de détruire la mauvaise voie et d’ouvrir la bonne voie, celle de l’immortalité qui a huit sentiers, s’attache à celui qui, par la marche dans la route aux huit branches, met fin à la marche sur la route (de la transmigration).

31. Que celui qui désire honorer le Sougata et entendre la loi de celui qui est miséricordieux et obtenir aussi les qualités qui sont le partage de l’assemblée des fidèles, aille auprès de cet océan de qualités.

32. (Que celui qui désire) la destruction de la naissance, de la vieillesse et de la mort, et se délivrer du lien de la transmigration, s’attache à cet être pur semblable à la limite du ciel parfaitement pur.

33. Désiré, gagnant le cœur, agréable au monde entier, doué des meilleurs signes et de qualités, et qui veut délivrer soi-même et les autres, le sage qui est agréable à voir, qu’on aille le trouver.

34. Que le sage qui désire une bonne conduite, la contemplation et la science pour obtenir la délivrance complète, aille promptement trouver le roi des médecins, profond, difficile à voir, difficile à rencontrer.

35. Ces qualités et beaucoup d’autres sont pour le bonheur de ce qui est créé et pour la délivrance finale ; qu’on aille auprès du sage doué de toutes ces qualités, qui, pour l’accomplissement (de ces choses) a accompli ses vœux.

Après avoir entendu ce discours, cent quatre-vingt-quatre mille dieux Tchatour-Mahâ-râdjikas, cent mille dieux Trovastrinçats, cent mille Yâmas, cent mille Touchitas, cent mille Nirmânaratis, cent mille dieux Paranirmittavaçavartins, soixante mille dieux Mârakâyikas nés (dans cette condition) par l’effet de leurs mérites antérieurs, soixante-huit mille Brahmakâyikas, et plusieurs centaines de mille d’autres dieux, jusqu’aux Akauicktlias, se trouvèrent rassemblés. Et encore beaucoup d’autres iils des dieux, à l’orient, au midi, au couchant, au nord, au nombre de plusieurs centaines de mille, se trouvèrent rassemblés. Et les plus élevés d’entre ces fils des dieux, adressèrent ces Gâthâs à cette grande assemblée de dieux :

36. Écoutez bien ce discours, Seigneur des dieux, et telle qu’elle est, en ce moment, notre pensée arrêtée. Après avoir abandonné la richesse et les joies du désir et le bonheur suprême de la contemplation, attachons-nous à cet être excellent et pur.

37. Au moment où il descend dans le sein d’une mère et pendant qu’il y demeurera, rendons toutes sortes d’hommages au magnanime qui est digne d’hommages ; gardant bien celui qui est bien gardé par ses bonnes œuvres, lui dont un esprit corrompu n’obtient pas la rencontre.

38. Par des concerts de voix et d’instruments aux sons harmonieux, en célébrant les perfections et les qualités de cet Océan de qualités, nous rendons tout joyeux les dieux et les hommes ; et, en entendant cela, les créatures produiront la pensée de l’Intelligence.

39. Nous remplirons de fleurs la demeure du roi toute parfumée de la douce odeur de la fumée de l’Aloès noir : de telle sorte que, après avoir senti ces parfums, dieux et hommes soient délivrés de la fièvre, heureux et sans maladies.

40. Avec des fleurs de Mândârava, de Paridjâta, de Tchandra, de Soutchandra et de Sthala fraîches et brillantes, nous remplirons de fleurs la ville appelée Kapila, afin d’honorer celui qui est produit par le mérite de ses actions antérieures.

41. Tant qu’il demeurera dans le sein de sa mère, sans être souillé des trois taches, jusqu’à ce que celui qui met fin à la vieillesse et à la mort soit né ; aussi longtemps, avec un esprit bienveillant, nous serons attachés et rendrons hommage à celui qui a une intelligence supérieure.

