Le Jugement de Paris

Les Ailes d’or : poésies nouvelles, 1878-1880Bibliothèque-Charpentier (p. 162-163).

LE JUGEMENT DE PARIS

Quelque pasteur jaloux au lait clair de tes chèvres
Avait mêlé, sans doute, un enivrant poison,
Pour chasser de ton front aimable la raison
Et pour faire fleurir la sottise à tes lèvres,

Ô jeune homme qui, fier de ta virilité
Et des regards furtifs dont, sous le bois humide.
Te suit la nymphe ardente ou la vierge timide,
Oses, d’un prix mortel, honorer la beauté !

Téméraire berger, laisse tomber tes pommes ;
Sous la triple splendeur de ces corps blancs et nus,
Prosterne-toi, meurtri de frissons inconnus :
La terreur de la femme est ce qui nous fait hommes.

Garde-toi de juger laquelle, sous sa main.
Effeuillera le mieux tes fragiles années
Et, sans lever tes yeux, laisse les destinées
Vers la douleur d’aimer te choisir ton chemin !