42. Profits bien acquis et abondants seront ceux des dieux et des hommes qui verront celui-ci faisant sept pas et reçu par les mains de Çakra et de Brahmâ, cet être extrêmement pur baigné d’eau de senteur.

43. Tant qu’il fera les actions qu’on fait dans le monde et demeurera dans l’appartement des femmes, celui qui détruit la corruption du désir, et lorsqu’il sortira de la maison, après avoir complètement abandonné la royauté, aussi longtemps, avec un esprit bienveillant, nous serons attachés à lui.

44. Jusqu’à ce qu’il s’approche de Bôdhimanda ; jusqu’à ce que, après avoir pris de l’hei-be, il atteigne l’Intelligence, après avoir complètement vaincu le démon. Jusqu’à ce qu’il ait été ollicité par des centaines de mille de Brahmas de tourner la roue (de la loi) nous rendrons largement hommage au Sougata.

45. Jusqu’au moment où, après avoir fait l’œuvre d’un Bouddha, il vaincra des centaines de millions d’êtres des trois mille mondes, disciplinés pour l’immortalité, et s’avancera dans la route du Nirvana, dans la nature froide, jusque là, tous, nous ne quitterons pas le Rîchi à la grande gloire !

Cependant, Religieux, ceci vint à la pensée des filles des dieux de la région du désir, après qu’elles eurent vu la perfection du corps du Bodhisattva : Quelle sera donc la jeune femme qui portera (dans son sein) cet être pur excellent entre tous ? Et, remplies de curiosité et ayant pris ce qu’il y avait de meilleur entre les cassolettes, les fleurs, les guirlandes, les onguents, les lampes, les poudres parfumées et les vêtements, douées de corps divins qui ravissent le cœur, ayant pour appui la bénédiction qui est la récompense de la maturité des bonnes œuvres, ayant, en ce moment, disparu de la ville où demeurent les dieux, (et étant allées) dans la ville appelée Kapila, la plus belle des grandes villes, ornée de cent mille jardins, dans la demeure du roi Çouddhôdana, remplie de cygnes, dans le grand palais semblable à celui du maître des dieux, (ces femmes) portant des vêtements flottants, ornées de l’éclat sans tache des mérites, les bras chargés d’ornements divins, se montrant avec un doigt la reine Màyà-Dêvî reposant sur sa couche, se parlèrent l’une à l’autre en ces stances, en restant suspendues au milieu du cii lei

46. Des Apsaras qui sont dans la ville des immortels, après avoir vu la beauté du Bôdhisattva qui ravit le cœur, la pensée a été celle-ci : Quelle sera la femme qui sera la mère du Bôdhisattva ?

47. Et les mains pleines de fleurs et de guirlandes, elles s’approchèrent de la demeure du maître des hommes, un doute leur étant venu. Ayant pris des fleurs et des onguents et saluant respectueusement en joignant leurs dix doigts ;

48. Couvertes de vêtements flottants, ayant des formes gracieuses, après avoir salué avec les doigts de la main droite et avoir regardé la reine Mâyâ reposant sur sa couche, elles dirent : Examinez bien cette beauté humaine !

49. Nous qui, ici, avec satisfaction (nous disions) : C’est notre beauté à nous Apsaras, qui ravit le plus le cœur ; en regardant cette femme du seigneur des hommes, voyez, ils sont éclipsés nos corps divins !

50. Douée de qualités, elle est tout à fait digne d’être la mère du plus grand de tous les hommes. Comme une pierre précieuse est placée dans un beau vase, c’est la reine qui est ce vase pour le dieu des dieux !

51. De la paume de la main et de la plante des pieds jusqu’en haut, son corps qui ravit le cœur surpasse un corps divin ; l’œil ne se rassasie pas de le regarder, car il réjouit de plus en plus l’esprit et le cœur !

52. Comme la lune dans le ciel brille le beau visage de celle-ci, brille la splendeur de son corps. Comme le soleil sans tache, comme la lune brillante est l’éclat qui s’échappe du corps de celui-ci (le Bôdhisattva).

53. Comme l’or aux éléments purs dans la masse d’or natif, de même brille la beauté de la reine. Pareils à la grosse abeille noire sont ses cheveux, des boucles desquels s’échappe un doux parfum. Ses yeux sont semblables aux pétales du lotus ; ses dents pures comme les étoiles des cieux.

54. Son ventre peu développé a l’ondulation d’un arc. ses hanches sont larges et relevées, et sans qu’il y ait de jointure (apparentes) ; pareilles à la trompe d’un éléphant, ses cuisses et ses jambes ont le genou bien proportionné.

55. La paume de ses mains et la plante de ses pieds sont unies et vermeilles ; il est bien évident que c’est une fille des dieux et non une autre. Après avoir ainsi de plusieurs manières examiné la reine, jeté des fleurs et tourné trois fois autour d’elle en présentant le côté droit, et loué la mère glorieuse du victorieux, elles retournèrent aussitôt à la ville des dieux.

56. Ensuite les quatre gardiens des quatre points de l’espace, et Çakra, Souyània, ainsi que Xirmitta, les troupes des dieux, les Koumbhandas, les Râkchasas, les Asouras, les Mahôragas et les Kinnaras dirent :

57. Allez en avant du plus élevé des hommes ; faites la garde et protégez le plus excellent des hommes. N’accusez pas les créatures de vous avoir offensés ; ne faites rien de nuisible aux hommes.

58. Là, dans le meilleur des séjours où est Màyà-Dèvî, tous, avec les gens de sa suite, tenant à la main des arcs, des flèches, des javelots et des épées, vous tenant dans l’étendue des cieux, regardez avec attention.

59. Après avoir connu le temps Je la descente (du ciel Touchita par le Bôdhisattva) les fils des dieux venus en présence de Màyà, avec l’esprit joyeux, ayant pris des fleurs et des onguents et saluant en faisant l’andjali des dix doigts (joints, ils disent) :

60. Descends ! descends, Indra des hommes ! Être pur, c’est le moment pour ta noble personne, aujourd’hui, lion des orateurs ! Après avoir [conçu de la pitié et de la compassion pour le monde tout entier, écoute notre prière en vue du don de la Loi. Ensuite, Religieux, au temps de la descente du Bodhisattva, dans la réyiou de l’est, plusieurs centaines de mille de Bôdhisattvas, tous liés par une seule naissance, demeurant dans l’excellent séjour du Touchita, se rendirent à l’endroit où était le Bodhisattva, afin de lui rendre l’hommage. De même à chaque région des dix points de l’espace, plusieurs centaines de mille de Bôdhisattvas, tous liés par une seule naissance, et demeurant dans l’excellent séjour du Touchita, se rendirent à l’endroit où était le Bodhisattva afin de lui rendre hommage. Du milieu des dieux Tchatour-Mahâràdja-Kàyikas, quatre-vingt-quatre mille centaines de mille d’Apsaras, de même que du milieu des dieux Travastrimçals, Yamas, Touchitas, Nirmànaratis et Paranirmita-vaçavartins,


[Insérer l’image]
Le Bôdhisattva porté par les dieux descend du ciel Touchita.


quatre-vingt-quatre mille Apsaras, avec des concerts de voix et d’instruments de toutes sortes, se rendirent à l’endroit où était le Bodhisattva, afin délai rendre hommage.

Cependant, le Bôdhisattva s’étant, sur le trône Çrigarbha produit par tous les mérites, à la vue de tous les dieux et Nâgas, assis dans le palais à étages, accompagné par les Bôdhisattvas, les dieux, les Nâgas, les Yakchas, par centaines de millions, dont il est entouré et précédé, se mit à s’éloigner de la demeure du Touchita.

Et, Religieux, par le Bôdhisattva s’éloignant ainsi, fut projetée de son corps une lumière telle, que, par cette lumière, cette région du monde, composée de trois mille grands milliers, fut complètement remplie d’une lumière surpassant la lumière divine, abondante, répandue partout et qui, auparavant, n’avait jamais paru. Et aussi les espaces du monde où sont les pécheurs, enveloppés par les ténèbres du péché, plongés dans l’obscurité ; où ces deux (astres) le soleil et la lune, avec leur grande force et leur puissance extraordinaire, renommés par leur grande énergie, tous les deux n’éclairent pas et ne font pas briller la lumière par la lumière, la couleur par la couleur, la splendeur par la splendeur ; là où les êtres qui v' sont nés ne voient pas même leurs bras étendus, là même, en ce moment, il y eut d’une grande et majestueuse lumière. Et les êtres qui étaient nés là, étant enveloppés par cette lumière se virent parfaitement l’un l’autre et se reconnurent, et parlèrent ainsi : D’autres êtres sont nés ici certainement.

Au même instant les trois mille grands milliers de régions du monde furent ébranlées, avec six phénomènes et dix-huit grands signes ; furent ébranlées, fortement ébranlées, fortement ébranlées de tous côtés ; tremblèrent, tremblèrent fortement, tremblèrent fortement de tous côtés ; s’agitèrent, s’agitèrent fortement, s’agitèrent fortement de tous côtés ; résonnèrent, résonnèrent fortement, résonnèrent fortement de tous côtés ; retentirent, retentirent fortement, retentirent fortement de tous côtés ; à l’extrémité s’abaissèrent, au milieu s’élevèrent ; au milieu s’abaissèrent, à l’extrémité s’élevèrent ; à l’orient s’abaissèrent, ai couchant s’élevèrent ; au couchant s’abaissèrent, à l’orient s’élevèrent ; au sud s’abaissèrent, au nord s’élevèrent ; au nord s’abaissèrent, au sud s’élevèrent. En ce moment des cris de joie, de plaisir, de bonheur, d’allégresse et d’actions de grâces, dignes d’être entendus, dignes d’être loués, sans pareils, mélodieux, et éloignant toute crainte, furent entendus. En ce moment aucun être n’eût de mal, de crainte, de frayeur ni d’épouvante. En ce moment la splendeur du soleil et de la lune, de Çakra, de Brahmâ et des gardiens du monde ne fut plus visible. Tous les êtres infernaux, ou nés d’une matrice d’animal ou dans le monde de Yama, furent, en ce moment, délivrés de la souffrance et tous remplis de bien-être. Aucun être ne fut tourmenté par la passion, la haine, le trouble, l’envie ou la jalousie, ou l’orgueil, ou l’hypocrisie, ou la colère, ou la méchanceté, ou le chagrin ; tous les êtres, eu ce moment, eurent des pensées affectueuses et secourables, ayant les uns pour les autres l’affection d’un père et d’une mère.

Sans être touchés, cent millions d’instruments divins et humains firent entendre leurs ravissants accords. Des centaines de millions de dieux, avec leurs mains, leurs épaules et leurs têtes, portent le grand char divin. Cent mille Apsaras conduisant des chœurs de musique, et se tenant derrière, devant, à droite et à gauche, louent le Bôdhisattva par les chants de leurs concerts.

61. À toi, qui possèdes un amas de bonnes œuvres antérieures ; à toi, élevé par la vertu bien longtemps pratiquée ; à toi, purifié par la discipline de toute la loi, un grand hommage est offert aujourd’hui.

62. Autrefois, par toi, pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas, fils chéris, femmes, trésors ont été donnés ; de cette pratique de l’aumône, voilà le fruit, par lequel toutes ces fleurs sont répandues comme la pluie.

63. Après avoir pesé ta propre chair, Seigneur, tu l’as donnée par bonté à un oiseau qui avait faim et soif. De cette pratique de l’aumône, voilà le fruit par lequel le monde des Prêtas obtient de la nourriture et des breuvages.

64. Parce que, autrefois, pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas, tu as pratiqué la vertu sans violer tes vœux, le fruit de cette pratique de la vertu, c’est que les inquiétudes et les voies mauvaises ont été purifiées.

65. Autrefois, pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas, tu as médité sur la patience, base de l’Intelligence (suprême) ; le fruit de cette pratique de la patience, c’est que les dieux et les hommes sont devenus pleins de pensées de bienveillance.

66. Autrefois, pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas, tu as médité sur l’héroïsme pur que rien ne surpasse ; le fruit de la pratique de cet héroïsme, c’est que ton corps brille comme le (mont) Mérou.

67. Autrefois, pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas, tu t’es livré à la contemplation qui détruit la corruption naturelle ; le fruit de cette pratique de la contemplation, c’est que la corruption naturelle ne tourmente plus la créature.

68. Autrefois, pendant plusieurs dizaines de millions de Kalpas, tu as médité sur la sagesse qui détruit la corruption naturelle ; le fruit de la pratique de cette sagesse, c’est cette lumière sans égale qui brille.

69. Revêtu de l’armure de la mansuétude qui détruit la corruption naturelle, toi qui es venu par pitié pour tous les êtres, toi qui as obtenu la joie suprême, qui es patient, devenu pur, ô Sougata, hommage à toi !

70. Elevé par l’éclat de la lumière du flambeau de la sagesse, purificateur do tout ce qui est péché, ténèbres et folie, devenu l’œil conducteur des trois mille (mondes), indicateur de la route, ô Mouni, hommage à toi !

71. Habile dans la science excellente des fondements de la puissance surnaturelle, voyant la vérité, instruit du meilleur sens de la loi, après avoir passé, fais passer les autres créatures ; délivré de l’esclavage, ô Sougata, hommage à toi !

72. Habile en toute science et dans l’emploi des moyens, tu fais voir le changement d’existence de celui qui n’en changera plus. Tu te conformes aux lois du monde, mais tu n’es en aucune manière attaché au monde.

73. Te voir et t’entendre sera un profit suprême, inimaginable, pour ceux auxquels cela sera donné ; à plus forte raison, après avoir entendu de ta bouche l’essence de la loi et y avoir eu foi, il en naîtra une joie abondante !

74. Sombre est devenu tout entier le séjour du Touchita et le soleil s’est levé dans le Djamboudvipa, et il réveillera du sommeil de la corruption naturelle des centaines de mille d’êtres vivants que la pensée ne peut compter.

75. La ville grande et prospère sera aujourd’hui toute remplie par des centaines de mille de dieux. Les Apsaras, avec leurs instruments, feront, dans la maison du roi, entendre un agréable concert.

76. Remplie de l’éclat des mérites est la femme aux belles actions, douée d’une beauté suprême, de laquelle celui-ci est le fils accompli qui, dans les trois mondes, brille par sa majesté.

77. Désormais dans la meilleure des villes, plus de disputes ni de querelles entre les hommes par cupidité ou par haine ; tous auront un esprit de bienveillance, devenus respectueux par la majesté du plus grand des hommes.

78. La famille du roi s’augmente, elle qui a pour origine la race des rois Tchakravartins. La ville, appelée Kapila, dans sa prospérité, sera toute remplie d’un trésor de choses précieuses.

79. Pour les Yakchas, les Râkchasas, les Koumbhâkhas, les troupes des dieux et des Dânavas avec ceux de la suite d’Indra, qui se tiennent prêts à garder le plus grand des hommes, la délivrance viendra bientôt.

80. Après avoir loué le guide qui a acquis des mérites, nous tenant dans l’amour et le respect, tous nous mûrirons bientôt complètement comme toi pour l’intelligence suprême, ô le plus éminent des hommes !

Chapitre cinquième nommé : La mise en mouvement.